Archives par étiquette : racisme

Je viens, de Emmanuelle Bayamack-Tam

pioche-en-bib.jpgCouverture de Je viens, de Emmanuelle Bayamack-TamUn livre recommandé dans la sélection d’été du magazine Causette et trouvé dans une annexe de la médiathèque.

Le livre : Je viens, de Emmanuelle Bayamack-Tam, éditions POL, 2014, 462 pages, ISBN 9782818035412.

L’histoire : de nos jours à Marseille. Charonne, la vingtaine, est une jeune fille métisse, obèse, abandonnée à sa naissance, adoptée à l’âge de 5 ans, par des parents qui l’auraient bien rendu quelques mois plus tard à l’aide sociale à l’enfance, « trop noire »… Dans la grande maison, il y a sa grand-mère, Nelly, nonagénaire, ex-star d’une grande beauté, Charlie, son deuxième époux, raciste, atteint de la maladie d’Alzheimer depuis quelque temps. Quand ils ne sont pas en vadrouille au Bhoutan, il y a aussi les parents de Charonne, Gladys, la fille – la soixantaine – de Nelly et Fernand (qui fut son grand amour malgré son infidélité), et Régis, le fils de Charlie et d’une mère qui les a abandonnés quand il avait douze ans. Ajoutez à ces personnages les employés de maison, une famille philippienne, les parents, aidés pour leurs vieux jours par leurs enfants (un garçon adopté et 6 filles), et un mystérieux personnage qui semble habiter le bureau, et vous aurez le tableau général de cette maisonnée…

Mon avis : trois chapitres d’environ 150 pages chacun, avec pour narratrice successivement Charonne (personnage récurrent de l’auteure mais je n’ai pas lu ses autres romans), Nelly et Gladys, la même histoire, un point de vue et donc des « vérités » qui varient pour chacune. Un seul lieu, une grande maison située à Marseille (mais ça pourrait être ailleurs), quelques rares escapades, dans le parc voisin, à l’hôtel (pour la nuit de noces de Nelly et Fernand), d’autres biens hérités de Fernand (la villa à Cassis etc., juste mentionnés). L’amour ou le manque d’amour filial, mais aussi le racisme, la beauté (de Nelly jeune), la laideur (supposée de Charonne), sont au cœur de ces trois récits successifs d’une même histoire familiale. Il y a aussi la tentation du suicide : par Charonne, la mal-aimée, rejetée à sa naissance puis par ses curieux parents adoptifs, de Nelly, qui veut en finir avec sa déchéance et surtout celle de Charlie, en mettant de côté des médicaments… Un récit à la limite du conte, surtout lors des apparitions du « fantôme » dans le bureau, sur fond de Petrouchka, ce conte russe mis en ballet par Igor Stravinski. Alors, vous demandez-vous? Ai-je aimé ce livre? Je ne sais pas, je l’ai lu de manière fragmentée, sur une quinzaine de jours, je l’avais choisi en raison de la critique que j’avais lue mais aussi parce que POL offre l’avantage d’avoir un interligne suffisant pour ne pas devoir emporter l’ordinateur et la caméra en vacances, c’était sans compter sur le fait que les pages ne sont pas assez opaques et que le texte du verso des pages brouille ma lecture, impossible de lire plus de quinze à vingt pages à la fois, cela n’aide pas pour apprécier un ouvrage. Chacun des trois gros chapitres de 150 pages forme un bloc compact, sans subdivision (sous-chapitre, saut de page), un choix de l’auteur mais cela n’aide pas à « respirer », ni à reposer la vue surtout. De plus, à nouveau, comme il y a des mois avec résonne/raisonne dans N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani, mon cerveau a eu des difficultés à restituer le sens d’une phrase mal orthographiée :  » ma décision est prise est je n’y reviendrai pas  » (page 239)… Bref, l’inconfort matériel de la lecture ne m’a sans doute pas aidée à apprécier ce roman à sa juste valeur.

