Archives de catégorie : Lecture / autres

Toutes mes lectures, à l’exception des bandes dessinées et des livres écrits par des prix Nobel de littérature, classés à part.

La catin habite au 21, de Hervé Sard

Couverture de La catin habite au 21, de Hervé Sardpioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : La catin habite au 21, de Hervé Sard, le Poulpe n° 287, éditions de la Baleine, 2014, 180 pages, ISBN 9782842195328.

L’histoire : à Paris de nos jours. Au comptoir de son bistrot préféré, le Poulpe apprend la disparition d’une prostituée à Sainte-Mère-des-Joncs, près de Nantes. Le démarrage du chantier du nouvel aéroport du Grand-Ouest traîne, après les tensions des dernières années. Personne ne semble s’inquiéter de cette disparition, chez l’employeur de la demoiselle, qui gère les réservations par internet, les deux gérantes ne l’ont jamais vues et s’interrogent sur sa réalité. Une seule solution pour le Poulpe, aller voir sur place ce qui se passe… Visite à l’hôtel, chez le maire, chez le notaire, dans la maison occupée par la dame, la retrouvera-t-il?

Mon avis : cela fait fort longtemps que je n’ai pas lu un livre de la collection du Poulpe, créée par Jean-Bernard Pouy (voir 1280 âmes). Au début de la série, je les ai presque tous lus, attirée par cette série à contraintes, avec les mêmes personnages (Gabriel dit le Poulpe, Cheryl sa petite amie, Gérard le bistrotier, Pedro le fabricant de faux papiers), quelques lieux incontournables (le bistrot de la Sainte-Scolasse). Les romans sont plus ou moins réussis selon les auteurs. J’ai arrêté lorsque les éditions de la Baleine ont eu des difficultés, et au final, j’ai dû lire une cinquantaine de titres sur les 287 paru dans cette série depuis 1995. Ce nouvel opus qui se passe à Sainte-Mère-des-Joncs aurait dû m’attirer par son thème. Cela a très mal commencé page 13 avec une phrase obscure « Infichu capable de se souvenait de sa date de naissance »… Finalement, comme je vous le disais lundi, le neurologue a raison, même si je fais quelques fautes d’orthographe suite à mon opération, j’en fais moins que beaucoup de monde et arrive à corriger celles que je vois… mais là, mon cerveau a quand même eu du mal à comprendre la phrase (comme il y a des mois avec résonne/raisonne dans N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani). Le passage sur la mémoire olfactive page 45 ne m’évoque plus grand chose, vu le peu d’odeurs que j’arrive à percevoir (ça ne s’est pas beaucoup amélioré depuis cet article sur mon anosmie). Côté contraintes et intégration dans la série, c’est le service minimum, Cheryl est évacuée en deux lignes (en vacances), Gérard le bistrotier apparaît brièvement, de même que Pedro. Aucune allusion à un épisode précédent. Côté écriture et intrigue, ce titre est plus que décevant, même si l’idée développée au fil du « scénario » (pas vraiment un roman à mon sens) est assez intéressante… Si vous souhaitez découvrir cette série, choisissez un autre titre, plutôt écrit par un auteur reconnu de polars!

Les boîtes en carton de Tom Lanoye

Couverture de Les boîtes en carton de Tom Lanoyepioche-en-bib.jpgUne amie m’avait recommandé un autre titre de cet auteur (La langue de ma mère) mais il n’est pas au catalogue de la médiathèque, j’ai donc pris ce titre en attendant qu’il soit (peut-être?) acheté…

Le livre : Les boîtes en carton de Tom Lanoye, traduit du néerlandais (Flandre) par Alain van Crugten, éditions de la Différence, 2013, 160 pages, ISBN 9782729120122.

L’histoire : au début des années 1970, en Belgique néerlandophone. Alors qu’il a une douzaine d’années, il est inscrit par sa mère à une colonie de vacances organisée et payée par Les Mutualités Chrétiennes, qui fournissent même la « boîte en carton », un carton à plier qui fera office de valise, la même pour chaque participant, histoire qu’il n’y ait pas de distinction sociale. Sa vie à la maison, sa mère, sa sœur, sa tante (que de femmes!), et la colonie de vacances, la découverte du corps d’un autre colon, qu’il fantasme… Quelques années plus tard, il retrouve ce compagnon de colonie et participe avec lui à un voyage scolaire en Grèce. Déclarera-t-il sa flamme ? Connaîtra-t-il l’amour avec ce jeune homme ?

