Archives de l’auteur : Véronique Dujardin

Le retour de M. Mouton

La fin de M. Mouton? Photo de Philippe BaudelotIl y a quelques semaines, j’avais interprété, comme Philippe, cette apparition de M. Mouton (poitevin) comme une possible annonce de son départ. En fait, Grégory a sans doute la bonne réponse, il devait s’agir d’une réaction de nos moutons anarchistes à la mort de David Bowie… Ceux qui ont du mal avec son humour souvent corrosif devront encore supporter ses affichettes dans l’espace public (revoir l’index de ses précédentes apparitions), il continue à réagir à l’actualité.

M. Mouton dénonce l'annulation du festival des nuits romanesAinsi ce samedi (16 avril 2016) à Poitiers sont apparues avant le marché quelques affichettes A5 dénonçant la fin du festival des nuits romanes (« nuit de cristal pour nuits romanes / Kunst art » avec une caricature du président de la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes), un festival qui depuis 10 ans en Poitou-Charentes soutient la création artistique de qualité dans des lieux patrimoniaux, principalement romans, 165.000 visiteurs l’année dernière, touristes et locaux confondus au cours de l’été au cours de 170 soirées, des heures d’intermittence pour plus de 530 artistes et techniciens, des échanges riches avec les producteurs locaux grâce aux buffets gratuits (toujours) et offres payantes (souvent) pour un petit casse-croûte, une animation pour les lieux retenus, principalement des villages. Je vous avais déjà présenté le principe à l’occasion de la soirée Carabosse à Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux (nuits romanes 2011). Cette suppression brutale, à quelques semaines des spectacles déjà programmés, met dans l’embarras de nombreuses compagnies et fâche les maires qui devaient les accueillir… Après la presse locale (écrite, radio et télévisée) et des élus de tous bords politiques de l’ancienne région Poitou-Charentes, la presse nationale relaie l’information (journal de la culture sur France culture, Le Figaro, La Croix ou encore le Canard enchaîné,) depuis la semaine dernière, deux pétitions circulent en ligne, dont celle-ci. Un nouveau festival est annoncé timidement pour 2017, dans des lieux patrimoniaux, sur toute la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, mais que feront les artistes et les communes qui étaient retenus dans la programmation de cet été?

Pour rester dans la réaction politique, M. Mouton a ressorti ces anciens modèles anti-nucléaires lors de la venue, le 17 mars 2016, du ministre Emmanuel Macron à la centrale nucléaire de Civaux…

La centrale nucléaire de Civaux dans le département de la Vienne…oui, vous savez, cette centrale « très sûre » qui est construite sur un karst, a des problèmes avec la sécheresse comme avec les crues de la Vienne dans laquelle elle relâche allègrement du tritium, quand il ne part pas dans le karst comme lors de la fuite de tritium en janvier 2012, qui a donné lieu à un sérieux remontage de bretelle de l’autorité de sûreté nucléaire en février 2012

M. Mouton dans le labyrinthe nucléaireM. Mouton a réalisé de nouveaux modèles pour l’occasion, comme ce labyrinthe (un thème décliné pour d’autres sujets)… d’où il ne semble pas près de sortir!

As-tu confiance (dans le nucléaire demande M. Mouton)Il pose la question de la confiance dans le nucléaire…

M. Mouton contre les centrales de Chinon et CivauxEt d’autres moutons sont dominés par un loup avec le symbole du danger radioactif entre les dents, « beuvez toujours, mourrez jamais, Chinon, Civaux ».

La transition énergétique selon M. MoutonBon, allez, « la transition énergétique, c’est pour ton bien », le pistolet du loup sur la tempe du mouton.

Logo d'EnercoopJe vous rappelle que sur la quasi totalité du territoire national (mais pas dans la Vienne sauf à Poitiers et Châtellerault), vous pouvez comme moi choisir Enercoop, une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), mon fournisseur d’électricité (plus cher, c’est un choix!), le seul à garantir une énergie électrique sans apport du nucléaire.

