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Les monuments aux morts de la vallée de la Gartempe, 13 septembre 2018

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler boulot… Pour les journées européennes du patrimoine 2018, la La Région Nouvelle-Aquitaine vous ouvre des portes (clic, clic pour le programme complet). Pour ma part, je serai accueillie dès jeudi soir par le pays d’art et d’histoire / communauté de communes Vienne et Gartempe pour une conférence autour des monuments aux morts de la vallée de la Gartempe (dans sa traversée du département de la Vienne), le centenaire de 1918 approche.

Je parlerai des monuments aux morts et autres plaques, affiches etc. commémorant la Première Guerre mondiale, et aussi des monuments plus anciens (1870-1871) et plus récents (notamment Deuxième Guerre mondiale) de Lathus-Saint-Rémy, Saulgé, Montmorillon, Pindray, Jouhet, Antigny, Saint-Savin, Saint-Germain, Nalliers, La Bussière, Saint-Pierre-de-Maillé, Vicq-sur-Gartempe, Angles-sur-l’Anglin et La Roche-Posay.

Rendez-vous jeudi 13 septembre à 18h30 à Montmorillon, maison des services publics (siège de la Communauté de communes, sur la rocade près du stade et du cimetière Saint-Martial)…

Mon diaporama est près, mais il sera mis en ligne après la conférence sur le site de l’inventaire du patrimoine de Nouvelle-Aquitaine, site de Poitiers, vallée de la Gartempe 😉

La Mérigot(t)e à Poitiers, résidence de l’écrivain Jean-Richard Bloch

L'entrée du domaine de la Mérigote à PoitiersIl y a trois ans, le projet d’une maison d’écrivains à la Mérigot(t)e, ancienne maison de Jean-Richard Bloch, était présenté comme devant voir le jour très prochainement. Surprise!!! Même annonce il y a quelques jours, à l’occasion des Editeuriales, manifestation organisée par la médiathèque… Retour d’un serpent de mer ou vrai promesse avec un vrai projet???

Article du 20 avril 2014

Jeudi 10 avril 2014, à l’occasion du 70e anniversaire de la libération de la ville de Poitiers, plusieurs manifestations étaient organisées, la mise en place à l’hôtel de ville d’une plaque en hommage à Raymond Charpentier (son inauguration a été reportée), le témoignage de Marthe Cohn, dont je vous ai parlé la semaine dernière, et la projection gratuite en avant-première du documentaire « Jean-Richard Bloch, la vie à vif« , un intellectuel engagé et témoin de son époque sur France 3, réalisé par Marie Cristiani et co-produit par France 3 Poitou-Charentes et Anekdota production. Marie Cristiani avait déjà réalisé en 2005 un documentaire sur la fille et le beau-fils de Jean-Richard Bloch, France Bloch, Frédo Sérazin un couple en résistance (voir un extrait) qui avait fait l’objet en 2013 d’un ensemble de manifestations à Poitiers à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de France Bloch-Sérazin. Ces manifestations sont à l’origine du nouveau film, très intéressant, visible pour quelque temps sur le site de l’émission Doc24 de France 3 Poitou-Charentes… (dès qu’il faut plus de quelques clics, j’ai encore du mal à suivre sur internet, merci à Grégory qui a trouvé le lien. Au passage, merci à ceux qui ont considérablement amélioré mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, avec de nouveaux liens!).

Jean-Richard Bloch (Paris, 1884 – Paris, 1947), intellectuel, avait été nommé professeur au lycée de Lons-le-Saunier puis à Poitiers à la rentrée 1908, avant de se mettre en disponibilité dès l’année suivante. Il s’installe au lieu-dit la Mérigot(t)e (avec deux t à l’IGN, voir ci-dessus la vue aérienne de l’IGN/Géoportail, un seul pour sa demeure), où il a écrit la plus grande partie de son œuvre littéraire (voir sur le site de l’Association Études Jean-Richard Bloch) et tenu salon, au sens ancien du terme… En 1941, il fuit vers Moscou et l’URSS. J’avoue que je n’ai jamais lu son œuvre (contes, essais, romans, récits de voyage – Sur un cargo en 1924, Cacaouettes et bananes en 1929-, mais aussi sa correspondance publiée en partie en 1989, 1994,  2007 et 2009), mais je vais m’y atteler dès que je pourrai [PS: en partie fait depuis, voir les liens en fin d’article].