Mon avis : dans ce roman à fort caractère autobiographique, traduit en français plus de dix ans après sa parution en Belgique, Tom Lanoye n’hésite pas à faire de nombreuses digressions (sa mère jetant la friteuse en flammes et se brûlant gravement pour éviter à la maison de prendre feu, les nationalistes flamands, le milieu ultra-catholique, etc.) avant de revenir à son sujet principal, le récit de ce voyage scolaire où il connut son premier amour homosexuel. L’ensemble est narré avec beaucoup de recul et d’humour -quelques pages à ne pas rater sur le voyage en Grèce-, même s’il raconte en de brefs mais explicites passages ses fantasmes et ses masturbations après le retour de colonie. Le récit met également en avant les regards, les gestes, bref, la communication non-verbale entre les deux garçons. Je vais essayer de trouver La langue de ma mère, si l’écriture est aussi intéressante que pour cette première découverte, le thème (la mère victime d’un AVC qui « perd sa langue ») devrait être moins compliqué que la lecture de descriptions de masturbation masculine, même si rien n’empêche de sauter une page lors de la lecture d’un livre, car la majorité du livre est consacré à autre chose.

Logo de Octobre, le mois FritissimeIl y a quelques années, ce titre aurait eu toute sa place dans le défi Octobre fritissime, littérature et patrimoine du Benelux..

Puzzle de Franck Thilliez

Couverture de Puzzle de Franck ThilliezJ’ai acheté ce livre en poche, emporté lors de mon grand week-end à Brive-la-Gaillarde au début du mois de mai. C’est un auteur dont j’ai lu la plupart des ouvrages lors de déplacements (voir La mémoire fantôme, La chambre des morts, Le syndrome [E], Deuils de miel, Gataca, L’anneau de Moebius, Train d’enfer pour Ange rouge, La forêt des ombres, Vertige).

Le livre : Puzzle de Franck Thilliez, éditions Pocket, 2014, 477 pages, ISBN 9782266246446 [édition originale : Fleuve noir, 2013, 477 pages, ISBN 9782265093577].

L’histoire : de nos jours, dans les Alpes. Les corps de huit randonneurs sont retrouvés assassinés, dans un refuge. Près d’eux, un homme, Lucas Chardon, hébété, le meurtrier ? Il ne sait pas ce qu’il fait là. Déplacement. Quelque part dans la banlieue parisienne comme point de départ. Alors qu’ils ont été partenaires de chasses au trésor pendant longtemps, deux jeunes gens se sont séparés depuis un an lorsque Chloé vient relancer Ilan qui s’est isolé dans la maison de ses parents, scientifiques mystérieusement disparus en mer : elle a trouvé comment entrer dans un jeu mystérieux, Paranoïa, dont l’enjeu serait la somme de 300 000 euros. Les voilà qui passent les « présélections », dans un hangar puis à travers les rues de Paris. Les gagnants de la présélection,huit hommes et femmes au total, se retrouvent quelque part dans les Alpes, dans un ancien hôpital psychiatrique qui va constituer le terrain de jeu. Les voici à Swanessong avec un avertissement : « L’un d’entre vous va mourir »… et le premier cadavre (d’un candidat) ne va pas tarder à surgir, sur fond d’indices qui rappellent à Ilan la vie de ses parents.

Mon avis : comme dans d’autres livres, Franck Thiliez nous plonge dans l’univers de la psychiatrie via le passé de l’hôpital / terrain de jeu. L’énigme est bien montée, avec des indices semés au fil des pages pour arriver à la conclusion… qui va enfin éclairer le début du livre. Les joueurs ont le choix entre l’entraide (ne serait-ce que pour manger le premier jour) ou l’individualisme du « jouer perso ». Le lecteur navigue sans cesse entre normalité et folie, réalité et jeu, « tout n’est qu’un jeu », rappelle l’organisateur de ce jeu de piste… Virgile Hadès 😉 Hadès, dieu des enfers, Virgile, le poète latin qui accompagne Dante dans l’enfer (et le purgatoire) de sa Divine comédie. Certes, Franck Thilliez a joué sur la facilité avec le nom de ce personnage, mais il est aussi certainement pour quelque chose dans la montée (subconsciente) de l’intrigue. Le lecteur arrive lui-même aux portes de l’enfer, de la folie, celle des organisateurs du jeu, des anciens patients, des joueurs… ou même la sienne ? Allez, sur la plage, dans un train ou en voiture (pas le conducteur !), n’hésitez pas à vous perdre parmi ces pièces de puzzle jusqu’à trouver la dernière pièce qui éclairera l’ensemble !