L'arrestation violente d'une septuagénaire qui défend les arbres à Poitiers, vue par M. MoutonEn février, il avait aussi réagi très vite après l’arrestation musclée de Katia Lipovoï, une militante pacifiste de la ligue de protection des oiseaux, âgée de 74 ans et qui s’opposait à la coupe d’arbres dans le quartier de Beaulieu à Poitiers. La vidéo avait fait le tour de la toile et des médias (dont une interview décalée très drôle sur Europe 1). Elle était poursuivie pour outrages et violences à agents. L’épilogue a eu lieu hier, plaidant coupable, elle a écopé d’un rappel à la loi. M. Mouton, croqué par le loup (« mais que fait la police ») avait posé le débat ainsi : « État d’urgence à Poitiers, la France à peur. Une dangereuse terroriste septuagénaire de la L.P.O. attaque nos forces de l’ordre ».

Les courses de M. MoutonLe même jour était également apparu ce caddie, vive la société de consommation!

Mouton télévisé pour le 1er avrilDans un domaine plus léger, il a aussi créé un modèle pour le 1er avril sur l’un de ses thèmes préférés, la télévision et la consommation de masse (« t’es con toi », dit le poisson)…

A suivre probablement!

 

L’immeuble Yacoubian de Alaa el Aswany

Couverture de L'immeuble Yacoubian de Alaa el AswanyL'immeuble Yacoubian de Alaa el AswanyUne amie m’a prêté ce premier roman de Alaa el Aswany. Il a été porté à l’écran par Marwan Hamed en 2006 mais je n’ai pas vu ce film.

Le livre : L’immeuble Yacoubian de Alaa el Aswany, traduit de l’arabe (Égypte) par Gilles Gauthier, éditions Actes sud, collection Babel, n° 843, 336 pages, 2007, ISBN 978-2-7427-6934-6.

L’histoire : au Caire, des années 1930 au début du 21e siècle. Construit dans les années 1930 pour l’automobile club naissant, l’immeuble Yacoubian est le témoin de la vie de ses habitants, légaux ou moins (certains occupants de la terrasse). On croise le vieux libidineux avec son employé et sa maîtresse, le fils du concierge qui fait de brillantes études mais est exclu et qui finit par rejoindre un camp d’entraînement islamiste, le petit entrepreneur qui annexe peu à peu l’espace du toit, le gros entrepreneur qui paye pour devenir député, un couple d’homosexuels, quelques (!) verres d’alcool, …

Mon avis : même s’il a été écrit avant les printemps arabes, ce livre aborde de nombreux sujets qui sont pour partie à l’origine du ras le bol qui a amené aux révolutions plus ou moins pacifistes: viol des femmes par leur employeur (pour garder leur emploi, pour un complément de revenu), viol et torture des opposants politiques (ici les frères musulmans), corruption (de l’entrepreneur pour se faire élire député, des candidats au concours de police, …), la montée du terrorisme. L’auteur a d’ailleurs été menacé en 2012 par le nouveau régime en place, et les censeurs qui se sont attaqués il y a quelques semaines à Kamel Daoud (Meursault, contre-enquête) suite à sa tribune sur les viols du nouvel an 2016 à Munich feraient bien de lire ce livre qui met en avant le problème de la relation au sexe des hommes égyptiens (sauf peut-être le harcèlement dans les transports en commun, voir Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab). Dans le tableau que dresse Alaa el Aswany, rien n’est tout blanc ni tout noir, l’auteur mêle les points de vue, chacun semble avoir une bonne raison d’arriver là où il est, même l’étudiant devenu islamiste et bientôt terroriste, après avoir été violé en prison. La lecture est agréable, dressant au fil des pages un tableau d’une société miniature que l’on peut élargir à la société égyptienne.