Exhibit B de Bett Bailey à Poitiers

Flux de Rainer Gross à Poitiers, mai 2014, dans la cour du muséeDans le cadre de Peaux de tigre et de pouilleux, Du colonisé à l’étranger, organisé par le théâtre et auditorium / TAP et l’université de Poitiers du 12 au 16 novembre 2014, j’ai juste vu:

– « l’exposition » proposée par la  fondation pour l’éducation contre le racisme de  Lilian Thuram (des panneaux aux textes beaucoup trop denses, qui doivent à peu près reprendre ceux de Exhibitions, exposition au musée du quai Branly à Paris en 2012, sans les objets) dans le foyer du théâtre

– et, dans le cadre de ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, Exhibit B de Bett Bailey présenté au musée Sainte-Croix.

Le spectacle: 12 « tableaux humains » organisés par Bett Bailey, metteur en scène sud-africain qui a connu l’apartheid, avec des « performeurs », artistes professionnels ou non : Machita Doucoure, Alexandre Fandard, Guillaume Mivekannin, Éric Abrogoua, Jelle Samminadin, Jean-Philippe Mpeng-Backot aka « Soon », quatre chanteurs de Namibie – Marcellinus Swartbooi, Chris Nekongo, Lelsey Melvin Du Pont, Avril Nuuyoma – etc. Les douze tableaux vivants reproduisent les zoos humains ou les spectacles des expositions coloniales, mais aussi d’autres scènes comme les têtes coupées (envoyées par les colons allemands pour étudier les « races ») ou le sort des immigrés dans les centres de rétention.

Mon avis: interdit à Londres, faisant l’objet de pétitions contre sa présentation à Paris, ici, il n’y avait aucune polémique, pas un flic à l’horizon alors que j’avais un billet pour la toute première présentation du vendredi. J’ai bien apprécié la « mise dans l’ambiance ». Les groupes de 30 personnes (répartis au moment de la réservation des billets) sont rassemblés dans le hall du musée et emmenés en groupe avec des consignes de silence vers un autre espace du musée pour se mettre à l’aise, laisser sacs et manteaux. Tous les téléphones, pour une fois, semblaient bien éteints (enfin, un a sonné assez tôt pour un rappel à l’ordre). Montée du groupe au premier étage, dans ce qui ressemble à une « salle de classe », sans pupitres. Des chaises par rangs de trois, des numéros sur les chaises, un pupitre devant, une dame (« maîtresse d’école? »). Nous sommes appelés un à un par ces numéros, départs toutes les minutes environ. Ensuite, il faut suivre le parcours dans l’ordre, mais chacun à son rythme, en silence, enfin, avec en bruit de fond de très beaux chants qui se précisent au fur et à mesure qu’on s’approche [la chorale namibienne, composée de Marcellinus Swartbooi, Chris Nekongo, Lelsey Melvin Du Pont et Avril Nuuyoma, a donné la semaine suivante un concert-sandwich au TAP]. L’installation s’accompagne aussi de la mise en valeur ou le rebond sur des œuvres du musée, mises en valeur par l’éclairage (par exemple la Baigneuse de Pierre-Marie Poisson) ou laissées volontairement dans la pénombre (Les Nymphes de la prairie ou Les Trois grâces, d’Aristide Maillol, œuvre en dépôt faisant partie des spoliations de la Seconde guerre mondiale et donc des Musées nationaux récupération). L’ensemble, le tableau proposé, le cartel qui donne des informations qui interpellent (genre « technique mixte, personne noire, spectateur », etc.) ou qui expliquent des épisodes sombres de la colonisation, comme les têtes coupées, à la fois par la chorale dont les têtes émergent de caisses blanches, surmontées de photographies des têtes réellement coupées (le cartel explique ce qu’était « le cabinet de curiosités du Dr Fischer »), ou par la femme qui nettoient l’un des crânes, prisonnière derrière des barbelés. A chaque tableau, les performeurs tentent de capter droit dans les yeux le regard du spectateur. Avant de revenir, sonné, au monde réel, le spectateur passe par une salle ou les performeurs sont présentés, avec une photographie et leur motivation pour participer à cette expérience, puis une grande table avec des feuilles blanches et des crayons permet de laisser son impression, et surtout de ne pas repartir sans cette « transition ». Un spectacle dont personne ne ressort sans interrogations sur la nature humaine…

