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La fille inconnue de Luc et Jean-Pierre Dardenne

Affiche de La fille inconnue de Luc et Jean-Pierre DardenneSortie cinéma hier en fin d’après-midi, pour aller voir La fille inconnue de Luc et Jean-Pierre Dardenne. Vous pouvez aussi (re)voir mes avis sur leurs films précédents Le gamin au vélo, Le silence de Lorna, Deux jours une nuit.

L’histoire : de nos jours à Seraing, dans la banlieue de Liège, sur les bords de la Meuse. Jenny Davin [Adèle Haenel], jeune médecin, devrait avoir terminé ses consultations du jour depuis une heure avec Julien, son stagiaire [Olivier Bonnaud], avec qui elle vient de se disputer. Épuisée, elle décide de ne pas ouvrir à un ultime appel. Le lendemain, la police vient sonner chez elle pour récupérer la vidéo-surveillance qui film l’entrée du cabinet. Une jeune fille noire a été retrouvée morte sur le quai non loin de là. Alors qu’elle avait trouvé un poste bien rémunéré dans un centre de santé privé le lundi suivant, Jenny décide de reprendre le cabinet du vieux généraliste malade, de s’y installer et de mener l’enquête pour identifier la jeune inconnue.

Mon avis : La médecin fume trop, le cabinet n’est pas vraiment adapté à la patientèle avec son perron et surtout la volée de marches pour aller de la salle d’attente au cabinet. Le film se disperse, entre les doutes du jeune stagiaire, l’enquête et le portrait des patients et de leur prise en charge : la jeune médecin aide la vieille dame à se lever, va voir tard un ado cancéreux, appelle les services sociaux pour un patient diabétique qui ne peut pas aller recharger son compteur de gaz, etc… Très vite, par un jeune patient, elle découvre que l’inconnue se prostituait, mais cela n’a guère d’importance, je me suis plutôt ennuyée dans ce défilé de patients (pauvres, banlieue sidérurgique sinistrée de Liège oblige) avec leurs maux ordinaires, la compassion (ou au moins l’empathie) de la médecin, sa recherche qui finit par virer à l’obsession.

Johnson m’a tuer, de Louis Theillier

pioche-en-bib.jpgCouverture de Johnson m'a tuer, de Louis TheillierCela fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de bande dessinée… J’ai emprunté celle-ci la médiathèque.

Le livre : Johnson m’a tuer, journal de bord d’une usine en lutte, de Louis Theillier (récit et dessin), éditions Futuropolis, 2014, 95 pages, ISBN 9782754810241.

L’histoire : à Bruxelles, le 31 janvier 2011. La direction anglaise de Johnson Mattey annonce la fermeture de son usine belge. Depuis plusieurs jours, les 300 employés avaient constaté le départ des matières premières qui servent à leur travail, platine et métaux précieux utilisés notamment pour la fabrication de catalyseurs de pots d’échappement. Pourtant, la multinationale est largement bénéficiaire, l’usine belge aussi, mais il s’agit de délocaliser l’activité en Macédoine. Employé depuis cinq ans dans cette usine, Louis Theillier croque au jour le jour, avec son style à bille, la lutte, les négociations des indemnités de licenciement…

Mon avis : cette bande dessinée est la reprise en un volume d’une bande dessinée éditée en 350 exemplaires diffusés toutes les trois semaines (en 6 tomes dont on ne voit pas les séparations ici), comme moyen de communication interne et externe, permettant de relayer le combat des ouvriers auprès des médias. Elle était aussi diffusée sur le blog de la lutte. Depuis la fermeture d’une usine Renault, en Belgique, il existe un système complexe de négociations et de calcul d’indemnités supra-légales, sur la base d’une « grille Claeys » (amis poitevins, rien à voir avec le maire de feue la capitale régionale de Poitou-Charentes…). La bande dessinée présente la lutte depuis l’intérieur, tracée par un salarié de l’entreprise. Il n’y a donc pas le recul d’une analyse « après coup », par un journaliste, un sociologue (La communauté de Hervé Tanquerelle et Yann Benoît, première et la deuxième parties) ou un auteur de bande dessinée (Les mauvaises gens, d’Étienne Davodeau). AU fil des pages, le dessin de Louis Theillier évolue, l’auteur se pose des questions sur son travail, la pression de la parution (tenir le blog, l’édition papier) et des employeurs qui voient d’un mauvais œil son travail. Il montre les négociations, mais aussi les interrogations des employés et ouvriers sur les syndicats, la fracture avec la direction, …

Au fil des pages, il est aussi question des luttes proches (les Contis de Clairoix, d’Arcelor Metal – dont le leader, depuis, Édouard Martin, récupéré par le PS, a mal tourné), de Indignez-vous! de Stéphane Hessel.