Poitiers, emplacement de la Mérigote sur une vue de Poitiers en 1950, extrait d'une photographie de l'IGNLa Mérigot(t)e, qui domine la vallée du Clain, a été achetée en 2005 par la ville de Poitiers, avec le souhait d’en faire « un centre culturel et un lieu de mémoire ». On a aussi évoqué une résidence d’écrivains dans cette maison qui en a vu beaucoup passer (Aragon, Jules Romains, Georges Duhamel, André Maurois, Diego Rivera, etc.)… Dans le programme électoral d’Alain Clayes en 2008 était inscrit le projet de « réalisation à la Mérigote de la maison Jean-Richard Bloch »… Plus rien ne figure dans son programme de 2014, aucune nouvelle pour l’instant sur ce projet, même si la médiathèque annonce une grande exposition de juillet à septembre 2014 à partir de la bibliothèque par les descendants à la ville [PS: exposition inaugurée le 1er juillet 2014, jusqu’à fin octobre, voir Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte]… Les choses bougeront peut-être d’ici là? Il y a déjà eu en 1981 une exposition dans l’ancienne bibliothèque de Poitiers, et une exposition au musée Sainte-Croix en 1993. La bibliothèque nationale de France lui a aussi consacré une exposition et un colloque en 1997.

Pour aller plus loin : 

– voir l’article d’Alain Quella-Villéger (avec des photographies de Marc Deneyer), Jean-Richard Bloch à la Mérigote, L’Actualité Poitou-Charentes n° 46, 1999, p. 18-23.

– voir le site de l’Association Études Jean-Richard Bloch

Affiche de l'exposition Jean-Richard Bloch à Poitiers, jusqu'au 31 octobre 2014 à la médiathèque…- l’exposition Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte

Paris, cimetière du Père-Lachaise, tombeau de Jean-Richard Bloch, à l'arrière, monument aux déportés d'Auschwitz-Birkenau– sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Paris,

Couverture de Sur un cargo de Jean-Richard Bloch– mes lectures de Jean-Richard-Bloch : Sur un cargo, Cacaouettes et bananes, Espagne, Espagne!, traduction de Karl et Anna, de Leonhard Frank

Un nouveau monument commémoratif à Poitiers

Le monument aux morts de 1914-1918 à Nantes, vue actuelle (2012)Dans les villes chefs-lieux de préfectures, la liste des morts du conflit de 1914-1918 (souvent complétées de celles des conflits ultérieurs) occupe souvent une série de stèles, soit sur le monument aux morts principal comme ici à  Nantes (voir aussi à Lons-le-Saunier, La Rochelle, Cahors, Niort, Skikda (Philippeville) déplacé à Toulouse, etc.), soit sur un monument érigé par l’association du souvenir français dans un cimetière (voir dans le cimetière de Salonique à Toulouse).

Le monument auxmorts pour 1914-1918 à PoitiersCe n’est pas le cas à Poitiers où la liste des morts a été incluse dans une cartouche insérée dans le socle du monument aux morts de 1914-1918 (œuvre du sculpteur Aimé Octobre) et n’est donc pas visible par celui qui veut se recueillir.

 

Nouveau monument commémoratif à Poitiers, près de l'ancien théâtreIl y a déjà de longs mois (je dirais que ça fait plus de deux ans qu’on en parle), la ville de Poitiers a décidé de confier à deux artistes, Antonin Fourneau et Jean-Loup Bouvier, de réaliser un monument commémoratif (qu’il ne faut pas appeler monument aux morts, qu’ils disent….). Construit en « béton connecté », il est installé juste à côté de l’ancien théâtre (dont le grand miroir/verre églomisé de Pansart a été démonté), dans un secteur où les camions de livraison ont l’habitude de manœuvrer, ce ne sont sans doute pas les quatre potelets qui vont le protéger, il risque un accident de circulation!