Rentrée littéraire

Depuis plusieurs années, je participe à la lecture des livres parus d’août à octobre, dans le cadre de la rentrée littéraire… Je viens de faire une mise à jour pour mes lectures. Après une toute petite année 2013 avec mes problèmes de nerfs optiques, seulement 8 romans lus contre 20 à 25 les années précédentes, en 2014, avec mon visioagrandisseur maison, j’ai pu à nouveau lire au lit le matin, mon instant préféré! Si la typographie le permet et si le papier n’est pas trop transparent, j’arrive même à me passer de ma caméra pendant une trentaine de pages. J’avais pu lire 8 romans et 5 BD de la rentrée littéraire 2014. Cette année 2015, preuve que ça va mieux, et alors qu’il reste 3 gros mois, j’ai déjà lu 12 romans et un témoignage… sans compter quelques livres qui n’appartiennent pas à la rentrée littéraire. Voici la mise à jour de la page des liens!

Logo rentrée littéraire 2016En 2016, le projet de 1% rentrée littéraire est organisé par Hérisson et Léa. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2017 au moins 1% des 607 livres annoncés (une quinzaine de moins que l’année dernière, soit 6 livres) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2015, entre mi août et mi octobre. Outre la catégorie romans, on peut aussi chroniquer pour les catégories littérature jeunesse, essai et bandes dessinées. A suivre dans les prochains mois!

 

  1. Une nuit, Markovitch, de Ayelet Gundar-Goshen

Logo rentrée littéraire 2015En 2015, le projet de 1% rentrée littéraire est organisé à nouveau par Hérisson. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2016 au moins 1% des 589 livres annoncés (une quinzaine de moins que l’année dernière, soit 6 livres) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2015, entre mi août et mi octobre. Outre la catégorie romans, on peut aussi chroniquer pour les catégories littérature jeunesse, essai et bandes dessinées. A suivre dans les prochains mois!

  1. Tourner la page, de Audur Jónsdóttir
  2. La ballade du calame, de Atiq Rahimi
  3. Fox-trot, de Michel Quint
  4. Les bannis, de Laurent Carpentier
  5. Courir après les ombres, de Sigolène Vinson
  6. Les étrangères d’Irina Teodorescu
  7. Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor
  8. Il faut tenter de vivre, d’Éric Faye
  9. Les infâmes, de Jax Miller
  10. Le metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton
  11. Cœur tambour, de Scholastique Mukasonga
  12. À ce stade de la nuit, de Maylis de Kerangal

Catégorie essais, témoignages

  1. Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, d’Élise Boghossian

Logo rentrée littéraire 2014En 2014, le projet de 1% rentrée littéraire est organisé à nouveau par Hérisson. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2015 au moins 1% des 604 livres annoncés (50 de plus que l’année dernière, mais un peu moins qu’en 2012, soit 6 livres) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2014, entre mi août et mi octobre. Outre la catégorie romans, on peut aussi chroniquer pour les catégories littérature jeunesse, essai et bandes dessinées. A suivre dans les prochains mois!

Catégorie romans…

Catégorie bande dessinée

Logo du défi rentrée littéraire 2013 chez HérissonEn 2013, le projet de 1% rentrée littéraire est organisé à nouveau par Hérisson. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2014 au moins 1% des 555 livres annoncés (soit 5,5, moins de livres cette année, arrondis à 6…) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2013, entre mi août et mi octobre. Une toute petite saison pour moi à cause de mes problèmes dus à un méningiome.

En 2012, le projet de 1% rentrée littéraire est organisé à nouveau par Hérisson. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2013 au moins 1% des 646 livres annoncés (soit 6,5, moins de livres cette année, arrondis à 7…) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2012, entre le 18 août et fin octobre.

