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La mémoire et les jours de Charlotte Delbo

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Couverture de La mémoire et les jours de Charlotte DelboAvant de programmer de nouveaux articles, il faut que je fasse quelques mises à jour de WordPress… Comme je souhaite ajouter pas mal de photographies à l’article sur Poitiers initialement programmé pour aujourd’hui (suite à une invasion massive d’ovins en ville hier), je le reporte à demain, histoire de répartir mon temps possible sur ordinateur (ça va mieux mais je ne peux pas abuser de la vue fine) à faire les mises à jour de wordpress et de traiter mes photographies… tout en profitant un peu du soleil s’il n’y a pas trop de vent!

Après l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers et la lecture de Aucun de nous ne reviendra et Le convoi du 24 janvier, j’ai choisi de poursuivre la découverte de Charlotte Delbo avec La mémoire et les jours, trouvé à la médiathèque [la suite en fin d’article].

Le livre: La mémoire et les jours de Charlotte Delbo, éditions Berg international, 1985, 138 pages, ISBN 2900269415 (le texte a été réédité en 1991 puis en 2013 / ISBN 978-2900269411).

La quatrième de couverture:

Ces images d’Auschwitz enfouies dans la mémoire, les visages, les paroles d’autres « revenants », des récits entendus une seule fois et jamais oubliés, est-ce là une connaissance inutile à cette femme qui voyage, interroge et nous investit de son regard?

Ce regard porté sur notre histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale, tisse une sorte de continuité logique entre le passé et le présent. Les événements relatés par une écriture chargée d’émotion, prennent un sens irrévocable. Cette connaissance devient alors indispensable.

Mon avis: ce livre rassemble plusieurs textes de Charlotte Delbo, en prose ou en rimes. La plupart évoquent la déportation (Rajsko / Raisco, Auschwitz, Birkenau, Ravensbrück, le retour, l’exil, Paris, la Suède, les Etats-Unis reviennent au fil des pages), mais pas tous, comme Les folles de mai (p. 95 et suivantes) qui parle  de la dictature en Argentine et des veuves de la place de Mai. Un autre texte, Kalavrita des mille Antigone aborde le massacre de Kalavrita le 13 décembre 1943 en Grèce (1300 hommes tués). Au fil des pages, elle évoque également la torture en Algérie, l’utilisation du napalm en Indochine, du massacre du 17 octobre 1961 à Paris, pour rappeler que le « plus jamais ça » n’est qu’un vœu pieux. Dans l’une des histoires du Tombeau du dictateur, en 1942 à Vienne, une infirmière (ou médecin?) attend dans un hôpital délabré l’arrivée d’une quarantaine de malades… en fait des amputés, qui seront expédiés probablement à la solution finale, alors que l’infirmière qui avait osé écrire à une famille pour donner des nouvelles est déportée à Ravensbrück. Varsovie présente en vers une rafle dans le ghetto. La succession de tableaux dresse un panorama terrible de la guerre et de ses méfaits, hier et aujourd’hui…

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo »

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

La peinture à Dora par François Le Lionnais

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de La peinture à Dora par François Le LionnaisDans le film Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, une lecture est donnée d’un texte écrit par François Le Lionnais, un des fondateurs de l’OuLiPo sur la peinture à Dora. Un petit tour sur le site internet de la médiathèque et j’ai vu qu’il était disponible au dépôt légal, car imprimé dans la région, à Tusson. Le temps de le faire venir pour le lire sur place, un petit délai de deux jours supplémentaires, le service du dépôt légal s’est trompé d’un millier sur la cote, et le voici qui m’est communiqué. Oups, il n’est pas coupé, je suis la première qui vais le lire. Heureusement qu’il ne fait qu’une vingtaine de pages, il a pu être coupé tout de suite, sinon, j’aurai dû attendre que le service de restauration de la médiathèque le fasse.

Le livre : La peinture à Dora, de François Le Lionnais, collection Envois, édition l’Échoppe (tirage à 1000 exemplaires), 21 pages, 1999, ISBN 2840681072. Texte original paru dans le n° 10 (nouvelle série), mars 1946, de la revue Confluences.

L’article: le texte intégral de cet article est disponible en ligne, comme il est court, je vous laisse le découvrir sur le site Marxiste. Il y manque juste la dédicace: « à Henri Seelinger ».

Le contexte: François Le Lionnais, ingénieur-chimiste de formation (comme Primo Levi) et mathématicien, résistant lyonnais du groupe Front national, dans la mouvance communiste (rien à voir avec l’actuel parti d’extrême-droite!!!) a été arrêté en avril 1944 et déporté à Dora d’août 1944 à avril 1945. Il y continue les actes de résistance notamment en sabotant le système de guidage de missiles V2 qu’il est chargé de construire. Au moment de l’évacuation du camp, il fait partie d’un groupe qui s’installe à Seesen et y organise pendant trois semaines les soins aux déportés avant leur rapatriement.