Cent mille journées de prières (t. 1) de M. Sterckeman et Loo Hui Phang

pioche-en-bib.jpgLogo BD for WomenCouverture de Cent mille journées de prière (t. 1) de M. Sterckeman et Loo Hui PhangCe titre m’a été suggéré par un lecteur suite à mes articles sur plusieurs BD concernant le Cambodge (suivre le mot-clef ou les liens en fin d’article). J’ai emprunté les deux tomes à la médiathèque. [voir le tome 2].

Le livre: Cent mille journées de prières, livre premier de Michaël Sterckeman (dessins) et Loo Hui Phan (scénario), éditions Futuropolis, 2011, 120 pages, ISBN 9782754803793.

L’histoire: quelque part dans une campagne française, dans les années 1980. Louis, 8 ans, vit un peu seul avec son canari. Sa mère, Laurence, infirmière, travaille quand il part et revient de l’école, le laisse seul le mercredi au bac à sable, le fait conduire par une voisine qui ne lui parle guère. Seul eurasien de l’école, les autres enfants se moquent de lui, même s’il est premier de la classe. Qui est son père? Le « mystérieux Bruce Lee » lancé par ses camarades? Un chinois? Triste, sa mère refuse d’en parler, même lorsqu’il doit faire un devoir sur ses grands-parents à l’école. Quand arrive une famille réfugiée du Cambodge, dont le père lui confie une bague ayant appartenu à son père, acceptera-t-elle de lever le voile sur ce secret?

Mon avis: En noir et blanc, l’album mêle la vie réelle de l’enfant et un univers rêvé par l’intermédiaire de son confident, un canari (vivant puis mort) offert par sa mère. Je trouve un peu dommage qu’il n’y ait pas de traduction des quelques bulles en khmer. La mère dit cambodgien, mais linguistiquement, c’est du khmer, même si désormais ce mot est lourd de sous-entendus, mais le khmer (langue) et les Khmers (peuple) existaient avant les Khmers rouges. Certes, cette non-traduction renforce l’idée d’incompréhension de l’enfant, et la graphie est très belle, mais  Cet album aborde deux sujets: un enfant « différent » (métisse asiatique dans une « classe de blancs »), victime de racisme hélas ordinaire, et un lourd secret de famille. Le choix de la mère de vivre seule sa peine, sans parler à son fils, est lourd de conséquences pour lui. Il ne sait même pas de quel pays il est originaire. Abandonné de longues heures seul, il ne peut que gamberger, fantasmer son père (surtout après avoir trouvé une photographie bien cachée dans la chambre maternelle), lui offrir un canari comme confident est curieux. Quand ce dernier décède, il fait semblant de l’enterrer et continue à utiliser le cadavre caché dans sa chambre comme récepteur de ses préoccupations. L’album est intimiste, au point que l’on peut se demander quelle part intime y a été mise par la scénariste; son prénom, Loo Hui, est homophone de Louis, le prénom du petit garçon. Elle est née en 1974 au Laos (je n’ai rien trouvé d’autre sur ses origines), en plein dans le « créneau » de la République Khmère au Cambodge (Phnom Penh est cerné par les Khmers rouges le 1er janvier 1974). La dernière partie parle de l’accueil des réfugiés, de leurs conditions de logement, des catholiques qui se donnent bonne conscience en prenant des enfants chez eux, mais pas les parents et pas trop longtemps (page 101: « les gens confondent parfois solidarité et condescendance »), le racisme est plus présent, le voile du secret commence à se lever. En tout cas, un bel album, et très différent de l’approche de  ou de celle de  sur le même sujet…

Pour aller plus loin sur l’histoire du Cambodge, voir aussi:

L’eau et la terre, Cambodge, 1975-1979 et Lendemains de cendres, Cambodge, 1979-1993, de Séra

L’année du Lièvre de Tian, tome 1, Au revoir Phnom Penh, tome 2, Ne vous inquiétez pas

L’élimination de Rithy Panh

Kampuchéa de Patrick Deville.

