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Dheepan, de Jacques Audiard

Affiche de Dheepan, de Jacques AudiardJe suis allée voir Dheepan, le dernier film de Jacques Audiard, palme d’or à Cannes en 2015 (revoir Un prophète, De rouille et d’os).

Le film : il y a quelques années, dans un camp de réfugié. Dheepan [Antonythasan Jesuthasan], ancien combattant des Tigres Tamouls, au Sri Lanka, a perdu toute sa famille, massacrée. Il achète des papiers, il lui faut trouver une femme et une fille d’environ 9 ans pour coller à ceux de la famille décédée dont il va prendre l’identité. Ça sera Yalini [Kalieaswari Srinivasan], qui rêve de rejoindre sa cousine en Angleterre, et Illayaal [Claudine Vinasithamby], une jeune orpheline trouvée dans les allées du camp. Les voici à Paris, sans parler la langue, vendeur à la sauvette, à la préfecture pour l’enquête pour les papiers de réfugiés, et finalement Dheepan est envoyé comme gardien dans une cité sensible. Il est accueilli par Youssouf [Marc Zinga], qui lui explique les règles, qu’il doit respecter les dealers, leurs horaires. Illayaal est scolarisée, Yalini est casée comme aide-ménagère chez un monsieur handicapé, dont le fils, Brahim [Vincent Rottiers], ne tarde pas à revenir, libéré de prison sous bracelet électronique, chef des trafics (drogue etc.) dans la cité…

Mon avis : j’ai beaucoup aimé ce film. Vous lirez partout des commentaires sur les trafics de cette cité sensible (drogue, mais aussi en filigrane sexe, armes), je n’aborderai pas cet aspect. Je vous conseille le dossier des Inrocks sur la transformation de la paisible cité Coudraie à Poissy en zone de non-droit dans le film, avec l’implication des habitants. La partie violente annoncée partout est assez brève, un peu avant la fin critiquée elle-aussi mais elle permet aussi de repartir le cœur plus léger du cinéma… L’intégration de la famille est montrée de manière discrète, d’abord la fillette qui apprend très vite le français, puis la mère et le père, qui apprennent de plus en plus de mots ; le logement, vide quand ils arrivent, se meuble peu à peu, jusqu’à l’apparition d’une machine à coudre. Le poids de la diaspora n’est pas oublié, avec le rôle du traducteur [voir ci-dessous], qui signale que l’histoire servie par les passeurs ne sera pas crue, qui retrouve quelques mois plus tard la « famille » lors d’une cérémonie religieuse et qui conduit Dheepan à un ancien supérieur militaire qui va essayer de le racketter. Le film donne d’ailleurs envie d’en savoir plus sur la guerre civile au Sri-Lanka, qui est censée avoir pris fin en 2009 : les Tigres Tamouls avaient été inscrits sur la liste des organisations terroristes par l’union européenne, le tribunal a annulé cette inscription, mais en ce début 2015, le gouvernement sri-lankais a encore essayé de faire pression sur l’UE pour qu’aucun Tigre tamoul n’y reçoive le statut de réfugié… Dheepan a trouvé de quoi contourner cette interdiction en passant dans le camp des victimes par l’achat de papiers. Le film est aussi l’histoire de l’apprivoisement (au sens du Petit Prince de Saint-Exupéry) de trois personnes qui ne se connaissent pas, qui ont vécu la guerre civile et des choses terribles, visiblement dans des camps opposés, et qui doivent apprendre à se connaître pour former la famille conforme aux passeports achetés aux passeurs.

Pour aller plus loin : sur le thème des traducteurs et de leur rôle dans les préfectures : (re)lire Assommons les pauvres de Sinha Shumona.

De rouille et d’os de Jacques Audiard

Affiche de De rouille et d'os de Jacques Audiard Je poursuis les comptes rendus des films que j’ai vus dans le cadre du festival Télérama 2013.