Nouveau monument commémoratif à Poitiers, problème technique avant l'inaugurationIl doit faire défiler, grâce à 25000 leds, les « noms de 2107 poitevins morts pour la France », dit le communiqué officiel. En fait tous n’ont pas le statut de « morts pour la France », très réglementé, car la base de données inclut les victimes des bombardements de Poitiers, mais c’est pas mal de mettre les victimes de toutes les guerres, y compris les victimes récentes des régiments localisés à Poitiers. Ce qui est dommage, c’est que cette liste n’est pas accessible sur le site internet couplé à l’œuvre, on peut juste y chercher un nom.  Hier, quelques minutes avant l’inauguration, il avait les « tripes » (électroniques) à l’air et ne semblait pas fonctionner…

Nouveau monument commémoratif à Poitiers, noms qui défilent, peu lisibles

Luminous memento… tel est le titre de ce monument créé par . Luminous laisse rêveur… Là où il est placé, il est en pleine lumière quasi toute la journée, ce vendredi 11 novembre après-midi, la luminosité des leds était très insuffisante pour réussir à lire les noms qui défilent si si, là, sur cette photo, vous devez lire un nom!). En principe, à la date anniversaire du décès,  les noms des victimes décédées le jour concerné se figent le soir…

Nouveau monument commémoratif à Poitiers, en panne dès le 12 novembreLa technique n’a pas l’air très au point. Ce samedi matin vers 9h30, aucun nom ne s’affichait, j’ai attendu un peu, il y a un petit délai entre chaque nom, mais non, le monument était bien éteint ou « en rade »! Beaucoup de publicité de la ville pour « une première nationale », le « seul monument connecté de France », mais il va falloir que ça fonctionne pour les 100.000€ ponctionnés sur nos impôts. Et ça serait pas mal que la liste complète des victimes soit accessible quelque part pour tout le monde, sans devoir rester des milliers d’heures planté devant un totem noir.

 

Une connaissance inutile, de Charlotte Delbo

Couverture de Une connaissance inutile, de Charlotte DelboFrance Inter a rediffusé l’autre jour deux émissions de Zoé Varier de 2013 consacrées à . J’ai saisi l’occasion pour publier cet article rédigé il y a un moment mais que je gardai pour une série d’articles à venir… Après Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours et Aucun de nous ne reviendra, j’ai continué ma lecture de avec la suite de ce dernier titre également trouvé à la médiathèque de Poitiers qui avait organisé une exposition Autour de Charlotte Delbo [voir aussi Mesure de nos jours].

Le livre : Auschwitz et après, II, Une connaissance inutile, de Charlotte Delbo, Editions de minuit, 1970 (réédition 2013), 186 pages, ISBN 9782707304026.

La quatrième de couverture:

Une connaissance inutile est le troisième ouvrage de Charlotte Delbo sur les camps de concentration. Après deux livres aussi différents par leur forme et leur écriture que Aucun de nous ne reviendra et Le convoi du 24 janvier, c’est dans un autre ton qu’on lira ici Auschwitz et Ravensbrück On y lira plus encore une sensibilité qui se dévoile à travers les déchirements. Si les deux précédents pouvaient apparaître presque impersonnels par leur dépouillement, dans celui-ci elle parle d’elle. L’amour et le désespoir de l’amour – l’amour et la mort ; l’amitié et le désespoir de l’amitié – l’amitié et la mort ; les souffrances, la chaleur de la fraternité dans le froid mortel d’un univers qui se dépeuple jour à jour, les mouvements de l’espoir qui s’éteint et renaît, s’éteint encore et s’acharne…

