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Visages Villages d’Agnès Varda et JR

affiche de Visages Villages d'Agnès Varda et JRMe voici de retour après un mois d’absence sur le blog, mais j’en ai profité pour aller au cinéma, lire, visiter des expositions… Je commence aujourd’hui par vous parler de Visages Villages de JR et Agnès Varda [revoir  Jane B[irkin], avec une venue mémorable d’Agnès Varda au TAP cinéma à Poitiers, et Les plages d’Agnès].

L’histoire : à travers la France, d’un côté, Agnès Varda, ses presque 90 ans, sa gouaille habituelle, sa coupe au bol, une vision qui se dégrade, la marche pas toujours facile, parfois avec une canne ou sur un fauteuil roulant dans une galerie du Louvre. De l’autre, JR, 35 ans, ses lunettes noires, son chapeau, son camion-labo photo qui permet de tirer de grandes photographies en noir et blanc, à coller sur des murs. Les voilà partis à travers la France, à la rencontre de  » vrais gen s », dans un coron voué à la destruction, au milieu du port du Havre, sur un bunker effondré sur une plage, devant chez Jean-Luc Godard, dans un village abandonné, etc… A chaque projet, les habitants, les passants sont associés à la prise des portraits, à donner leur avis, à participer à l’œuvre éphémère.

Mon avis : j’ai passé un très agréable moment avec ce film que l’on peut voir à plusieurs degrés, un reportage sur les installations éphémères, un retour sur le cinéma des années 1960 (de nombreuses allusions à son mari Jacques Demy, à Jean-Luc Godard qui va presque la faire pleurer de déception, et à leurs amis),  un hommage à la vieillesse et au corps vieillissant (les yeux et les orteils d’Agnès Varda démesurément agrandis et collés sur des wagons de marchandise). Pour moi, JR (voir son site officiel) était un photographes qui avait collé des portraits au Panthéon ou la la Bibliothèque nationale, j’ai découvert un artiste beaucoup plus sensible et plus touche à tout que dans les interviews que j’avais entendues ces dernières années. Chaque projet est très différent, la plupart du temps, il s’est agi de faire des photographies des gens qui participent au projet (la dernière habitante d’un coron voué à la démolition, les ouvriers d’une usine, trois femmes de dockers au Havre, les voisins d’un lotissement abandonné en pleine construction, l’agriculteur sur sa grange), mais un projet est particulier. JR a plongé dans la collection de photographies d’Agnès Varda, s ils ont choisi un portrait qu’elle avait fait dans les années 1950 du photographe Guy Bourdin, tourné et détouré l’image, collé à vitesse grand V entre deux marées par JR et son équipe sur un bunker effondré… le résultat était impressionnant et fut détruit… dès la marée suivante! Et voilà que s’ouvre au fil des projets un dialogue entre deux personnages (au sens propre) de deux générations, très différents mais avec des approches esthétiques, des centres d’intérêts, des lieux semblables qui les attirent. Allez, je vous laisse aller voir le film pour savoir si JR finira par ôter ses lunettes de soleil!

Les temps sauvages de Ian Manook

Couverture de Les temps sauvages de Ian ManookAprès Yeruldelgger, j’ai acheté et lu la suite.

Le livre : Les temps sauvages de Ian Manook, éditions Albin Michel, 2015, 528 pages, ISBN 9782226314628.

L’histoire : de nos jours en Mongolie. Le commissaire Yeruldelgger est victime d’un complot. Il est alerté par un ornithologue sur le comportement étrange d’un gypaète… qui le met sur la piste d’un homme mort dans une crevasse. Sa collaboratrice, Oyün, enquête sur la mort d’un cavalier sur son cheval, surmonté d’un yack, mort également. Mais voici qu’il est suspendu par la police des polices, suspecté d’avoir assassiné une prostituée qui l’a aidé dans sa précédente enquête. Elle aurait adopté un enfant des rues, porté disparu comme Gantulga, gamin envoyé poursuivre son apprentissage au septième monastère des moines Shaolin par le commissaire. Les deux garçons se seraient vu peu avant leur disparition.  Et voici que six jeunes garçons sont retrouvés morts dans un container au Havre…

Mon avis : comme dans le premier tome, le lecteur est plongé dans une Mongolie tiraillée entre traditions et modernité, coincée entre ses puissants voisins, Chine et Russie. Certaines scènes, notamment de tortures, sont un peu dures, mais l’auteur laisse ensuite le temps de souffler pendant quelques pages. Alors que l’auteur est Français, ce sont peut-être les pages au Havre qui sont le moins crédibles. Corruption, trafics de matières premières, d’êtres humains, vengeance personnelle, rien ne manque dans ce polar qui se dévore. Même si la rentrée approche, il vous restera peut-être un peu de temps pour attaquer ce gros volume haletant!

Œuvres vives de Linda Lê

pioche-en-bib.jpgCouverture de Œuvres vives de Linda LêJ’ai déjà essayé, et plus ou moins apprécié, plusieurs œuvres de Linda Lê : Cronos, A l’enfant que je n’aurai pas, Lame de fond. Comme les précédents, je l’ai emprunté à la médiathèque.

