Archives par étiquette : cinéma

Maps to the stars, de David Cronenberg

Affiche de Maps to the stars, de David CronenbergLe festival de Cannes n’a pas primé Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, la palme d’or, Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, n’est pas encore sortie (revoir les précédents films, Il était une fois en Anatolie, Les trois singes de ce réalisateur), mais j’ai vu ce week-end Maps to the stars, de David Cronenberg, pour lequel Julianne Moore a reçu le prix d’interprétation féminine.

Le film: de nos jours à Los Angeles (Californie), en marge de la colline de Hollywood. Benjie Weiss [Evan Bird], 13 ans, est embauché pour la suite d’un film qui a connu un grand succès. Enfant gâté de Stafford [John Cusack], psychothérapeute à la mode et coach, et de Christina [Olivia Williams], il sort de cure de désintoxication. Parmi les clientes de son père, Havana Segrand [Julianne Moore] espère pouvoir évacuer ses démons en jouant un rôle tenu dans les années 1960 par sa mère, Sarah Gadon [Clarissa Taggart], morte dans un incendie. Et voici qu’apparaît dans sa vie Agatha [Mia Wasikowska], qu’elle embauche comme assistante.  Elle a été gravement brûlée et défigurée, ce qui ne l’empêche pas de draguer Jérôme Fontana [Robert Pattinson], un chauffeur de limousine qui rêve de devenir scénariste. Juste majeure, elle sort de l’hôpital psychatrique pour schizophrénie: c’est en fait la soeur aînée de Benjie, il y a quelques années, elle avait mis le feu à leur maison, son retour va faire émerger de lourds secrets de famille…

Mon avis: un film très dur! Personnellement, même si Julianne Moore est excellente, j’aurais plutôt primé les jeunes acteurs, Evan Bird et Mia Wasikowska. Leurs deux rôles sont très forts et ne doivent pas les avoir laissés indemnes… Ce film montre la superficialité de Hollywood, et les gens qui tournent autour, agents d’acteurs mais aussi coachs et psychothérapeutes aux techniques pour le moins bizarres comme celles utilisées par Stattford. A la sortie du film, vous n’aurez sans doute qu’une envie, allez (re)lire le poème de Paul Éluard, Liberté [dans Poésies et vérités, 1942, repris dans Au rendez-vous allemand, Éditions de Minuit, 1945], qui revient en fil rouge dans la bouche de la plupart des acteurs! Ecrit en réaction à l’occupation allemande, il prend ici (surtout en anglais dans la version originale) un nouvel écho.

Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Affiche de Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc DardenneSortie cinéma dimanche avec de Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui finalement n’a pas eu de prix à Cannes (des mêmes réalisateurs, revoir Le gamin au vélo, Le silence de Lorna, Deux jours une nuit, La fille inconnue).

Le film: de nos jours dans la banlieue de Liège en Belgique. Alors que Sandra [Marion Cotillard] doit reprendre son travail dans une société de fabrication de panneaux solaires après une dépression, son patron [Batiste Sornin] a fait voter ses 16 collègues avec au choix, recevoir une prime annuelle de 1000€ ou y renoncer pour permettre de retour de Sandra. Prévenue par son amie Juliette [Catherine Salée] du résultat du vote (deux pour son retour, 14 pour la prime), elle est prête à baisser les bras. Son mari, Manu [Fabrizio Rongione] la convainc de se battre. Elle obtient qu’un nouveau vote ait lieu lundi, à bulletin secret et sans Jean-Marc [Olivier Gourmet], le contremaître qui a tenté d’influencer le premier vote. La voilà  qui part à la rencontre de chacun de ses collègues, en bus puis pilotée par son mari, aidée par ses enfants et Juliette pour trouver leurs adresses…

Mon avis: après son rôle de femme amputée dans De rouille et d’os de Jacques Audiard, Marion Cotillard joue à merveille son rôle de femme désespérée, répétant une bonne douzaine de fois son laïus (le vote a été influencé par Jean-Marc, le patron accorde un nouveau vote lundi, j’ai besoin de mon boulot, ce n’est pas moi qui vous ai mis dans la position de choisir entre votre prime, dont vous avez besoin, et mon travail), en face, il y a ceux qui ne peuvent pas abandonner la prime (un an de chauffage pour l’un, le conjoint au chômage de l’autre, des travaux à payer, etc.), ceux qui sont « torturés » par leur premier vote, celle qui refuse d’ouvrir mais appelle une autre collègue, de la violence qui éclate, un tableau social dur et sans concession, le cynisme du patron… Un film pessimiste sur le rapport à l’autre, la solidarité et le « vivre ensemble », mais un très beau film!

La chambre bleue de Mathieu Amalric

Affiche de La chambre bleue de Mathieu AmalricSortie cinéma samedi dernier avec un film court (1h15), La chambre bleue de Mathieu Amalric, adapté d’un roman de Georges Simenon dont je ne me souvenais pas.

Le film: de nos jours dans un petit village, Saint-Justin dit un panneau entraperçu. Julien Gahyde [Mathieu Amalric], entrepreneur d’engins agricoles, marié à Delphine [Léa Drucker], une charmante petite fille, est rentré depuis 4 ans dans son village natal après un séjour à Poitiers. Il y retrouve une amie d’enfance, Esther Despierre [Stéphanie Cléau], la pharmacienne, et noue avec elle une relation adultère passionnée. Le voici arrêté, dans un commissariat puis dans le bureau du juge d’instruction [Laurent Poitrenaux], qui est mort? Que s’est-il passé?

Mon avis: deux lieux principaux, la chambre d’hôtel (bleue…) et la salle d’interrogatoire du commissariat, quelques autres lieux, la plage et les rues (avec les murs ornés des coquillages de Danielle Aubin-Arnaud sur l’île Penotte) des Sables-d’Olonne, une belle villa à l’architecture contemporaine, un palais de justice au décor intéressant (celui de Baugé dans le Maine-et-Loire), La Flèche dans la Sarthe qui figure Saint-Justin-du-Loup. Mais surtout une intrigue bien menée (je ne me souvenais plus du tout de l’histoire, dont il y a pourtant eu de nombreuses adaptations), un choc de deux personnages formidablement joués par Mathieu Amalric et Léa Drucker.

Bibliothèque polars avec la série des SimenonLa transposition des années 1960 du roman à nos jours est réussie, il faut que je regarde si ce titre figure dans les Simenon qui sont soigneusement rangés dans ma bibliothèque… mieux que l’étagère du dessous où vous pouvez revoir mes serre-livres chats!

Au bord du monde de Claus Drexel

Affiche de Au bord du monde de Claus DrexelDepuis plus semaines et jusqu’à mi-juin, le film Au bord du monde de Claus Drexel passe chaque lundi à 18h au TAP cinéma à Poitiers. A force de me dire que j’avais le temps pour le voir, j’aurais pu finir par le rater…

Le film : à Paris, de nos jours, presque exclusivement de nuit. Blottie le long des grilles du jardin des plantes, dans une cabane aménagée sous un pont, dans une tente (à plier avant 5h30 pour ne pas « déranger les gens du quartier), dans un réduit sous le pont Alexandre III, dans le métro, dans un refuge d’un tunnel routier, certains boivent trop, d’autres sont sobres, certains sont malades (psychiques ou autre), plus ou moins (plutôt moins) soignés (pas de médicament aujourd’hui, la maraude ne les a pas déposés), Jeni, Wenceslas, Christine, Pascal et les autres racontent leur vie à Claus Drexel.

Mon avis: un documentaire filmé de nuit, au fil des mois, en laissant la parole aux sans-abris, juste relancés par quelques questions. Des vies cassées, parfois par l’émigration, d’autres par des accidents de la vie (cette dame qui passe ses nuits près du jardin des Plantes en dit juste assez pour laisser deviner son enfer conjugal), des destins individuels, comme  celui de cet homme qui va devoir abandonner le réduit qu’il a trouvé et aménagé depuis 23 ans, ou de Wenceslas très organisé avec son charriot de gare qu’il réussit à rentrer chaque soir dans sa tente, et sur lequel il porte une encyclopédie (et se déplace à une vitesse incroyable!), cet autre qui vit sous un pont dans une cabane aménagée et qui a reçu des cadeaux (victuailles) de riverains « et même d’un flic » pour noël, tous racontent leur vie d’invisibles dans la ville, dans la rue. Des images de nuit, avec peu d’éclairage (pas d’éclairage rapporté), un montage tout en pudeur, qui laisse la parole aux personnes interrogées, sans jugement, des personnes qui ont des choses à dire, à partager, loin de ce que les autorités ou les services sociaux peuvent dire « sur eux », sans leur donner la parole. Alors, prenez un peu de temps, allez écouter ce qu’ils ont à dire, à partager, par l’intermédiaire du documentariste, et la prochaine fois, peut-être, arrêtez-vous dans la rue pour échanger avec eux au lieu de détourner le regard…

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

96 heures de Frédéric Schoendorffer

Affiche de 96 heures de Frédéric SchoendorfferUn temps épouvantable dimanche, pluie et vent… Du coup, avec des amis, la sortie promenade s’est transformée en sortie cinéma. Au méga cinéma où je ne vais jamais seule, les salles ont plus de visibilité qu’en ville, mais l’ambiance du hall genre supermarché (où je ne vais jamais) ne me sied guère… Et ceux qui disent qu’on s’y stationne mieux qu’en ville ont tort! Gratuit certes, mais quelle pagaille sur le parking et pour en sortir! Nous avons donc vu 96 heures de Frédéric Schoendorffer, dans une salle quasi vide (les spectateurs choisissaient d’autres films plus populaires…).

Le film: en région parisienne de nos jours. Gabriel Carré (Gérard Lanvin), commissaire de la brigade de répression du banditisme, doit aller assister ce soir soit boire un coup avec son assistante, Camille Kancel (Laura Smet), qui passe aujourd’hui son concours de commissaire de police, soit assister avec sa femme,  Françoise (Anne Consigny) à l’anniversaire de mariage d’amis. Cela ne sera ni l’un ni l’autre, au petit-déjeuner, un trio de truands fait irruption chez eux. L’un garde la femme, les autres embarquent le flic pour aller « extraire de prison » Victor Kancel (Niels Arestrup). Les documents sont en règle, son avocat maître Francis Castella (Cyril Lecomte), présent sur place, ne s’y oppose pas. Et voici Gabriel Carré emporté pour 96h de garde à vue prisonnier dans une villa, où les truands, Abdel (Slimane Dazi) en tête, tenteront d elui faire avouer qui a dénoncé Victor, surtout pour savoir qui a volé l’argent l’année précédente chez l’avocat. Ca se complique, la fille de Victor, Marion Reynaud (Sylvie Testud) est l’amante de Gabriel Carré, qui refuse d’avouer alors que son adjointe sent que quelque cloche et se met à sa recherche…

Mon avis: un polar mené avec lenteur, très peu d’hémoglobine (enfin, quelques assassinats quand même, mais montrésrapidement). Impossible de ne pas penser à son rôle dans Quai d’Orsay quand Niels Arestrup tourne les pages de son dossier judicaire. Sa confrontation avec Gérard Lanvin tourne au duel de deux grands acteurs, tournant en dérision le style convenu du polar. Le Canard enchaîné et Télérama (entre autres) avaient beaucoup de réserves sur ce film, mais c’est un instant de divertissement sympathique, à défaut d’être un grand film. La villa où est séquestré Gabriel Carré me disait quelque chose, mais impossible de la retrouver dans mon « catalogue mental ». Et puis la nuit portant conseil, au réveil le lendemain, mais oui mais c’est bien sûr… une villa de l’architecte Robert Mallet-Stevens. Un petit tour sur le site de l’architecte et j’ai trouvé, c’est celle du couturier Paul Poiret à Mézy-sur-Seine dans les Yvelines, construite en 1921-1923 et laissée inachevée et rachetée en 1934 par vicomtesse Elvire Foy (née Popesco) qui a complété les travaux (suivez les deux liens qui aboutissent à des pages différentes, la première avec photographie, la seconde avec des explications architecturales).

Tout est permis de Coline Serreau

Affiche de Tout est permis de Coline SerreauJe suis allée voir samedi le documentaire de Coline Serreau, Tout est permis. Séance de 18h, moins d’une dizaine de spectateurs…

Le film (présentation officielle):

Plongée au coeur d’un stage de récupération de points pour le permis de conduire, où des conducteurs venant de tous les milieux sociaux racontent leurs expériences. S’enchaînent des témoignages édifiants et parfois amusants sur la conduite, comme cet homme qui perd son permis vingt minutes après l’avoir récupéré, ou cette femme qui prend plaisir à accélérer brutalement au volant de sa décapotable. On y parle aussi vitesse, virilité, responsabilité…