Logo rentrée littéraire 2011En 2011, le projet de 1% rentrée littéraire est repris par Hérisson. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2012 au moins 1% (soit 6,5, moins de livres cette année) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire 2011, entre le 18 août et fin octobre. C’est parti pour le troisième pour cent…

logo du chalenge 1% rentrée littéraire 2010En 2010, le projet de 1% rentrée littéraire est repris par Schlabaya,
qui m’a gentiment invitée à poursuivre l’aventure. Il s’agira de lire et chroniquer avant fin juillet 2011 au moins 1% (soit 7) des livres qui paraîtront dans le cadre de la rentrée littéraire
2010, entre le 12 août et le 29 octobre. J’ai franchi le troisième pour cent…

Hors défi (essais politiques) :

Logo du challenge du un pour cent rentrée littéraire 2009Ce challenge du 1 % rentrée littéraire 2009, organisé par la Tourneuse de page, prévoit de lire et chroniquer d’ici juillet 2010 au moins 7 livres parus entre le 13 août et le 28 octobre 2009. J’ai dépassé l’objectif maintenant…

1. Les Veilleurs de Vincent Message
2. La patience de Mauricette de Lucien Suel
3. Mon père est femme de ménage de Saphia Azzedine
4. Le dernier homme qui parlait catalan de Carles Casajuana
5. Peur noire de Harlan Coben
6. Le tailleur de pierre de Camilla Läckberg
7. Le dernier rêve de la colombe Diamant, d’Adrian Hyland
8. L’aiguille dans la botte de foin, d’Ernesto Mallo

Exposition Georges Rouault au musée Gustave Moreau à Paris

Façade du musée Gustave Moreau à ParisJe rentre d’une seconde virée à Paris en un mois (revoir ma précédente promenade parisienne en mars 2016), pour un ultime test positif de conduite  en condition réelle au centre d’évaluation des capacités de conduite automobile à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, il ne me reste plus qu’à voir le médecin agréé de la préfecture et le médecin du travail tourner une page dans l’histoire de mes méningiomes (la rééducation paye aussi avec des résultats très positifs sur la mémoire de travail).

Affiche de l'exposition Gustave Moreau souvenirs d'atelier Georges Rouault au musée Gustave Moreau à ParisCette fois, j’ai profité de mon séjour pour aller voir l’exposition Gustave Moreau souvenirs d’atelier Georges Rouault au musée national Gustave Moreau.

Professeur à l’école des beaux-arts de Paris de 1892 à 1897, Gustave Moreau (1826-1898) eut notamment pour élève Georges Rouault (1871-1958) et Henri Matisse. En 1895, il décide de léguer à l’État sa maison-atelier de la rue de La Rochefoucauld pour en faire un musée dont il commence l’aménagement. A sa mort, son ami et locataire du rez-de-chaussée (restauré en 2014), Henri Rupp, poursuit la mise en place des œuvres. L’État accepte le legs en 1902 et nomme en août Georges Rouault comme conservateur du musée qui ouvre quelques mois plus tard, en janvier 1903. Il occupa ce poste jusqu’en 1932, logeant sur place avec sa famille. Si vous ne connaissez pas le lieu, allez-y, n’hésitez pas à ouvrir les volets et meubles où sont présentés des dessins, selon une savante rotation pour permettre leur conservation dans de bonnes conditions.

L’exposition est de faible ampleur, sur la moitié des deuxième et troisième étages (« l’atelier »), mais compare de manière assez intéressante les influences professeur/élève (et vice-versa), mais aussi les œuvres de chacun d’entre eux.

En revanche, je n’ai pas compris une phrase qui couvre un grand espace sur le mur gauche du deuxième étage, en tête d’un paragraphe en gros caractères donc en principe à lire en priorité :

« Moreau, à la différence de Corot qu’à l’instar de Rouault il admirait, ou de son ami Louis Français, n’a jamais cultivé le paysage comme un genre en soi ».

??? Pourquoi Gustave Moreau n’a-t-il pas plus de prénom que Jean-Baptiste Corot et Georges Rouault, alors que celui de Français (Louis) est précisé? Sans doute pour gagner quelques caractères d’imprimerie… Quelques avec un s, qui ne devrait pas être à l’étage supérieur dans la phrase suivante où il a un emploi adverbial (=environ) : « il eut soin également de quelqueS 425 feuilles qui lui servaient à tester les tons de ses aquarelles« .