Les mots qu’on ne dit pas, de Véronique Poulain

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les mots qu'on ne dit pas, de Véronique PoulainCe titre faisait partie des livres recommandés pour cet été par le magazine Causette. Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Le livre : Les mots qu’on ne dit pas, de Véronique Poulain, éditions Stock, 2014, 144 pages, ISBN 9782234078000.

L’histoire : ses parents sont nés juste après-guerre, sourds tous les deux, la mère de naissance, comme son oncle, son père suite à une méningite contractée bébé. Ils se sont rencontrés à un bal à Paris, où leurs propres parents sont venus, pour qu’ils aient la meilleure éducation, ont eu une fille, Véronique, entendante… Elle passe ses premiers mois en nourrice, puis ses grands-parents, qui habitent au-dessus de chez les parents, la prenne avec eux, elle navigue entre le mode des entendants et ses parents sourds, en joue, en soufre, s’adapte dans les deux cultures…

Mon avis : un livre très court, 144 pages, dont au moins un tiers de vide (chapitres de deux ou trois pages, avec de grands blancs au début et souvent à la fin). Ses parents et son oncle sont très « engagés » dans le monde des sourds, la reconnaissance de la langue et la « fixation » du dictionnaire. Mais elle parle surtout des stratégies de l’enfant, de ses cousins aussi, surtout sa cousine Ève, pour s’adapter et grandir dans cette double culture, la difficulté de vivre avec des sourds (bruyants!), le regard sur le handicap, le manque d’efforts de la société pour comprendre ses parents, de ses camarades de classe… Elle oscille entre la fierté de la double culture, parfois la honte quand ses parents ne comprennent qu’ils font un bruit inadapté en société, rapporte souvent le cocasse des situations. Un beau témoignage!

Logo rentrée littéraire 2014Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson (il reste quelques jours pour la rentrée 2014!).

Le voyant de Jérôme Garcin

Couverture de Le voyant de Jérôme GarcinC’est une amie, Paulette (revoir son témoignage sur le Frontstalag 230 à Poitiers) qui m’a prêté ce livre qui a reçu plusieurs prix littéraires en 2015 (prix littéraire de la ville de Caen, prix Nice Baie des Anges, prix Relay des voyageurs-lecteurs). Du même auteur, je vous ai aussi parlé de Olivier et Bleus horizons.

Le livre : Le voyant de Jérôme Garcin, collection blanche, NRF, éditions Gallimard, 2015, 192 pages, ISBN 9782070141647.

L’histoire : né à Paris le 19 septembre 1924, Jacques Lusseyran est victime, à huit ans, d’un stupide accident à l’école qui le rend aveugle. Avec la force de sa volonté et celle de sa mère, il apprend en quelques mois le braille, manie une machine à écrire braille, apprend à se déplacer lors de vacances en Anjou à Juvardeil et réintègre sa classe dès la rentrée suivante. Il poursuit de brillantes études en sixième au lycée Montaigne à Paris puis à partir de la troisième à Louis-le-Grand, apprend l’Allemand. Evacué à Toulouse de septembre 1939 pour un an, il rentre à Paris et organise dès le 21 mai 1941 les « Volontaires de la liberté », dans l’appartement familial et au lycée, réseau qui devient vite officiellement reconnu puis intégré à une structure plus grande. Inscrit en khâgne en 1942, il est sorti de la salle du concours de l’ENS, un aveugle n’a rien à y faire selon un arrêté du ministre… Dès lors, il se consacre entièrement au réseau, avant d’être arrêté le 20 juillet 1943, déporté en janvier 1944 à Buchenwald…