Le livre : Œuvres vives de Linda Lê, éditions Christian Bourgeois, 2014, 334 pages, ISBN 978-2-267-02676-4.

L’histoire : de nos jours, au Havre et à Paris. Le narrateur, jeune journaliste, part couvrir quelques événements culturels au Havre. Alors qu’il vient de lire un livre de l’auteur local Antoine Sorel, connu de quelques lecteurs seulement, il apprend par la presse son suicide par  défenestration du sixième étage. Il décide de chercher des témoins pour retracer la vie de celui-ci, le voici sur la piste du grand-père, qui fit partie des Vietnamiens envoyés travailler en France pendant la Première Guerre mondiale, de son père, qui l’a élevé à la dure, de son frère puis peu à peu de ses ami(e)s qui révèlent peu à peu la personnalité sombre et complexe de cet auteur…

Mon avis : la narration à la première personne permet de se glisser assez vite dans la quête de cet écrivain mal-aimé de ses parents, alcoolique, peu lu et en gros oublié de tous. Cette quête est l’occasion pour lui de découvrir et aimer peu à peu la ville du Havre. A Paris, il se réfugie ou donne des rendez-vous dans des lieux que j’aime bien aussi pour leur calme, comme le musée Rodin (voir Matisse-Rodin) ou le musée national Delacroix (voir Une passion pour Delacroix, La collection Karen B. Cohen). Voilà un cocktail qui aurait dû me faire aimer ce livre, et pourtant, je me suis ennuyée par moment. Dans Lame de fond, il était déjà question d’un correcteur (au lieu d’un écrivain), originaire du Vietnam comme l’auteur, et d’une recherche des origines. Comme dans ce livre, il y a beaucoup d’allusions à des lieux (au Havre et à Paris), à des livres, etc., et j’ai eu ici l’impression de reprendre la même quête veine, 3 ans plus tard. Je vous laisse vous faire votre opinion par vous-même…

Sur Le Havre, je vous conseille Un homme est mort de Kris et Étienne Davodeau, qui avait donné lieu à un BD concert, Un homme est mort, il y a quelques années à Poitiers, basé sur le film disparu de René Vautier, lui-même décédé récemment. Sur la présence des Vietnamiens en France pendant la première guerre mondiale, voir le monument aux morts Indochinois dans le cimetière de Salonique à Toulouse.

[PS: 30 août 2015 :
Je trouve que Linda Lê est très irrégulière… Je me suis ennuyée à la lecture d’Œuvres vives. Télérama (n° 3423, p. 17) semble regretter la faible vente de ce titre, mais je ne dois pas être la seule à ne pas en avoir fait la promotion…

Logo rentrée littéraire 2014Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson (Il faut que je mette mes index à jour…).

Le Havre de Aki Kaurismäki

Affiche du film Le Havre de Aki Kaurismäki

J’avais raté la projection spéciale du film Le Havre de Aki Kaurismäki donnée à Poitiers en lien avec l’exposition Le Havre : ville reconstruite. Auguste Perret – Oscar Niemeyer à la maison de l’architecture (jusqu’au 24 février 2011, elle ira ensuite à Royan et Angoulême, je crois), puis quand j’ai vu que le film était sélectionné dans le festival Télérama 2012, j’ai attendu pour aller le voir…

Le film : Le Havre, dans les années 1950 sur fond d’actualité de l’année 2007… Marcel Marx (André Wilms) vit dans une des baraques provisoires en attendant la reconstruction avec sa femme, Arletty (Kati Outinen). Elle, femme dévouée à la maison, lui, cireur de chaussures et pilier du bistrot voisin. Un jour, celle-ci tombe gravement malade, alors que Marcel recueille Irissa (Blondin Miguel), un jeune clandestin qui a réussi à s’échapper du container où il a été retrouvé, plus ou moins grâce au commissaire Monet (), qui a empêché ses collègues de l’abattre… Réussira-t-il à sauver ce gamin et à l’aider à rejoindre Londres, malgré les dénonciations de son voisin ?

Mon avis : le mélange de périodes est un peu déroutant au début, avec les baraquements en attendant la reconstruction (sous la direction de Auguste Perret) qui côtoient la ville et le port du Havre d’aujourd’hui, la jungle de Calais, les CRS en tenue de combat de dernière génération… Un moyen original d’aborder la question des sans-papier, de la délation mais aussi de l’aide directe et indirecte : organisation, ravitaillement, commissaire humain qui va agir contre le préfet et les autres policiers, concert de soutien du rockeur Little Bob… J’ai beaucoup aimé!

J’ai revu  quelques jours plus tard dans Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian…

Pour la reconstruction du Havre, et les grèves des ouvriers, lire aussi Un homme est mort de Kris et Davodeau, dont j’avais aussi beaucoup aimé l’adapation en BD-concert.

Ce film était sélectionné pour le festival télérama 2012. Voici les dix films que j’ai vus dans cette sélection de quinze films: