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La prochaine fois je viserai le coeur, de Cédric Anger

Affiche de La prochaine fois je viserai le coeur, de Cédric AngerQuinze jours sans cinéma, il fallait remédier à ça avant que le film ne passe plus… Il faut aussi que j’aille vite voir Marie Heurtin. Cette fois, c’était La prochaine fois je viserai le cœur, de Cédric Anger.

L’histoire: en 1978-1979 dans l’Oise. Plusieurs jeunes femmes ont été assassinées. Un soir, un homme masqué en voiture poursuit une jeune fille en solex, elle survit. La plupart des autres victimes sont des auto-stoppeuses. La gendarmerie est sur les dents, l’équipe de Frank [Guillaume Canet] en tête, bientôt rejointe par la police. Hors de son temps de service, Frank en pince pour Sophie [Ana Girardot], se retrouve parfois chez ses parents avec son petit frère, aime se promener dans la forêt, change sans arrêt de voiture et se transforme en tueur en série qui se repend de ses crimes en s’infligeant des pénitences.

Mon avis: l’histoire s’inspire de celle d’Alain Lamare, arrêté en 1979 et, selon le générique, toujours interné en hôpital psychiatrique, jugé irresponsable de ses actes et traité pour schizophrénie. L’ambiance est sombre, avec beaucoup de scènes de nuit ou sous la pluie de l’Oise (le film a en fait été tourné dans le Nord-Pas-de-Calais). On ose espérer que l’ambiance a changé dans la gendarmerie, moins de propos misogynes, homophobes, anti-police, etc. Faire du mari de Sophie un fou syphilitique est peut-être un peu excessif. Sinon, le film ne prend pas parti sur ce qui a pu faire basculer ce jeune gendarme dans la folie meurtrière, passer de la chasse dans la forêt à la poursuite des jeunes filles (« pour éviter qu’elles prennent des risques »), traqué et chassé à son tour, plus malin que les chiens policiers un jour où il a failli se faire prendre quelques minutes après son forfait. J’ai trouvé quelques passages un peu longs, mais globalement j’ai bien aimé ce film sombre… au sens propre comme au figuré!

Maps to the stars, de David Cronenberg

Affiche de Maps to the stars, de David CronenbergLe festival de Cannes n’a pas primé Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, la palme d’or, Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, n’est pas encore sortie (revoir les précédents films, Il était une fois en Anatolie, Les trois singes de ce réalisateur), mais j’ai vu ce week-end Maps to the stars, de David Cronenberg, pour lequel Julianne Moore a reçu le prix d’interprétation féminine.

Le film: de nos jours à Los Angeles (Californie), en marge de la colline de Hollywood. Benjie Weiss [Evan Bird], 13 ans, est embauché pour la suite d’un film qui a connu un grand succès. Enfant gâté de Stafford [John Cusack], psychothérapeute à la mode et coach, et de Christina [Olivia Williams], il sort de cure de désintoxication. Parmi les clientes de son père, Havana Segrand [Julianne Moore] espère pouvoir évacuer ses démons en jouant un rôle tenu dans les années 1960 par sa mère, Sarah Gadon [Clarissa Taggart], morte dans un incendie. Et voici qu’apparaît dans sa vie Agatha [Mia Wasikowska], qu’elle embauche comme assistante.  Elle a été gravement brûlée et défigurée, ce qui ne l’empêche pas de draguer Jérôme Fontana [Robert Pattinson], un chauffeur de limousine qui rêve de devenir scénariste. Juste majeure, elle sort de l’hôpital psychatrique pour schizophrénie: c’est en fait la soeur aînée de Benjie, il y a quelques années, elle avait mis le feu à leur maison, son retour va faire émerger de lourds secrets de famille…