Mon avis: dans ce volume, Charlotte Delbo revient sur son arrestation, la détention à la prison de la Santé, l’adieu aux hommes qui seront fusillés (ceux qui ont mené l’attentat du 21 mai 1942 au 4 rue de Buci), le séjour à Romainville, le trajet, Auschwitz-Birkenau, le kommando de Rajsko, l’évacuation à Ravensbruck. Curieusement, elle ne parle pas de la montre qu’elle a réussi à garder et qui fut d’un grand soutien pour ses co-détenues du convoi du 24 janvier, épisode dont parle , la mère de , dans Convoi vers l’est, où elle aborde aussi les pièces de théâtre montées au fort de Romainville. La phase la plus dure, celle des premiers mois à Auschwitz-Birkenau, est assez rapidement abordée. Le livre est partagé en chapitres courts, en prose ou en vers (très agréables à lire malgré le sujet), qui chacun rapportent un événement : la soif, qui se termine par l’absorption d’un seau complet grâce à ses co-détenues, les maladies, le quartier des malades (Revier), la mémorisation des dates de décès des compagnes du convoi, la procuration d’un tube de dentifrice (grâce à une jeune juive affectée aux Effekts, c’est-à-dire au tri des affaires des déportées exterminées, en court sursis, vêtues d’habits civils et non de la tenue rayée, mieux nourries). Le kommando de Rajsko, où était expérimenté l’acclimatation de plantes, où un petit groupe finit par se retrouver grâce à l’une d’elles, chimiste, est largement développé, avec ce qui a permis de survivre plus facilement, Eva, chargée de dessiner les plantes, façon planches botaniques, et qui représente aussi des fleurs, un ubuesque noël 1942 où françaises et polonaises ont réussi à organiser un « festin » (avec cigarettes et bières volées ici et là), le montage du malade imaginaire (avec décor et costumes après avoir reconstitué le texte), l’évacuation vers Ravensbrück, par un train ordinaire de voyageur, l’occasion non saisie d’évasion à Berlin, la vie à Ravensbrück avec le « commerce » organisé par les tsiganes, le retour par la Suède. Au passage, quelques phrases ici et là montrent, par des exemples pris dans la guerre du Vietnam (livre publié en 1960), que le « plus jamais ça » n’est qu’une illusion. Un témoignage à lire absolument!

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo »

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les , et plus largement sur la … Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Les naufragés et les rescapés de Primo Levi

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Le fils de Saul de László Nemes

Affiche de Le fils de Saul de László NemesEn rédigeant l’article sur les César 2016, je me suis aperçue que je ne vous avais pas parlé du Fils de Saul de László Nemes, que j’avais vu lors de sa sortie. Comme certaines salles l’ont ressorti, je vous fais comme même un court avis…

Le film : en octobre 1944, dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Les Sonderkommando sont des prisonniers juifs isolés des autres, chargés des chambres à gaz et des fours crématoires, jouissant d’une certaine autonomie et d’une vie moins dure… jusqu’à être à leur tour éliminés. Parmi eux, Saul Ausländer [Géza Röhrig] tente de survivre et d’échapper à la prochaine « sélection » (de ceux qui seront éliminés). Un jour, un jeune garçon n’est pas mort après le gazage, il est emporté par le médecin qui va tenter de voir pourquoi il a survécu… avant de l’éliminer. Saul croit reconnaître en lui son fils, va tout tenter pour trouver un rabbin et procéder à des obsèques dans le camp en le faisant échapper au four crématoire.

Mon avis : même si certains détails ne collent pas toujours avec l’Histoire (pour cela, il y a les documentaires, les travaux historiques, les témoignages, suivre les liens sur les mots-clefs en fin d’article…), ce film poignant n’est pas un film sur les camps de concentration, ni même sur les camps voisins d’Auschwitz et Birkenau. Il permet d’en toucher l’organisation, la dureté, les trafics internes aussi, mais c’est avant tout un film sur le mode de survie d’un père, comment il se rattache à l’amour de son fils, même d’un fils qu’il croit reconnaître, même d’un fils mort, sauver l’âme de ce fils (trouver un rabbin et l’enterrer en disant le kaddish) pour tenter de survivre lui-même, de trouver ne serait-ce que quelques jours un sens à sa vie, quitte à la mettre en danger, ainsi que celles de ses compagnons de douleur. Par le choix de l’immersion au sein du Sonderkommando, par la manière de filmer au cœur du groupe, dans le bruit du camp, le spectateur ressent presque la chaleur étouffante et la puanteur qui s’échappe des fours crématoires. Un film à voir absolument!

Les innocentes d’Anne Fontaine

Les innocentes d'Anne FontaineJe suis allée voir hier Les innocentes d’Anne Fontaine (revoir mon avis sur un de ses films précédents, La fille de Monaco).