Il faut tenter de vivre, d’Éric Faye

pioche-en-bib.jpgCouverture de Il faut tenter de vivre, d'Éric FayeUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Il faut tenter de vivre, d’Éric Faye, éditions Stock, 176 pages, 2015, ISBN 9782234078017.

L’histoire : de nos jours, le narrateur se souvient de Sandrine Broussard, la trentaine. Il y a 23 ans, il a recueilli le récit de sa vie en vue d’écrire un livre qu’il n’a jamais rédigé. Jeune adulte mariée à 17 ans, déjà divorcée quelques mois plus tard, avec son compagnon, Sandrine a monté dans le Nord une entreprise d’escroqueries : elle passe des petites annonces roses pour appâter des hommes du Midi, puis se fait envoyer l’argent pour un voyage qu’elle ne réalisera jamais. Recherchés, lui se rend, elle continue sa vie chaotique, fuit en Belgique le temps d’attendre la prescription de ses délits (5 ans), s’engage comme serveuse dans un bar à hôtesses près de la frontière…

Mon avis : l’auteur a choisi de décaler le temps de la narration et le temps du recueil de la « confession » de Sandrine d’une vingtaine d’années. Léger décalage temporel – quelques années – aussi entre la confession (« J’avais quelque chose comme vingt-six ou vingt-sept ans et Sandrine à peine plus« ) et l’histoire elle-même, mais l’auteur ne « joue pas » de ces décalages.

la route de Douai à Tournai, passage de l'ancien poste frontière de Mouchin, cliché Lucien DujardinL’essentiel du livre se passe dans les années 1980, alors qu’il y a encore des douaniers (plutôt rares, peu à peu remplacés par « la volante »…) à la frontière entre la France et la Belgique : voir dans la circulation, extrait de Halte à la douane à (avec des bois gravés des enfants de l’école en 1935 et des photographies actuelles de mon père), un petit poste qui ressemble à celui décrit dans le livre…

Le passage de la frontière au Bas-Préau à Mouchin, cliché Lucien Dujardin… à moins que ce ne soit carrément un passage réservé aux seuls riverains, comme celui-ci, pour les extraits où elle cherche un passage discret. Ce second poste de Mouchin ne semble aujourd’hui plus connu de la police ni des douaniers français, le premier n’a pas non plus été bloqué lors des attentats de 2015 (alors que des herses avaient été déployées lors des attentats de 1985-1986), il est surtout contrôlé le samedi soir et le dimanche matin pour les retours alcoolisés de boîte de nuit en Belgique.

Revenons au livre… Sandrine peut donc passer tranquillement la frontière entre la France et la Belgique dans les années 1980, avec juste ce qu’il faut de frissons lors de rares contrôles, mais à l’heure de la libre circulation dans l’espace Schengen (espérons que ça dure!), ils ne peuvent aujourd’hui être vraiment compris que par des frontaliers.

Le portrait de Sandrine aurait aussi mérité plus de profondeur: petite délinquante qui boit et vit sous amphétamine, elle a eu une enfance compliquée, a fait six mois de prison et ne veut pas y retourner, mais on ne comprend pas vraiment pourquoi elle fuit tant la vie et veut ainsi se détruire, avec des hommes fantasmés (les photographies des hommes du Midi qu’elle ne verra jamais) ou réels (son ami de délinquance, les clients du bar « à putes » à qui elle refuse son corps, le riche commerçant marié qui finit par l’entretenir). Finalement, j’ai lu ce livre d’une traite (sur un aller-retour Poitiers-Paris en train, entrecoupé de sieste, je l’avais choisi pour sa « lisibilité » sans mon visioagrandisseur maison), mais il ne me laissera probablement aucun souvenir à moyen ou long terme.

