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Le monument aux morts de 1870 à Limoges

Je remets cet article à la une, à la suite du commentaire d’un lecteur de ce blog, Eric Lancelet, qui me signalait que l’un des membres de sa famille a posé comme modèle pour la République. Il m’a aussi transmis cette carte postale ancienne (et d’autres documents que je vais lire attentivement), merci beaucoup!!!

Limoges, monument aux morts de 1870, 1, vue de loinArticle du 27 octobre 2012
Je ressors mes photographies anciennes… Après le monument aux morts de 1870 à Cahors la semaine dernière, je vous montre ces photographies prises il y a tout juste deux ans, début novembre 2010 à Limoges, à l’angle de l’avenue du Général-de-Gaulle et du cours Jourdan.

Limoges, monument aux morts de 1870, 3, les groupes sculptés Ce « monument à la mémoire des enfants de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie en 1870-1871 » se compose d’un haut socle et d’un obélisque en pierre, devant lequel se trouve un groupe sculpté en bronze composé de trois éléments, une femme (la Haute-Vienne) au centre, encadrée de deux soldats de chaque côté.

Limoges, monument aux morts de 1870, 2, les trois marques du fondeur Durenne Chacun des blocs porte la marque du fondeur, « Etabts A. Durenne / Sommevoire / fondeur « , Antoine Durenne dont je vous ai déjà montré beaucoup d’œuvres (une fontaine aux amours à Corte, l’éléphant pris au piège et le cheval à la herse à Paris, et dans le parc de Blossac à Poitiers, la fontaine aux amours et aux nymphes ; un Amour sur un griffon ; un Amour sur un dauphin ; un Faune soufflant dans une corne ; un Faune au coquillage). J’ai dû regarder trop vite, je n’ai pas trouvé la signature du sculpteur, Martial Adolphe Thabard (Limoges, 1831 – Clamart, 1905). C’est l’un des rares monuments aux morts de 1870 protégé au titre des monuments historiques (depuis 2001). Le sculpteur a réalisé la maquette définitive en 1894, et le monument a été inauguré en 1895.

Limoges, monument aux morts de 1870, 6, la femme

Au centre, l’allégorie féminine est vêtue d’une longue jupe, d’un corsage à manches courtes et d’une coiffe à larges bords. Elle soutient un drapeau de la main droite et semble exhorter les soldats de l’autre main avec un large geste d’ouverture.

Limoges, monument aux morts de 1870, 7, le rouet Oh, la femme reste rivée à ses activités domestiques… le sculpteur l’a dotée d’un rouet très réaliste…

Limoges, monument aux morts de 1870, 4, les deux soldats à gauche A gauche, un officier brandit une courte épée (ou bien elle a été raccourcie par le temps???), suivi par un franc-tireur agenouillé armé d’un long fusil et chargé d’un lourd équipement sur son dos.

Limoges, monument aux morts de 1870, 5, les deux soldats à droite Les deux soldats de droite portent aussi leur matériel. A gauche, un clairon des troupes mobiles est tombé agenouillé au sol, probablement blessé. Derrière lui, un peu en retrait, un fantassin porte un fusil plus court que le soldat de l’autre côté.

Limoges, monument aux morts de 1870, 8, armoiries Entre les deux groupes, les armoiries de la ville de Limoges surmontées d’un casque à pointe, et en avant, des branches de laurier et une couronne végétale.

Limoges, monument aux morts de 1870, 9, deux vues de côté

Allez, deux vues de profil qui montre le mouvement des cinq personnages, suggéré par la position des mains et des pieds…

Le monument de la place de la République à Paris : les allégories

Monument de la République à Paris La place de la République à Paris, réaménagée en 2013, est devenue un lieu de recueillement après avoir été longtemps le point de départ ou d’arrivée des grandes manifestations… Mais qui regarde vraiment le monument? Pourtant, il est constitué de quatre figures allégoriques (je vous en parle dans cet article) et de douze plaques en bronze racontant les principaux épisodes de l’histoire de la République (à découvrir dans un prochain article).

Monument de la République à Paris : signature de Léopold et Charle MoriceToutes les statues sont du sculpteur Léopold Morice (Nîmes, 1846 – Paris, 1920) et l’architecte du monument n’est autre que son grand frère Charles Morice (1848-1908), ainsi qu’en atteste la signature : « Léopold Morice statuaire / Charles Morice architecte ». La République en bronze est installée sur une colonne de 15,5 mètres de haut. Elle-même mesure 9,50 mètres.

Dédicace du monument de la place de la République à ParisLe monument, commandé en 1879, est dédié  » A la gloire de la République Française, la ville de Paris, 1883  » (inscription sous les armoiries de la ville de Paris) et a été construit de 1880 (mise en place d’un modèle en plâtre le 14 juillet) à 1883 (inauguration officielle… encore le 14 juillet!).

Monument de la République à Paris : la RépubliqueLa République qui domine la colonne est un concentré des symboles de la République (je vous invite à relire cet article pour plus d’explications) :

Monument de la République à Paris : la tête de la République coiffée d'un bonnet phrygien et d'une couronne végétaleelle est coiffée d’un bonnet phrygien et d’une couronne, elle brandit un rameau d’olivier.

Monument de la République à Paris : la République vue de dosHabillée à l’Antique, en appui sur les droits de l’homme…

Monument de la République à Paris : l'épée de la République… elle porte une courte épée dans un fourreau contre son flanc gauche…

Monument de la République à Paris : les sandales de la République… et est pieds nus dans ses sandales.

Monument de la République à Paris : inscription sur les tables de la loi de la République Impossible de prendre l’inscription « droits de l’Homme » dans sa totalité…

Monument de la République à Paris : la LibertéLes trois autres allégories, sculptées en pierre, se répartissent autour de la colonne et illustrent la devise républicaine : Liberté, égalité, fraternité. Elles se distinguent par leurs attributs, et au cas où, leur « nom » est ajouté au-dessus ;-). Je commence donc par la Liberté…

Monument de la République à Paris : la LibertéNu-tête, elle est assise devant un chêne et brandit un flambeau. Alors que la célèbre statue de la Liberté  d’Auguste Bartholdi , quasi contemporaine (voir le modèle de 1878), se débarrasse de ses fers qui gisent à ses pieds,  la Liberté de Léopold Morice tient les fers dans sa main droite, en appui sur ses genoux.