L’histoire : en Pologne, en décembre 1945. Dans un hôpital temporaire de la Croix Rouge,  Mathilde Beaulieu [Lou de Laâge], fille d’ouvriers communistes, assiste Samuel [Vincent Macaigne], le chirurgien juif dont toute la famille a été décimée à Bergen-Belsen. Un jour, une jeune sœur d’un couvent de bénédictines vient chercher de l’aide : l’une des religieuses souffre en couches depuis 24 heures. Contre l’ordre établi (les Polonais doivent être aidés par la Croix-Rouge polonaise), elle finit par se rendre au couvent, pratique une césarienne avec les moyens du bord, avant d’apprendre que sept religieuses sont enceintes et sur le point d’accoucher, toutes ont été violées il y a 9 mois par des soldats soviétiques. La Mère supérieure [Agata Kulesza] lui fait jurer le silence, elle confiera l’enfant au village, il n’est pas question qu’elle revienne. Mais l’une des religieuses, Maria [Agata Buzek], promet de la faire entrer pour vérifier les suites de la césarienne. Au retour de cette deuxième visite, des soldats russes arrêtent son véhicule et entreprennent de la violer, arrêtés in-extremis par leur supérieur. Il ne la laisse cependant pas passer et elle doit retourner au couvent…

Mon avis : Anne Fontaine s’est inspirée de l’histoire de Madeleine Pauliac dont elle a eu connaissance par son neveu, qui détenait son journal intime. Elle mêle plusieurs thèmes, les viols commis par des soldats, les enfants abandonnés ou orphelins de guerre, la foi / les fois (catholique, juive, communiste?), l’occupation de la Pologne dans les mois qui suivent la Deuxième Guerre mondiale. La vision semble parfois un peu simplistes: les médecins soignent sans arrière-pensée, alors que dans le camp des religieuses, il y a certes la foi pour la quasi totalité (pas toutes), mais aussi le secret, l’infanticide, le suicide… pas très catholiques! Révéler le secret serait la mort du couvent, dont les biens sont convoités par le nouveau gouvernement communiste. La mère supérieure a cru bon de se débarrasser des premiers bébés en les confiants à Dieu (au pied d’un calvaire dans le froid de l’hiver polonais) plutôt qu’à une famille, mais elle est « punie » (je fais un raccourci qui me semble implicite dans le film) car victime d’une syphilis à un état avancé, qu’elle refuse de laisser soigner. Je trouve que ce film n’est cependant pas aussi fort que Ida, de Paweł Pawlikowski, qui abordait le thème d’une petite fille juive cachée dans un couvent polonais.

Première personne du singulier de Patrice Franceschi

pioche-en-bib.jpgCouverture de Première personne du singulier de Patrice FranceschiJ’ai trouvé ce recueil, qui a reçu le prix Goncourt des nouvelles en 2015, parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Première personne du singulier de Patrice Franceschi, éditions du Seuil, collection Points, 2015, 197 pages, ISBN 9782757849736.

Les histoires : Noël 1884. Le capitaine Flaherty a disparu dans une tempête… retour sur sa carrière dans Un fanal arrière qui s’éteint. En mai 1940, en pleine débâcle et alors que les soldats fuient les uns après les autres, le sous-lieutenant Pierre Vernaud reçoit l’ordre de tenir pendant 24h le Carrefour 54 pour ralentir l’avancée allemande. Au début 2013, un journal de Syndney reçoit une information qui pourrait relancer l’enquête sur le Naufrage du lieutenant Wells dix ans plus tôt au large de l’Italie. Le 22 novembre 1943, deux résistants, Madeleine et Pierre-Joseph, chacun avec un enfant, se rencontrent sur le quai de la gare devant ce qui sera Le Train de six heures quinze.