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Les boîtes en carton de Tom Lanoye

Couverture de Les boîtes en carton de Tom Lanoyepioche-en-bib.jpgUne amie m’avait recommandé un autre titre de cet auteur (La langue de ma mère) mais il n’est pas au catalogue de la médiathèque, j’ai donc pris ce titre en attendant qu’il soit (peut-être?) acheté…

Le livre : Les boîtes en carton de Tom Lanoye, traduit du néerlandais (Flandre) par Alain van Crugten, éditions de la Différence, 2013, 160 pages, ISBN 9782729120122.

L’histoire : au début des années 1970, en Belgique néerlandophone. Alors qu’il a une douzaine d’années, il est inscrit par sa mère à une colonie de vacances organisée et payée par Les Mutualités Chrétiennes, qui fournissent même la « boîte en carton », un carton à plier qui fera office de valise, la même pour chaque participant, histoire qu’il n’y ait pas de distinction sociale. Sa vie à la maison, sa mère, sa sœur, sa tante (que de femmes!), et la colonie de vacances, la découverte du corps d’un autre colon, qu’il fantasme… Quelques années plus tard, il retrouve ce compagnon de colonie et participe avec lui à un voyage scolaire en Grèce. Déclarera-t-il sa flamme ? Connaîtra-t-il l’amour avec ce jeune homme ?

Mon avis : dans ce roman à fort caractère autobiographique, traduit en français plus de dix ans après sa parution en Belgique, Tom Lanoye n’hésite pas à faire de nombreuses digressions (sa mère jetant la friteuse en flammes et se brûlant gravement pour éviter à la maison de prendre feu, les nationalistes flamands, le milieu ultra-catholique, etc.) avant de revenir à son sujet principal, le récit de ce voyage scolaire où il connut son premier amour homosexuel. L’ensemble est narré avec beaucoup de recul et d’humour -quelques pages à ne pas rater sur le voyage en Grèce-, même s’il raconte en de brefs mais explicites passages ses fantasmes et ses masturbations après le retour de colonie. Le récit met également en avant les regards, les gestes, bref, la communication non-verbale entre les deux garçons. Je vais essayer de trouver La langue de ma mère, si l’écriture est aussi intéressante que pour cette première découverte, le thème (la mère victime d’un AVC qui « perd sa langue ») devrait être moins compliqué que la lecture de descriptions de masturbation masculine, même si rien n’empêche de sauter une page lors de la lecture d’un livre, car la majorité du livre est consacré à autre chose.

Logo de Octobre, le mois FritissimeIl y a quelques années, ce titre aurait eu toute sa place dans le défi Octobre fritissime, littérature et patrimoine du Benelux..

Waterloo… Honte à la France!!!

Echantillons de pièces commémoratives en EuropeDepuis la création de l’euro, chaque pays peut émettre deux pièces commémoratives de deux euros par an. Il y a aussi des commémorations collectives avec des variantes dans plusieurs pays, comme vous pouvez le voir ici (merci aux commerçants du marché complices ce matin pour réunir ces pièces): dix ans des pièces et billets en euro en 2012 (dans 17 pays, ici variantes Pays-Bas, Allemagne et France), 50 ans du traité de Rome en 2007 (dans 13 pays, ici Allemagne, Pays-Bas et Belgique), 10e anniversaire de l’union économique et européenne en 2009 (dans 16 pays, ici Allemagne et France). Pour les pièces des pays, nous avons trouvé l’Atomium à Bruxelles (Belgique 2006, voir sur ce bâtiment Expo 58 de Jonathan Coe), Don Quichotte (Espagne 2005), et des pièces françaises (30 ans du traité de l’Élysée 2013 -il y a une version allemande aussi-, 70 ans de l’appel du 18 juin en 2010, présidence française de l’Union européenne en 2008 et 30e anniversaire de la fête de la musique en 2011). Les autres pays de l’union européenne peuvent émettre leur véto pour l’émission d’une pièce si elle est de nature à mettre en question l’unité européenne, et cela n’était jamais arrivé… jusqu’à cette semaine!