Monument de la République à Paris : l'ÉgalitéL’Égalité semble un peu crispée, avec sa main cramponnée sur le drapeau…

Monument de la République à Paris : l'Égalité, détail de la cuirasse et du casqueElle a un air martial avec les attributs d’Athêna, déesse de la guerre : la cuirasse (égide) est sanglée par dessus sa robe et ses jupons et elle porte le casque typique de la déesse.

Monument de la République à Paris : l'Égalité, détail du drapeauElle tient de la main droite un drapeau à la hampe ceinte d’une cocarde et portant le chiffre de la République (RF).

Monument de la République à Paris : l'Égalité, détail du niveau Elle tient de la main gauche le niveau triangulaire des charpentiers.

Monument de la République à Paris : la FraternitéLa Fraternité est est vêtue d’une robe au corsage lacé de manière assez serrée.

Monument de la République à Paris : la Fraternité, avec la corne d'abondanceCoiffée d’un foulard noué derrière la tête, la Fraternité est assise avec un bouquet d’anémones qui s’échappent de la corne d’abondance posée sur ses genoux.

Monument de la République à Paris : la Fraternité, détail de la charrueDe sa main droite, elle s’appuie sur les brancards d’une charrue.

Monument de la République à Paris : la Fraternité, détail des enfants, gerbe de blé et raisinA ses pieds deux enfants potelés (dodus pour faire plaisir à Maryse?) semblent concentrés sur un livre. Derrière eux, gerbes de blé et raisins symbolisent l’abondance.

Monument de la République à Paris : devises Pax et Labor (paix et travail)Des cuirs posés sur des faisceaux de licteur (revoir les symboles de la République) séparent les allégories sur les côtés (devant, il y a les armes de la ville de Paris) et encadrent donc la Fraternité ; ils portent les inscriptions « LABOR » (travail) et « PAX » (paix), deux devises fréquemment associées à la République à la fin du 19e siècle, on les trouve par exemple aussi sur la façade de la bourse du travail édifiée en 1889-1890 à Paris.

Monument de la République à Paris : le lion gardant l'urne du suffrage universelDevant le monument, un lion majestueux (3 mètres de long quand même) garde une urne marquée du « Suffrage universel »…

Monument de la République à Paris : marque du fondeur Thiébaut frères sur le socle de la RépubliqueElle porte la marque des fondeurs Thiébaut frères, dont je vous ai déjà beaucoup parlé.

Monument de la République à Paris : le lion et les trophées de 1789… et des trophées marqués 1789 accompagnés de palmes.

Monument de la République à Paris : marque du fondeur Thiébaut frères sur le socle du lionLui aussi porte la marque de  » Thiébaut frères fondeurs ».

Photographies d’août 2014.

Des symboles de la République…

Comme hier, reprenons la petite phrase prononcée le 29 août 2016 à Colomiers par Manuel Valls:

« Sur la place des femmes nous ne pouvons transiger. Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre ! C’est ça la République ! C’est ça Marianne ! »

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 8, vues de l'allégorie du bas Je vous ai montré hier que si, la République porte régulièrement le voile quand elle est sur un monument aux morts au lendemain de la guerre de 1870 ou de la Première Guerre mondiale, mais aussi sur d’autres monuments, ici je vous propose un autre exemple avec un détail de la France en deuil du monument à Sadi Carnot, par Raoul Verlet, à Angoulême.

Les seins de la République de Camille Raynaud sur le monument aux morts de 1914-1918 à Toulouse « […] elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple« … elle a surtout le sein nu parce que c’est une des représentations allégoriques antiques de la femme (ici un cas « extrême », la Victoire, une des formes de la personnification républicaine, de Camille Raynaud sur le monument aux morts de 1914-1918 à Toulouse, qui fit scandale…

Monument aux morts de Skikda/Philippeville à Toulouse, 9, détail de la Victoire
… M. Valls pensait sans doute plutôt à ce type de sein(s) dénudé(s), tel que Camille Alaphilippe a choisi pour sa victoire du monument aux morts de monument aux morts de Skikda (Philippeville) (déplacé à Toulouse). Le sein peut aussi être légèrement caché par le rebord de la tunique délicatement drapée à l’Antique ou sous une tunique à l’effet mouillé…

Bonnet phrygien de la France sur le monument de la Belgique reconnaissante à Paris Mais ce n’est pas le premier symbole républicain que je mettrais en valeur! Elle peut porter le bonnet phrygien, qui était porté dans l’Antiquité par les esclaves lors de la cérémonie d’affranchissement et devenu symbole de la liberté à la Révolution française. J’ai choisi ici le monument « à la France, la Belgique reconnaissante, 1914-1918″ de Isidore de Rudder, à Paris.

Bonnet phrygien sur le monument aux soldats tchécoslovaques tombés en France pendant la première guerre mondiale, par Karel DvorjakOn voit peut-être mieux la forme du bonnet phrygien sur cette vue de la France sur le monument aux soldats tchécoslovaques tombés en France pendant la première guerre mondiale, par Karel Dvorjak, dans le cimetière du Père-Lachaise à Paris (il faut aussi que je rédige un article…).

Paris, la République de Jean-François Soitoux, 1, de face Une des premières représentation officielle de la République, que vous pouvez voir sur le quai de Malaquais à Paris, devant l’Institut, a été réalisée par Jean-François Soitoux , lauréat du concours de sculpture organisé suite à la Révolution de février 1848 pour incarner la France. Elle est coiffée d’une couronne végétale ou couronne civique, ici composée de rameaux de chêne (la force, la sagesse).

