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Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les hirondelles de Kaboul de Yasmina KhadraJ’ai lu un certain nombre de livres de Yasmina Khadra (La part du mort, Morituri, Double blanc, L’automne des chimères, Ce que le jour doit à la nuit, La rose de Blida, La longue nuit d’un repenti), candidat aux prochaines élections présidentielles en Algérie. Mais je n’avais jamais lu l’un de ses plus connus, Les hirondelles de Kaboul, que j’ai trouvé au rayon large vision de la médiathèque.

Le livre : Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra, éditions Julliard, 2002, 192 pages, ISBN 978-2-260-01596-4 (lu en large vision, éditions de la loupe).

La présentation de l’éditeur :

«  Dans le Kaboul de l’an 2000, alors que les talibans font régner sur l’Afghanistan un régime atroce, quatre personnages inoubliables. Il y a Mohsen, qui descend d’une famille de commerçants prospères que les talibans ont ruinée; Zuneira, sa femme, qui fut une enseignante brillante et qui n’a plus le droit de sortir de chez elle… Ils survivent dans des conditions morales et matérielles abominables, soutenus par l’amour qu’ils se portent et le respect qu’ils doivent à l’intelligence et à la connaissance. Il y a aussi Atiq, gardien de prison qui a adhéré à l’idéologie des talibans avec sincérité et qui tente d’assurer son service dans le respect de sa foi, et Mussarat, sa femme, qui se meurt de maladie et de désespoir. Désespéré, oisif, exténué, Mohsen erre dans Kaboul quand il est entouré par une foule qui s’apprête à lapider une femme adultère. Comme anesthésié par l’atmosphère hystérique qui le cerne, Mohsen va, lui aussi, balancer de toutes ses forces quelques pierres au visage de la femme enterrée jusqu’à la taille. Ce geste insensé va faire basculer le destin de tous les protagonistes dans la tragédie… jusqu’au sacrifice ultime – et vain – de Mussarat, cette femme qui donnera sa vie pour permettre à l’homme qu’elle aime de retrouver sa capacité d’aimer. Rarement un écrivain a su mettre au jour avec autant de clarté et de lucidité la complexité des comportements et des situations dans les sociétés musulmanes déchirées entre le féodalisme et la modernité. »

Mon avis : un roman très fort, comme tous les livres de Yasmina Khadra, d’autant plus fort que l’on suit via la parole des hommes la situation des femmes en Afghanistan du temps des Talibans, mais cela n’a pas beaucoup changé plus de dix ans plus tard. En ayant choisi pour l’un de ses personnages un homme instruit (Mohsen) qui se laisse entraîner par la folie ambiante et en arrive à participer à la lapidation d’une femme, il montre que les dérives ne viennent pas seulement du manque d’éducation ou de la seule manipulation de quelques dirigeants fanatisés et de leur sbires comme Atiq. Malgré leur enfermement dans les maisons (la tentative de sortie de Zuneira, avec son mari, se solde par une journée dramatique), les femmes ne se laissent pas dominer et tentent d’exister malgré tout. Un livre à découvrir si vous ne l’avez pas encore lu.

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Yasmina Khadra et revoir les articles des livres et bandes dessinées qui traitent de l’Afghanistan et dont je vous ai parlé au fil des six années de mon blog… qui fête son anniversaire!

Niort, le palais de justice et la prison

Niort, la prison, 2, du palais de justice à la prison Le palais de justice (à gauche de l’image) et la prison (à droite) de Niort sont construits dans le même îlot coincé entre l’hôtel de ville, l’ancien musée et la préfecture. Ils ont été construits en 1853 sur les plans de l’architecte  (1798-1864), qui à Niort a aussi construit  l’église Saint-Hilaire, l’église Saint-André et le bâtiment central de la préfecture des Deux-Sèvres.

Niort, la prison, 1, la façade côté Sèvre La prison, pour son plan très original en demi-cercle, dit panoptique, est protégée au titre des monuments historiques. Menacée de fermeture, elle était toujours en activité lors des photographies en juillet 2011. Sur ce site consacré au patrimoine carcéral, vous pouvez voir une vue intérieure qui permet de mieux comprendre le système panoptique, dans lequel le gardien a une vue sur toutes les cellules.