Mon avis : j’ai beaucoup aimé ces quatre nouvelles, où l’auteur a glissé de petits renvois de l’une à l’autre : à la fin du Naufrage du lieutenant Wells le rédacteur en chef a entendu parlé de la mort tragique d’un capitaine il y a longtemps (Un fanal arrière qui s’éteint) ; au début du Train de six heures quinze, Madeleine est la cousine d’un héroïque sous-lieutenant du 101e régiment d’infanterie (Carrefour 54). Les descriptions des deux naufrages sont particulièrement réussies, impossible de fermer le livre au milieu de la tempête qui s’achèvera par la mort du capitaine Flaherty. Dans chaque nouvelle, le personnage principal doit prendre une décision importante qui décidera de son destin, au sacrifice de sa vie, jusqu’à se suicider ou s’exiler sur un îlot isolé. Le Naufrage du lieutenant Wells est le plus ancré dans l’actualité, avec un lieutenant qui ne supporte pas que le capitaine du cargo sur lequel il est refuse de ralentir et de se porter au secours d’une embarcation pleine de migrants, pour éviter les complications (et le temps perdu), l’équipage cosmopolite approuve le capitaine. Une situation qui hélas s’est déjà produite en Méditerranée ou dans l’océan Indien. A découvrir… et de mon côté, je lirai probablement d’autres ouvrages de Patrice Franceschi.

Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai

pioche-en-bib.jpgCouverture de Ce que j'ai voulu taire de Sándor MáraiBien que l’auteur se soit suicidé en 1989, ce titre faisait partie de la rentrée littéraire 2014.  Je l’ai trouvé à la médiathèque et l’ai lu pendant mes vacances. Du même auteur, voir aussi mon avis sur L’héritage d’Esther.

Le livre : Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai, traduit du Hongrois par Catherine Fay, éditions Albin Michel, 2014, 208 pages, ISBN 9782226312389.

L’histoire : 12 mars 1938. L’Allemagne nazie annexe l’Autriche. 31 août 1948, alors que le pays est devenu un satellite de l’URSS, Sándor Márai et sa famille quittent la Hongrie. Ces mémoires se concentrent surtout sur la montée de l’extrême droite, notamment dans la classe « moyenne supérieure », dans les années 1930 et sur le souvenir de l’écrivain sur cette journée qui allait marquer l’histoire, l’Anschluss », mais qu’il a vécue comme une journée banale, avec son article de 35 lignes à rendre au quotidien où il écrivait alors. Des considérations sur la place des juifs dans la société hongroise – 10% de la population -, la corruption qui leur permit de se maintenir pendant quatre ans grâce à des prête-noms, le découpage des Balkans après la première Guerre mondiale. La période communiste est en revanche à peine abordée.

Mon avis : ce livre est un recueil des mémoires de Sándor Márai, dernier volet inédit des Confessions d’un bourgeois, présumé perdu, retrouvé au début des années 2000 (bien après le suicide de son auteur) et publié en 2013 en Hongrie. L’édition garde d’ailleurs les passages raturés par l’auteur, il ne s’agit pas d’une version définitive et selon la traductrice, il manque probablement des pages, ce qui ne serait pas étonnant car il y a très peu de choses sur la période 1945-1948. Dans le contexte de l’actualité brûlante avec les migrants en Hongrie, ou de ces dernières années avec la déferlante d’extrême-droite sur ce pays, il est très utile d’avoir des clefs de compréhension supplémentaires de cet intellectuel né en 1900 et à la mode à la fin des années 1930. Il replace dans leur contexte les conséquences du traité de Versailles et des différents accords internationaux qui ont abouti au découpage des pays des Balkans, qui font que la minorité germanophone de Transylvanie se retrouve en Roumanie (minorité à laquelle appartient Herta Müller, prix Nobel de littérature, qui en a parlé dans ses livres et notamment dans La bascule du souffle), des locuteurs hongrois en Tchécoslovaquie (sa ville natale était de l’autre côté de la frontière), etc., à l’origine de tensions dans cette région jusqu’à la guerre de Bosnie (voir Šoba et Goražde de ) ou qui pourrait à nouveau exploser avec la Macédoine et la Grèce. Sándor Márai montre aussi comment la Hongrie, qui comptait 10% de population juive, a basculé vers l’extrême droite avant même l’Anschluss, notamment la classe moyenne, comment celle-ci bascule dans l’anti-sémitisme mais aussi comment, paradoxalement, les juifs d’Europe y ont trouvé un relatif refuge jusqu’en 1944. Même s’il apparaît assez clairement que ce texte n’est pas toujours abouti et aurait probablement été remanié par son auteur avant publication, il devrait être lu par chacun et surtout par nos soit-disant grosses têtes politiques pour éclairer la situation actuelle des migrants notamment en Hongrie avec l’affrètement de trains pour se « débarrasser du problème » ou l’érection de la clôture de la honte (« de protection » comme ils disent???) en Bulgarie…