Dans La peinture à Dora, il explique donc comment, après avoir instruit un jeune déporté, Jean Gaillard (mort en déportation), de la théorie des nombres, des mathématiques, de l’électricité, de la chimie, l’évocation de la peinture et la description de tableaux très divers a permis aux deux hommes de s’évader mentalement pendant les interminables appels. Quelques passages ne manquent pas de mordant. Ainsi, il souligne que certains déportés avaient peint dans les Blocs, mais « Ces peintures manquaient pour la plupart d’intérêt et oscillaient entre la Foire aux Croûtes et le Salon des Artistes Français » (pas très sympa pour le salon des artistes français). Les deux hommes sont séparés et François Le Lionnais se livre à une autre activité mentale, « s’amusant » à mêler deux tableaux entre eux. Scientifique il reste, mesurant les durées d’évasion dans la peinture en périodes radiocative:

« malheureusement, mes tableaux ne durent généralement pas plus de quelques minutes, quelquefois même quelques secondes. En termes de radio-activité, leurs « périodes » sont comprises entre celles du Thorium A (0,14 seconde) et du Radium C (3 mi­nutes) ».

Les mathématiques aussi lui offrent du répit:

« Je rêve à des fresques qui comporteraient des pôles à l’infini, à d’autres dont les lignes seraient des fonctions sans dérivées, à d’autres encore, multivalentes, dont la complexité ne se pourrait débrouiller qu’au moyen de sortes de « Surfaces de Riemann », à mille sortilèges aussi peu sérieux… » (suivre les liens ci-dessous pour plonger dans les géométries non euclidiennes).

Il termine son texte en parlant également en quelques mots du rôle de la musique et de la littérature pour des exercices du même genre, toujours pour échapper un bref instant au contexte concentrationnaire.

Pour aller plus loin: voir la page consacrée à François Le Lionnais sur le site de l’OuLiPo. Sur les surfaces de Riemann, voir un article sur le site de Serge Mehl, ou alors le cours de l’université de Berkeley (en anglais)… ou le cours de l’université de Marseille.

Suivre aussi les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Aucun de nous ne reviendra, La mémoire et les jours et Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo (et revoir l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers)

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Le monument aux morts de 1914-1918 de Metz

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, au milieu des travaux en 2012J’ai choisi aujourd’hui de vous présenter le monument aux morts de 1914-1918, du souvenir français et de la ville de Metz car il a connu une histoire liée aussi à la seconde guerre mondiale (pour cette dernière, revoir le monument en hommage aux Hommes de fer). Il se trouve square Gallieni, près de la Porte serpenoise… et était, au moment de mes photographies en août 2012, noyé au milieu de travaux.

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, carte postale des années 1930A l’origine, ce monument, inauguré en 1935, célébrait la réunification de l’Alsace et de la Lorraine (en fait de la Moselle) à la France en 1918. Il est l’œuvre du sculpteur Paul [François] Niclausse (Metz, 1879 – Paris en 1958) et non Paul Miclaux comme indiqué en légende de la carte postale. Du même Paul Niclausse, je dois avoir quelque part les photographies de l’Orpheline, présentée dans le parc Tassart à Cahors et le buste d’Albert Ier roi des Belges à Metz. Outre les personnages centraux, le monument comportait à l’origine un relief central dominant le groupe sculpté, avec une représentation allégorique de la famille laissée par le soldat envoyé au front: une mère portant son nourrisson dans les bras, encadrée par les grands-parents. Sur les côtés prenaient place deux reliefs représentant chacun un Poilu.

Le sculpteur Niclausse a donc ajouté trois hauts-reliefs : deux montrent les libérateurs de la ville, en uniforme de poilus, et l’autre une scène de famille, représentant les femmes, les vieillards, un bébé, toutes les victimes civiles de la guerre. Si l’énorme pietà est figée, le relief de la famille – les parents, l’épouse et l’enfant qui ont perdu un être cher – est criant de détresse. – See more at: http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=643#sthash.f8I3w36j.dpuf
Le sculpteur Niclausse a donc ajouté trois hauts-reliefs : deux montrent les libérateurs de la ville, en uniforme de poilus, et l’autre une scène de famille, représentant les femmes, les vieillards, un bébé, toutes les victimes civiles de la guerre. Si l’énorme pietà est figée, le relief de la famille – les parents, l’épouse et l’enfant qui ont perdu un être cher – est criant de détresse. – See more at: http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=643#sthash.f8I3w36j.dpuf

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, carte postale pendant la Deuxième guerre mondialePendant la Deuxième Guerre mondiale, dès 1940, les Allemands suppriment les reliefs sculptés pour ne conserver que l’allégorie féminine et le soldat mort. Cette carte postale porte pour légende « Metz, das Deutsche Denkmal » (le monument allemand) et sur la stèle martelée, on peut lire l’inscription en lettres gothiques qui a remplacé les bas reliefs: « Sie starben für das Reich » (ils sont morts pour l’Empire).

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, en 2012, de face et de trois quartsL’inscription allemande a été enlevée dès la fin de la guerre. Le monument ne conserve que le groupe sculpté central composé d’une mère et d’un soldat mort. Une figuration très allégorique du deuil, avec la mère représentée assise, pieds nus et habillée d’une longue robe drapée à l’Antique. Elle porte sur ses genoux le soldat figuré nu, tête et pieds en appui sur les massifs qui l’encadrent. Sans uniforme, impossible de savoir que ce soldat a combattu dans les rangs allemands, puisque la Moselle était allemande depuis 1871.