Petite remarque pour une guide: pendant ma visite de l’exposition, une guide commentait à un groupe composé de familles et de grands-parents avec leurs petits-enfants le célèbre polyptyque (ensemble de plusieurs panneaux peints) La vie de l’Humanité. Son débit avait tout de la rafale de mitraillette, et elle ne tenait absolument pas compte du fait que les enfants (pas plus que de nombreux adultes) ne savent pas qui sont Adam, Eve, Caïn, Abel, etc. Elle a balayé d’une réponse très sèche la question d’un enfant qui, têtu et n’ayant pas reçu de réponse, n’a pas eu peur d’y revenir quelques minutes plus tard. Ne serait-il pas plus efficace d’en dire moins et d’expliquer les scènes? Je conseille tout  particulièrement à cette guide d’aller voir le dernier spectacle de Yannick Jaulin, Comme vider la mer avec une cuiller.

Bref, allez au musée Gustave Moreau pour le lieu, pour l’exposition, pas pour la « médiation », terme qui remplace de plus en plus « visite guidée » (je sais, ne hurlez pas, ce n’est pas strictement la même chose, le « médiateur » transmet les connaissances du « savant » -conservateur- vers « l’ignorant » -visiteur- et ne limite pas son action aux visites)…

Pour aller plus loin : à l’école des beauxarts, en 1897, Gustave Moreau et Georges Rouaut croisèrent en cours magistral ou en cours d’atelier, côté sculpteurs, des artistes dont je vous ai déjà parlé : Antonin Mercié, Laurent Marqueste,  , Jules Coutan, Gabriel-Jules Thomas, et .

Sur mon blog, j’ai aussi écrit quelques lignes sur l’exposition Georges Rouault, il y a quelques années au centre Georges-Pompidou à Paris.

Pour mes fidèles lecteurs poitevins : vous pouvez aller voir La sirène et le poète (1895), une toile de très grand format (2m34 de large sur 3m38 de haut) de Gustave Moreau au musée Sainte-Croix à Poitiers et des émaux, d’après des œuvres de Georges Rouault à l’abbaye de Ligugé.

Pour en savoir plus sur l’émaillerie de Ligugé :

Grégory Vouhé, Rouault, Braque et Ligugé, L’actualité Poitou-Charentes, n° 92, avril 2011, p. 44 ; Jean-Claude Bessette, Le long chemin de l’émailleur, ibid., p. 45.

 

 

À ce stade de la nuit de Maylis de Kerangal

pioche-en-bib.jpgCouverture de À ce stade de la nuit de Maylis de KerangalIl n’y a que quelques semaines que j’ai lu Réparer les vivants (voir aussi Tangente vers l’est). J’ai trouvé son dernier titre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livreÀ ce stade de la nuit de Maylis de Kerangal, collection Minimales, éditions Verticales, 2015, 74 pages, ISBN 9782070107544.

L’histoire : à Paris, une nuit d’octobre 2013. La radio rapporte un nouveau naufrage au large de Lampedusa. Au-delà du drame, ce nom fait écho à de multiples références dans sa vie, cinéma, lecture, îles italiennes…

Mon avis : ce livre est un récit très court (encore plus court que Tangente vers l’est), petit format, moins de 60 pages si on enlève les pages blanches, il a bien sa place dans une collection intitulée « Minimales ». La forme est intéressante, chaque chapitre commence par « à ce stade de la nuit », avec un à minuscule (mais les phrases qui suivent ont leur majuscule). Écrit à la première personne, il reflète le rythme d’une nuit d’insomnie avec la radio en bruit de fond. Burt Lancaster apparaît d’abord, dans une évocation de la nouvelle version du Guépard de Visconti. Il ouvre une longue série de références, je n’aurais sans doute pas pensé au Chant des pistes de Bruce Chatwin (page 41 – que l’auteure-narratrice dit avoir lu lors de son voyage en Sibérie) en entendant parler de Lampedusa, le trajet de ce chant ancestral qui se propage à travers l’Australie évoque plus pour moi l’ethnographie que les migrations, mais c’est aussi un livre qui m’a beaucoup marquée. En empruntant ce livre, je pensais lire une réflexion sur les dizaines de milliers de migrants morts en Méditerranée ces derniers années, j’ai plutôt lu un livre sur les tourments d’une nuit d’insomnie, mais la forme de l’écriture vaut de faire ce court voyage littéraire…