Poitiers, plafond de la salle du blason de l'hôtel de ville, 4, allégorie de Poitiers au centre La République de Jean-François Soitoux s’appuie sur un faisceau de licteur, composé de verges nouées autour d’une francisque (hache), qui était porté à Rome  par les licteurs (officiers) qui ouvraient la voie aux magistrats et symbolise l’autorité du pouvoir exécutif. C’est également un symbole que l’on trouve dans la « panoplie » des allégories de la justice, ici sur le  plafond de la salle du blason de l’hôtel de ville de Poitiers, peint par Émile Bin.

Le monument aux morts de Saint-Jean-d'Angély par Albert Bartholomé, la gloire de face et de trois quarts, Dans d’autres cas, la couronne végétale est portée dans les mains ou brandie à bout de bras. Elle peut aussi être composée de laurier (victoire), de tiges de blé (opulence agricole), d’olivier (paix), etc. Sur le monument aux morts de Saint-Jean d’Angély, dû au sculpteur , la République cumule, elle porte une couronne civique dans la main et sur la tête 😉

Toulouse, monument aux morts indochinois de 1914-1918 au cimetière de Salonique, 3, deux détails

La couronne civique comme le bonnet phrygien peuvent être ornés d’une cocarde aux couleurs nationales… Parmi mes photos, la plus claire est sans doute celle-ci, brandie non par une République mais par le soldat du monument aux morts du cimetière de Salonique à Toulouse, par Raymond Isidore.

Pectoral orné d'une tête de Gorgone, monument aux morts de Montmorillon par Aimé OctobreLa République peut porter le pectoral (partie de l’armure protégeant la poitrine) orné d’une tête de Méduse (censée pétrifier l’ennemi de son regard), rappel de l’égide, accessoire classique d’Athêna, ici sur le monument aux morts de Montmorillon par Aimé Octobre (encore un article en attente de rédaction)…

Monument au<br /> x morts des Clefs (Haute-Savoie), le buste de la République… ou dans une version plus fruste sur le  monument aux morts des Clefs par Peterlongo.

Niort, Gloria Victis de Mercié, la GorgoneLa tête de Gorgone peut être remplacée sur la cuirasse par d’autres symboles, comme des mains serrées et des pattes de lion entrecroisées ou d’autres représentations symboliques… ici l’exemplaire niortais de la Gloria Victis (monument aux morts de 1870) par

Châtellerault, monument à la révolution et aux morts de 1914-1918, 16, la Victoire aux ailes casséesLa République peut aussi être tête nue, les cheveux coiffés en un strict chignon antique, comme ici pour la petite Victoire d’Aimé Octobre sur le monument aux morts de 1914-1918 à Châtellerault

Le monument aux morts de Loudun, 6, deux détails de la gerbe de blé et de la faucille

ou sur le monument aux morts de Loudun par Eugène L’Hoest.

Angers, monument aux morts, 6, vue de côtéQuand elle prend l’incarnation de la Victoire, elle porte des ailes, vous en avez quelques exemples ci-dessus, j’ajoute cette vue de la Victoire du monument aux morts d’Angers par Jules Desbois.

Limoges, monument aux morts de 1870, 6, la femmeDans sa panoplie, il faut aussi ajouter le drapeau (ici le monument aux morts de Limoges par Adolphe Martial Thabard)…

La République de Peynot à Lyon, détail du buste de la RépubliqueL’étoile à cinq branches peut être associée à la couronne végétale (voir plus haut la République de Soitoux) ou être portée à la ceinture, comme ici sur la La République d’ à Lyon…

Détail de la République du cimetière de Chilvert à Poitiers… l’étoile à cinq branches peut aussi juste être collée sur le front comme sur la République du monument aux morts du cimetière de Chilvert à Poitiers (tiens, il faut que j’en fasse un article…)

Monument aux morts du Marchioux à Parthenay, 5, détails du blouclier et des pieds nusLe bouclier est aussi fréquemment associé à la République, ici sur le monument aux instituteurs des Deux-Sèvres morts pour la France (collège du Marchioux), à Parthenay (plâtre préparatoire dessiné par Charles Sabouraud, ancien élève de l’école normale, sculpture réalisée par un sculpteur espagnol qui habitait dans cette ville).

Poitiers, la statue de la Liberté, 8, le détail des tables de la loi Plus rarement on trouve les tables de la Loi ici sur la copie poitevine statue de la Liberté (la Liberté éclairant le monde) d’Auguste Bartholdi

Châtellerault, monument à la révolution et aux morts de 1914-1918, 07, la Révolution, 4 vues … associées ou non au flambeau (monument au centenaire de la fête de la fédération, à Châtellerault, avec la République de Gustave Michel).

Le monument aux morts de Lessac (Charente), 3, détail du buste Dans ses versions guerrières, la République peut aussi porter le casque de Poilu (ici sur le monument aux morts de Lessac, en Charente, par )…

Bressuire, monument aux morts de 1870, détail de la République… ou la version précédente du casque réglementaire (ici sur le monument aux combattants de 1870 à Bressuire, par Jules Rispal)…

Le monument aux mobiles de la Charente à Angoulême, 4, la République vaincue Elle peut s’appuyer sur l’épée (ici sur le monument aux mobiles de la Charente, par Raoul Verlet à Angoulême)…

Nantes, la délivrance déplacée du monument aux morts de 1914-1918, 2, quatre vues … ou la brandir! Ici la République d’Émile Guillaume à Nantes, déplacée mais qui était auparavant sur le monument aux morts… sa nudité n’avait pas plu.

Bon, ce n’est pas exhaustif, mais j’ai apporté ma petite pierre au thème est « Patrimoine et citoyenneté » des 33e journées du patrimoine (ce week-end, 17 et 18 septembre 2016)…

Couverture du livre les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-CharentesEt toujours disponible chez Geste éditions je pense,  Les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes, de Charlotte Pon-Willemsen, collection des Parcours du patrimoine chez Geste édition, 2008.