La Belgique avait donc prévu et commencé à frapper des pièces commémoratives de 2€ pour célébrer les 200 ans de la bataille de Waterloo, à une vingtaine de kilomètres au sud de Bruxelles. Le 18 juin 1815, les armées napoléoniennes avait perdu la bataille face à une armée européenne commandée par le duc de Wellington: 200000 hommes sur le champ de bataille, 65.000 Français, 65.000 hommes pour l’armée anglo-néerlandaise et 55.000 hommes pour l’armée prussienne commandée par maréchal Blücher. Bilan de la journée: 55.000 morts, un record en une journée!  Le site de la bataille est inscrit sur la « tentative list » du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008 (suivre le lien, le récit de la bataille y est bien fait et neutre!). Franchement, le gouvernement français n’a rien de mieux à faire que de bloquer l’émission d’une pièce belge sur une bataille oubliée de tous sauf des historiens et des passionnés de reconstitutions de batailles napoléoniennes? Croyez-vous que les Anglais qui prennent leur train à la gare de Waterloo savent tous ce qu’elle commémore? Et les Français qui y débarquaient en Eurostar jusqu’en 2007 se sentaient-ils agressés?

Le site de la bataille d'Austerlitz en 1993, 1, l'ossuaire

Si tel est le cas, dans un contexte de pacification européenne, il est aussi urgent de débaptiser la gare d’Austerlitz à Paris, qui fut aussi le témoin d’une autre cruelle bataille napoléonienne (voir le site de la bataille d’Austerlitz à Slavkov u Brna, près de Brno, en République tchèque, si vous préférez), plus de 16.000 morts (dont 11000 Russes et 4000 Autrichiens) le 2 décembre 1805. Mais cette fois, ce sont les Français qui ont gagné!!!

Donc, le gouvernement français, qui n’a pas de problèmes actuellement, pas de problème de chômage, de vie quotidienne, de montée de l’extrême droite, de perspective d’abstention record aux élections départementales le week-end prochain, a trouvé son point prioritaire absolu: interdire l’émission de cette pièce, se couvrir de ridicule en Europe… La Belgique n’aura plus qu’à refondre les 175.000 pièces déjà frappées. Mais elle a trouvé la parade: émettre une pièce destinée aux collectionneurs, d’une valeur faciale originale (2,5€), non soumise à l’accord des autres États membres!

Monument au maréchal Ney à ParisAllez, je vous parlerai très vite de cette statue au Maréchal Ney, …

Paris, monument au maréchal Ney, liste des batailles avec Waterloo… il a participé à la bataille de Waterloo, et fut fusillé pour trahison (pour son rôle dans les 100 jours) place de l’Observatoire à Paris (où se trouve le monument) le 7 décembre 1815. Une bataille capable de raviver l’équilibre et la paix en Europe… mais alors, pas plus que toutes les batailles inscrites sur le socle de cette statue (sur cette face et il y en a autant de l’autre côté!), qu’attend notre gouvernement pour les masquer??? Non, il faut au contraire expliquer et enseigner l’histoire!!!

Couleur de peau: miel, tome 3, de Jung

pioche-en-bib.jpgCouverture de Couleur de peau, miel, tome 3, de JungAprès le tome 1 et le tome 2 puis l’adaptation au cinéma de Couleur de peau miel de Jung, j’ai emprunté le tome 3, qui est sorti il y a quelques mois, à la médiathèque.

Le livre : Couleur de peau : miel, tome 3 de Jung (scénario et dessin), Collection : Astrolabe, éditions Quadrants (Soleil), 2013, 142 planches noir et blanc, 978-2-302-03657-4 [les tois tomes existent aussi désormais en coffret].

L’histoire : en 2011 en Corée. Jung, accompagné de l’équipe qui réalise l’adaptation au cinéma de son histoire, repart sur les traces de son passé. Pour la première fois, il retourne en Corée et va essayer d’accéder à son dossier et à davantage d’informations sur ses parents naturels, revenant régulièrement sur son passé, dans ses souvenirs.

Mon avis : j’ai été plutôt déçue par ce dernier tome. Il est, je trouve, trop redondant par rapport à l’adaptation au cinéma et au tome 1 et au tome 2 (je vous invite vraiment à lire ou relire ces deux premiers tomes), avec des répétitions comme l’histoire de l’ulcère provoqué par un excès de tabasco. Certes, le dessin est toujours incisif, mais il n’approfondit pas la question de savoir s’il est « asiatique en Belgique » (successivement, au gré des vagues de touristes, Japonais, Chinois, etc.) ou étranger en Corée. De même, je trouve qu’il aborde de manière trop superficielle la question pourtant centrale de la quête de l’identité et surtout du mal-être qui a conduit nombre d’enfants adoptés, devenus adolescents ou adultes, à se suicider, ni sur la mort de sa soeur adoptive et elle aussi venue de Corée (accident? suicide?). Voir aussi l’avis de Audouchoc.