Logo top BD des bloggueurs Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Ni chaud ni froid, de Minette Walters

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Couverture de Ni chaud ni froid, de Minette WaltersCela faisait longtemps que je n’avais pas lu de polar de Minette Walters, je n’en ai d’ailleurs jamais parlé sur mon blog… Un titre trouvé au rayon large vision (qui reste bien plus confortable pour moi) à la médiathèque.

Le livre: Ni chaud ni froid, de Minette Walters, traduit de l’anglais par Philippe Bonnet, éditions Stock, 2000 (lu en édition A vue d’œil, 2001, 256 pages).

L’histoire: entre juin 1998 et mars 1999 à Sowerbridge, en Angleterre. Une vieille dame et sa garde-malade ont été sauvagement assassinées, un voisin, Patrick O’Riordan, a été arrêté, les bijoux de la vieille dame ayant été retrouvés chez lui. Il est Irlandais, handicapé d’un bras depuis que son père l’a frappé il y a longtemps, vit avec sa mère elle aussi handicapée, clouée dans un fauteuil roulant. A l’approche du procès, la mère est l’objet de nombreuses menaces, Siobahn Lavenham, une voisine irlandaise aussi, s’en inquiète et s’en ouvre à la police, qui ne la prend pas au sérieux jusqu’à ce que le jour de l’ouverture du procès, leur maison, évacuée le matin même, prend feu, et un cadavre est retrouvé à l’intérieur…

Mon avis: un polar beaucoup moins sanglant que d’autres que j’ai lus de la même auteure! Je ne sais pas si c’est l’état de mon cerveau, mais j’ai eu beaucoup de mal à suivre le récit non linéaire. Même si la date est indiquée au début de chaque changement (24 juin 1998, 8 mars 1999 23h30, 10 février 1999, 8 mars 1999 23h45 pour le début), le suivi temporel m’a semblé bien compliqué… Le récit est pourtant bien ficelé, avec un dénouement inattendu, mais il manque un petit je ne sais quoi, peut-être l’approfondissement des relations entre Anglais et Irlandais, au-delà de quelques clichés? Un roman court (250 pages en large vision, 160 en Pocket), mais qui n’est pas, et de loin,le meilleur que j’ai lu de Minette Walters!

Logo God save the livre Ce livre entre dans le défi God save the livre, saison 3, organisé par Antoni / passion livres. Il s’agit de lire un ou plusieurs livres anglais d’ici fin février 2014 et atteindre l’une de ces catégories : « Duty Harry » (1 livre lu), « Prince Charles » (5 livres), « Prince William » (10 livres), « Lady Di » (15 livres), « The Beatles » (20 livres et plus), « Queen Mom » (au moins un livre en VO)…

13 heures de Deon Meyer

Couverture de 13 heures de Deon Meyer pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé à la médiathèque, je voulais le dernier dont j’ai lu plusieurs bonnes critiques, mais il n’était pas encore arrivé…

Le livre : 13 heures de Deon Meyer, traduction de l’anglais (Afrique-du-Sud) par Estelle Roudet, collection Seuil policier, éditions du Seuil, 2010, 462 pages, ISBN 9782020977692.