Mon avis: d’un côté, il y a les stagiaires obligés de faire un stage de récupération de points ou un stage de sécurité routière imposée par la justice (plusieurs séances sont montées), un avocat plein de mauvaise foi qui défend les automobilistes, un représentant de 40 millions d’automobilistes et deux autres des motards en colère. De l’autre, les animateurs des stages, le SMUR de Garches, des victimes handicapées à vie, un professeur de médecine, la présidente de la ligue contre la violence routière. Et des rappels de chiffres, passés ou actuels: les blessés coûtent 25 milliards d’euros par an à la sécurité sociale (sans parler du coût pour la société de ceux qui ont des séquelles), 75% des gens ont leur 12 points, 85 % 10 à 12 points, 0,7% n’en gardent que 1 ou 2. Alcool, téléphone au volant, préjugés (les vieux et les femmes plus dangereux, statistiquement faux), ça n’a pas l’air d’être très efficace! Une bourgeoise ne peut pas rouler au pas avec sa porche cabriolet… Un journaliste en est à son cinquième stage, un contrevenant a reperdu son permis quelques minutes après l’avoir repassé! Beaucoup semblent avoir eu des accidents (jamais de leur faute!), mais n’ont pas changé leur comportement… sauf ceux que l’on voit à l’hôpital et qui ne reconduiront probablement jamais. Pourtant, quelques-uns (très minoritaires) semblent à la fin avoir compris, la comparaison des crash-tests à 50, 60 et 70 km/h semble avoir eu le plus d’effet, peut-être aussi le test de freinage d’urgence à jeun et après deux verres d’alcool, filmé (je l’ai fait en vrai -sur piste- il y a quelques années, dans un stage de formation continue sur les freinage et la sécurité routière, avec juste un verre au repas, impressionnant en effet).  Pas de commentaires aux propos des stagiaires irréductibles, juste la confrontation des positions. Le pire peut-être? Le témoignage d’un employé d’un alcoolier chargé il y a 20 ans de « rajeunir l’image de l’alcool ». Distribution de mignonettes à la sortie des lycées, alcool fourni pour les fêtes, les troisièmes mi-temps (tous sports confondus), les pots de départ. Après 10 ans, il a été viré car devenu alcoolique, il s’est soigné et témoigne depuis. Le professeur de médecine rebondit sur la place des lobbys de l’automobile (ce sont des constructeurs qui financent les 300 km d’autoroute – sur 12.000- sans limitation de vitesse en Allemagne, tronçons trois fois plus accidentogènes que les autres), de la téléphonie mobile et le manque de courage des politiques pour prendre des mesures plus efficaces. Il y a encore de la marge… Moitié moins de morts et de blessés graves (rapportés à des proportions similaires) sur les routes anglaises et hollandaises.

En sortant de la salle à 19h45, trois motos sont arrivées à grande vitesse (en zone 20 / espace partagé), ont franchi les bornes d’accès de la zone réglementée (évidemment, une moto, ça passe) et continué en se faufilant entre les piétons… Quelques minutes plus tard, un scooter remontait la rue Carnot en sens interdit et en roulant sur le trottoir, bien sûr plein de piétons. Il y a encore du boulot!!!

Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet

Affiche de Parce que j'étais peintre de Christophe CognetParce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps n’a été projeté qu’une semaine à Poitiers, le dernier jour en présence du réalisateur Christophe Cognet.

Le film (présentation officielle):

« Ce film mène une enquête inédite parmi les œuvres réalisées clandestinement dans les camps nazis. Il dialogue avec les rares artistes déportés encore vivants et avec les conservateurs de ces œuvres : des émotions qu’elles suscitent, de leur marginalisation, leurs signatures ou leur anonymat, de leur style, ainsi que de la représentation de l’horreur et de l’extermination. Surtout peut-être, il contemple longuement les dessins, croquis, lavis, peintures, conservés dans les fonds en France, en Allemagne, en Israël, en Pologne, en Tchéquie, en Belgique, en Suisse… Dans ce voyage parmi ces fragments d’images clandestines et les ruines des anciens camps, il propose une quête sensible entre visages, corps et paysages, pour questionner la notion d’oeuvre et interroger frontalement l’idée de beauté. L’enjeu en est dérangeant, mais peut-être ainsi pourrons-nous mieux nous figurer ce que furent ces camps, appréhender les possibles de l’art et éprouver ce qu’est l’honneur d’un artiste – aussi infime et fragile que soit le geste de dessiner ». 