Mon avis: une histoire hors du commun, racontée de manière simple et très efficace par Jérôme Garcin, presque comme un roman d’aventures pour la partie « exaltée » de la résistance, plus « déprimante » pour le retour du camp, les mariages, l’enseignement aux Etats-Unis, le retour en France jusqu’à l’accident de voiture qui lui coûte la vie le 27 juillet 1971. C’est aussi l’histoire d’un combat pour vivre normalement malgré son handicap, et surtout pour que les aveugles ne soient plus exclus de la fonction publique, ce qui ne sera finalement acquis qu’en 1955! Peu de déportés ont témoigné juste après leur retour, envie de se reconstruire mais surtout exclusion de « ceux qui étaient restés » et qui ne comprennent pas quel a été leur enfer. Jacques Lusseyran, lui, a très vite écrit et publié Et la lumière fut, que je vais essayer de trouver. Alors que Geneviève De Gaulle, dont il avait rejoint le réseau (et est tombé en même temps), vient symboliquement d’être inhumée au Panthéon, un éditeur pourrait avoir la bonne idée de rééditer ce témoignage…

Puisque je suis sur le sujet de la Seconde Guerre mondiale, juste pour information, la ville de Strasbourg a révélé ce week-end que suite à la polémique lancée par l’université de Strasbourg elle-même contre le livre de Michel Cymes, Hippocrate aux enfers, des restes humains des victimes des expérimentations nazzies ont bien été retrouvés ces drenières semaines, ils seront remis à la communauté juive pour être inhumé avec les autres victimes du Struthof…

Viva de Patrick Deville

Logo de pioché en bibliothèque
Logo rentrée littéraire 2014Couverture de Viva de Patrick DevilleAlors que la rentrée littéraire 2015 pointera son nez dans moins d’un mois, il est grand temps que je vous parle de quelques livres de la précédente rentrée littéraire que j’ai lus ces dernières semaines sans vous en parler (comptes-rendus regroupés Hérisson). Un livre emprunté à la médiathèque et passé ensuite par les mains de Maryse et Vito, vu le thème… Vous pouvez aussi (re)lire mes avis sur Kampuchéa, Peste et choléra, également de Patrick Deville.

Le livre : Viva de Patrick Deville, éditions du Seuil, 224 pages, 2014, ISBN 9782021135961.

L’histoire : Dans les années 1930 au Mexique, un peu aux Etats-Unis et en Europe. En 1937, Léon Trotsky débarque pour l’ultime étape de son exil et est d’abord hébergé par l’éditeur Malcolm Lowry, concentré sur la rédaction de son chef-d’oeuvre Au-dessous du volcan, avant d’investir la maison bleue de Frida Kahlo. A Mexico, Tampico ou Cuernavaca se croisent aussi Diego Rivera, Tina Modotti, B. Traven, André Breton, Antonin Artaud et beaucoup d’autres. Se sachant menacé, Trosky écrit, revient sur sa longue fuite, préparant une riposte aux procès de Moscou, attendant les malles contenant ses papiers et écrits…

Mon avis : le livre est probablement très documenté et assez fidèle à la réalité, mais la narration non linéaire, avec de constants changements de lieux et de temps, rend le livre on ne peu plus confus. Même si je connais un peu cette histoire, c’est sans aucun doute beaucoup trop peu pour réussir à suivre ce récit. S’il avait été plus chronologique, ou au moins avec des repères qui permettent de savoir si l’on est en 1920, en 1937 ou plus tard, le livre aurait gagné en clarté!!! Bref, probablement très intéressant, mais je m’y suis sentie complètement perdue!

Œuvres vives de Linda Lê

pioche-en-bib.jpgCouverture de Œuvres vives de Linda LêJ’ai déjà essayé, et plus ou moins apprécié, plusieurs œuvres de Linda Lê : Cronos, A l’enfant que je n’aurai pas, Lame de fond. Comme les précédents, je l’ai emprunté à la médiathèque.

Le livre : Œuvres vives de Linda Lê, éditions Christian Bourgeois, 2014, 334 pages, ISBN 978-2-267-02676-4.