L’histoire : au Cap en Afrique-du-Sud de nos jours. à partir de 5h36 du matin et jusqu’au soir… Une jeune femme blanche est retrouvée sauvagement assassinée près d’une église… Une autre jeune femme fuit éperdument devant un groupe de cinq poursuivants, blancs et noirs, qui la traquent. Bennie Griessel, alcoolique juste sevré et chassé par sa femme, est chargé de superviser l’enquête menée officiellement par Vusumuzi Nbabani… Très vite, l’affaire s’avère sensible, la jeune femme assassinée est une touriste américaine qui participait à un tour en Afrique, elle logeait avec son groupe dans une auberge de jeunesse… et la femme traquée est probablement son amie, également disparue… A peu près au même moment, Alexandra Barnard, ancienne chanteuse alcoolique, est réveillée par les hurlements de sa femme de ménage. Près d’elle le corps de son mari assassiné… mais est-ce vraiment elle qui l’a tué? L’enquête est menée à un train d’enfer, la jeune femme traquée sera-t-elle retrouvée vivante?

Mon avis : un polar bien mené, avec des descriptions de la contradiction de l’Afrique-du-Sud post-apartheid. Un policier blanc (mais alcoolique sevré seulement depuis quelques mois) supervise une équipe d’enquêteurs noirs et métis, des Zoulous et des Xhosas, une mosaïque de couleurs… et de préjugés. En toile de fond, des interrogations sur la corruption, la dernière vague d’arrestations a-t-elle éliminé ce mal endémique? La description de la société m’a d’ailleurs beaucoup plus intéressée que la partie enquête en tant que telle…

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet

Couverture de Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet pioche-en-bib.jpgJ’ai emprunté ce livre à la médiathèque, suite à une critique de Schlabaya / Scriptural (qui a en plus mis tout le poème de Victor Hugo qui a servi au titre du livre). Je vous ai déjà parlé de plusieurs livres de cet auteur (décédé trop tôt, en 2009), Mon vieux, Le secret du rabbin, Du passé faisons table ; j’en ai lu d’autres avant l’ouverture du blog.

Le livre : Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte de Thierry Jonquet, éditions du Seuil, 2006, 342 pages, ISBN 978-2-02-068271-0.

L’histoire : septembre 2005, à Vadreuil (la riche) et Certigny (avec ses cités), dans le 9-3. Après un an de formation à l’IUFM, Anna Doblinsky rejoint son premier poste au collège de ZEP Pierre-de-Ronsard à Certigny. Dans sa classe de 3e, elle fait face dès le premier cours à des élèves en difficultés, dont la plupart déchiffrent à peine, un seul semble suivre, Lakdar Abdane, mais il a été victime d’une erreur médicale en mai dernier, droitier, sa main droite est paralysée suite à la mise en place bâclée d’un plâtre. Du côté de Vadreuil, une mère tente en vain de faire interner son fils schizophrène, après trois ans de lutte, son mari l’a abandonnée, pour partir avec une jeune collaboratrice et fuir son fils dont il nie la maladie… jusqu’à ce qu’il assassine la voisine… Le procureur et les policiers observent l’équilibre précaire des cités de Certigny, ses mafias, ses trafics (drogue, prostitution, trafic de voitures volées…), menacé par l’arrivée d’un jeunot trafiquant d’héroïne. Un imam salafiste, un jeune qui en prison a rencontré un groupe islamiste encore plus radical, l’antisémitisme des élèves, le racisme du concierge du collège, Anna tente de survivre dans ce milieu si loin de ce qu’on lui a appris dans ses études, quand soudain survient la mort de jeunes dans un transformateur d’EDF, les banlieues s’enflamment, Certigny n’échappe pas à la folie…

Mon avis : un roman noir, hélas sans doute encore en-dessous de la réalité. Un jeune de douze ans se casse le coude et tombe sur un interne épuisé? Son père, qui est au travail, n’est pas là pour voir sa souffrance dans les heures qui suivent? Pas de chance, il se retrouve paralysé de la main droite, lui qui était droitier et très doué en dessin… Le genre d’erreur médicale qui ne serait pas arrivée ailleurs… et aucune prise en charge psychologique, pas de deuil possible de sa main, le médecin n’a même pas le courage de lui dire que c’est irréversible, il l’apprend d’un chirurgien d’un autre hôpital. Livré à lui-même (sa mère, folle, a été renvoyée en Algérie, son père oscille entre travail et alcool), comment s’étonner qu’il dérive ensuite vers un acte terrible? De l’impuissance des professeurs, les nouveaux qui craquent, les anciens désabusés, ou ceux de l’IUFM complètement à côté des réalités… Un tableau noir, hélas réaliste, si j’en crois ce que me racontent d’anciens camarades de prépa et de foyer qui sont dans ce type d’établissements, pas très optimiste pour ceux qui y font ces jours-ci leur rentrée scolaire…