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, inscriptionL’inscription qui a été ajoutée à la base du socle est désormais « Aux morts de la guerre », sans préciser laquelle… En bas à droite, il reste toujours l’inscription d’origine « érigé par le Souvenir français ».

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, détail des têtes de l'allégorie féminine et du soldatVoici un détail des têtes de la mère, avec les cheveux tressés ramenés sur le front, et du soldat mort.

Voir aussi l’histoire compliquée du monument au Poilu libérateur de la Moselle, également à Metz

Photographies d’août 2012.

Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Le convoi du 24 janvier de Charlotte DelboAprès l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers et la lecture de Aucun de nous ne reviendra, j’ai choisi de poursuivre la découverte de Charlotte Delbo avec Le convoi du 24 janvier, trouvé à la médiathèque [depuis, j’ai aussi lu La mémoire et les jours, la suite en fin d’article].

Le livre: Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo, éditions de Minuit, 1965, 303 pages, ISBN 2707316385.

La quatrième de couverture:

 » Venues de toutes les régions de France et de tous les horizons politiques, issues de toutes les couches sociales, représentant toutes les professions, d’âges mêlés mais où dominait la jeunesse, deux cent trente femmes quittaient Compiègne pour Auschwitz, à trois jours et trois nuits de train dans les wagons à bestiaux verrouillés, le 24 janvier 1943.
Sur deux cent trente, quarante-neuf reviendraient, et plus mortes que vives.
La majorité d’entre elles étaient des combattantes de la Résistance, auxquelles était mêlée la proportion habituelle de “ droit commun ” et d’erreurs judiciaires.
Nous disons “ proportion habituelle ” parce qu’il est apparu que deux cent trente individus constituaient un échantillon sociologique, de sorte que ce livre donne une image de tous les convois de déportés, montre tous les aspects de la lutte clandestine et de l’occupation, toutes les souffrances de la déportation. »

Mon avis: le livre s’organise en trois parties, une introduction d’une vingtaine de pages sur les conditions de l’arrestation, l’histoire reconstituée des 229 femmes du convoi (et un bref paragraphe sur la dernière, restée anonyme), et enfin des documents et des statistiques. Plusieurs amies rescapées ont aidé C. Delbo à reconstituer toutes ces histoires, qui s’accompagnait aussi d’un récolement avec les photographies anthropométriques faites à l’arrivée à Auschwitz-Birkenau (elles étaient présentées dans l’exposition Autour de Charlotte Delbo). Chacune des déportées, majoritairement des résistantes communistes, suivies des gaulistes, quelques femmes qui n’avaient rien fait et même deux délatrices. A Charlotte Dudach, Charlotte Delbo raconte son parcours à la première personne, elle qui est revenue en France en septembre 1941 alors qu’elle était en tournée en Argentine avec Louis Jouvet. Les parcours de ces 230 femmes, dont 49 sont revenues, sont variés, toutes se sont retrouvées au fort de Romainville, parties de Compiègne, destination Birkenau (et Auschwitz à 2 km pour l’anthropométrie), la quarantaine, les kommandos (sections de travail), le revier (Krankenrevier / quartier des malades, pour celles qui sont incapables de tenir debout avec le typhus, les œdèmes, etc.) dont l’on ressort assez rarement vivante, le block 25 de celles qui sont « sélectionnées » (pour la chambre à gaz), les appels interminables, une terrible course en février 1943, les coups, et pour celles qui survivront (Marie-Claude Vaillant-Couturier, Maria-Elisa Normann, une ingénieure chimiste amie de France Bloch-Sérazin, Geneviève Pakula, la mère de Claude Pauquet, etc.), nouvelle quarantaine, assouplissement des conditions d’internement à Rajsko (chauffage, pas d’appel interminable, quelques lettres et colis), puis évacuation avec des parcours qui vont les mener, selon les cas, à Ravensbrück, Mauthausen, les mines de sel de Beendorf, et pour certaines la mort dans des bombardements en déblayant des voies ferrées ou dans les bateaux de Lübeck. Elle parle aussi du difficile retour, les maladies et la fatigue récurrente, la difficulté à se faire reconnaître comme déportée résistante et pas comme victime civile, le manque de reconnaissance de la Nation, les pensions dérisoires. Reconstituer tous ces parcours a été un énorme travail pour Charlotte Delbo et ses amies, Hélène Bolleau, Cécile (Christiane Charua) et Lulu Thévenin (Geneviève Pakula a parlé de ces dernières dans Convoi vers l’est et souligné leur rôle dès le fort de Romainville), Madeleine Doiret, Hélène Fournier, Gilberte Tamisé, Marie-Elisa Nordmann, Hélène Avenin, Olga Wormser, pour établir un livre qui est un grand mémorial de ce convoi.