Le film : de nos jours à Antibes.  Ali (Matthias Schoenaerts), jeune sans boulot, quitte le Nord avec son fils, Sam, 5 ans, direction plein sud chez sa sœur Anna (Corinne Masiero), à Antibes. Bien qu’elle s’en défende, c’est très vite Anna qui s’occupe du garçonnet. Ali trouve des petits boulots. Videur dans une boîte de nuit, il fait la connaissance, lors d’une bagarre, de Stéphanie (). Quelque temps plus tard, celle-ci, dresseuse d’orques dans un parc aquatique, est victime d’un grave accident et est amputée des deux jambes. Son ami la quitte, elle reprend contact en pleine déprime avec Ali…

Mon avis : le film est adapté de deux nouvelles de Craig Davidson, Un goût de rouille et d’os, et De chair et d’os, dont le thème principal est la boxe… que l’on trouve dans la seconde partie du film. Le trucage qui coupe les jambes de  est très bien fait, mais quand on connaît les prothèses en lames de carbone, le boitement et la canne ne sont pas crédibles après la rééducation, le mouvement du haut du corps non plus, il n’y a aucune raison de s’appuyer plus sur une jambe que l’autre, et les lames en carbone sont des prothèses de pointe, sans décalage d’un pied par rapport à l’autre. Mais si le handicap est présent en toile de fond, le sujet principal est plutôt l’histoire de ces deux êtres cassés par la vie, que tout éloigne et qui vont finir par s’apprivoiser, les relations du frère et de sa sœur (qui va finir par être virée de son boulot à cause des caméras de surveillance qu’il a posées), les relations du père et du fils.

Au final, j’ai trouvé que De rouille et d’os ne vaut pas le précédent film d’Audiard, Un prophète [voir aussi le très beau Dheepan]. Avec Intouchables d’Eric Toledano et Olivier Nakache, il était en concurrence pour les Golden Globes avec Amour de Michael Haneke, je trouve très logique que ce soit ce dernier film qui ait reçu le prix du meilleur film étranger.

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev

Un prophète de Jacques Audiard

Affiche de Un prophète de Jacques Audiard Dans le cadre du festival Télérama 2010, je suis allée voir Un prophète de Jacques Audiard, grand prix du jury au festival de Cannes et prix Louis-Delluc en 2009 et grand favori de la prochaine cérémonie des César avec 13 sélections. [De Jacques Audiard, voir aussi De rouille et d’os et Dheepan]

Le film : dans une prison en région parisienne. Malik El Djebena (Tahar Rahim), condamné à six ans de prison ; jeune majeur, il ira cette fois-ci dans une maison centrale. Dès son arrivée, il se fait racketté le peu qu’il a (les chaussures neuves « offertes » par l’administration). Lors d’une promenade, César Luciani (Niels Arestrup), un parrain corse, lui ordonne d’assassiner Reyeb, un rival mafieux qui est en transit pour aller témoigner dans un procès. Affolé, Malik tente de se confier à l’administration… et se fait à moitié assassiner par un gardien complice. Il n’a pas le choix, c’est le mafieux ou lui… Il cède, devient le larbin du clan corse, tout en gardant contact avec « les barbus ». Mais voilà, un jour, Sarkozi décide de renvoyer en Corse les prisonniers corses qui n’ont pas commis de crimes graves. César Luciani se retrouve isolé avec seulement cinq de ses compatriotes, mais grâce à son avocat, continue à gérer ses affaires à l’extérieur. Si Malik devenait un prisonnier modèle et pouvait avoir des permissions de sortie, cela l’arrangerait dans ses affaires de casinos à Marseille…

Mon avis : – sur le scénario : vive la prison, les gardiens corrompus, les clans, les trafics (tolérés pour garder un certain équilibre à l’intérieur)… Une vision j’espère un peu exagérée de la réalité, mais je n’en suis malheureusement pas si sûre…
– sur les acteurs : Tahar Rahim et Niels Arestrup sont sublimes !
– sur le film en lui même : 2h30, c’est trop, il y a des passages vraiment trop longs… je me suis franchement ennuyée à certains passages. Que Reyeb, l’homme assassiné, revienne hanter Malik, soit, mais à force, cela devient un peu lourd… De même, le nettoyage de la cellule de Luciani, ça va une fois, deux fois, après, c’est trop. Je trouve que le film aurait gagné à être un peu plus dense.

Pour le jury des César, c’est un grand film puisqu’ils lui en ont attribué 9 en 2010. Je ne suis pas complètement convaincue.

Les films que j’ai déjà vus du festival Télérama 2010 :