Post-scriptum : de Thierry Jonquet, décédé en août 2009, j’ai lu et parlé de :

1275 âmes de Jim Thompson

Couverture de 1275 âmes de Jim Thompson J’ai acheté ce livre d’occasion à la nouvelle librairie-café / biblio-café (ouverte il y a quelques mois en haut de la rue de la Cathédrale à Poitiers), un jour que j’attendais quelqu’un qui était en retard et que je n’avais pas de livre dans mon sac (ce qui est exceptionnel…). Je connaissais déjà cet auteur (pour Les alcooliques, lu avant l’ouverture du blog).

Le livre : 1275 âmes de Jim Thompson, traduit de l’anglais par Marcel Duhamel, collection Folio policier n° 26, éditions Gallimard, rééd. 2005, 248 pages, ISBN 978-2-07-040660-1 [1ère traduction française en 1966 aux éditions Gallimard, n° 1000 de la série noire, et curieusement, le titre original est Pop. 1280, pourquoi avoir changer le nombre d’habitants??? En cherchant une piste sur le web, j’ai vu que ce problème avait tracassé beaucoup de monde, dont Jean-Bernard Pouy, qui a écrit 1280 âmes sur les 5 disparus de ce livre… j’ai noté de lire ce livre!].

L’histoire : dans les années 1920 dans le canton de Potts aux États-Unis. Nick Corey, le narrateur, est le shérif, en pleine campagne pour sa ré-élection. Il est marié mais a plusieurs amantes. Pas question non plus de faire trop de zèle, pour se faire ré-élire, il ne serait pas populaire d’arrêter ses électeurs! Mais quand même, les proxénètes du bordel voisin commencent à l’énerver (surtout qu’ils se moquent de lui et même au-delà). Il résout le problème à sa façon, par un double meurtre qu’il s’arrange pour mettre sur le dos de quelqu’un d’autre… Comment va-t-il se débrouiller avec le fermier violent avec sa femme, qui vient de molester un noir en ville?

Mon avis : je suis sceptique… d’un côté, nous avons toutes les bassesses des hommes, sexes, alcoolisme, racisme, dans un bled paumé du fin fond des États-Unis. De l’autre, une narration à la première personne dans la bouche du shérif fainéant et qui est entraîné dans le crime pour protéger son poste. Même au second degré, je ne suis pas sûre d’adhérer à ce récit…

Tueur d’aborigènes de Philip McLaren

Couverture de Tueur d'aborigènes de Philip McLaren Un livre prêté il y a quelques mois déjà par par Emmanuelle… il faut que je lui rende le livre!

Le livre : Tueur d’aborigènes, de Philip McLaren, traduit de l’anglais (Australie) par François Thomazeau, collection Folio Policier, éditions Gallimard, 2005 (édition originale en 2003 chez L’Ecailler du Sud), 259 pages, ISBN 978-2070314256.

L’histoire : sans doute dans les années 2000, près de la gare de Redfern à Sydney en Australie. L’État australien vient de créer au sein de la brigade criminelle une « brigade aborigène », constituée de deux personnes, Gary et Lisa. Pour leur première enquête, ils sont chargés de résoudre le meurtre d’un couple aborigène. Ils s’orientent très vite sur un tueur en série qui ne tuait jusqu’à présent que des jeunes femmes aborigènes, retrouvées parmi les dossiers de crimes non résolus. Jusqu’au jour où il tue une blanche… Nos deux aborigènes resteront-ils saisis de l’affaire et réussiront-ils à la résoudre?