Amnesia de Barbet Schroeder

Affiche de Amnesia de Barbet SchroederAprès quinze jours de fermeture, la salle d’art et essai de TAP a rouvert… Je suis allée voir avec une amie Amnesia de Barbet Schroeder.

L’histoire : 1990, un an après la chute du mur de Berlin, à Ibiza aux Baléares. Fils d’une médecin [Corinna Kirchhoff], Jo [Max Riemelt], vingt ans, rêve de devenir DJ et de se faire embaucher dans la boîte de nuit à la mode, l’Amnesia. Il vient d’arriver de Berlin et de s’installer dans une petite maison au-dessus de chez Martha [Marthe Keller], qui vit là depuis quarante ans, sans électricité mais dans un lieu idyllique, face à une petite crique. Alors qu’elle vient de mettre à la porte un Allemand d’un certain âge en refusant d’aller régler des affaires familiales en Allemagne, Jo se présente chez elle, brûlé à la main. Elle lui demande de parler en anglais. Peu à peu, ils vont apprendre à se connaître, Martha refuse de rouler en Volkswagen (programme lancé par Hitler), de boire du vin allemand, possède un violoncelle dont elle ne veut pas jouer… Ils apprennent à se connaître, Jo gagne un point en montrant qu’il sait pêcher, grâce à son grand-père [Bruno Ganz]. Un jour, elle pose une question à Jo sur une conversation qu’il vient d’avoir en allemand avec un ami, elle va devoir expliquer pourquoi elle refuse tout ce qui est allemand… Les blessures de la guerre ne sont pas refermées, comme Jo va aussi le constater quand sa mère et son grand-père viennent lui rendre visite.

Mon avis : ce film pose la question de la mémoire, au sens du vilain mot « devoir de mémoire ». Martha a fui l’Allemagne sans avoir été directement victime, après avoir vu un bus d’enfants évacués des camps par la croix rouge suisse, fuir, est-ce un refus de complicité ou de la lâcheté? Depuis toujours, le grand-père a donné plusieurs versions de son rôle de gardien dans un camps, ou plutôt dans un Kommando, une usine d’armement qui employait des déportés. Est-il pour autant un nazi? Qu’a-t-il fait lors de la grande marche de l’évacuation des camps? Rien n’est noir ou blanc, ce fut aussi l’objet d’un livre de Primo Levi, déporté à Monowitz, un camp annexe d’Auschwitz, Les naufragés et les rescapés. Cependant, dans le film, j’ai trouvé que le parallèle réconciliation allemande (un an après la chute du mur) et réconciliation / oubli après la Shoah n’est pas très réussi. Lorsque Martha va voir Jo à l’Amnesia, l’enregistrement de son violoncelle qu’elle lance au milieu de la musique techno provoque une peu crédible scène de liesse parmi les danseurs, juste quelques minutes après que le réalisateur a mis en fond dans la maison de Jo un reportage sur le premier anniversaire de la chute du mur de Berlin avec Mstislav Rostropovitch jouant au pied du mur. Un rapprochement un peu lourd… La « confession » larmoyante de Bruno Ganz manque de crédibilité, Jo en dit trop ou pas sur les programmes d’histoire en Allemagne.

Au-delà de la question mémorielle, ce film montre, dans un beau paysage (la maison de Martha est la propre maison du réalisateur, Barbet Schroeder, où il avait déjà tourné son premier film, More, en 1969), l’apprivoisement de deux personnes que tout devrait éloigner, la dame déjà âgée, qui vit loin du monde et élevée dans la musique classique, le jeune allemand qui enregistre et mixe les sons les plus diverses sur un fond de basse.