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie romans pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Abécédaire chat, quatrième étape

Abécédaire chat, quatrième étapeCe mois-ci, j’ai peu avancé mon projet de chat qui entre dans le cadre du SAL (projet de broderie en commun) « Chat va vider mon placard » (étendu aux broderies d’autres animaux), coordonné par Minouche. Si elle n’avait pas réclamé nos avancées cette semaine, j’aurais à peine mis quelques petites croix, et puis dimanche, je me suis secouée les puces -attention aux insecticides ;-(-, j’ai fini la hampe gauche du A, posé le chat au sommet et le haut du t à venir de part et d’autre de la queue du chat. C’est un modèle d’abécédaire pris dans le livre Brodez-moi chat d’Isabelle Haccourt-Vautier et Adeline Cras.

Revoir: la première étape, la deuxième, la troisième étapes, à suivre…

Cœur tambour de Scholastique Mukasonga

pioche-en-bib.jpglogo tour du monde en lectureCouverture de Cœur tambour de Scholastique MukasongaCela fait des années que lorsque j’entends ou lis un entretien de Scholastique Mukasonga, j’ai envie de lire l’un de ses livres (notamment Notre-Dame du Nil pour lequel elle a reçu le prix Renaudot), mais je n’avais pas eu l’occasion de le faire avant de voir son dernier titre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque. Et c’est aussi l’occasion d’alimenter mon Tour du monde en lecture auquel je n’ai ajouté aucun nouveau pays depuis des mois!

Le livre : Cœur tambour, de Scholastique Mukasonga,
collection blanche, éditions Gallimard, 176 pages, 2015, ISBN 9782070149810.

L’histoire : en Amérique (Carïbes et Amérique du Nord) puis au Rwanda. La célèbre chanteuse rwandaise d’un groupe rasta, Kitami, est morte écrasée par son grand tambour dans des conditions mystérieuses (accident, meurtre, suicide?) il y a un an lorsqu’un journaliste reçoit une valise qui contient un manuscrit autographe dans lequel est raconte sa vie au Rwanda sous le nom de Prisca jusqu’à sa rencontre avec trois joueurs de tambours rastas à la recherche de leurs racines africaines. Enfant brillante, elle arrive à poursuivre des études malgré les transes qui déjà l’envahissent de temps à autre…

Mon avis : j’ai eu un peu de mal avec la première partie,
Kitami (jusqu’à la page 60, sur les tambourinaires du groupe de Kitami) et préféré les deux suivantes, qui chronologiquement se placent avant, Nyabongui (souveraine légendaire dont elle est -serait- la réincarnation) et Ruguina (le nom de son grand tambour). Le récit au Rwanda m’a particulièrement plu, tant pour l’histoire que pour le style. Le lecteur assiste aux études d’une fille brillante, entre école au village, cours supplémentaire par le missionnaire, puis la bourse pour aller au collège puis au lycée à la capitale. En parallèle, après une première transe, on croise le monde des esprits, des superstitions. Pas de chance pour cette jeune fille, elle appartient à la mauvaise ethnie, elle ne pourra pas poursuivre ses études au-delà. Au village, elle est crainte (ses pouvoirs sont-ils bénéfiques ou maléfiques?), elle va devoir fuir. Mythe, réalité, passé colonial, cohabitation ethnique difficile entre hutus et tutsis, recherche des origines par certains américains descendants d’esclaves, rôle des tambours, légendes et mythes ancestraux confrontés aux Églises chrétiennes (catholique et évangélique), pouvoirs thaumaturgiques ou maléfiques, transmission du passé, des légendes, des pouvoirs, rapports hommes / femmes, … Ce roman aborde de nombreux sujets avec beaucoup de « douceur », comme dans un murmure à l’oreille du lecteur…

 

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie romans pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Médecin de campagne de Thomas Lilti

Affiche de Médecin de campagne de Thomas LiltiDimanche dernier, je suis allée voir Médecin de campagne de Thomas Lilti [revoir mon avis sur Hippocrate].