L’histoire : de nos jours, au Havre et à Paris. Le narrateur, jeune journaliste, part couvrir quelques événements culturels au Havre. Alors qu’il vient de lire un livre de l’auteur local Antoine Sorel, connu de quelques lecteurs seulement, il apprend par la presse son suicide par  défenestration du sixième étage. Il décide de chercher des témoins pour retracer la vie de celui-ci, le voici sur la piste du grand-père, qui fit partie des Vietnamiens envoyés travailler en France pendant la Première Guerre mondiale, de son père, qui l’a élevé à la dure, de son frère puis peu à peu de ses ami(e)s qui révèlent peu à peu la personnalité sombre et complexe de cet auteur…

Mon avis : la narration à la première personne permet de se glisser assez vite dans la quête de cet écrivain mal-aimé de ses parents, alcoolique, peu lu et en gros oublié de tous. Cette quête est l’occasion pour lui de découvrir et aimer peu à peu la ville du Havre. A Paris, il se réfugie ou donne des rendez-vous dans des lieux que j’aime bien aussi pour leur calme, comme le musée Rodin (voir Matisse-Rodin) ou le musée national Delacroix (voir Une passion pour Delacroix, La collection Karen B. Cohen). Voilà un cocktail qui aurait dû me faire aimer ce livre, et pourtant, je me suis ennuyée par moment. Dans Lame de fond, il était déjà question d’un correcteur (au lieu d’un écrivain), originaire du Vietnam comme l’auteur, et d’une recherche des origines. Comme dans ce livre, il y a beaucoup d’allusions à des lieux (au Havre et à Paris), à des livres, etc., et j’ai eu ici l’impression de reprendre la même quête veine, 3 ans plus tard. Je vous laisse vous faire votre opinion par vous-même…

Sur Le Havre, je vous conseille Un homme est mort de Kris et Étienne Davodeau, qui avait donné lieu à un BD concert, Un homme est mort, il y a quelques années à Poitiers, basé sur le film disparu de René Vautier, lui-même décédé récemment. Sur la présence des Vietnamiens en France pendant la première guerre mondiale, voir le monument aux morts Indochinois dans le cimetière de Salonique à Toulouse.

[PS: 30 août 2015 :
Je trouve que Linda Lê est très irrégulière… Je me suis ennuyée à la lecture d’Œuvres vives. Télérama (n° 3423, p. 17) semble regretter la faible vente de ce titre, mais je ne dois pas être la seule à ne pas en avoir fait la promotion…

Logo rentrée littéraire 2014Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson (Il faut que je mette mes index à jour…).

Les notes de la mousson de Fanny Saintenoy

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCouverture de Les notes de la mousson de Fanny SaintenoyJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Versilio!

Le livre : Les notes de la mousson de Fanny Saintenoy, éditions Versilio, 117 pages, 2015, ISBN 9782361321208.

L’histoire : à Pondichéry, de nos jours. Kanou a une dizaine d’années. Fils unique, il est élevé par Ahmma, la vieille servante qui est sa nounou après avoir été celle de sa mère. Son père, Lalchen, est un musicien célèbre, en voyage permanent à travers le monde. Sa mère, Galta, est étrangement absente, elle s’interroge, qui était cette Angèle qui était sa mère adoptive et qu’elle a laissé rentrer en France il y a fort longtemps en refusant de l’accompagner? Elle même se sent rejetée, aucun invité n’était venu à son mariage, à part un couple d’amis, ses beaux-parents n’ont jamais accepté cette femme choisie par leur fils à la place de celle qu’il lui destinait. Un jour, elle décide d’aller à Paris… en commençant par ouvrir un coffret à secrets!

Mon avis : un livre court, dense. Longue nouvelle, court roman? Le prologue retrace le mariage désastreux, ajoute des détails (la servante est veuve depuis quelques jours) qui tentent de rendre une consistance aux personnages en ouverture du livre. En une centaine de pages, Fanny Saintenoy arrive ainsi à glisser de nombreux détails, mais peut-être au détriment d’une certaine épaisseur à donner aux personnages et surtout à l’histoire centrale, le secret de famille qui a été caché à Galta et qui va exploser à nouveau à la figure d’Angèle. La partie « indienne » est peut-être plus fouillée que la partie « parisienne ». je pense que le format choisi n’est pas le bon: en enlevant ces détails, on arriverait à une nouvelle dense et bien ficelée… en ajoutant des pages, le livre aurait atteint la taille d’un roman en donnant plus de consistance aux personnages et au secret de famille. La fin est curieuse aussi, comme inaboutie, avant les retrouvailles d’Angèle et de Galta, avant celles du gamin avec son père au cours de sa tournée européenne… même si le secret est révélé.