Quand la République porte le voile…

Le visage de la République du monument aux morts de Chabanais, (c) Région Nouvelle Aquitaine, Gilles Beauvarlet, 2008

Le visage de la République du monument aux morts de Chabanais, (c) Région Nouvelle Aquitaine, Gilles Beauvarlet, 2008

Le thème retenu pour les 33e journées du patrimoine (ce week-end, 17 et 18 septembre 2016) est « Patrimoine et citoyenneté ». L’occasion de revenir sur la petite phrase prononcée le 29 août 2016 à Colomiers par Manuel Valls:

« Sur la place des femmes nous ne pouvons transiger. Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre ! C’est ça la République ! C’est ça Marianne ! »

Couverture du livre les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes Je vous ai déjà montré ici de nombreux exemples d’allégories de la République, je vais partir de ce livre publié dans mon service par une de mes collègues : Les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes, de Charlotte Pon-Willemsen, édité dans la collection des Parcours du patrimoine chez Geste édition, 2008. Nous avions pour la couverture la République du monument aux morts de Chabanais, en Charente, par Georges Delpérier. Elle porte, superposés, un bonnet phrygien, une couronne végétale et… un voile de deuil!

Le monument aux mobiles de la Charente à Angoulême, 4, la République vaincue Le voile de deuil est un attribut fréquent des allégories de la République, et ce dès le lendemain de la guerre de 1870, comme par exemple sur le monument aux mobiles de la Charente, par Raoul Verlet à Angoulême. La France porte le deuil de l’Alsace-Lorraine, au lendemain de la Première Guerre mondiale elle porte le deuil des millions de morts…

Angoulême, monument aux morts de 1914-1918, 4, la mère âgée, de loin et de près

Le port du voile était un signe extérieur pour signifier le deuil pour les femmes (et je ne parle pas des fichus et autres couvre-chefs quasi obligatoires pour entrer dans les églises), il n’y a donc aucune raison que la République, allégorie (image symbolique) ne porte pas elle aussi le voile! Pour illustrer ceci, je vous ai choisi la mère du soldat du monument aux morts de 1914-1918, à Angoulême, par Émile Peyronnet.

Angoulême, monument aux morts de 1914-1918, 5, la femme et la fillette, de loin et de près

Sur ce monument, la femme du soldat (mais pas la fillette, non pubère) porte aussi le voile…

Angoulême, monument aux morts de 1914-1918, 1, vue de loin et de la République … ainsi que la République monumentale!

Niort, le monument aux morts de 1914-1918 par Poisson, 6, détail de la République Parmi les exemples que je vous ai déjà présenté sur mon blog, je peux aussi ajouter la République du monument aux morts de 1914-1918 à Niort, par Pierre Marie Poisson, elle porte un bonnet phrygien, mais ici, on voit bien qu’il est composé d’un pliage de tissu… rien d’autre qu’un voile de forme particulière qui ici couvre largement les cheveux et le dos!

Le visage de la République du monument aux morts de Cherves-Richemont, (c) Région Nouvelle Aquitaine, Raphaël Jean, 2008

Le visage de la République du monument aux morts de Cherves-Richemont, (c) Région Nouvelle Aquitaine, Raphaël Jean, 2008

Parmi les allégories de la République plus expressives dans la douleur du deuil, j’ai choisi de vous montrer celle du monument aux morts de Cherves-Richemont, en Charente, lui aussi par Raoul Verlet

Allez, pour les nostalgiques de mes chroniques « patrimoine », je vous prépare pour demain un article sur les symboles de la République, et je vais essayer de mettre plus régulièrement des statues et autres monuments!

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, promis à la destruction?

Le monument aux morts de Salins-les-BainsEn attendant d’aller à Moncoutant demain (9 novembre 2014), je suis allée au printemps au salon de Nans-sous-Sainte-Anne. Marlie m’avait aussi permis de faire quelques dizaines de photographies à Salins-les-Bains dans le . Pour cette semaine consacrée à la première guerre mondiale, je vous présente aujourd’hui le monument aux morts, qui se trouve un peu à l’écart du centre-ville, vers la gare, au carrefour d’Ornans. Il a été érigé non loin du monument aux morts de 1870-1871, dont je vous parlerai prochainement. Situé à un carrefour où il n’est pas simple de se garer pour les cérémonies ni aux anciens combattants de s’asseoir (si, c’est ce qui est écrit dans le bulletin municipal), en 2011, la mairie lançait une consultation pour le déplacer « sur un autre emplacement – plat – accessible – paisible ». Par délibération du 27 mai 2013, décision était prise de le démolir et d’installer un nouveau monument aux morts (décidément c’est la mode, voir dimanche prochain à Poitiers) dans le parc des Cordeliers en lien avec le nouvel établissement thermal, mais une pétition avait été lancée. En mai 2014, il était toujours à son emplacement d’origine. D’autres villes (revoir AmboiseNiort, ou même le gigantesque monument aux morts de Skikda (Philippeville) déplacé à Toulouse) ont opté pour le déplacement du monument, pas pour sa destruction (sauf quand il y a eu destruction pendant la deuxième guerre mondiale comme à Metz pour le monument aux morts de 1914-1918 et le monument au Poilu libérateur) et remplacement par un monument neuf mieux placé.

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, dans son environnement sur une carte postale ancienneCe carrefour était un lieu tranquille dans les années 1920, si l’on en juge par cette carte postale ancienne.

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, carte postale ancienneIl est l’œuvre d’Eugène [Marie Joseph] Bourgouin (Reims, 1880 – Paris, 1924). Il porte les inscriptions « 1914-1918 / Salins / Bracon / à leurs morts / glorieux ». Il se présente sous la forme d’une très haute stèle. Sur l’avant, deux registres se superposent.

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, les deux soldatsEn bas, se tiennent deux soldats, tiens, comme à Amboise, mais dans une disposition très différente: ils sont ici à peine détachés du massif de pierre et se tiennent très droites, au garde à vous, en appui sur les longs fusils qu’ils tiennent devant eux.

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, la Victoire ou RépubliqueSur le registre supérieur se tient une allégorie de la République, très raide, sous les traits d’une dont les ailes sont juste gravées sur le fond de la pierre. Les bras tendus vers le bas (et non dressés vers le haut comme pour la République du monument aux morts d’Angoulême), elle tient des ses mains deux couronnes en bronze.