Niort, la prison, 3, le palais de justice et la prison, quatre vues Sur ce montage, vous pouvez voir la façade du palais de justice (en haut à gauche), la prison vue avec la préfecture (en bas à gauche) et deux autres vues de la prison derrière ses hauts murs (à droite).

Pour aller plus loin : un livre et un article de Chantal Callais, architecte qui a fait une thèse sur l’architecte Segretain:

– Callais, Chantal , La première prison panoptique demi-circulaire en France : une aventure humaine et technique. Pierre-Théophile Segretain (1798-1864) et la prison de Niort (1828-1853), actes du colloque « L’architecture carcérale, des mots et des murs », ENAP, Agen, déc. 2010.

– Callais, Chantal, À corps perdu, Pierre-Théophile Segretain architecte (Niort, 1798-1864). Les architectes et la fonction publique d’État au XIXe siècle, Niort, Geste éditions et Société historique et scientifique des Deux-Sèvres (ouvrage issu de la thèse de doctorat soutenue en janvier 2009), 2010.

Photographies de mi juillet 2011.

La bête contre les murs de Edward Bunker

Coffret de huit polars réédités par Télérama en 2010 Les vacances ont été l’occasion de ressortir et de terminer le coffret polars de Télérama…

Le livre : La bête contre les murs de Edward Bunker, traduit de l’anglais par Freddy Michalski, Télérama / Rivages / noir, 297 pages, 2010, ISBN 9782869307230 (première édition en 1977).

L’histoire : dans les années 1970 en Californie, prison de San Quentin. Ronald Decker est jeune, il vient d’être condamné pour trafic de drogue… Enfin, condamné sans durée de peine, une sorte de mise à l’épreuve, le juge fixera la durée de la peine dans deux ans… Une prison violente, avec ses gangs, ses conflits raciaux… la menace permanente du viol entre détenus. Une prison aussi où certains gardiens sont corruptibles (d’autres tirent à vue sur les détenus), où il est possible de faire du trafic, où il y a plusieurs meurtres entre détenus par an… Dans cette jungle, Ron est pris en charge par Earl Copen, qui a monté sa petite entreprise de trafics avec quelques autres détenus dans la prison (la Fraternité Blanche), et qui entreprend d’apprendre les codes et la survie à Ron…

Mon avis : encore une fois, je n’ai pas vu l’adaptation de ce livre au cinéma par Steve Buscemi. J’ai donc découvert le milieu carcéral américain, même si c’était il y a quarante ans, ça reste sans doute d’actualité, vu le peu qui en filtre notamment par des associations des droits de l’homme… Un monde ultra violent, capable en quelques mois de transformer un petit trafiquant de drogue en caïd meurtrier (certes pour défendre sa vie, ou plutôt pour éviter le viol par un autre détenu). Un monde que connaissait l’auteur, qui avait passé plusieurs en prison. Un portrait sans concession sur la violence des détenus et des gardiens, la peine de mort en filigrane, la haine raciale… sans compter les malades mentaux dont la place n’est pas en prison… Un portrait que nos dirigeants aussi devraient lire, même si nos prisons n’en sont pas encore à cet état de non-droit, certaines n’en sont pas loin, la France n’arrête pas de se faire condamner (sans effet) par la cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants (abus de fouilles au corps, fouilles au corps encore comme moyen de pression, cellules insalubres, etc.), pour les suicides si nombreux, pour moultes dérapages…

Retrouvez tout le coffret Télérama

Le puits de mon âme de CHOI In-Seok

Couverture de Le puits de mon âme de Choi In Seok pioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre à la médiathèque parmi une sélection de livres en bout de rayons.

Le livre : Le puits de mon âme de CHOI In-Seok, traduit du coréen par Ko Kwang-dan et Éric Bidet, collection Regards croisés, éditions de l’Aube, 2007, 200 pages, ISBN 978-2-7526-0232-9.

L’histoire : trois nouvelles d’une soixantaine de pages. Le rivage du monde se passe à la campagne, vers 1990. Un couple, Chae-yeong et Yeong-su, se marie en grande pompe quand surviennent deux amis d’université de l’époux, Han Cheol-gyu et Li Gyeong-man. Ils ne se sont pas vus depuis huit ans et l’université. A l’issue de la soirée, au lieu de faire le voyage de noces prévu de longue date, Chae-yeong suit ses anciens amis, au grand désespoir de sa femme, surtout que cela tourne à la beuverie dans une chambre salle… Quel lien unit ces trois hommes?