Mon avis: un film très dur! Personnellement, même si Julianne Moore est excellente, j’aurais plutôt primé les jeunes acteurs, Evan Bird et Mia Wasikowska. Leurs deux rôles sont très forts et ne doivent pas les avoir laissés indemnes… Ce film montre la superficialité de Hollywood, et les gens qui tournent autour, agents d’acteurs mais aussi coachs et psychothérapeutes aux techniques pour le moins bizarres comme celles utilisées par Stattford. A la sortie du film, vous n’aurez sans doute qu’une envie, allez (re)lire le poème de Paul Éluard, Liberté [dans Poésies et vérités, 1942, repris dans Au rendez-vous allemand, Éditions de Minuit, 1945], qui revient en fil rouge dans la bouche de la plupart des acteurs! Ecrit en réaction à l’occupation allemande, il prend ici (surtout en anglais dans la version originale) un nouvel écho.

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet

Couverture de Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet pioche-en-bib.jpgJ’ai emprunté ce livre à la médiathèque, suite à une critique de Schlabaya / Scriptural (qui a en plus mis tout le poème de Victor Hugo qui a servi au titre du livre). Je vous ai déjà parlé de plusieurs livres de cet auteur (décédé trop tôt, en 2009), Mon vieux, Le secret du rabbin, Du passé faisons table ; j’en ai lu d’autres avant l’ouverture du blog.

Le livre : Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet, éditions du Seuil, 2006, 342 pages, ISBN 978-2-02-068271-0.

L’histoire : septembre 2005, à Vadreuil (la riche) et Certigny (avec ses cités), dans le 9-3. Après un an de formation à l’IUFM, Anna Doblinsky rejoint son premier poste au collège de ZEP Pierre-de-Ronsard à Certigny. Dans sa classe de 3e, elle fait face dès le premier cours à des élèves en difficultés, dont la plupart déchiffrent à peine, un seul semble suivre, Lakdar Abdane, mais il a été victime d’une erreur médicale en mai dernier, droitier, sa main droite est paralysée suite à la mise en place bâclée d’un plâtre. Du côté de Vadreuil, une mère tente en vain de faire interner son fils schizophrène, après trois ans de lutte, son mari l’a abandonnée, pour partir avec une jeune collaboratrice et fuir son fils dont il nie la maladie… jusqu’à ce qu’il assassine la voisine… Le procureur et les policiers observent l’équilibre précaire des cités de Certigny, ses mafias, ses trafics (drogue, prostitution, trafic de voitures volées…), menacé par l’arrivée d’un jeunot trafiquant d’héroïne. Un imam salafiste, un jeune qui en prison a rencontré un groupe islamiste encore plus radical, l’antisémitisme des élèves, le racisme du concierge du collège, Anna tente de survivre dans ce milieu si loin de ce qu’on lui a appris dans ses études, quand soudain survient la mort de jeunes dans un transformateur d’EDF, les banlieues s’enflamment, Certigny n’échappe pas à la folie…

Mon avis : un roman noir, hélas sans doute encore en-dessous de la réalité. Un jeune de douze ans se casse le coude et tombe sur un interne épuisé? Son père, qui est au travail, n’est pas là pour voir sa souffrance dans les heures qui suivent? Pas de chance, il se retrouve paralysé de la main droite, lui qui était droitier et très doué en dessin… Le genre d’erreur médicale qui ne serait pas arrivée ailleurs… et aucune prise en charge psychologique, pas de deuil possible de sa main, le médecin n’a même pas le courage de lui dire que c’est irréversible, il l’apprend d’un chirurgien d’un autre hôpital. Livré à lui-même (sa mère, folle, a été renvoyée en Algérie, son père oscille entre travail et alcool), comment s’étonner qu’il dérive ensuite vers un acte terrible? De l’impuissance des professeurs, les nouveaux qui craquent, les anciens désabusés, ou ceux de l’IUFM complètement à côté des réalités… Un tableau noir, hélas réaliste, si j’en crois ce que me racontent d’anciens camarades de prépa et de foyer qui sont dans ce type d’établissements, pas très optimiste pour ceux qui y font ces jours-ci leur rentrée scolaire…

Post-scriptum : de Thierry Jonquet, décédé en août 2009, j’ai lu et parlé de :