Toulouse, le monument morts de Haute-Garonne, Raynaud, Victoire Personnellement, je préfère la Victoire de Camille Raynaud à Toulouse, nue et grassouillette, qui avait fait scandale à l’époque…

Le monument aux morts de Salins-les-Bains, palmes et dos du monumentPour revenir à Salins, le reste du décor se compose de palmes, traitées ici avec les feuilles et les grappes de fruits (régimes de dattes). Au dos du monument sont portés les noms des morts pour la France de 1914-1918, complétés par des plaques avec les victimes des conflits ultérieurs.

Photographies d’avril 2014

Le monument aux morts d’Amboise

Amboise, le monument aux morts dans son environnement A Amboise, le monument aux morts de 1914-1918 s’est un peu promené… il est aujourd’hui situé sur le Mail (place du Général de Gaulle), côté Loire, à peu près en face de l’office de Tourisme et pas très bien mis en valeur!

Amboise, le monument aux mortsC’est un peu mieux si on traverse…

Amboise, le monument aux morts, carte postale ancienneIl ne se trouve là que depuis mai 1982. Il se trouvait avant sur une place arborée, devenue aujourd’hui square des Anciens d’Afrique du Nord, pas très loin, en fait presque de l’autre côté du boulevard, comme on peut le voir sur cette carte postale ancienne. il a été financé par souscription publique, subvention (au prorata du nombre de morts de la commune, rappelons-le) et des bénéfices sur la vente de poissons de Loire. Il y a été inauguré le 13 juillet 1924.

Amboise, le monument aux morts, carte postale ancienneCette autre carte porte comme mention « Angibault sculpt[eur], Garaud stat[uaire]. En fait, Gustave Angibault était marbrier à Amboise et n’a réalisé que les ornements annexes.

Amboise, le monument aux morts, signatures Angibault et Camille GarandOn retrouve les signatures sur le socle: « G. Angibault et Garand ». Ce dernier est Camille Garand (Nouans-les-Fontaines, 1879 – 1979), sculpteur tourangeau qui est l’auteur de plusieurs monuments aux morts dans le secteur.

Amboise, le monument aux morts, vue de profilLe monument se compose d’un haut socle en granite qui porte des listes de morts sur trois faces (deux pour 1914-1918, une pour les autres conflits) et au sommet, un groupe sculpté en calcaire.

Amboise, le monument aux morts, vue rapprochée du groupe sculptéCe groupe comprend deux soldats qui se recueillent devant la tombe d’un soldat mort (« pro patria »), avec une croix de guerre et recouverte du casque du défunt d’où semble s’échapper une pluie de roses. Une allégorie féminine couronnée (la ville d’Amboise dont elle porte les armoiries), qui tient une couronne, les abrite sous son bras tendu.

Amboise, le monument aux morts, les têtesVoici de plus près, je trouve que la couronne, faite de laurier (victoire) et de chêne (force) est plus une couronne de la Victoire qu’une couronne mortuaire comme j’ai pu le lire ici ou là [même si Grégory défend cette interprétation dans les commentaires ci-dessous].

Amboise, le monument aux morts, les soldatsLe soldat le plus âgé, moustachu et barbu, les yeux fermés, semblent plus affecté et tient, lui, une couronne mortuaire. Le jeune soldat semble lever les yeux vers l’avenir et tient son fusil au repos à sa droite.

Amboise, le monument aux morts, de dosVoici de dos. L’allégorie est vêtue à l’Antique alors que les soldats portent leurs diverses sacoches.

Amboise, stèle aux déportésIl est complété par des stèles aux conflits ultérieurs (Afrique du Nord notamment, voir la première vue) et une stèle aux déportés de la ville.

Amboise, deuxième monument aux morts par Paul DeryckeUn second monument, datant de 1971, se trouve sur l’île de la Loire, après l’auberge de jeunesse.

Amboise, deuxième monument aux morts par Paul Derycke, quatre vuesDe forme triangulaire, installé sur une butte, il se compose de grandes dalles de béton ajouré, avec sur le côté intérieur des listes de morts. La dédicace, « Mère voici tes fils qui se sont tant battus », n’est pas très explicite. Il s’agit d’une œuvre de [Henri] Paul Derycke (Ronq, 1928 – 1998, grand prix de Rome en 1952) est un dépôt de l’État.

D’autres monuments commémoratifs des guerres se trouvent à Amboise: un monument du Souvenir Français (aux morts de 1870-1871, érigé en 1913), les carrés militaires au cimetière, des stèles dans les églises, un monument au maréchal Leclerc par , une stèle au général de Gaulle.

Photographies août 2014

L’hôtel de ville de Limoges

Hôtel de ville de Limoges, façade et fontaineL’hôtel de ville de Limoges et la fontaine (construite sur la place une vingtaine d’années plus tard)  sont inscrits parmi les monuments historiques depuis 1975.

Hôtel de ville de Limoges, l'escalier, carte postale ancienneJe n’ai pas pris de photographies des toiles monumentales situées en haut de l’escalier, du peintre Henri-Paul Motte et représentant L’atelier de Léonard Limosin et Passé et Présent : union du Limousin à la France sous Henri IV. Le reste du décor, sculpture et plafonds peints,  a été confié à Abel Trinocq, Jean-Joseph Weerts et Urbain Bourgeois.

L'hôtel de ville de Limoges, carte postale ancienneLa construction de cet hôtel de ville de Limoges a été rendue possible par l’important legs d’Alfred Fournier, riche propriétaire rentier limougeaud, décédé sans descendance le 24 juillet 1875. Le concours lancé en 1877 fut remporté par l’architecte [Charles] Alfred Leclerc (Paris, 1843-1915), grand prix de Rome d’architecture en 1868, sur un plan très classique pour les hôtels de ville du début de la troisième République (voir dans un style très proche l’hôtel de ville de Poitiers ou celui de Niort, mais je pourrais vous en montrer plein d’autres). L’hôtel de ville fut inauguré le 14 juillet 1883.