Sous le pont du monde se passe dans une salle d’attente déserte où deux hommes attendent en buvant de l’alcool un bus qui n’arrive pas. D’un côté, un homme qui recherche l’homme qui l’a aidé après la mort de ses parents, grâce à qui il a pu aller à l’université, mais qui ensuite a fait 15 ans de prison pour espionnage. De l’autre, un soldat qui doute. Témoin de Jéhova, objecteur de conscience, il a été malmené physiquement et psychologiquement jusqu’à ce qu’il accepte de porter une arme et de devenir lui-même instructeur… Jusqu’au jour où s’est à son tour de soumettre un témoin de Jéhova par les mêmes méthodes…

Le puits de mon âme se passe dans une prison, huit hommes dans une cellule recréent une micro-société, travaux forcés à l’extérieur de la prison, trafics en tout genre et homosexualité (interdite et potentiellement sévèrement réprimée) à l’intérieur de la cellule.

Mon avis : j’ai moins aimé la troisième nouvelle, mais toutes les trois montrent une société coréenne (du Sud) marquée par la guerre avec le Nord, sans qu’elle soit vraiment mentionnée, la chasse aux dissidents (même pour quelques tracts) qui justifie la torture, la guerre qui justifie également la brutalité bestiale pour soumettre les objecteurs de conscience, quitte à ce qu’ils en meurent, une société qui se recrée en prison… jusqu’à pousser un des co-détenus au suicide. Une découverte surprenante pour moi, loin de l’image d’une Corée où la technologie triomphe, les enfants sont soumis à une forte pression pour réussir leurs études, tout en se défoulant aux jeux vidéos (cf. un reportage sur France 2 en ce début d’année 2011)… Certes, ces nouvelles se passent plutôt il y a une vingtaine d’années, mais quel décalage!

logo tour du monde en lecture Ce livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre de la Corée-du-Nord.

R comme ricochet de Sue Grafton

Couverture de R comme Ricochet de Sue Grafton Il y a des années que j’ai commencé l’abécédaire du crime de Sue Grafton, je l’avais abandonné à la lettre Q (tiens, c’était avant le blog), je suis tombée dessus par hasard à la librairie et ai donc repris à la lettre R… en attendant très vite le S comme Silence.

Le livre : R comme ricochet de Sue Grafton, traduit de l’américain par Marie-France de Paloméra, collection Polar, éditions Pocket, 2007 (suite du tirage de 2009), 446 pages, ISBN 9782266162593.

L’histoire : en 1987 à Santa Teresa en Californie. La détective privée Kinsey Millhone est embauchée par le vieux et mourant Nord Lafferty pour aider sa fille Reba. Celle-ci, flambeuse au jeu, doit sortir de la prison pour femmes de l’État de Californie. Condamnée à quatre ans de prison pour escroquerie, elle va sortir en conditionnelle et il souhaite que la détective l’accueille à sa sortie et l’aide à respecter les conditions de cette conditionnelle, ne pas toucher à la drogue ou à l’alcool, ne pas quitter la Californie, etc. Réba sera-t-elle docile et la mission si facile que ça? Rien n’est moins sûr quand Kinsey s’aperçoit qu’elle s’est arrangée dès le premier soir pour rencontrer dans son restaurant préféré Alan Beckwith, l’ancien patron de Reba que celle-ci est censée avoir escroqué, et que la police locale (porte-parole en cela du FBI, des douanes, de la FDA et quelques autres agences gouvernementales) demande à la détective de l’aider à convaincre Reba à collaborer dans une enquête sur du blanchiment d’argent contre ce même Beckwith…

Mon avis : je l’ai lu d’une traite dans le TGV de Poitiers à Lille (en route vers Londres, et qui a eu presque une heure de retard… fini donc à l’arrivée). Sûr que ce n’est pas de la grande littérature, mais un polar bien mené, pas trop trash, sans débauche de techniques policières et sans téléphone portable, ça change un peu!