J’ai bien aimé le style, mais la forme bâtarde entre nouvelle et roman me laisse un peu perplexe.

Hippocrate aux enfers, de Michel Cymes

Couverture de Hippocrate aux enfers, de Michel CymesAlors que les 70 ans de la libération des camps de concentration sont discrètement célébrés (à part celle d’Auschwitz et Birkenau en janvier 2015 et l’ouverture du Musée de l’Histoire des Juifs Polonais / Muzeum Historii Żydów Polskich ou Polin à Varsovie en octobre 2014), Michel Cymes, dont les deux grands-pères ont été exécutés dans les camps, se penche sur l’aspect éthique des médecins nazis.

Le livre : Hippocrate aux enfers, les médecins des camps de la mort, de Michel Cymes, éditions Stock, 2015, 214 pages, ISBN 9782234078031.

L’histoire : quelques mois après le grand procès de Nuremberg avait lieu le procès des médecins, où un certain nombre étaient absents (en fuite, suicidés, bien protégés par l’industrie pharmaceutique ou récupérés par les armées alliées). L’auteur revient, par de courtes biographies, sur les « travaux » des plus terribles d’entre eux, autorisés ou encouragés par Himmler, la « sélection » des cobayes humains dans les camps de concentration: Sigmund Rascher et Wilhem Beiglböck à Dachau, Aribert Heim à Mauthausen, August Hirt au Struthof, Josef Mengele et Carl Clauberg à Aushwitz et Birkenau, Herta Oberheuser à Ravensbrück.

Mon avis: on a beaucoup parlé de ce livre ces dernières semaines pour la réaction de l’université de Strasbourg (voir plus bas). Le livre est surtout une synthèse claire sur les expérimentations nazies et l’analyse qui montre que ces « recherches » n’avaient rien d’éthique (non consentement des « patients », recherches inutiles), et tout du sadisme. Les derniers chapitres montrent comment les armées américaine, alliées et russe, mais avec moins d’exemples, ont récupéré certains d’entre eux ou une partie des travaux ou hypothèses posées (sur les hautes altitudes), le rôle actif des firmes pharmaceutiques dans la fuite ou l’embauche après libération (anticipée) de certains de ces médecins… Rien de très neuf pour qui connaît un peu le sujet, mais une synthèse de travaux antérieurs qui a le mérite d’être claire et grand public. Je regrette que ne soit pas mentionnés les portraits de tziganes de Dinah Gottliebova réalisés à la « demande » du Dr Mengele juste avant qu’il ne les exécute…

Michel Cymes expose un témoignage (déformé selon son auteur?), selon lequel des pièces anatomiques « collectées » par August Hirt sur les 96 prisonniers qu’il a fait spécialement exécutés au camp voisin du Struthof auraient encore pu s’y trouver en 1970 et ne pas avoir toutes été enterrées au cimetière juif de Cronenbourg avec les restes des corps retrouvés dans les cuves de l’institut d’anatomie. Il a dû insister pour pouvoir visiter les lieux… sans rien y trouver. Si l’université avait vraiment joué la transparence et pu apporter des réponses convaincantes, et si elle avait abordé la question avec une vraie enquête indépendante plutôt que dans la polémique, ce débat n’aurait pas lieu d’être. Cette université n’a apposé une plaque commémorative sur la tragédie qui s’est passée dans ses murs qu’en 2005 et semble avoir un sérieux problème de relation à son histoire… Pour clore le débat, elle pourrait peut-être rendre public (ou à un collège d’historiens et d’anatomistes plus apte à en faire la synthèse) les constatations faites au moment de l’inhumation des corps et des pièces anatomiques qui ont été expertisées et définitivement clore cet épisode qui fait partie de son histoire : August Hirt a mené dans ces lieux des actes ignobles et voulu constituer une collection de pièces anatomiques de référence. [PS: le 19 juillet 2015, la ville de Strasbourg a annoncé que finalement, des bocaux contenant des restes humains issus de ces travaux ont bien été retrouvés à l’université de Strasbourg -un bocal et des éprouvettes- et seront remis à la communauté juive pour être inhumés avec les autres victimes du camp de Struthof. Raphaël Toledano, qui a travaillé sur les 86 victimes du Dr Hirt depuis des années, a pu les identifier grâce à une lettre/inventaire retrouvée récemment].