Hôtel de ville de Limoges, la toiture et le campanileLe corps central de la façade principale est dominé par un campanile central (il n’est pas garde par des tigres chimères  comme à Poitiers) encadré de deux allégories, un grand classique. La sculpture générale (notamment celle des chapiteaux) a été réalisée par Adolphe- Martial Thabard (Limoges, 1831 – Clamart, 1905).

Hôtel de ville de Limoges, allégorie à gaucheLes deux allégories ont été réalisées par Edme Anthony Paul Noël  dit Tony Noël (Paris, 1845 – Palaiseau, 1909, grand prix de Rome de sculpture en ). Du bas, je n’ai pas repéré de signature. Elles sont « censées » représenter l’orfèvrerie et l’émaillerie, ce qui est logique pour Limoges, mais soit j’ai les yeux bouchés, soit je suis nulle pour reconnaître les attributs… Grandes jupes, sein à peine voilées, à moitié allongées sur le rampant, pieds nus, la main appuyée sur un vase, les attributs ne diffèrent guère…

Hôtel de ville de Limoges, détail de l'allégorie à gaucheVoici de plus près…

Hôtel de ville de Limoges, détail de l'allégorie à gauche, coupe en orfèvrerie sous le vaseOn pourrait dire que c’est l’orfèvrerie à gauche à cause de la coupe que l’on peut distinguer sous le vase.

Hôtel de ville de Limoges, allégorie à droiteA droite, même position pour l’allégorie.

Hôtel de ville de Limoges, détail de l'allégorie à droite, peut-être un stylet dans sa main droiteSi on considère qu’il s’agit de l’émaillerie, on pourrait considérer qu’elle tient un stylet pour poser le décor de sa main droite.

Hôtel de ville de Limoges, les mosaïquesDes mosaïques vénitiennes, dues à Dominique Facchina, ornent les médaillons de la façade, avec les chiffres de la ville au rez-de-chaussée et quatre personnalités locales sous le toit.

Hôtel de ville de Limoges, détail des quatre médaillons en mosaïqueIdentifiés par des inscriptions, classés par ordre chronologique de naissance si on suit de gauche à droite, on peut admirer les portraits de

– « Léonard Limosin (1505-1530) », émailleur dont on peut voir de somptueuses œuvres au musée municipal,

– « chancelier d’Aguesseau (1668-1751) » chancelier de France (sous Louis XIV), né à Limoges, il avait fait sa carrière en Languedoc puis à Paris,

– « Pierre Vergniaud (1753-1793) », avocat, révolutionnaire dans le parti Girondin et guillotiné avec 21 membres de ce parti le 31 octobre 1793 (rappelons que la Terreur a fait beaucoup plus de victimes que les « révolutions » récentes, dont celle en Tunisie),

– « Louis Jourdan (1762-1833) », là, c’est curieux, pour ces dates, j’ai plutôt trouvé Jean-Baptiste (pas Louis) Jourdan (Limoges, 1862 – Paris, 1833), maréchal d’Empire,mort du choléra.

Pour la fontaine, il faudra patienter un peu…

Photographies de novembre 2010

Les reliefs de la façade du musée d’Aquitaine à Bordeaux

Bordeaux, façade du musée d'AquitaineLa plupart des élus de Poitou-Charentes ne veulent pas du Plouc (PoitouLimOUsinCentre) ou de la Police (POitou LImousin CEntre). L’assemblée nationale propose maintenant des réunions Aquitaine-Limousin et Centre-Poitou-Charentes, mais les élus de Charente et Charente-Maritime de tous bords politiques exigent l’Aquitaine, c’est plus partagé pour les élus de la Vienne et des Deux-Sèvres. Un peu normal, le sud de la région est en tuile creuse et en zone occitane, le nord en langue d’oil, une bonne partie en tuiles plates, et le Poitou (bas et haut, donc Vienne, Deux-Sèvres et … Vendée) est plus tourné vers le nord. La région sera-t-elle partagée? Bon, après quelques articles sur Limoges, et toute la série sur Tours et Poitiers, ne sachant pas où nous irons dans quelques mois/années, je vous propose un article sur… Bordeaux! Avec des photographies prises en janvier 2013, quand j’étais allée voir les expositions sur Les désastres de la guerre de Francisco de Goya et Au temps des Gaulois. Direction le musée d’Aquitaine où se tenait cette dernière. Non, on n’entre pas voir les collections d’archéologie (quand même, un petit coup d’œil à la Vénus de Laussel!) ou sur l’histoire de Bordeaux (notamment une salle sur la traite des esclaves ouverte en 2009), on regarde la façade sur le cours Pasteur (en attendant le tram, par exemple…). Désolée pour la qualité de certaines photos, je les avais faites juste pour moi, pas en vue d’un article… Le bâtiment fut d’abord la faculté de lettres, de sciences et de théologie, d’où les thèmes retenus sur ces reliefs. Il fut inauguré en janvier 1886, après cinq ans de travaux sur les plans de l’architecte municipal de Bordeaux, Charles Durand. Je n’ai pas pu chercher de la documentation citée dans l’article de Marion Lagrange et Florent Miane, Le Musée archéologique de la faculté des lettres de Bordeaux (1886) (référence complète en fin d’article), mais vous y trouverez plein de renseignements, plans, etc. Cette partie centrale abritait le musée d’archéologie de la faculté.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de gaucheLe relief de gauche, une ribambelle (procession, si vous préférez) d’hommes se dirige vers le relief central. Il s’agit des « progrès de la science »!