Claude Gueux de Victor Hugo

Couverture de Claude Gueux de Victor Hugo, en édition du livre de poche 1997 Après Le Diable et le Bon Dieu, de Jean-Paul Sartre, je poursuis la (re)lecture de classiques dans le cadre du défi J’aime les classiques proposé par les Carabistouilles de Marie avec Victor Hugo.

Le livre : Claude Gueux de Victor Hugo, 1834. Je l’ai lu dans une édition de 1995 du livre de poche, 93 pages (dont une trentaine de pages d’introduction et de nombreuses notes, quelques illustrations en pleine page), ISBN 2-253-13653-0.

L’histoire : à Paris en 1831. Claude Gueux, pauvre ouvrier, la trentaine, a volé pour nourrir sa femme (enfin, son amante) et son enfant. Arrêté, condamné à 5 ans de prison à la centrale de Clairvaux (dans l’Aube), il se fait un ami, Albin, qui partage avec lui son pain. Leur relation ne plaît pas au directeur de la section, qui envoie Albin dans un autre quartier, un autre atelier. Claude, fou de cette injustice, décide de le tuer et ai grandement aidé par la présence d’outils dans les ateliers où les ouvriers travaillent.

Mon avis : à lire ou relire absolument, et compléter par Le dernier jour d’un condamné, paru deux ans plus tôt. Dans Claude Gueux, Victor Hugo ne fait pas seulement un texte contre la peine de mort, mais invite aussi le lecteur à s’interroger sur la pauvreté et le manque d’éducation qui ont, dans une spirale infernale, conduit Claude Gueux, pourtant intelligent, à commettre un vol puis un crime. Un texte assurément à envoyer à tous les sénateurs et procureurs américains…

Pour aller plus loin : retrouvez sur le site de l’académie de Rouen, tous les textes de Victor Hugo en rapport avec la peine de mort.

Logo du défi J'aime les classiques Je l’ai lu dans le cadre du défi J’aime les classiques proposé par les Carabistouilles de Marie. Je ne sais pas encore ce que je lirai le mois prochain…

Un prophète de Jacques Audiard

Affiche de Un prophète de Jacques Audiard Dans le cadre du festival Télérama 2010, je suis allée voir Un prophète de Jacques Audiard, grand prix du jury au festival de Cannes et prix Louis-Delluc en 2009 et grand favori de la prochaine cérémonie des César avec 13 sélections. [De Jacques Audiard, voir aussi De rouille et d’os et Dheepan]

Le film : dans une prison en région parisienne. Malik El Djebena (Tahar Rahim), condamné à six ans de prison ; jeune majeur, il ira cette fois-ci dans une maison centrale. Dès son arrivée, il se fait racketté le peu qu’il a (les chaussures neuves « offertes » par l’administration). Lors d’une promenade, César Luciani (Niels Arestrup), un parrain corse, lui ordonne d’assassiner Reyeb, un rival mafieux qui est en transit pour aller témoigner dans un procès. Affolé, Malik tente de se confier à l’administration… et se fait à moitié assassiner par un gardien complice. Il n’a pas le choix, c’est le mafieux ou lui… Il cède, devient le larbin du clan corse, tout en gardant contact avec « les barbus ». Mais voilà, un jour, Sarkozi décide de renvoyer en Corse les prisonniers corses qui n’ont pas commis de crimes graves. César Luciani se retrouve isolé avec seulement cinq de ses compatriotes, mais grâce à son avocat, continue à gérer ses affaires à l’extérieur. Si Malik devenait un prisonnier modèle et pouvait avoir des permissions de sortie, cela l’arrangerait dans ses affaires de casinos à Marseille…

Mon avis : – sur le scénario : vive la prison, les gardiens corrompus, les clans, les trafics (tolérés pour garder un certain équilibre à l’intérieur)… Une vision j’espère un peu exagérée de la réalité, mais je n’en suis malheureusement pas si sûre…
– sur les acteurs : Tahar Rahim et Niels Arestrup sont sublimes !
– sur le film en lui même : 2h30, c’est trop, il y a des passages vraiment trop longs… je me suis franchement ennuyée à certains passages. Que Reyeb, l’homme assassiné, revienne hanter Malik, soit, mais à force, cela devient un peu lourd… De même, le nettoyage de la cellule de Luciani, ça va une fois, deux fois, après, c’est trop. Je trouve que le film aurait gagné à être un peu plus dense.