Le film : de nos jours, dans une campagne reculée à la limite du Val-d’Oise et de la Normandie. Tous les jours, à domicile ou à son cabinet, Jean-Pierre Werner [François Cluzet] soigne avec engagement ses patients. Un jour, il doit consulter son ami Norès [Christophe Odent], le verdict tombe, tumeur au cerveau, il lui faut se soigner, se reposer, lever le pied. S’il accepte le traitement (chimio dans un premier temps), il ne ralentit pas son travail. Norès lui envoie Nathalie Delezia [Marianne Denicourt], une jeune consœur, une ancienne infirmière qui vient de terminer son internat et originaire d’un village voisin. Ils vont devoir petit à petit s’apprivoiser, Nathalie va aussi devoir se faire accepter par les patients…

Mon avis : un film touchant qui montre les différentes facettes du médecin de campagne, à la fois médecin, psychologue, assistante sociale, petit chirurgien, radiologue… Le film aborde également la question des déserts médicaux (débat sur la création d’une maison de santé, éloignement des hôpitaux et maternités), la question du maintien à domicile de certains patients. A travers le portrait du médecin, c’est toute la vie du village qui est tracée, sans pathos, avec des scènes assez drôles. J’ai beaucoup aimé ce film. Juste une petite remarque, l’héminégligence (le fait de ne pas « voir » la moitié de l’environnement, en fait l’œil voit bien mais le cerveau n’interprète pas l’image), conséquence de la tumeur au cerveau, s’exprime curieusement, juste sur l’assiette et lors d’un test neurologique (le genre de ceux que je réussis, ouf!, mais j’en réussis de plus en plus), pas dans le reste de la vie courante (se raser, se laver, etc.). Dans l’absolu, ce n’est pas très grave qu’un film simplifie l’héminégligence, sauf pour le message délivré à ceux qui en souffrent et à leurs proches: le médecin continue à conduire, alors que l’héminégligence est une contre-indication stricte à la conduite automobile (c’est d’ailleurs pour ça que j’ai été testée sur ce plan aussi, et de mon côté, je continue à passer d’autres tests pour vérifier mes capacités à conduire). C’est assez irresponsable de laisser croire que ce médecin est apte à la conduite!

Comme vider la mer avec une cuiller de Yannick Jaulin

J’ai vu Comme vider la mer avec une cuiller par Yannick Jaulin (revoir Terrien) au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP il y a quelques mois, au début de la saison 2015-2016… Comme le spectacle tourne actuellement avec une communication active (j’ai vu et entendu plusieurs critiques et entretiens ces derniers jours, voir dates sur son site officiel), je rédige enfin mon article à partir de mes notes…

Annonciation de Fra Angelico, couvent San Marco, Florence (c) office de tourisme de Florence

Annonciation de Fra Angelico, couvent San Marco, Florence (c) office de tourisme de Florence [pas la meilleure reproduction mais celle présentée sur le site officiel… déformations de la prise de vue non frontale comprise]

Le spectacle : au fond de la scène, une grande reproduction de l’Annonciation de Fra Angelico (il en a peint plusieurs, la version choisie est celle du couvent San-Marco à Florence, où la Vierge a un corsage blanc). Devant, une femme assise sur un banc, de dos. Et un homme, Yannick Jaulin, affublé d’ailes, comme l’ange du tableau. La discussion s’ouvre, comment comprendre ce tableau. Si l’on n’a pas reçu une éducation chrétienne ou au moins à l’histoire de l’art occidental, il est impossible d’y lire / comprendre ce qui se passe sur le tableau. A partir de là sont revisités les grands mythes fondateurs du monde, de différents continents, et des religions… et l’emprise de celles-ci sur les hommes et les femmes.