Logo top BD des bloggueursCette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Affiche de Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc DardenneSortie cinéma dimanche avec de Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui finalement n’a pas eu de prix à Cannes (des mêmes réalisateurs, revoir Le gamin au vélo, Le silence de Lorna, Deux jours une nuit, La fille inconnue).

Le film: de nos jours dans la banlieue de Liège en Belgique. Alors que Sandra [Marion Cotillard] doit reprendre son travail dans une société de fabrication de panneaux solaires après une dépression, son patron [Batiste Sornin] a fait voter ses 16 collègues avec au choix, recevoir une prime annuelle de 1000€ ou y renoncer pour permettre de retour de Sandra. Prévenue par son amie Juliette [Catherine Salée] du résultat du vote (deux pour son retour, 14 pour la prime), elle est prête à baisser les bras. Son mari, Manu [Fabrizio Rongione] la convainc de se battre. Elle obtient qu’un nouveau vote ait lieu lundi, à bulletin secret et sans Jean-Marc [Olivier Gourmet], le contremaître qui a tenté d’influencer le premier vote. La voilà  qui part à la rencontre de chacun de ses collègues, en bus puis pilotée par son mari, aidée par ses enfants et Juliette pour trouver leurs adresses…

Mon avis: après son rôle de femme amputée dans De rouille et d’os de Jacques Audiard, Marion Cotillard joue à merveille son rôle de femme désespérée, répétant une bonne douzaine de fois son laïus (le vote a été influencé par Jean-Marc, le patron accorde un nouveau vote lundi, j’ai besoin de mon boulot, ce n’est pas moi qui vous ai mis dans la position de choisir entre votre prime, dont vous avez besoin, et mon travail), en face, il y a ceux qui ne peuvent pas abandonner la prime (un an de chauffage pour l’un, le conjoint au chômage de l’autre, des travaux à payer, etc.), ceux qui sont « torturés » par leur premier vote, celle qui refuse d’ouvrir mais appelle une autre collègue, de la violence qui éclate, un tableau social dur et sans concession, le cynisme du patron… Un film pessimiste sur le rapport à l’autre, la solidarité et le « vivre ensemble », mais un très beau film!

Expo 58 de Jonathan Coe

Couverture de Expo 58 de Jonathan CoeUn livre acheté en librairie lors de sa sortie… il m’a fallu un moment pour en venir à bout, les livres « basse vision » sont plus faciles pour moi en ce moment, il n’y a pas photo! J’avais pourtant essayé de trouver un livre avec des interlignes assez grands et organisé en chapitre assez courts, qui me permettent de m’arrêter facilement…

Le livre: Expo 58 de Jonathan Coe, traduit de l’anglais par Josée Kamou, collection NRF (la classique couverture blanc cassé est derrière la jacquette ajoutée), éditions Gallimard, 330 pages, ISBN 9782070142798.

L’histoire: 1954, à Londres comme ailleurs, on prépare l’exposition universelle de Bruxelles qui aura lieu en 1958. Quelques mois avant l’ouverture officielle, prévue le 17 avril, le bureau central de l’information décide d’y envoyer Thomas Foley, jeune papa mais qui a pour lui dévoir une mère d’origine belge et un père qui a tenu un pub. Il sera donc tout indiqué pour surveiller le Britannia, pub reconstitué à côté du pavillon britannique. Pas facile d’annoncer à sa femme, Sylvia, qu’il va l’abandonner pour six mois avec le bébé, qu’il ne pourra guerre revenir qu’une fois pour un week-end. Mais sur place, il oublie vite sa femme et fait de nouvelles connaissances, Anneke, une hôtesse d’accueil rencontrée dès son séjour préparatoire, Tony, son compagnon de pavillon dans le village qui accueille (spartiatement) les délégations, chargé de la réplique de Zeta (machine nucléaire), Chersky, un journaliste russe que deux curieux personnages du british council lui disent être un espion, une belle actrice américaine embauchée pour passer l’aspirateur (oups, démontrer sa puissance technologique) à longueur de journée…

