Une nouvelle étape judiciaire importante

Classeurs avec mon dossier médical et judiciaire

Le 20 octobre 2020 a eu lieu une nouvelle étape dans ma procédure pour faire reconnaître l’imputabilité de mes méningiomes à l’acétate de cyprotérone (Androcur et ses génériques) et faire indemniser mes préjudices. Le juge du tribunal judiciaire de Poitiers avait convoqué en audition les avocats de toutes les parties que j’ai assignées (via Romain Sintès, mon avocat) au fond. Il a fixé le calendrier : prochaine audience publique le 26 janvier 2023, au cours de laquelle il sera demandé la consolidation de mes séquelles (voir en fin d’article) et la communication de certaines pièces de pharmacovigilance. Ensuite, procédure contradictoire écrite entre les différentes parties, pour aboutir à une audience finale qui devrait se tenir fin 2023 / début 2024. C’est encore long, mais c’est à peu près ce qui avait été calculé par mon avocat. Il faut ensuite prévoir que les laboratoires feront appel et iront peut-être en cassation comme Bayer suite à la demande d’expertise.

Les méningiomes pas dus à l’acétate de cyprotérone ???

Véronique Dujardin et Romain Sintès dans la cour du palais de justice de Poitiers à la sortie de l'audience, 19/20, France 3 Poitou-Charentes, 20 septembre 2022
Extrait de 19/20, France 3 Poitou-Charentes, 20 septembre 2022

France 3 Poitou-Charentes a couvert cette étape importante, avec une diffusion brève au journal régional de midi et une version longue qui a ouvert le 19/20 régional. Dans ce reportage, ils ont interrogé le Dr Philippe Page, neurochirurgien au CHU de Poitiers, qui n’est pas mon neurochirurgien (cf ci-dessous), a déclaré à propos des progestérones dont fait partie l’acétate de cyprotérone : « ça ne les provoque pas, ça veut dire que si on donne de l’Androcur à quelqu’un qui n’a pas de méningiomes, ça ne va pas fabriquer un méningiome, par contre, si on a déjà des méningiomes, c’est certain que ça va les faire grossir » (voir à 2 minutes 38 du début du journal).

C’est très grave car cela peut être mal interprété par les autres victimes. Certains progestatifs, au premier desquels l’acétate de cyprotérone (Androcur et ses génériques), DONNENT des méningiomes sans pré-exister, et c’est un consensus admis par toutes les sociétés savantes que j’ai consultées.

L’information qui doit être donnée annuellement aux patient.es par le médecin prescripteur de l’acétate de cyprotérone (signature obligatoire des deux parties pour obtenir ce médicament en pharmacie) depuis 2019 mentionne : « une étude(1) a confirmé le risque de méningiome en cas d’utilisation de ce médicament. Ce risque est multiplié par 7 au-delà de 6 mois d’utilisation d’une dose moyenne supérieure ou égale à 25 mg par jour. Il est multiplié par 20 au-delà d’une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg par jour ou 10 ans à 25 mg par jour.

(1) Étude CNAM “Exposition à de fortes doses d’acétate de cyprotérone et risque de méningiome chez la femme : une étude de cohorte en France de 2006 à 2015” ». Voir les Restrictions de l’utilisation de l’acétate de cyprotérone liées au risque de méningiome (ANSM, avis publié le 27/04/2020 – mis à jour le 07/04/2021) et Acétate de cyprotérone sous forme de comprimés dosés à 50 ou 100 mg (Androcur et ses génériques) : mesures pour renforcer l’information sur le risque de méningiome – Point d’Information ANSM du 12/06/2019.

Le collège d’expert a calculé que j’en avais absorbé 270 grammes !!!

La première étape de mon marathon judiciaire devait établir si j’avais pris ou non le médicament dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché et l’imputabilité de mes méningiomes à ce médicament.

Le collège d’expert, composé d’un neurochirurgien, d’un pharmacologue et d’une endocrinologue, a conclu en avril 2021 après une étude détaillée de la bibliographie existante sur le sujet, de mon dossier médical (3 classeurs) et de mon examen clinique : « le lien de causalité entre la prise d’acétate de cyprotérone (ANDROCUR et génériques) et les méningiomes développés chez Madame DUJARDIN apparaît comme hautement probable, sans lien qui permettrait de l’associer à une autre cause connue » (p. 58). S’en suivent presque deux pages de synthèse des arguments à l’appui : « les tumeurs réséquées les 14/11/2013 et 18/06/2020 exprimaient le récepteur de la progestérone alors qu’il est aujourd’hui reconnu que les tumeurs opérées chez des patients traités par acétate de cyprotérone expriment le récepteur de la progestérone plus que les méningiomes tout venants » (p. 58). Un « lien de CAUSALITÉ », le médicament est donc très probablement la CAUSE et non une aggravation de méningiomes (3!) pré-existants.

De la découverte de mes méningiomes en juillet 2013 à la révélation du scandale lié à ce médicament en 2018, les neurologues et neurochirurgiens m’ont dit et répété que c’étaient des méningiomes qui existaient déjà. Ils ne les ont pas déclarés aux autorités chargées de la pharmacovigilance, c’est moi qui ai fait la déclaration en ligne, et j’ai ensuite dû passer par le service des usagers et la direction juridique du CHU de Poitiers pour que la médecin chargée de ces déclarations fassent enfin le nécessaire pour que l’enregistrement soit validé, elle a rédigé cette déclaration en se basant sur des comptes-rendus et des documents qui ne me concernaient pas, sans consulter les médecins qui me suivaient dans le même établissement. Le reportage pourrait être versé à mon dossier comme argument que je n’ai pas pu avoir conscience du lien de causalité avant que je n’engage ma procédure en 2018, c’est un argument important à opposer aux laboratoires qui plaident la prescription. Je n’ai pas eu accès avant cette date à l’information connue du corps médical et des autorités de santé au moins depuis 2008 puisque encore aujourd’hui, un neurochirurgien du service où j’étais suivie dit publiquement que ce lien n’existe pas. Il faut qu’il se mette à jour de la bibliographie que je tiens à sa disposition mais qui est disponible dans de nombreuses revues médicales. Il peut très facilement cependant consulter cette référence à propos du méninigiome sphéno-orbitaire : Apra, C., Roblot, P., Alkhayri, A. et al. Female gender and exogenous progesterone exposition as risk factors for spheno-orbital meningiomas. J Neurooncol 149, 95–101 (2020), dont le résumé est disponible depuis PubMed s’il a la flemme d’aller jusqu’à la bibliothèque universitaire.

Qu’un neurochirurgien de ce CHU continue à dire que les méningiomes ne sont pas la cause des méningiomes sous progestatifs est inadmissible et préjudiciable pour les patients qu’il suit et pour ceux qui l’ont entendu hier. Il faut faire tomber de leur piédestal les médecins, quelle que soit leur spécialité mais encore plus si c’est un neurochirurgien qui a l’autorité du tout-puissant dans un hôpital la neurochirurgie » ceux qui sont en contact avec ces victimes.

Sources

Pour rédiger cet article, je me suis basée sur des sources émanant d’autorités officielles : la haute autorité de santé (HAS), la base de données publique Transparence – Santé, la base de données bibliographiques PubMed, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (abrégé ANSM), les sites des sociétés savantes (la société française de neurochirurgie, la société française de neurologie, la société française d’endocrinologie, la société française de gynécologie), la base de données publique des médicaments, le rapport d’expertise du collège d’experts du 15 avril 2021 me concernant et les réponses des parties, rapport faisant suite à l’ordonnance de référé du 31 juillet 2019 référencée RG 19/148 à 19/155 au tribunal judiciaire de Poitiers.

J’ai supprimé des noms dans les extraits que j’ai mis en illustration, je n’ai gardé que le nom du Dr Philippe Page, puisqu’il s’exprime en son nom et est identifié dans le reportage du journal régional 19/20 de France 3 Poitou-Charentes.

Conflits d’intérêt potentiels

J’ai entrepris une longue procédure judiciaire civile pour faire reconnaître l’imputabilité de mes méningiomes à l’Acétate de cyprotérone (Androcur et ses génériques) et obtenir réparation des dommages qui en découlent, voir les liens vers mes articles précédents à la fin du présent article.

Je suis adhérente de l’Association Méningiomes dus à l’Acétate de cyprotérone, aide aux Victimes Et prise en compte des Autres molécules (Amavea). J’ai croisé le Dr Page plusieurs fois dans la salle d’attente des consultations de neurochirurgie du CHU de Poitiers et il m’a vue une fois aux urgences du même hôpital suite à une chute, en 2016.

Mon troisième méningiome, en haut du crâne, est indiqué par une flèche

À cette occasion, il avait déclaré que mon méningiome sagittal était « riquiqui » (sic) et qu’il ne pouvait pas être la cause de mes chutes répétées. À l’issue de ce passage, à l’issue d’une hospitalisation en neurologie, mon neurochirurgien et mon neurologue de l’époque avaient conclu que mes méningiomes n’en étaient pas la cause et que c’était psychosomatique. Plusieurs imageries, IRM et scanners, ont été mal lues. Le rapport d’expertise me concernant note ainsi : « cette imagerie [scanner de décembre 2016] qui a pu être consultée au cours de la réunion d’expertise du 21 janvier 2021 montre que le sinus est bel et bien envahi, il existe des veines de suppléance, recrutées pour contourner l’obstacle que représente la thrombose du sinus longitudinal supérieur. Ce fait explique parfaitement la faiblesse de l’hémicorps gauche et la perte d’équilibre qui en découle, puis avec le temps une suppléance s’est mise à fonctionner avec régression des troubles » (p. 26 ; c’est moi qui souligne en gras). Depuis ce rapport, j’ai changé de neurologue et de neurochirurgien, il est cependant certain que le « riquiqui » et le « psychosomatique » laissent des traces et influent sur mon a priori vis à vis de ces trois médecins et des radiologues.

Contexte de rédaction

J’ai eu beaucoup de mal à inhiber mon cerveau, à cause de sa lésion frontale, je suis fortement impulsive. J’ai donc juste échangé avec mon avocat hier soir, mon cerveau a travaillé toute la nuit (multiples petits réveils), j’étais dans l’impossibilité de me concentrer sur mes grilles de mots fléchés et de mots croisés, exercices pourtant essentiel pour faire travailler ma flexibilité verbale et l’inhibition, qui doit empêcher d’écrire le premier mot qui passe par la tête sans avoir pris en compte les mots qui croisent. Après avoir « cédé » à ce qui tournait en boucle dans mon cerveau, j’ai vérifié les éventuels conflits d’intérêt entre le Dr Page et les laboratoires sur le site de la haute transparence : 73 déclarations ces 5 dernières années, de trois laboratoires de dispositifs médicaux (repas, déplacements, participation à des colloques), mais aucun fabricant de médicaments, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas mais qu’aucun n’a été déclaré. J’ai ensuite interrogé la base de données PubMed pour accéder à sa bibliographie internationale (voir les 25 articles référencés). Il n’y a aucune publication sur les méningiomes, beaucoup de travaux en collaboration où il apparaît au-delà de la cinquième position, ce sont donc plutôt des articles où il a fourni des données plutôt qu’un texte personnel.

Les articles sur mon blog :

Revue de presse :

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