Pour le jury des César, c’est un grand film puisqu’ils lui en ont attribué 9 en 2010. Je ne suis pas complètement convaincue.

Les films que j’ai déjà vus du festival Télérama 2010 :

Le Crin de Florence de Marie Rouanet

Couverture du Crin de Florence de Marie Rouanet pioche-en-bib.jpgJe n’ai pas encore fait venir en centre-ville Nous les filles ni Il a neigé cette nuit, de Marie Rouanet, des bibliothèques périphériques du réseau de la médiathèque de Poitiers. Le mystère de l’antipetitserpentigraphe devra encore attendre… Mais je n’oublie pas, Michel.

Le livre : Le Crin de Florence, de Marie Rouanet, éditions Climats, 1992, 61 pages, ISBN 2-907563-69-6 (il existe d’autres éditions de cet ouvrage).

L’histoire : des nouvelles qui mettent en scène, pour la plupart, des animaux… Comme l’invasion de la grenouille taureau, qui a envahi la région en une quinzaine d’années… Ou une curieuse histoire autour d’un petit carnivore, une autre sur les araignées. Les dernières parlent de prison et du monastère Saint-Michel de Grandmont (à l’origine d’un ordre monastique fondé en Limousin au 12e siècle et qui a essaimé un peu en Poitou-Charentes).

Mon avis : des textes courts, souvent poétique. J’ai beaucoup aimé, en dévorant ce petit livre un midi enfermée dans mon bureau au frais.

J’ai aussi lu Du côté des hommes et Nous les filles de Marie Rouanet.

Archéologue d’autoroute, de Denis Montebello

Couverture d'archéologue d'autoroute, de Montebello pioche-en-bib.jpg Il y a quelques semaines, en lisant Fouaces et autres viandes célestes textes de , photographies de Marc Deneyer, éditions Le Temps qu’il fait, j’avais été intrigué par le titre d’un autre livre de cet auteur. Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Le livre : Archéologue d’autoroute, de Denis Montebello, éditions Fayard, 2001, 130 pages, ISBN 9782213611358.

L’histoire : île de Ré, la prison centrale de Saint-Martin-de-Ré (le lieu n’est pas formellement mentionné mais facilement identifiable). Le narrateur est embauché pendant six mois pour animer un atelier d’écriture auquel seuls les prisonniers pourront assister, pas les gardiens, un peu jaloux de cette attention aux prisonniers et pas à eux. Il aurait, dit-il, aimé être archéologue d’autoroute, c’est-à-dire archéologue sur un chantier d’archéologie préventive. Mais les 100 premières pages sont consacrées à l’atelier d’écriture, restitué un peu à la façon d’une pièce de théâtre, avec de nombreux sauts de lignes… Ambiance de la prison, discussions sur le thème retenu par l’atelier.

Mon avis : une heure suffit pour lire ce livre qui m’a un peu déçue. Je n’ai pas saisi comment, à la page 100, il passe, après une évasion, de l’atelier d’écriture au récit d’une fouille archéologique préventive, préalable à un chantier routier. Au passage, ça ne se passe plus du tout comme c’est narré ici… La réglementation de l’archéologie préventive n’est pas passionnante.
En revanche, la prison centrale de Saint-Martin-de-Ré mérite que l’on s’y arrête un peu. La citadelle fut utilisée, de 1873 à 1938, pour regrouper les prisonniers condamnés au bagne, à destination de Cayenne ou de la Nouvelle-Calédonie. Le capitaine Dreyfus et Guillaume Seznec ont transité par ces murs. Aujourd’hui, c’est une prison centrale réputée comme vétuste, où sont enfermés 400 prisonniers consacrés à de longues peine. Même si Ré n’est plus une île avec son pont, l’évasion en reste difficile. Saint-Martin-de-Ré fait partie du réseau de villes protégées au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des fortifications de Vauban. Une salle du musée Ernest-Cognacq évoque le départ des bagnards.