Mon avis: une parodie de roman d’espionnage pleine d’humour! L’Atomium (près du Heyzel à Bruxelles) séduit par son architecture, les Anglais sont présentés comme manquant d’imagination… L’une des têtes pensantes avait pensé faire une exposition sur l’histoire des sanitaires, mais en réunion préparatoire, son idée a été jugée saugrenue et rejetée. L’Angleterre présente donc au monde entier une machine nucléaire, vite retirée (les scientifiques avaient fait des calculs erronés) et remplacée par un énorme ordinateur, et une caricature de pub anglais. D’autres sujets sont abordés avec humour: la cigarette « pourrait être dangereuse », les noirs du village du Congo (colonie nelge) partent car ils ne supportent pas les propos racistes et d’être un « zoo humain » (revoir Exhibitions au musée du quai Branly), la guerre froide et les espions sont présentés avec beaucoup de deuxième ou troisième degré. Je suis un peu déçue par la fin, qui se prolonge en quelques pages jusqu’à aujourd’hui, mais sinon, ce fut une lecture très plaisante (à part mes difficultés de lecture)!

Logo God save the livre Ce livre entre dans le défi God save the livre, saison 4, organisé par Antoni / passion livres. Il s’agit de lire un ou plusieurs livres anglais d’ici février 2015 et atteindre l’une de ces catégories : « Duty Harry » (1 livre lu), « Prince Charles » (5 livres), « Prince William » (10 livres), « Lady Di » (15 livres), « The Beatles » (20 livres et plus), « Queen Mom » (au moins un livre en VO)…

Halte à la douane! Revue « enfantines » sur Mouchin (1935). 9. D’autres ruses

Couverture de la revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à MouchinJe continue à vous faire découvrir le numéro n° 67 de la revue Enfantines Halte à la douane sur Mouchin, dans le Nord, paru en 1935. Le numéro est certes publié en ligne, mais c’est en mode image, avec une couverture différente de la mienne. Après les douaniers, la circulation, la fraude en auto, la fraude avec les chiens, les gendarmes, une belle ruse, le passage à niveau et un pauvre chien, voici les dernières pages consacrées à d’autres ruses… et qui ressemblent à des légendes urbaines (euh, rurales plutôt) avant l’heure. A moins que certains fils de douaniers (école de garçons) aient rapporté des témoignages de leur père (pas de douanière en 1935…).

Et un grand merci à mon père qui est parti en reportage dans le village de Mouchin pour illustrer les lieux avec des photographies!

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 14 et 15

D’autres ruses
Dernièrement, les douaniers ont découvert dans une péniche qui franchissait la frontière sur l’Escaut, une grande quantité de tabac. La péniche était à double fond et doubles parois.
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Un motocycliste transportait sur le siège arrière une personne. Le motocycliste est arrêté sur la route par les douaniers. a personne assise sur le siège arrière n’était autre qu’un mannequin bourré de tabac.
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Une auto arrive à la frontière. Vous n’avez rien à déclarer? – Non. – Voyons, ces pneus, essayons de les dégonfler. Rien à faire. Les roues étaient rembourrées de tabac.

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, illustration page 15, la barrière de la douane et les douaniers

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Dernièrement encore, c’est un cycliste qui avait mis des cigarettes dans le cadre de son vélo.
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La frontière franco-belge au bas-préau à Mouchin, photographie de Lucien Dujardin

La flèche indique la ligne d’arbres qui borde l’Elnon, le ruisseau qui marque la frontière tout au long du village de Mouchin depuis le traité d’Utrecht de 1713. Cliché Lucien Dujardin

Une autre fois, c’est la rivière qui sert à transporter des ballots de tabac. On les enveloppe de toile imperméable et on les jette dans le courant; un barrage établi en aval les arrête et le tour est joué, à moins qu’on ne se fasse prendre, bien entendu.
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A Halluin, il n’y a pas très longtemps, les douaniers ont découvert une installation extraordinaire: par les égouts, les fraudeurs descendaient sous terre; ils avaient creusé des souterrains franchissant la frontière et y avaient installé des wagonnets!
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revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 16 et dernière de couverture