Pour aller plus loin, suivre le mot clef sur les camps de concentration, ou la sélection de liens suivants:

– Si c’est un homme et  Les naufragés et les rescapés, de Primo Levi,

– les témoignages et récits de , également déportée à Auschwitz, notamment Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours,

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents.

Lire La peinture à Dora de François Le Lionnais, mathématicien et co-fondateur de l’Oulipo,  déporté à Buchenwald et Mittelbau-Dora, un autre témoignage sur la manière de survivre.

Suivre les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les , et plus largement sur la … Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Dans les prochaines semaines, je vous montrerai les différents monuments commémoratifs des camps de concentration au cimetière du Père-Lachaise, dont plusieurs pour Auschwitz et ses différents camps annexes (la tombe de Jean-Richard Bloch est juste à côté du monument aux déportés à Auschwitz-Birkenau).

En souvenir d’André, de Martin Winckler

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de En souvenir d'André, de Martin WincklerCela fait longtemps que je n’avais pas lu de livre de Martin Winckler… L’actualité du débat sur la fin de vie, qui a mon avis ne va pas assez loin en n’autorisant pas le suicide assisté et l’euthanasie contrôlée comme en Belgique (lire ou relire l’article sur mes directives anticipées), m’a conduite à lire le roman de ce médecin engagé (avortement, contraception, mais aussi séries télévisées…). Un livre emprunté à la médiathèque.

Le livre : En souvenir d’André, de Martin Winckler, éditions POL, 197 pages, 2012, ISBN 978-2-8180-1692-3.

L’histoire: de nos jours, dans un lieu indéfini. Le narrateur, médecin, raconte, à une personne d’abord non identifiée, comment il a été choisi il y a des années par André, qui fut l’un de ses professeurs, pour l’accompagner dans la fin de vie et l’aider à mourir après avoir recueilli, pendant plusieurs semaines, ce qu’il avait à dire avant de quitter ce monde. Médecin, le narrateur a d’abord pratiqué dans un centre d’avortement avant de travailler dans un centre de soins palliatifs. Au fil des mois, des années, il reçoit des appels sur un portable qui ne sert qu’à cela, avec un message « en mémoire d’André ». Des appels surtout de médecins ou de personnels du corps médical. Lui recontacte ou pas la personne, il commencera par traiter efficacement la douleur et ne l’aidera, si la demande est toujours là, qu’après plusieurs semaines d’échanges et d’entretiens qu’il retranscrit dans des cahiers de manière anonyme…

Mon avis : ce roman aborde de manière dépassionnée la fin de vie, mettant en avant le rôle des soins palliatifs et du traitement de la douleur. Le narrateur ne pratique pas d’euthanasie mais le suicide assisté, la personne en demande déclenche elle-même le processus final d’injection. Comme dans La vacation ou La maladie de Sachs, l’écoute du patient est primordiale, première au sens propre. Au fil des pages, on comprend que l’on est aussi dans la transmission d’un savoir. Emmanuel, jeune médecin, va recueillir les récits de l’expérience de Daniel, le narrateur en fin de vie. Un roman plein d’humanité, à lire absolument et à verser au débat actuel! Débat auquel Martin Winckler a bien sûr participé (au moins dans les médias)…

Ah, encore une fois, l’éditeur a choisi un papier trop transparent, je vois le texte de la page de derrière sur la page à lire et ça perturbe la lecture. Depuis que je relis des livres normaux et lus des « larges visions » (où le papier répond à des normes d’opacité et de non brillance), même si c’est par tranche de 30 minutes ou avec la caméra, je remarque que beaucoup d’éditeurs ne font pas très attention au choix du papier et des encres (souvent plus grises que noires)…

Pour aller plus loin: voir le site de Martin Winckler.