Mon avis : Le réalisateur s’est penché sur les camps de concentration, où le dessin et la peinture étaient interdit, pas sur les camps de transit ou les ghettos, où l’activité était tolérée voire encouragée (cf. le camp de Terezin où je vous ai parlé de la musique avec L’empereur d’Atlantis). Cependant, certains de ces artistes sont d’abord passés dans les camps de transit: Yehuda Bacon est passé par Terezin avant d’être transféré à Auschwitz. Le réalisateur a mis dix ans pour mener à bien ce film, monté sans aucune musique (sauf dans les dernières minutes, avec la Mort d’un camarade sur la route de Bergen-Belsen par Léon Delarbre) mais avec des sons d’ambiance qui permettent de s’imprégner des œuvres. Les dessins ont été sélectionnés avec soin, quelques artistes survivants en  parlent avec émotion, sinon, ce sont les conservateurs qui en sont les médiateurs. Le papier vient le plus souvent du système D (emballage, intérieur de gaines). Les dessins avaient été pour la plupart soigneusement cachés (par exemple le Carnet d’Auschwitz, d’un peintre anonyme aux initiales MM, retrouvé dans des fondations), mais beaucoup ont été perdus. Dans le débat, il a souligné que si certains dessins sont des témoignages (voire des commandes, comme les portraits de tziganes de Dinah Gottliebova réalisés à la demande du Dr Mengele juste avant qu’il ne les exécute), d’autres, comme certains portraits, sont « arrangés » par le dessinateur pour que la personne représentée ne s’inquiète pas trop de son état. C’est le cas de l’ensemble de 144 portraits réalisés par Franciszek Jazwiecki à Buchenwald, Gros Rosen, Sachsenhausen et Auschwitz, et conservés au musée d’Auschwitz-BirkenauWiktor Siminski, le seul artiste à avoir représenté la chambre à gaz, ne l’a pas vue mais reconstituée sur la base de témoignages. Pour les dessins montrant l’univers concentrationnaire (Auschwitz et Birkenau, Sachsenhausen, Ravensbrück, Treblinka, etc.), la confrontation avec les lieux est discrète mais efficace. Les pochoirs (fleurs et soleil) réalisés sur ordre par un artiste inconnu dans le crématorium de Mittelbau-Dora ne peuvent qu’interroger… Quelques lectures (comme un extrait de La peinture à Dora de François Le Lionnais, un des membres fondateurs de l’Oulipo,  déporté à Buchenwald et Mittelbau-Dora, Le Tambour battant de Boris Taslitzky, déporté à Buchenwald), complètent les impressions laissées par les dessins et les vues actuelles des camps. Un film à voir absolument, s’il passe près de chez vous!

Pour aller plus loin : 

Voir l’interview de Christophe Cognet dans l’émission Mémoires Vives du 2 mars 2014 et le dossier pédagogique destiné aux enseignants de philosophie sur le site Zérodeconduite et qui est vraiment très complet (avec un séquençage du film, des pistes thématiques). Grâce à lui, j’ai pu compléter la liste des artistes cités, mentionnés ou interviewés pour les survivants, dans le noir de la salle, j’avais été incapable de prendre les noms. Il y a donc, par ordre alphabétique: Yehuda Bacon, Léon Delarbre, José FostyDinah GottliebovaFranciszek JazwieckiRoman JefimenkoMaria Hiszpanska-Neumann, un inconnu aux initiales MM, probablement dessinateur de presse (le Carnet d’Auschwitz), Zoran Music, Josef Richter, René SalmeWiktor SiminskiWalter Spitzer (qui a réalisé le monument commémoratif de la rafle du Vel’d’Hiv), Jozef Szajna, Boris TaslitzkySamuel Willenberg, Krystyna Zaorska.

Quand ma vue me le permettra avec plus de facilités, j’ajouterai des liens pour chacun d’entre eux… A moins que mes lecteurs ne puissent m’aider à compléter l’article en cherchant « le » site le plus pertinent pour chacun d’eux [merci à Grégory et à Carole!]. Je privilégie les sites officiels (d’abord ceux des musées et mémoriaux des camps, puis éventuellement ceux des artistes quand ils sont survivants ou que leur descendance a ouvert un site), j’exclus wikipédia (pages évolutives, pas toujours fiables, surtout pour des sujets où les négationnistes sévissent régulièrement) et les galeries (liens souvent non pérennes).