Mon avis : j’ai bien aimé ce spectacle, une amie qui l’a vu la veille et aime d’habitude les spectacles de Yannick Jaulin beaucoup moins. Il faut dire que l’on n’est pas dans le registre habituel de l’acteur-conteur, les contes et légendes du Poitou et d’ailleurs, même si elles sont évoquées, comme saint Poux (saint Paul) fêté à Pougne-Hérisson dans les Deux-Sèvres (le nombril du monde), mais dans un spectacle beaucoup plus « savant », qui fait appel à un gros bagage culturel. Je pense que de ce point de vue, le spectacle peut être vécu comme élitiste et que le sectateur peut se sentir frustré de ne pas comprendre toutes les allusions. Je trouve l’interrogation de départ une bonne idée. L’Annonciation a été abondamment représentée dès le Moyen-Âge, mais si elle a une grande importance pour les chrétiens, ce ne sont guère que quelques lignes dans le nouveau testament (Luc 1, 26-38) : l’archange Gabriel annonce à Marie qu’elle va donner naissance à Jésus, fils de Dieu. Le propos s’élargit ensuite à un large éventail de mythes et de récits fondateurs, avec une interrogation sur ce qu’ils disent des sociétés qui les (rap)portent.

Pour aller plus loin : je vous ai montré quelques jolies annonciations romanes et gothiques, voir ou revoir à Chauvigny sur un chapiteau du chœur de l’église Saint-Pierre ; à Poitiers, sur la partie droite du portail Saint-Michel de la cathédrale et sur la façade de l’église Notre-Dame-la-Grande.

 

A perfect day de Fernando León de Aranoa

Affiche de A perfect day de Fernando León de AranoaSortie cinéma dimanche… Un peu mare des titres en anglais, même s’il y a ici un « sous-titre » officiel: A perfect day, un jour comme un autre,  de Fernando León de Aranoa.

L’histoire : dans les Balkans, en 1995. Dans une zone montagneuse, un cadavre a été balancé dans la nuit dans l’un des trois seuls puits et il faut l’enlever avant qu’il ne contamine l’eau. Une équipe d’humanitaire arrive, à bord de deux véhicules : Sophie [Mélanie Thierry], la française qui vient d’arriver et découvre son premier cadavre, Mambru [Benicio del Toro], qui effectue l’une de ses dernières interventions et doit rentrer chez lui dans une semaine, B. [Tim Robbins], qui bosse là comme ailleurs, et Damir [Fedja Stukan] le traducteur. La corde casse, il faut en trouver une autre, et passer aussi au briefing de sécurité piloté par les forces de l’ONU désabusé, récupérer au passage Katya [Olga Kurylenko], l’ex-petite amie de Mambru qui est là pour évaluer l’opportunité de poursuivre la mission ou de redéployer l’équipe sur un autre terrain. La journée s’annonce longue…

Mon avis : une journée dans un paysage grandiose, une zone montagneuse où deux véhicules se déplacent comme dans un labyrinthe qui n’est pas sans rappeler la quête nocturne du cadavre dans Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan. Au cours de cette pérégrination sont abordés de nombreux thèmes: la relation parfois complexe des humanitaires et des militaires (ONU et forces en présence), les profiteurs de guerre (vente d’eau), les mines (vaches mortes piégées), les crimes de la guerre civile, les conséquences sur les enfants, etc. Si les « vieux de la vieille » semblent désabusés, ils restent au service des autres, feront tout pour trouver une corde pour retirer un cadavre d’un puits, mais aussi, au passage, ils sauvent les prisonniers rassemblés près d’un bus par des militaires (miliciens?) qui font fi du cessé le feu. Même si le scénario est adapté d’un roman (Dejarse Llover de Paula Farias), le réalisateur a couvert sous la forme de reportage les guerres en Bosnie et en Ouganda et cela se ressent dans la manière d’aborder des sujets importants sans faire la leçon ou prendre parti. La complexité des situations est suggérée en permanence, parfois cachée derrière un humour que l’on pourrait penser mal placé mais qui est aussi une manière de survivre et de se protéger pour ces humanitaires.