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Terezin Plage de Morten Brask

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Terezin Plage de Morten BraskJe vous ai récemment parlé du camp de Terezin à propos de l’opéra L’empereur d’Atlantis, qui avait été écrit dans ce camp par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne). Et de mon côté, je suis tombée à la médiathèque, au rayon large vision, sur un roman dont le cadre est justement le camp de Terezin… un camp de transit vers les camps de concentration mais présenté comme un « camp modèle » par les Allemands, avec un « conseil des anciens » censé organisé la vie dans le camp.

Le livre: Terezin Plage de Morten Brask, traduit du danois par Caroline Berg, éditions des Presses de la cité, 2011, 330 pages, ISBN 9782258085190  (lu en large vision aux éditions A vue d’oeil).

L’histoire: 1943, dans un wagon à bestiaux parti du Danemark depuis trois jours. Daniel Faigel, jeune médecin, ne sait pas encore qu’il va bientôt arriver dans le camp de Terezin, près de Prague. Avec quelques vêtements, il a emporté un album de photos de famille. Son père était juge à la cour suprême du Danemark, mis à l’écart car juif, avant de mourir il y a quelques mois. Blessé par la maladie de sa femme, il n’avait jamais accepté que son fils choisisse la médecine au lieu du droit. A son arrivée à Terezin, il est affecté à l’hôpital Hohen Olben, où les malades s’entassent dans la crasse à plusieurs par lits, sans médicaments ni moyens. Un chirurgien se débat seul dans ce chaos, les précédents médecins ayant été déportés dans des convois vers les camps plus à l’est. Au hasard d’une visite dans un baraquement de femmes, il fait la connaissance de Ludmilla, dont il tombe amoureux. Il est aussi régulièrement appelé à l’extérieur, pour soigner les putains des SS dans un bordel de Prague. Une délégation de Danois et de représentants de la croix rouge est annoncée, il s’agit de rendre le camp « présentable ». Nos deux jeunes tourtereaux s’en sortiront-ils malgré les circonstances?

Mon avis: le roman oscille entre la vie dans le camp et le passé du jeune médecin, par l’intermédiaire de l’album photo ou de criconstances qui lui rappellent des souvenirs, où le lecteur va peu à peu reconstituer son enfance et la folie de sa mère. Pour ce que j’ai pu lire sur le camp de Terezin (voir les liens en fin d’article), je pense que ce roman rend assez bien l’ambiance, entre « camp modèle » géré par les anciens, les kapos tchèques, les SS allemands, et le départ régulier des convois vers les camps d’extermination. L’histoire d’amour avec Ludmilla, la jeune tchèque atteinte de tuberculose, est moins convaincante. Je vous en conseille néanmoins la lecture!

Pour aller plus loin:

– le site officiel du mémorial de Terezin / Theresienstadt

– un article de Élise Petit, Musique, religion, résistance à Theresienstadt

L’empereur d’Atlantis au TAP (théâtre et auditorium de Poitiers)

le parvis du théâtre auditorium de Poitiers vers 20h le 13 février 2014Direction le théâtre et auditorium de Poitiers / TAP jeudi dernier pour la suite de ma saison 2013-2014, avec un opéra en allemand sous-titré, écrit dans le camp de concentration (enfin, plutôt un camp de transit) de Terezin par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, L’empereur d’Atlantis, sous la direction de Facundo Agudin (remplaçant Philippe Nahon, malade) avec l’ensemble Ars Nova, mise en scène de Mouise Moaty, et la compagnie Arcal. Après des jours et des jours de pluie, il y avait une éclaircie quand je suis arrivée au théâtre, avec presque la pleine lune, ma photographie est moyenne, mais ça rend l’ambiance du spectacle…

L’histoire de cet opéra (d’après le livret remis à chaque spectateur): L’empereur d’Atlantis ou la mort abdique (Der Kaiser von Atlantis oder die Todverweigerung) a été écrit en 1942-1943, dans le camp de Terezin (un camp de transit vers les camps de concentration et un « camp modèle » pour les Allemands, qui y toléraient des spectacles / soirées de camaraderie), à une soixantaine de kilomètres de Prague, les déportés avaient même préparé les décors, mais Viktor Ullman est déporté à Auschwitz le 16 octobre 1944 et est probablement mort dès son arrivée. La partition, confiée à un ami, a été sauvée mais tombée dans l’oubli. L’opéra, créé une première fois en 1975 à Amsterdam, est recréé cette saison à Nanterre, donné en janvier à Nanterre, Reims, Paris (théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet -dont Charlotte Delbo fut l’assistante) puis en février à Niort et Poitiers, il y aura encore deux représentations en avril à Massy et Saint-Quentin-en-Yvelines. En fin d’article, vous pouvez l’écouter dans une autre version.

Le livret: après une présentation des personnages dans le prologue, Arlequin et la Mort s’ennuient. Le Tambour annonce que l’empereur Overall a décrété que la guerre de tous contre tous est déclarée. la mort se met en grève… Dans la salle de commandement, l’empereur (Allo, allo!) apprend que les blessés et les condamnés à mort n’arrivent plus à mourir. Il contre-attaque en décrétant l’immortalité générale. Arlequin et la Fille, deux soldats, s’affrontent, tombent amoureux. Le Tambour leur rappelle qu’un décret impose la guerre de tous contre tous. La mort propose à l’empereur de reprendre son travail si celui-ci accepte d’être le premier à mourir…

Le spectacle : un décor constitué d’une tour en structure d’échafaudage et trois toiles de parachutes manipulées par les machinistes. J’ai par moment été très gênée par les éclairages, avec des spots dirigés droit dans les yeux ou éclairant trop fort (bon, c’est peut-être juste dû à l’état actuel de mes nerfs optiques). Heureusement aussi que mon allemand n’est pas trop rouillé, parce que lire les sous-titres placés haut (c’est logique) et en blanc sur noir n’est pas facile. A part ces petits inconvénients, le spectacle est très fort, si vous ne pouvez pas aller le voir, n’hésitez pas à écouter la version de 1993 que j’ai mise en lien en fin d’article.

Pour aller plus loin:

– l’émission de France Musique (disponible jusqu’au 15 octobre 2016) sur les coulisses de la création de l’opéra à Nanterre

– d’autres liens sur la page de la compagnie Arcal

– l’exposition Charlotte Delbo (et les photographies de Claude Pauquet)

– le site officiel du mémorial de Terezin / Theresienstadt

– à défaut d’avoir pu assister à la conférence la veille du spectacle à la médiathèque de Poitiers sur la musique au camp de Terezin, lire en ligne un article de Élise Petit, Musique, religion, résistance à Theresienstadt

– sur Youtube, vous pouvez aussi écouter une version enregistrée en 1993 pour le label Decca. Ecouter ci-dessous ou en suivant le lien… qui vous donnera aussi d’autres oeuvres de Viktor Ullman.

PS: Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne).

Voir aussi sur le roman Terezin Plage de Morten Brask.