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo »

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Le monument au réseau Louis Renard, cimetière de Chilvert à Poitiers

Le monument au réseau Louis Renard, cimetière de Chilvert à PoitiersDans le cimetière de Chilvert au sud de Poitiers se trouve un carré militaire dominé par une République (dont je vous parlerai une autre fois) et le monument commémoratif du réseau Louis Renard…

Le monument au réseau Louis Renard, cimetière de Chilvert à Poitiers, inscriptionComme le proclame l’inscription principale: « A la mémoire des 52 agents / du réseau Louis Renard / morts pour la France ».

Le monument au réseau Louis Renard, cimetière de Chilvert à Poitiers, les stèlesSur la grande dalle sont posées 11 plaques commémoratives avec les dates de naissance et de décès (décapités le 3 déc. 1943, sauf pour le chanoine Georges Duret, décédé le 23 mai 1943). Au fond et de gauche à droite: Jacques Moreau, Paul Préaux, Aimé Lambert, Clément Péruchon, Jacques Levrault. Au premier rang et de gauche à droite: Théodore Lefèvre, Louis Cartan, Louis Renard, Louis Toussaint, Pierre Pestureau, Georges Duret. Le VRID / Vienne, Résistance, Internement, Déportation consacre une série d’articles au réseau Louis Renard. Louis Renard avait fondé son réseau dès août 1940. Le réseau complet se composait de 72 agents P1, 92 agents P2 et 10 occasionnels. Devenu chef de chef de l’Armée Volontaire du Poitou, Louis Renard est arrêté le 30 août 1942 (les premières arrestations avaient commencé le 27 à Niort et à Poitiers et se sont poursuivies les semaines suivantes), transféré à Fresnes le 12 février 1943 avec 29 hommes de son réseau. Ils sont déportés le 18 février à Trèves puis le lendemain au camp de Hinzert (Louis Bordas et Joseph Riedinger y meurent sous les coups). Ils sont transférés le 19 avril à Wolfenbüttel, où ils sont jugés. Dix (voir plus haut) sont condamnés à mort le 13 octobre 1943 et seront guillotinés le 3 décembre 1943. Les derniers survivants du groupe (voir leurs noms sur le site du VRID) sont déportés à Gross Rosen et affectés au kommando de Kletendorf. Transférés à Dachau, les rares survivants sont libérés le 29 avril 1945. Parmi ceux qui sont morts en déportation se trouvent Raymond Charpentier, qui avait aidé Marthe Cohn et sa famille, et Gaston Hulin, député de 1924 à 1928 et de 1932 à 1936, sous-secrétaire d’État à la Guerre du 31 janvier au 3 juillet 1933 (clic sur biographie pour développer sa fiche sur le site de l’assemblée nationale).

D’autres membres du réseau ont été fusillés sur la butte de Biard: le monument a été déplacé l’année dernière de quelques dizaines de mètres pour permettre le passage de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, il faut que j’aille refaire des photographies. Au total, 52 membres de sont réseau sont morts pour la France.

Pour aller plus loin:

Voir le livre de Jean-Henri Calmon, La Chute du réseau Renard, Poitiers 1942. Le SS, le Préfet et le Résistant, Geste éditions, 2013.

Il y a d’autres monuments commémoratifs à Poitiers (université, gare, églises, carré militaire du cimetière de Chilvert, parc de la roseraie, monument de la déportation à Blossac, à la prison), je les réserve pour d’autres articles, j’ai aussi déjà parlé de ceux-ci:

Photographies d’août 2013.

Passant, souviens-toi… monuments commémoratifs à Bressuire et Poitiers

Bressuire, stèle aux déportés juifs, vue lointaineComme pour la première semaine du mois de mai 2013, je vous propose une nouvelle semaine avec des articles quotidiens consacrés à des monuments aux morts ou lieux de mémoire à la résistance, aux déportés ou à des personnages marquants de ce conflit, avec une exception pour vendredi, la bande dessinée concerne la Première Guerre Mondiale. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement le site de l’AJPN / Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France.

Bressuire, stèle aux déportés juifs, vue rapprochéeJe commence par une série de stèles commémoratives situées en Poitou-Charentes. La première se trouve à Bressuire, presque en face de la gare (photographies d’octobre 2012). Elle est dédiée  » A la mémoire de la communauté juive de Bressuire / disparue dans le camp de concentration nazi d’Auschwitz, 1942-1944″ ainsi que le nom des 17 victimes classées par ordre d’âge décroissant:

Spira Georges 58 ans, Cerf Raymond 50 ans, Goldblat Rinem 48 ans

Goldblat Liba 47 ans, Rotztejn Minka 45 ans, Cerf Mathilde 45 ans, Rotztejn Isaac 40 ans

Narcys Mordka 41 ans, Goldstein Hermann 40 ans, Narcys Nora 40 ans

Grunsu Ac Rosa, 22 ans, Cerf Rebé 20 ans, Spira Jacqueline 19 ans, Spira Nelly 12 ans

Rotztejn Félix 11 ans, Zangier Jeanine 10 ans, Rotztejn Sammy, 9 ans

A Bressuire, vous pouvez aussi revoir le monument aux morts de 1870.