Sinon, les sous-titres sont, encore une fois, très médiocres, heureusement que le film, à part quelques rares répliques en espagnol, est en anglais et en allemand… S’il y a une VF, j’espère pour les spectateurs que la traduction est meilleure.

Bref, de beaux paysages, une photographie très soignée, mais je ne suis pas entièrement conquise par ce film. J’attends de lire d’autres avis en commentaires ou d’en discuter avec des amis cinéphiles à leur retour de vacances…

Pour aller plus loin sur la question de la mémoire de la seconde guerre mondiale, outre Si c’est un homme et Les naufragés et les rescapés de Primo Levi, voir les témoignages et récits de , également déportée à Auschwitz, notamment Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, ou Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik qui rapporte son propre sauvetage, enfant, alors que sa mère vient d’être victime d’une rafle.

Le voyant de Jérôme Garcin

Couverture de Le voyant de Jérôme GarcinC’est une amie, Paulette (revoir son témoignage sur le Frontstalag 230 à Poitiers) qui m’a prêté ce livre qui a reçu plusieurs prix littéraires en 2015 (prix littéraire de la ville de Caen, prix Nice Baie des Anges, prix Relay des voyageurs-lecteurs). Du même auteur, je vous ai aussi parlé de Olivier et Bleus horizons.

Le livre : Le voyant de Jérôme Garcin, collection blanche, NRF, éditions Gallimard, 2015, 192 pages, ISBN 9782070141647.

L’histoire : né à Paris le 19 septembre 1924, Jacques Lusseyran est victime, à huit ans, d’un stupide accident à l’école qui le rend aveugle. Avec la force de sa volonté et celle de sa mère, il apprend en quelques mois le braille, manie une machine à écrire braille, apprend à se déplacer lors de vacances en Anjou à Juvardeil et réintègre sa classe dès la rentrée suivante. Il poursuit de brillantes études en sixième au lycée Montaigne à Paris puis à partir de la troisième à Louis-le-Grand, apprend l’Allemand. Evacué à Toulouse de septembre 1939 pour un an, il rentre à Paris et organise dès le 21 mai 1941 les « Volontaires de la liberté », dans l’appartement familial et au lycée, réseau qui devient vite officiellement reconnu puis intégré à une structure plus grande. Inscrit en khâgne en 1942, il est sorti de la salle du concours de l’ENS, un aveugle n’a rien à y faire selon un arrêté du ministre… Dès lors, il se consacre entièrement au réseau, avant d’être arrêté le 20 juillet 1943, déporté en janvier 1944 à Buchenwald…

Mon avis: une histoire hors du commun, racontée de manière simple et très efficace par Jérôme Garcin, presque comme un roman d’aventures pour la partie « exaltée » de la résistance, plus « déprimante » pour le retour du camp, les mariages, l’enseignement aux Etats-Unis, le retour en France jusqu’à l’accident de voiture qui lui coûte la vie le 27 juillet 1971. C’est aussi l’histoire d’un combat pour vivre normalement malgré son handicap, et surtout pour que les aveugles ne soient plus exclus de la fonction publique, ce qui ne sera finalement acquis qu’en 1955! Peu de déportés ont témoigné juste après leur retour, envie de se reconstruire mais surtout exclusion de « ceux qui étaient restés » et qui ne comprennent pas quel a été leur enfer. Jacques Lusseyran, lui, a très vite écrit et publié Et la lumière fut, que je vais essayer de trouver. Alors que Geneviève De Gaulle, dont il avait rejoint le réseau (et est tombé en même temps), vient symboliquement d’être inhumée au Panthéon, un éditeur pourrait avoir la bonne idée de rééditer ce témoignage…

Puisque je suis sur le sujet de la Seconde Guerre mondiale, juste pour information, la ville de Strasbourg a révélé ce week-end que suite à la polémique lancée par l’université de Strasbourg elle-même contre le livre de Michel Cymes, Hippocrate aux enfers, des restes humains des victimes des expérimentations nazzies ont bien été retrouvés ces drenières semaines, ils seront remis à la communauté juive pour être inhumé avec les autres victimes du Struthof…