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de gauche, signature de Edmond PrévotIl est signé « E. Prévot », pour Edmond Prévot (Bordeaux, 1838 – Bordeaux, 1892), le musée des Beau-Arts conserve quelques-unes de ses œuvres, il a également réalisé deux allégories du palais Rohan, toujours à Bordeaux.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de gauche, détail de la partie gaucheSur la partie gauche, l’homme à gauche est vêtu d’un costume, les autres de toges. On devrait y reconnaître Lavoisier, Ptolémée et Galilée.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de gauche, détail de la partie droiteDans la partie droite, d’autres hommes célèbres… il me faudrait approfondir la question pour les identifier un par un, les coiffures et les attributs devraient aider avec un peu de patience.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief centralLe relief central est dominé par l’allégorie centrale dont la tête déborde du cadre.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief central, signature de Pierre GranetIl porte la signature « P. Granet », pour Pierre Granet (Villeneuve-d’Ornon, 1843 – Neuilly-sur-Seine, 1910)

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief central, allégorieLa femme centrale centrale est assise et vêtue à l’Antique, portant une palme et coiffée d’une couronne. Certains disent qu’il s’agit d’Athéna, déesse notamment de l’intelligence. Mais elle ne porte pas les symboles d’Athéna (l’égide, par exemple). Avec sa petite couronne et les armoiries de la ville de Bordeaux qu’elle soutient de la main gauche, j’y verrai bien une allégorie de la ville de Bordeaux. Pierre Paris, cheville ouvrière du musée, ayant été directeur de l’école française d’Athènes, le sculpteur a peut-être joué sur l’ambiguïté avec une Athéna qui possède les attributs d’une allégorie de ville!

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief central, personnages à gaucheLes personnages à gauche se pressent vers elle, de l’enfant (nu) à l’adulte (barbu) en passant par des jeunes gens (glabres), autour d’une colonne cannelée.

A droite, je verrai plutôt Athéna ici, dans cette femme accroupie qui porte un casque et tient une tablette, autour de laquelle se pressent trois jeunes gens glabres et un homme barbu peut-être un peu plus âgé.

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de droiteJe n’avais pas pris bien en face le relief de droite, désolée pour la déformation du relief… On y voit à nouveau une procession masculine qui se dirige vers le relief central. Il s’agit des progrès des lettres (y compris la philosophie et la théologie).

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de droite, signature de CoëffardIl porte la signature « Coëffard », pour Louis (André) de Coëffard de Mazerolles (Arveyres, 1818 – Bordeaux (?), 1887).

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de droite, partie gauche avec lyre et phinxSur la partie gauche se trouve un sphinx (archéologie), un personnage qui tient une grande lyre et un petit masque (la tragédie antique), Moïse, juste devant le sphinx, tient les tables de la loi avec un texte en hébreu

Bordeaux, façade du musée d'Aquitaine, le relief de droite, partie droite de la processionDans la partie droite se trouve, à l’extrémité droite, la seule femme de ce relief, vêtue d’un long manteau et la tête couverte d’un voile. Avec un peu d’effort, il devrait être possible de retrouver dans cette procession des lettres Homère, Horace, Eschyle et Dante…

Pour aller plus loin: voir l’article de Marion Lagrange et Florent Miane, Le Musée archéologique de la faculté des lettres de Bordeaux (1886). L’institutionnalisation des collections pédagogiques et scientifiques, In Situ, n°17, décembre 2011.

Photographies de janvier 2013.

La gare de Limoges, l’intérieur

Gare de Limoges, la coupoleAprès vous avoir montré l’extérieur de la gare des Bénédictins à Limoges, voici une petite visite de l’intérieur, qui a été fortement restauré après l’incendie de février 1998. Les verrières de Francis Chigot (Limoges, 1879- 1960), réalisées entre 1924 et 1929, ont en particulier été presque entièrement reconstituées dans la coupole de 26m de hauteur. Je sais que quelques lecteurs sont fans de ces verrières, mais je préfère m’attarder sur les allégories qui occupent les angles, dues comme les allégories extérieures à Henri [Frédéric] Varenne (1860 – 1933), qui a réalisé pour la même compagnie des chemins de fer Paris-Orléans la sculpture de la façade de la gare de Tours (mais pas les allégories de Limoges et Nantes par Jean Hugues, les allégories de Bordeaux et Toulouse par Antoine Injalbert) et beaucoup d’autres œuvres (revoir le décor général de l’hôtel de ville, la charité de Martin devant la basilique Saint-Martin et la statue du général Meunier dans le jardin des Prébendes-d’Oe à Tours).

Intérieur de la gare de Limoges, allégorie du Limousin

Je commence logiquement par l’allégorie du Limousin, une femme nue qui tient dans sa main droite un grand vase en porcelaine et est surmontée d’une profusion de blés, de feuilles de châtaignier et de châtaignes.

Intérieur de la gare de Limoges, allégorie de la Bretagne

Curieusement, il y a une allégorie de la Bretagne, dont l’accès n’est pas le plus simple depuis Limoges… Poitrine dénudée, la femme qui symbolise la Bretagne est vêtue d’un léger voile qui laisse apparaître ses formes. Debout, elle ouvre largement les bras sur ce qui symbolise la Bretagne, algues, poissons, coquillages, étoiles de mer…

Intérieur de la gare de Limoges, allégorie de la Touraine

La présence de la Touraine est plus compréhensible. Elle est vêtue d’un léger voile qui cache à peine sa nudité et tient dans sa main gauche un bouquet de rose qu’elle va compléter probablement de celle qu’elle cueille élégamment de la main droite. Si les feuilles de vigne peuvent bien figurer la Touraine, les roses moins, sauf à penser à Ronsard et sa « mignonne allons voir si la rose… »

Intérieur de la gare de Limoges, allégorie de la Gascogne

La quatrième allégorie représente la Gascogne. Curieusement, elle est représentée sous les traits d’une femme nue, mais de dos, qui semble embrasser une profusion de sarments de vigne qui portent de lourdes grappes de raisin.

Mais… point de Poitou dans ces allégories??? Encore moins de Charente ou Charente-Maritime? Et le futur Plouc (PoitouLimOUsinCentre) alors? Il n’y a que la Touraine qui pourrait être rattachée dans ce hall de gare… Quid du mariage à venir de gré ou de force de Poitou-Charentes avec le Limousin et le Centre, formant au choix des internautes Police (POitou LImousin CEntre), CCCP (façon URSS en cyrillique, Centre Charentes Corrèze Poitou)?