A Poitiers, trois plaques sont apposées dans un couloir du lycée Victor Hugo (d’où l’on peut voir la Tête de jeune fille de Couvègnes). Je vous en ai parlé récemment lors de la venue à Poitiers de Marthe Cohn, née Hoffnung. La plus ancienne est dédiée aux professeurs:

Poitiers, lycée Victor Hugo, plaque commémorative de deux professeurs victimes de la deuxième guerre mondiale

Collège moderne et technique / de jeunes filles de Poitiers / Professeurs victime de la guerre 1939-1945 / Alice Bonneau Lieutenant F.F.C. [médailles militaires] déportée résistante décédée à Ravensbruck en mars 1945 / Madeleine Vergeau victime du bombardement du [2 effacé] 13 juin 194[0 effacé]4.

Poitiers, lycée Victor Hugo, plaques commémoratives pour les élèves victimes de la deuxième guerre mondialeLes plus récentes sont dédiées aux élèves:

A la mémoire / des élèves juives de ce lycée / déportées et assassinées à Auschwitz / 1942-1944 / plaque commémorative apposée le 27 mai 1993

La liste des victimes classées par ordre alphabétique a été ajoutée récemment

Yvette Achache, seize ans / Myriam Bloch, six ans / Myriam Holz, neuf ans / Paulette Iachimowitc, neuf ans / Odette Kahn, seize ans / Suzy-Eva Schaechter, quatorze ans / Plaque commémorative apposée le 26 avril 2005 / dans le cadre du centenaire du lycée Victor Hugo / et du soixantième anniversaire de la libération des camps

Monument commémoratif du stade poitevin à PoitiersAu stade poitevin se trouve également un monument commémoratif du décès du rugbyman Joffre Laurentin le 12 mai 1935 (un talonneur étudiant alors âgé de 20 ans, victime d’une fracture des vertèbres cervicales suite à un choc), sous lequel se trouve une stèle avec le nom des victimes sportifs de la première et de la deuxième guerre mondiale. Le grand bâtiment rouge à l’arrière est la patinoire juste rénovée. Voici le relevé des textes:

« Le stade poitevin à la mémoire de / Joffre Laurentin / tombé au cours du championnat de / France de rugby le XII mai MCMXXXV »
« A la mémoire / des membres du stade poitevin / morts pour la France
1914-1918 Aubier Maxime / Bernard Marcel / Boyer Pierre / Chevalier Hubert / Fouquet Camille / Lagorce Edouard / Lavaud Maurice
Lavergne Pierre / Martin Léopold / Marzan Camille / Raissac Henri / Rodrigo Henri / Royer René / Thuet Célestin / Wicker Marcel
1939-1945 Berger André / Clercy Raoul / Darres Henri / Fleury Raoul / Gendrault Pierre / Lavigne Marcel / Pavaillon Pierre
1935 – 1985. Anniversaire cinquantenaire, les anciens du stade poitevin (26 avril 1986) ».

Il y a d’autres monuments commémoratifs à Poitiers (université, gare, églises, cimetière de Chilvert, parc de la roseraie, monument de la déportation à Blossac, à la prison), je les réserve pour d’autres articles, j’ai aussi déjà parlé de ceux-ci:

Photographies d’octobre 2012 (Bressuire), septembre 2011 (lycée de Poitiers) et avril 2014 (stade poitevin).

Convoi vers l’est de Claude Pauquet

Couverture de Convoi vers l'est de Claude PauquetLogo de pioché en bibliothèqueEn cherchant au rayon « histoire et témoignages de la deuxième guerre mondiale » (940.547) de la médiathèque un livre de Charlotte Delbo, je suis tombée sur Convoi vers l’Est et retour de Claude Pauquet, dont je vous ai parlé à propos de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers (voir aussi son site officiel).

Le livre: Convoi vers l’Est et retour, photographies de Claude Pauquet, texte de Daniel Dobbels, suivies d’un entretien avec Geneviève Pauquet, résistante déportée, réalisé par Claude-Alice Peyrottes, éditions Le Temps qu’il fait, 2002, 110 pages, ISBN 9782868533661.

La quatrième de couverture:

 » Le jour est le même – les yeux, blessés sous les heures mais étrangement indemnes, témoignent de ce recouvrement (d’une pellicule sur l’autre), de cette cicatrice aussi indue qu’un cil au centre de tous les regards (du sien : elle et lui). Cil insigne. Cil qui concentre la rage et le calme – à devenir fou, interdisant de devenir fou. » Daniel Dobbels

« J’ai réalisé en 1997 un travail sur l’itinéraire de déportation de ma mère, résistante détenue de 1943 à 1945 à Auschwitz, Birkenau (Pologne), Ravensbrück (Allemagne) et Mauthausen (Autriche). J’ai découpé sa déportation de 28 mois en deux époques : un voyage d’hiver vers l’enfermement et le retour en France au printemps, à la veille du défilé du ter mai 1945. En suivant l’itinéraire au plus près, arrivant à Auschwitz le 27 janvier, le  » même  » jour qu’elle, c’est un voyage vers l’Europe de l’Est que j’ai entrepris. La représentation connue de l’entrée du camp de Birkenau, long bâtiment noir aplati dans sa lumière de fond de neige, m’a décidé à photographier en utilisant une chambre panoramique, sur trépied, de façon frontale. Ce travail m’a permis d’explorer des problématiques constantes sur la démarche du photographe, la mienne étant certainement imprégnée de ses récits de déportation : le temps dans les images, ou son apparente absence ; la distance à trouver tout en restant au-dehors de l’horreur et la neutralité du cadrage ; en somme, le choix esthétique par lequel il conviendrait de transcrire (au mieux ?) autant d’éléments documentaires de témoignage. » Claude Pauquet