 Ce brave paysan rentre de ses champs. Il pousse une brouette remplie de pommes de terre.
– Videz-moi cette brouette.
Sous les pommes de terre, il y avait quelques paquets de tabac. Pas de chance! l’homme au sac, l’arrête et découvre dans le sac… de l’herbe pour les lapins!
Et, profitant de l’absence du douanier, d’autres fraudeurs, avec chacun leur charge de tabac, franchissent la frontière à toute allure.
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revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, illustration page 16, une mobylette, deux fraudeurs et un douanier

 Celui-ci est bien connu. C’est un gros, bedonnant, qui aime à rire et à plaisanter. Les douaniers le connaissent bien et le considèrent comme un honnête homme.
Un jour, à Lille, un douanier le rencontre dans un café et le trouve très amaigri.
Son attention est éveillée. Le lendemain, de faction, notre bonhomme arrive ayant retrouvé son embonpoint. Il passe la frontière, se dirige en Belgique, et revient une heure après.
– Rien à déclarer?
– Non.
– Vous êtes bien gros, pourtant. Voyons ce ventre.
Le douanier découvre sous le gilet un beau matelas de tabac. Pour franchir la frontière, notre fraudeur se rembourrait de paille et de chiffons. Arrivé en Belgique, il se débarrassait de ce rembourrage et le remplaçait par du tabac.

Halte à la douane! Revue « enfantines » sur Mouchin (1935). 8. Pauvre chien

Couverture de la revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à MouchinJe continue à vous faire découvrir le numéro n° 67 de la revue Enfantines Halte à la douane sur , dans le Nord, paru en 1935. Le numéro est certes publié en ligne, mais c’est en mode image, avec une couverture différente de la mienne. Après les douaniers, la circulation, la fraude en auto, la fraude avec les chiens, les gendarmes, une belle ruse et le passage à niveau, il est à nouveau question d’un chien… Une histoire qui a visiblement choqué les garçons de l’école primaire.

Et un grand merci à mon père qui est parti en reportage dans le village de Mouchin pour illustrer les lieux avec des photographies!

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 12 et 13

Pauvre chien
L’année dernière, un dimanche après-midi, les douaniers ont réussi à surprendre un petit chien de fraudeur. Il avait sur son dos une charge de tabac.
Depuis un moment déjà, les douaniers le poursuivaient. Le petit chien ne tenait plus sur ses pattes, il n’en pouvait plus. Il vint se réfugier dans un jardinet où il fut cerné. Il se cacha derrière un vélo. Un douanier arriva et jeta brusquement le vélo en arrière.
Aussitôt il sortit le revolver de son étui et, pointant dans la direction de la tête du chien, il tira: pan! pan!
Alors le chien se coucha. Le sang coulait de sa gueule. Il leva ses bons yeux qui semblaient implorer la pitié!
Un second douanier saisit le revolver des mains de son camarade. Il tira, logea la balle dans le mur. Pendant ce temps, le chien râlait toujours.
Claude, qui était avec nous, était parti à sa maison en pleurant. Les gens arrivaient de toutes parts. On disait:
– Ce n’est pas bien de faire souffrir cette pauvre bête! Faut-il qu’ils soient méchants pour tuer ce pauvre chien qui n’en peut mais! Tuez-le tout de suite qu’on ne l’entende plus crier!… etc., etc…

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, illustration page 13, deux douaniers tapent un chien

 Un douanier tira un troisième coup. Alors, le brave chien, rassemblant ses dernières forces, bondit sur le revolver et en mordit le canon.
Un douanier retira vivement son arme; le chien sauta une seconde fois et planta ses crocs dans la main de son ennemi.
Puis, hurlant de douleur, couvert de sang, le pauvre chien s’affaissa. Nous, on pleurait, tous les gens criaient. Les douaniers disaient: « C’est la faute des fraudeurs, nous faisons notre service ».
Puis, le petit chien ferma ses yeux. Il eut encore quelques soubresauts, puis ce fut tout. Un douanier, avec son grand couteau, lui coupa une patte. On est parti pour ne pas voir ça.
Puis on a été enterrer cette pauvre bête au fond du jardin.
C’était un beau petit chien blanc et noir qui ne voulait pas mourir.

Voir les dernières pages consacrées à d’autres ruses.