Voir également le dossier de la fondation de la résistance : les dessins comme forme de résistance dans les camps ou le site Learning about hococaust through art. Carole signale aussi L’art et la Shoah et Les belges à Buchewald.

Suivre aussi les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

J’ai un peu abordé le sujet à propos du monument de la résistance de La Rochelle, réalisé par Henri Gayot (1904-1981), résistant, déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.

The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson

Affiche de The Grand Budapest Hotel, de Wes AndersonIl y a des semaines sans cinéma et d’autres où plusieurs films me tentent… Cette fois, je suis allée voir The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson (j’avais bien aimé son précédent film d’animation, Fantastic Mr Fox).

Le film: de nos jours, dans la république de Zubrowka en Europe centrale. Une jeune fille se recueille sur la tombe ornée d’un buste en bronze d’un auteur, avec à la main l’un de ses livres, The Grand Budapest Hotel. Retour en 1985. L’auteur, déjà vieillissant, explique que l’observation des gens et de l’environnement donne les meilleurs livres. Il raconte comment, en 1968, jeune auteur [Jude Law] de passage dans le Grand Budapest Hotel vieillissant et quasi désert, il a rencontré un monsieur déjà âgé, esseulé, Zero Moustafa [F. Murray Abraham], dont le concierge dit qu’il s’agit du propriétaire. Plongé dans un bain, ce dernier l’invite à sa table, le soir même, pour lui raconter sa vie et la grande période du palace, en 1932. Gustave H. [Ralph Fiennes] règne alors en maître comme concierge de l’établissement, répondant aux moindres désirs des clients et surtout clientes. Il accueille un nouveau groom, Zero [Tony Revolori], amoureux de l’apprentie pâtissière de l’établissement voisin. Mais voilà la guerre qui arrive, une riche cliente, la comtesse Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis [Tilda Swinton], qui décède de l’autre côté de la frontière, il se rend sur place, elle lui a légué un tableau de prix, Le garçon à la pomme, mais très vite, le voici accusé du meurtre de la comtesse et arrêté… Quels sont les rôles de Serge X. [Mathieu Amalric], l’un des employés de l’hôtel, de Dmitri [Adrien Brody], le fils de la riche veuve? Comment Gustave va-t-il se sortir de ce vilain pas? Zero est-il vraiment le propriétaire de cet hôtel aujourd’hui décati?

Mon avis: Un film rythmé et plein d’humour! Des scènes sont très drôles, comme l’entrée des armes en prison à l’intérieur des pâtisseries, la grande fusillade à l’intérieur de l’hôtel en train d’être occupé par les nazis, la fuite du monastère sur la piste et le tremplin de saut, etc. Et pourtant, le sujet est grave, le palace passe de la splendeur à l’occupation nazie puis la décadence communiste sur fond de polar (oui, quand même, une vieille dame a été assassinée, ainsi que plusieurs autres personnes…). Avec un nombre d’acteurs majeurs dans des petits rôles qui est impressionnant. Pour les acteurs français, à côté de Mathieu Amalric (la voix française de Mr Fox dans le précédent film de Wes Anderson, Fantastic Mr Fox), on trouve aussi Léa Sédoux dans un petit rôle de domestique, Clotilde. Un film à voir pour passer un bon moment dans un univers très particulier et très travaillé par .

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

Ida de Paweł Pawlikowski

Affiche de Ida de Paweł PawlikowskiC’est avec tristesse que j’ai appris hier la mort d’Alain Resnais… à quelques jours de la sortie de son dernier film.

Samedi, je suis allée voir Ida de Paweł Pawlikowski, qui passe ici seulement depuis ce mercredi, et encore, avec une séance par jour, il y avait donc foule à 18h. Les toilettes étaient toujours fermées au TAP Castille, mais plus d’immondes odeurs comme la fois précédente (Un beau dimanche de Nicole Garcia). En revanche, un spectateur au rang juste derrière moi s’est endormi dès la première demi-heure et a ronflé avec force quasiment jusqu’à la fin!