L'intérieur de la gare de Limoges avec ses guichets sur une carte postale ancienneLa gare avait, jusqu’en 1978, des en bois de style art déco, qui ont été détruits, comme ceux de la poste d’Angers ou ceux bien abîmés de la poste de Poitiers! Je vous ai trouvé une carte postale ancienne où on peut les voir… (et en fin d’article, retrouvez d’autres guichets de gare).

Départ des trains sous la grande verrière de la gare de Limoges, carte postale ancienne… et c’est parti, il n’y avait pas de grève ce jour là!

PS: pour rebondir à une remarque de Laurent Prysmicki, voici d’autres (nouveau mot-clef) de gare aujourdh’ui détruits dont je vous ai montré des images:

La Rochelle, l'intérieur de la gare sur une carte postale ancienne la gare de La Rochelle

Les guichets de l'ancienne gare de Poitiers, carte postale anciennela gare de Poitiers avant et après le bombardement de 1944

Les anciens guichets de la gare de Tours, carte postale anciennela gare de Tours

Photographies de novembre 2010.

La gare de Limoges, l’extérieur

La gare de Limoges, vue rapprochéeLe président de la République l’a décidé, dans la fusion des régions, Poitou-Charentes sera mariée de gré ou de force avec le Limousin et le Centre, formant au choix des internautes Police (POitou LImousin CEntre), CCCP (façon URSS en cyrillique, Centre Charentes Corrèze Poitou) ou, mon préféré, Plouc (PoitouLimOUsinCentre)… Puisque le mariage est annoncé et que l’on ne sait pas encore quelle sera la capitale (Orléans est peu probable, trop excentrée, Poitiers et Limoges trop petits, peut-être Tours?), penchons-nous sur le patrimoine… J’ai déjà consacré une longue série d’articles à Tours, parle de Poitiers chaque dimanche, mais ai peu abordé Limoges, la dernière fois l’année dernière contre le projet de LGV Poitiers-Limoges… Retournons-y, avec des photographies de novembre 2010.

[PS: et pour mettre de l’huile sur le feu, à côté de l’Aquitaine d’Aliénor (et des Guillaume, comte de Poitou-duc d’Aquitaine), il y a aussi Charles II de Poitou, futur roi Charles VII, comte de Poitou, duc de Touraine, duc du Berry, LOL!]

La gare de Limoges, vue du parc voisinDébarquement à la gare des Bénédictins, en centre-ville et au coeur des voitures, mieux vaut s’éloigner un peu pour voir l’ensemble.

L'ancienne gare de Limoges de 1856, vue sur une carte postale ancienne antérieure à 1914La première gare construite en 1856, que l’on peut voir sur cette acrte postale ancienne, a été remplacée par la gare actuelle entre 1925 et 1929 par Roger Gonthier (1884-1978), architecte de la compagnie du Paris-Orléans dont les initiales PO parsèment la façade.

La gare de Limoges, vue extérieure du dômeDominée par son campanile (haut d’une soixantaine de mètres) et surtout célèbre pour son dôme d’une trentaine de mètres de diamètre, la gare a été inscrite parmi les monuments historiques en 1975, elle a failli être détruite par un incendie en février 1998. Deux ans de travaux de restauration ont été nécessaires et le dôme presque entièrement reconstruit à l’identique.

La gare de Limoges, signatures H. Varenne, 1927, sur les statuesLa large façade est encadrée par deux petites entrées sous marquise, départs à gauche et arrivées à droite. Cette façade est cernée par deux statues monumentales dues à Henri [Frédéric] Varenne (1860 – 1933), qui a réalisé pour la même compagnie la sculpture de la façade de la gare de Tours (mais pas les allégories de Limoges et Nantes par Jean Hugues, les allégories de Bordeaux et Toulouse par Antoine Injalbert) et beaucoup d’autres œuvres. Henri [Frédéric] Varenne a laissé sa signature, H. Varenne et 1927 sur les statues, 1926 sur les reliefs qui ont pris place dans les écoinçons monumentaux.

La gare de Limoges, allégorie de Cérès par VarenneA gauche, Cérès, déesse de l’agriculture, est représentée nue, accoudée sur l’arc avec un bœuf et des gerbes de céréales.

La gare de Limoges, allégorie de Mercure par VarenneA droite se prélasse Mercure, dieu des voyageurs (du commerce et des voleurs), avec son caducée et coiffé de son casque ailé mais accompagné d’attributs industriels plus inhabituels. On retrouve le couple Cérès/Mercure par exemple sur les halles de Niort (1871) ou sur l’ancienne chambre de commerce de Poitiers (1935, par Raymond Couvègnes).

La gare de Limoges, allégorie de la porcelaine par VarenneLes deux statues monumentales sont des allégories des activités industrielles de la ville de Limoges, liées aux arts du feu, la porcelaine et l’émail. Les deux sont représentées sous les traits d’une femme assise accompagnée d’un enfant qui se tient par terre, en appui sur les genoux de la femme. La figure de la porcelaine tient un vase…

La gare de Limoges, allégorie de l'émail par Varenne… alors que celle qui figure l’émail tient un petit coffret (en cours d’émaillage?).

La gare de Limoges, allégorie de l'émail et fronton du hall d'arrivéeLe jour de ces photographies, il faisait beau mais … j’avais un train à prendre, lors de mon passage suivant (il y a presque un an, en mai 2013, il y avait de belles giboulées), du coup, je ne peux pas vous montrer de belles photographies dela tête de Mercure sur la façade nord, ni, côté ouest, les armes des villes desservies par le Paris-Orléans (et au-delà), les actuelles gares sur le POLT (revoir LGV Poitiers-Limoges versus Polt) / Paris-Orléans-LimogesToulouse via Montauban, ainsi que les armoiries d’Agen, Périgueux, Blois, Bourges,  BordeauxPoitiers et Tours, la boucle du futur PLOUC (et de l’option abandonnée de l’union avec l’Aquitaine) est bouclée! Allez, j’ai quand même quelques photographies prises sous le dôme… pour un autre article! [à lire maintenant ici: La gare de Limoges, l’intérieur].

Photographies de novembre 2010.