Mon avis: vous pouvez voir les photographies sur le site officiel de Claude Pauquet par ce lien direct. Je n’ai pas trop accroché au texte de Daniel Dobbels qui ouvre le livre. En revanche, le témoignage de Geneviève Pauquet (Pakula lors de son arrestation PS: elle est décédée en juillet 2015) est très intéressant et renforce ma décision d’arriver à lire Le convoi du 24 janvier, de Charlotte Delbo, presque 300 pages en petits caractères, cela reste très difficile pour moi. Dans son témoignage, Geneviève Pauquet évoque son arrestation, le fort de Romainville, son parcours en déportation (Auschwitz, Birkenau, le commando de Rajsko, Ravensbrück, Mauthausen), le rôle de quelques co-détenues, dont Charlotte Delbo, qui a organisé le montage d’une pièce de théâtre à Romainville et a réussi à garder sa montre à Birkenau, l’entrée au camp, la seule et unique fois que des prisonnières sont entrées en chantant (La Marseillaise). Je connaissais les photographies (vues en 2002 je pense et plus récemment en ce début 2014 dans le cadre de l’opération Autour de Charlotte Delbo), la lecture du livre est un complément indispensable.

Un mois après la fin de l’exposition au CRDP de Poitiers, le lien où ils avaient le dossier sur l’exposition (Centre régional de documentation pédagogique/ exposition convoi vers l’est et retour)  ne fonctionne déjà plus… Ils n’arrêtent pas de changer leurs adresses de liens, c’est exaspérant, pour un site qui est censé refléter l’action pédagogique du CNDP, rebaptisé pompeusement Canopé, censé améliorer l’espace numérique mais c’est de pire en pire, j’ai la flemme de chercher la nouvelle adresse s’ils ont archivé l’article, il n’y a même pas de moteur de recherche sur leur accueil.

Pour aller plus loin, suivre les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet

Affiche de Parce que j'étais peintre de Christophe CognetParce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps n’a été projeté qu’une semaine à Poitiers, le dernier jour en présence du réalisateur Christophe Cognet.

Le film (présentation officielle):

« Ce film mène une enquête inédite parmi les œuvres réalisées clandestinement dans les camps nazis. Il dialogue avec les rares artistes déportés encore vivants et avec les conservateurs de ces œuvres : des émotions qu’elles suscitent, de leur marginalisation, leurs signatures ou leur anonymat, de leur style, ainsi que de la représentation de l’horreur et de l’extermination. Surtout peut-être, il contemple longuement les dessins, croquis, lavis, peintures, conservés dans les fonds en France, en Allemagne, en Israël, en Pologne, en Tchéquie, en Belgique, en Suisse… Dans ce voyage parmi ces fragments d’images clandestines et les ruines des anciens camps, il propose une quête sensible entre visages, corps et paysages, pour questionner la notion d’oeuvre et interroger frontalement l’idée de beauté. L’enjeu en est dérangeant, mais peut-être ainsi pourrons-nous mieux nous figurer ce que furent ces camps, appréhender les possibles de l’art et éprouver ce qu’est l’honneur d’un artiste – aussi infime et fragile que soit le geste de dessiner ». 

Mon avis : Le réalisateur s’est penché sur les camps de concentration, où le dessin et la peinture étaient interdit, pas sur les camps de transit ou les ghettos, où l’activité était tolérée voire encouragée (cf. le camp de Terezin où je vous ai parlé de la musique avec L’empereur d’Atlantis). Cependant, certains de ces artistes sont d’abord passés dans les camps de transit: Yehuda Bacon est passé par Terezin avant d’être transféré à Auschwitz. Le réalisateur a mis dix ans pour mener à bien ce film, monté sans aucune musique (sauf dans les dernières minutes, avec la Mort d’un camarade sur la route de Bergen-Belsen par Léon Delarbre) mais avec des sons d’ambiance qui permettent de s’imprégner des œuvres. Les dessins ont été sélectionnés avec soin, quelques artistes survivants en  parlent avec émotion, sinon, ce sont les conservateurs qui en sont les médiateurs. Le papier vient le plus souvent du système D (emballage, intérieur de gaines). Les dessins avaient été pour la plupart soigneusement cachés (par exemple le Carnet d’Auschwitz, d’un peintre anonyme aux initiales MM, retrouvé dans des fondations), mais beaucoup ont été perdus. Dans le débat, il a souligné que si certains dessins sont des témoignages (voire des commandes, comme les portraits de tziganes de Dinah Gottliebova réalisés à la demande du Dr Mengele juste avant qu’il ne les exécute), d’autres, comme certains portraits, sont « arrangés » par le dessinateur pour que la personne représentée ne s’inquiète pas trop de son état. C’est le cas de l’ensemble de 144 portraits réalisés par Franciszek Jazwiecki à Buchenwald, Gros Rosen, Sachsenhausen et Auschwitz, et conservés au musée d’Auschwitz-BirkenauWiktor Siminski, le seul artiste à avoir représenté la chambre à gaz, ne l’a pas vue mais reconstituée sur la base de témoignages. Pour les dessins montrant l’univers concentrationnaire (Auschwitz et Birkenau, Sachsenhausen, Ravensbrück, Treblinka, etc.), la confrontation avec les lieux est discrète mais efficace. Les pochoirs (fleurs et soleil) réalisés sur ordre par un artiste inconnu dans le crématorium de Mittelbau-Dora ne peuvent qu’interroger… Quelques lectures (comme un extrait de La peinture à Dora de François Le Lionnais, un des membres fondateurs de l’Oulipo,  déporté à Buchenwald et Mittelbau-Dora, Le Tambour battant de Boris Taslitzky, déporté à Buchenwald), complètent les impressions laissées par les dessins et les vues actuelles des camps. Un film à voir absolument, s’il passe près de chez vous!