Le film: en Pologne en 1962. Alors qu’elle va prononcer ses vœux dans quatre jours, Anna [Agata Trzebuchowska], jeune orpheline élevée au couvent, est envoyée par la mère supérieure recommande à la rencontre de sa tante Wanda [Agata Kulesza], juge populaire (après avoir été procureur de la République et fait condamner à mort des ennemis du peuple dans les années 1950), qui court les aventures avec les hommes, boit et fume trop. Après avoir hésité, Wanda lui apprend qu’elle s’appelle en fait Ida, qu’elle est orpheline, issue d’une famille juive, et lui présente des photographies de ses parents et d’un petit garçon qui n’est pas son frère… Le lendemain, elle l’emmène dans son village natal. Le fils du voisin occupe la maison, le père, fervent catholique, avait caché la famille juive dans la forêt. Sait-il qui les as tués pendant la deuxième guerre mondiale? Où la famille est enterrée? La quête commence dans la ville voisine, où le père est habite. Mais il n’est pas chez lui, Ida tombera-t-elle amoureuse de Lis [Dawid Ogrodnik], un saxophoniste pris en stop sur la route? Découvrira-t-elle ce qui est arrivé à ses parents? Prononcera-t-elle ses vœux?

Mon avis: l’utilisation du noir et blanc est magnifique, la photographie splendide! Le format du film, presque carré (en fait un rapport de 1,33 entre la hauteur et la largeur), est rare aujourd’hui et mis à profit pour les cadrages, et notamment certains gros plans des visages qui sont magnifiques. J’ai beaucoup aimé ce film et surtout la dernière partie, après la scène de suicide (celle là, j’aurais préféré savoir avant qu’elle allait arriver). Sa tante lui avait dit qu’on ne pouvait goûter au renoncement des vœux monastiques que si l’on a « déjà essayé avant » l’amour avec un homme. Ira-t-elle jusqu’au bout de la démarche, croira-t-elle encore en Dieu quand elle aura découvert le comportement des bons voisins chrétiens de ses parents puis le suicide de sa tante? De son côté, pourquoi la tante boit-elle tant? Quelle blessure cache-t-elle? Doucement, les deux femmes vont apprendre à se connaître, même si ce n’est que quelques jours. Comme l’indique le générique, le film a été tourné aux alentours de Łódź, donc à proximité des camps de concentration d’Auschwitz et Birkenau.

Dans plusieurs critiques, j’ai lu que les parents étaient morts dans les camps de la mort… encore une reprise d’une erreur par des gens qui n’ont pas dû voir le film!

J’avais beaucoup aimé aussi l’interview de Paweł Pawlikowski dans Cosmopolitaine sur France Inter, où il explique pourquoi après ce film, lui l’exilé est revenu s’installer en Pologne…

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

Les résultats des César… avec les films que j’ai vus

Affiche de Les garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne

Cette année, j’avais vu beaucoup des films sélectionnés et primés aux César (2014). Voici un petit récapitulatif en liens…

Grand triomphe pour Les garçons et Guillaume, à table ! de  (meilleur film, meilleur premier film, meilleur acteur pour Guillaume Gallienne, meilleure adaptation, meilleur montage pour Valérie Deseine).

Dans le reste du palmarès, j’avais vu:

Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier (meilleur acteur dans un second rôle pour Niels Arestrup,

La vie d’Adèle de Kechiche Abdellatif (meilleur espoir féminin pour Adèle Exarchopoulos),

L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie (meilleur espoir masculin pour Pierre Deladonchamps)

Sur le chemin de l’école de Pascal Plisson (meilleur film documentaire)

– Michael Kohlhaas d’Arnaud des Pallières (meilleure musique originale pour Martin Wheeler, meilleur son pour Jean-Pierre Duret, Jean Mallet et Mélissa Petitjean)

L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet (meilleure photo pour Thomas Hardmeier)

Parmi les films sélectionnés et non primés, j’avais aussi vu Jimmy P. d’Arnaud Desplechin, Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay, Le passé d’Asghar Farhadi, Blue Jasmine de Woody Allen, Django Unchained de Quentin Tarantino, La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, La maison de la radio de Nicolas Philibert, Grand central de Rebecca Zlotowski.

J’en ai beaucoup moins vu pour ceux qui sont sélectionnés pour les Oscar dimanche soir… 12 years a slave de Steve McQueen (qui a finalement reçu les Oscar du meilleur film, meilleur scénario adapté, meilleur second rôle féminin pour Lupita Nyong’o), Blue Jasmine de Woody Allen (meilleure actrice pour Cate Blanchett), Prisoners de Denis Villeneuve (pas de prix), La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino (meilleur film étranger)…