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L’économie du couple, de Joachim Lafosse

Affiche de L'économie du couple, de Joachim LafosseNouvelle sortie cinéma, idéal pour être au frais, avec L’économie du couple, réalisé par Joachim Lafosse et présenté à la quinzaine des réalisateurs lors du dernier festival de Cannes.

L’histoire : de nos jours dans un ancien atelier transformé en appartement. Marie [Bérénice Bejo], universitaire et fille de bonne famille, veut se séparer de Boris [Cédric Kahn], architecte sans travail fixe. Elle a acheté la maison, mais lui a fait tous les travaux qui valorisent l’ensemble… Pour partir, il veut la moitié de la valeur de la maison, elle n’est prête qu’à lui céder que le tiers. En attendant, ils cohabitent avec, au milieu, leurs jumelles de 7/8 ans, la belle-mère [Marthe Keller], prête à confier à Boris le chantier de la restauration de sa propre maison, les amis…

Mon avis : a priori, pas facile de faire un film qui se passe dans sa quasi totalité -sauf le dernier quart d’heure- dans un lieu aussi petit, en gros quatre pièces, un grand salon avec un coin cuisine, trois chambres et une salle de bain, et la cour! Le huis-clos est d’ailleurs parfois pesant, le spectateur mis face aux règlements de compte autour de la vie bassement matérielle, face aux exigences de Marie, qui fixe ses règles, ses « jours » où Boris ne devrait rentrer qu’après le coucher des filles, la molle résistance de celui-ci. En face de ces exigences matérielles, Boris parle du « prix de l’amour », celui qui fait que l’appartement a pris tout son charme, sa valeur. La cohabitation d’un couple en voie de séparation le temps de régler les comptes, au sens propre, est un thème rarement abordé. Bon, j’ai trouvé qu’il y a parfois des longueurs, des moments trop pesants sans être vraiment crédibles, mais une idée de sortie pour ceux qui veulent fuir pendant presque deux heures les 39° annoncés sur une bonne partie du pays aujourd’hui et demain.

Amnesia de Barbet Schroeder

Affiche de Amnesia de Barbet SchroederAprès quinze jours de fermeture, la salle d’art et essai de TAP a rouvert… Je suis allée voir avec une amie Amnesia de Barbet Schroeder.

L’histoire : 1990, un an après la chute du mur de Berlin, à Ibiza aux Baléares. Fils d’une médecin [Corinna Kirchhoff], Jo [Max Riemelt], vingt ans, rêve de devenir DJ et de se faire embaucher dans la boîte de nuit à la mode, l’Amnesia. Il vient d’arriver de Berlin et de s’installer dans une petite maison au-dessus de chez Martha [Marthe Keller], qui vit là depuis quarante ans, sans électricité mais dans un lieu idyllique, face à une petite crique. Alors qu’elle vient de mettre à la porte un Allemand d’un certain âge en refusant d’aller régler des affaires familiales en Allemagne, Jo se présente chez elle, brûlé à la main. Elle lui demande de parler en anglais. Peu à peu, ils vont apprendre à se connaître, Martha refuse de rouler en Volkswagen (programme lancé par Hitler), de boire du vin allemand, possède un violoncelle dont elle ne veut pas jouer… Ils apprennent à se connaître, Jo gagne un point en montrant qu’il sait pêcher, grâce à son grand-père [Bruno Ganz]. Un jour, elle pose une question à Jo sur une conversation qu’il vient d’avoir en allemand avec un ami, elle va devoir expliquer pourquoi elle refuse tout ce qui est allemand… Les blessures de la guerre ne sont pas refermées, comme Jo va aussi le constater quand sa mère et son grand-père viennent lui rendre visite.

Mon avis : ce film pose la question de la mémoire, au sens du vilain mot « devoir de mémoire ». Martha a fui l’Allemagne sans avoir été directement victime, après avoir vu un bus d’enfants évacués des camps par la croix rouge suisse, fuir, est-ce un refus de complicité ou de la lâcheté? Depuis toujours, le grand-père a donné plusieurs versions de son rôle de gardien dans un camps, ou plutôt dans un Kommando, une usine d’armement qui employait des déportés. Est-il pour autant un nazi? Qu’a-t-il fait lors de la grande marche de l’évacuation des camps? Rien n’est noir ou blanc, ce fut aussi l’objet d’un livre de Primo Levi, déporté à Monowitz, un camp annexe d’Auschwitz, Les naufragés et les rescapés. Cependant, dans le film, j’ai trouvé que le parallèle réconciliation allemande (un an après la chute du mur) et réconciliation / oubli après la Shoah n’est pas très réussi. Lorsque Martha va voir Jo à l’Amnesia, l’enregistrement de son violoncelle qu’elle lance au milieu de la musique techno provoque une peu crédible scène de liesse parmi les danseurs, juste quelques minutes après que le réalisateur a mis en fond dans la maison de Jo un reportage sur le premier anniversaire de la chute du mur de Berlin avec Mstislav Rostropovitch jouant au pied du mur. Un rapprochement un peu lourd… La « confession » larmoyante de Bruno Ganz manque de crédibilité, Jo en dit trop ou pas sur les programmes d’histoire en Allemagne.

Au-delà de la question mémorielle, ce film montre, dans un beau paysage (la maison de Martha est la propre maison du réalisateur, Barbet Schroeder, où il avait déjà tourné son premier film, More, en 1969), l’apprivoisement de deux personnes que tout devrait éloigner, la dame déjà âgée, qui vit loin du monde et élevée dans la musique classique, le jeune allemand qui enregistre et mixe les sons les plus diverses sur un fond de basse.

Sinon, les sous-titres sont, encore une fois, très médiocres, heureusement que le film, à part quelques rares répliques en espagnol, est en anglais et en allemand… S’il y a une VF, j’espère pour les spectateurs que la traduction est meilleure.

Bref, de beaux paysages, une photographie très soignée, mais je ne suis pas entièrement conquise par ce film. J’attends de lire d’autres avis en commentaires ou d’en discuter avec des amis cinéphiles à leur retour de vacances…

Pour aller plus loin sur la question de la mémoire de la seconde guerre mondiale, outre Si c’est un homme et Les naufragés et les rescapés de Primo Levi, voir les témoignages et récits de , également déportée à Auschwitz, notamment Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, ou Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik qui rapporte son propre sauvetage, enfant, alors que sa mère vient d’être victime d’une rafle.