Pour aller plus loin : 

Voir l’interview de Christophe Cognet dans l’émission Mémoires Vives du 2 mars 2014 et le dossier pédagogique destiné aux enseignants de philosophie sur le site Zérodeconduite et qui est vraiment très complet (avec un séquençage du film, des pistes thématiques). Grâce à lui, j’ai pu compléter la liste des artistes cités, mentionnés ou interviewés pour les survivants, dans le noir de la salle, j’avais été incapable de prendre les noms. Il y a donc, par ordre alphabétique: Yehuda Bacon, Léon Delarbre, José FostyDinah GottliebovaFranciszek JazwieckiRoman JefimenkoMaria Hiszpanska-Neumann, un inconnu aux initiales MM, probablement dessinateur de presse (le Carnet d’Auschwitz), Zoran Music, Josef Richter, René SalmeWiktor SiminskiWalter Spitzer (qui a réalisé le monument commémoratif de la rafle du Vel’d’Hiv), Jozef Szajna, Boris TaslitzkySamuel Willenberg, Krystyna Zaorska.

Quand ma vue me le permettra avec plus de facilités, j’ajouterai des liens pour chacun d’entre eux… A moins que mes lecteurs ne puissent m’aider à compléter l’article en cherchant « le » site le plus pertinent pour chacun d’eux [merci à Grégory et à Carole!]. Je privilégie les sites officiels (d’abord ceux des musées et mémoriaux des camps, puis éventuellement ceux des artistes quand ils sont survivants ou que leur descendance a ouvert un site), j’exclus wikipédia (pages évolutives, pas toujours fiables, surtout pour des sujets où les négationnistes sévissent régulièrement) et les galeries (liens souvent non pérennes).

Voir également le dossier de la fondation de la résistance : les dessins comme forme de résistance dans les camps ou le site Learning about hococaust through art. Carole signale aussi L’art et la Shoah et Les belges à Buchewald.

Suivre aussi les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

J’ai un peu abordé le sujet à propos du monument de la résistance de La Rochelle, réalisé par Henri Gayot (1904-1981), résistant, déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.

Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist Mirror

Couverture de Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist Mirror Ce soir (8 avril 2014) sera lancé au bar le Plan B à Poitiers le festival des cultures Roms « Romano Dives » organisé par l’Association Divano et la Mauvaise réputation, avec une intervention de l’humoriste Fred Abrachkoff (dommage, presque à la même heure au TAP cinéma, un documentaire Parce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps sur les peintres dans les camps de concentration, en présence du réalisateur Christophe Cognet). L’exposition photographique y restera jusqu’au 30 avril. Voir le site du festival pour avoir tout le programme, de mon côté, j’ai surtout noté la présence de Kkrist Mirror, auteur de Tsiganes, 1940-1945, Le camp de concentration de Montreuil-Bellay, samedi 12 avril à 19h30 au Biblio Café. Je vous ai déjà parlé de cet album, je réédite donc cet article paru la première fois le 22 février 2013 (j’ai complété les liens à la fin).

pioche-en-bib.jpgJ’ai emprunté cet album à la médiathèque.

Le livre : Tsiganes, 1940-1945, Le camp de concentration de Montreuil-Bellay, de Kkrist Mirror (dessin et scénario), éditions Emmanuel Proust, 2008, 86 pages plus la postface non paginée de Francis Groux, ISBN 9782848101842.