Hunger de Steve Mc Queen

Il est temps de vous parler un peu des films que j’ai vus dans le cadre du festival Télérama 2009. Je commence par Hunger de Steve Mc Queen. Présenté au 61ème festival de Cannes en 2008 dans la sélection Un certain regard, il a reçu la caméra d’or, qui récompense le meilleur premier film toutes sections confondues. [PS: depuis, j’ai aussi vu 12 years a slave].

L’histoire : 1981, le quartier spécial de la prison de Long Kesh / Maze, en Irlande du Nord. Des prisonniers de l’IRA réclament le statut de prisonniers politiques. N’ayant à leur disposition que leurs corps, ils font la grève du port de l’uniforme de prisonnier (ils protestent nus, avec une seule couverture, Blanket Protest, mais acceptent les vêtements pour les visites et la messe, plus pratique aussi pour trafiquer) et de l’hygiène (vidange des seaux hygiéniques sous la porte, peinture aux excréments sur les murs, etc.). Le film suit le jeune Davey Gillen (Brian Milligan) vient d’être incarcéré, sa lente dégradation physique, les bains forcés, l’émeute… Lors des visites de famille, des informations et des objets (textes sur papier tiré de la bible, poste de radio à galène, etc.) s’échangent malgré tout. Et la communication avec le leader du mouvement, Bobby Sands []. N’obtenant toujours pas le statut de prisonnier politique, après un long entretien avec un prêtre, ce dernier décide d’organiser une grève de la faim et de la soif avec un nouveau gréviste tous les quinze jours… pour ne pas subir le même échec que quelques mois plus tôt. À ce sujet, vous pourrez aller écouter le reportage vidéo de Radio-Canada sur le 5 mai 1981, diffusé le 30 juin 1981, sur la mort de Bobby Sands en prison (en français).

Mon avis : mis à part Valse avec Bachir d’Ari Folman, que j’avais vu lors de sa sortie, Hunger est probablement le film le plus fort de la sélection du festival Télérama 2009. Un grand silence a accompagné la fin du film, même si la salle était loin d’être même à moitié pleine, c’était impressionnant. Heureusement qu’il n’y a pas encore d’odeurs en même temps que les images. Un film qui montre la violence des deux côtés, IRA, régime de Thatcher (que l’on entend en voie off…) et gardiens.

Il a fallu attendre la mort de 10 grévistes de la faim (Bobby Sands, 6 autres membres de l’IRA et 3 de l’INLA) et de 26 gardiens assassinés à l’extérieur pour que ces prisonniers obtiennent les conditions de détention d’un prisonnier politique, sans en avoir le statut. Personne n’a été poursuivi pour le non respect des droits de l’homme et des conventions internationales… La médiatisation de cette grève de la faim a entraîné un afflux de ressources pour les indépendantistes et probablement contribué à la poursuite des actions sanglantes de l’IRA pendant de nombreuses années.

Que ce film soit aussi l’occasion d’avoir une pensée pour tous les prisonniers politiques (la frontière entre terroriste et combattant de la liberté peut être très ténue…) du monde entier, mais aussi pour le respect des droits de l’homme en prison, en France aussi (voir le nombre anormal de suicides et de crimes en prison ces derniers mois). Et pour que tous ceux qui violent les droits de l’homme et les conventions internationales, ou les ont violé, même à Abu Ghraib (voir l’article du centre de recherche sur les tortures dans le monde) ou à Guantánamo (voir le rapport d’Amnesty international)… camp où il y a aussi eu des grévistes de la faim, mais qui ont été alimentés de force.

Et Messieurs des ex-RG, n’oubliez pas d’ajouter une ligne à ma jolie fiche du fichier Edwige, rebaptisé d’un nom pas possible mais je suppose pas mis à la poubelle…

Pour les 15 films du festival Télérama, ils se partagent en quatre catégories :

Ceux que j’ai vus et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au théâtre

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au Dietrich

Ceux que je n’irai pas voir, sauf si vous avez des arguments pour me convaincre d’y aller…

  • À bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson
  • L’heure d’été d’Olivier Assayas
  • Home d’Ursula Meier, finalement vu au Dietrich
  • Into the Wild de Sean Pen
  • Juno de Jason Reitman
  • There will be blood de Paul Thomas Anderson