L’histoire : à Montreuil-Bellay près de Saumur dans le Maine-et-Loire, d’avril 1940 à 1946. La police française administre un camp de concentration destiné aux nomades, aux forains et surtout aux tsiganes, en vertu du décret du 6 avril 1940 qui astreint tous les nomades à résidence sous surveillance policière. Tout le monde semble bien content d’avoir mis à l’écart ces « indésirables ». Une seule personne se soucie de leur sort, le curé du village voisin qui est également aumônier du camp, l’abbé Jollec, un peu alcoolique, mais qui fait son maximum. Il réussit a sortir les enfants, à leur donner à manger, jusqu’à être lui-même interdit d’accès au camp… et ses démarches auprès des Allemands (ils le renvoient, le camp est géré par les Français), de l’évêque, du sous-préfet restent vaines…

Mon avis : un album qu’il faut absolument lire, basé sur les travaux de l’historien Jacques Sigot. L’auteur a rencontré des survivants et des descendants des survivants de ce camp. Et qui rappelle qu’à la libération… les tsiganes ne sont pas libérés, loin de là… Ils sont rejoints par les collaborateurs et divers prisonniers de guerre, puis éloignés encore plus loin, jusqu’au camp d’Angoulême, d’où les derniers ne seront délivrés qu’en juin 1946. Le dessin est sombre mais plein d’expression et, je pense, rend bien la dure vie de ce camp et de ses homologues répartis sur tout le territoire français. Si, ces dernières années, plusieurs ouvrages sont parus sur ce sujet, cette part sombre de notre histoire est peu racontée, y compris chez les Tsiganes. Ainsi, il y a quelques mois, une Tsigane a témoigné dans la presse locale sur son internement au camp de la route de Limoges à Poitiers, elle en avait peu parlé à sa famille et n’était jamais retournée sur place.

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Kkrist Mirror et la page consacrée à l’internement des tsiganes à Montreuil-Bellay et Poitiers sur le site du cercle d’étude de la Shoah (même si la bibliographie n’a pas été mise à jour depuis longtemps). Pour le camp de Poitiers, voir l’article de Jacques Sigot, Un camp pour les Tsiganes à Poitiers, un camp de concentration oublié, une allée pour la mémoire, paru dans Le Picton, n° 204, novembre-décembre 2010, p. 9-10.

Sur des sujets voisins, Vous trouverez d’autres suggestions sous le mot-clef tsigane. Voir en particulier:

–  Tsiganes, sur la route avec les Roms Lovara de Jan Yoors

Des nouvelles d’Alain de Guibert, Keller et Lemercier

Liberté de Tony Gatlif et Eric Kannay

– le Frontstalag et les camps d’internement de Poitiers

Logo du top BD des blogueurs 2013Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Visage slovène de Brina Svit

Logo du défi rentrée littéraire 2013 chez HérissonLogo de pioché en bibliothèqueCouverture de Visage slovène de Brina SvitIl m’a fallu plusieurs semaines pour venir à bout de ce livre, trouvé à la médiathèque, en lecture « normale », l’un des premiers que je lis cette année dans le cadre de la rentrée littéraire (j’ai juste lu La confrérie des moines volants, de Metin Arditi, loin de l’objectif de 6 livres à lire dans ce projet organisé par Hérisson). Il va aussi pouvoir entrer dans le Tour du monde en lecture, abandonné depuis longtemps… Il y a quelques années, il aurait pu entrer dans le défi sur l’Europe centrale, même si l’auteure vit en France depuis 1980 et écrit en français, elle est née à Ljubljana et ce livre est en rapport avec la Slovénie.

Le livre : Visage slovène de Brina Svit, NRF, collection blanche, éditions Gallimard, 2013, 154 pages, ISBN 9782070142668.

L’histoire: de nos jours, surtout à Buenos Aires en Argentine. Alors que sa mère vient de mourir à Ljubjana, en Slovénie, l’auteure se voit proposer à Paris un cadeau, un appareil photo. C’est le déclic pour une série de portraits, en photographies et en textes, de Slovènes exilés en Argentine pour une part dans les années 1930, pour une autre part après la deuxième guerre mondiale (des collabos qui ont fui les massacres dont ils étaient menacés), pour quelques autres des exilés économiques. 30000 Slovènes et leurs descendants vivent en Argentine, quelques-uns sont retournés dans leur pays, temporairement ou définitivement. Dans la deuxième et la troisième générations, peu parlent le Slovène, certains l’apprennent tardivement. En fil rouge du récit, le lecteur suit également Gombro, Witold Gombrowicz, un écrivain polonais lui aussi exilé en Argentine.

Mon avis: un très beau récit autobiographique, un peu à la manière d’un grand reportage littéraire, sur un sujet que je ne connaissais pas, l’exil des Slovènes en Argentine. Un beau texte aussi sur l’exil, la perte ou non de l’identité, le nationalisme de certains, qui n’envisagent pas de se marier « hors de leur communauté », le rapport complexe entre intégration et réflexe communautaire (regroupement dans quelques quartiers, apprentissage de la langue), la relation au pays, avec ou sans retour, provisoire ou définitif. La forme littéraire est intéressante aussi, avec une photographie et un récit qui commence généralement par la première rencontre avec la personne concernée. Contrairement à Albert Londres (revoir Chez les fous, mais il a aussi publié des récits plus légers, comme le tour de France), il ne s’agit pas d’un récit engagé et militant pour défendre les droits de l’homme, mais d’un tableau qui montre à travers ces portraits la complexité de cet exil.