Mon avis : un polar qui est surtout un prétexte pour faire connaître le triste sort de la population aborigène. Lisa a été arrachée à sa mère à l’âge de cinq ans pour être placée dans une institution religieuse… où elle sera entre autre victime d’un pédophile. Le taux de décès des aborigènes en prison est très supérieur à celui des autres prisonniers. Un portrait des relations entre les colonisateurs blancs et la population indigène hélas pas si éloigné de celui dressé il y a des dizaines d’années par Upfield et son inspecteur Bonaparte (à lire en 10/18). Côté polar et écriture, le livre alterne le point de vue des policiers et celui du tueur. A découvrir!

La couleur des sentiments de Kathryn Stockett

Couverture de La couleur des sentiments de Kathryn Stockett logo du chalenge 1% rentrée littéraire 2010pioche-en-bib.jpgOn a beaucoup parlé de ce livre après la rentrée littéraire (il a d’ailleurs reçu le grand prix des lectrices de Elle), je l’ai lu après une longue attente sur la liste de la médiathèque.

Le livre : La couleur des sentiments de Kathryn Stockett, traduit de l’anglais par Pierre Girard, éditions Jacqueline Chambon, 2010, 526 pages, ISBN 978-2742792910.

L’histoire : de 1962 à 1964, à Jackson dans le Mississipi. D’un côté, un quartier blanc avec de grandes maisons et des femmes blanches qui s’occupent d’œuvres de charité pendant que les maris travaillent. De l’autre, un quartier noir avec des petites maisons bien tenues aussi par des femmes noires… qui écoutent les sermons du pasteur à la radio et fréquentent d’autres paroisses. Ces femmes sont aussi souvent bonnes chez les blanches, assurant le ménage et la garde des enfants, et pouvant être remerciées à tout moment. Du côté des blancs, une femme tente de mettre en place des toilettes séparées pour leurs bonnes noires (et aussi les jardiniers noirs). De l’autre, la progression des revendications des droits civiques, au péril de leur vie, parfois (un jeune homme est battu et reste aveugle pour avoir utilisé par erreur les mauvaises toilettes). Trois femmes mènent alternativement ce récit… Aibileen vit seule après la mort de son fils d’un accident de travail. Elle est bonne depuis quarante ans et essayent d’inculquer à la nouvelle petite fille qu’elle élève à la place de sa mère des notions d’égalité des blancs et des noires… Minny est sa meilleure amie. Elle a deux enfants, un mari alcoolique et une grande gueule. Elle n’arrête pas de se faire virer de chez ses patrons pour leur avoir dit ce qu’elle pense, malgré les recommandations de sa mère, jadis. Elle retrouve une place chez une femme blanche isolée dans sa communauté. Enfin, Skeeter Phelan, qui revient chez ses parents après ses études supérieures et rêve d’être journaliste et écrivain. outre la lettre de la paroisse, elle trouve un petit emploi dans un journal local, où elle doit tenir une chronique ménagère… domaine où elle ne connaît rien. Constantine, la bonne qui l’avait élevée, ayant brusquement disparu dans des circonstances étranges (partie, renvoyée?), elle s’adresse à Aibileen pour avoir les réponses. C’est alors que naît un projet fou et dangereux pour toutes, interviewer les bonnes pour raconter de leur point de vue leurs conditions de travail et de vie… Qui, à part Aibileen, va accepter de prendre le risque?

Mon avis : la forme de ce récit à trois voix m’a beaucoup plu. Même s’il est parfois rédigé dans une langue familière et parlée, et desservi (et oui, encore) par trop de coquilles… Cette fois, c’est dû je pense au traducteur, car il s’agit de fautes de grammaire (singulier/pluriel) récurrentes, plus il y a de fautes au départ, plus il en reste après le passage du correcteur, mais voyant cela, l’éditeur aurait pu commander une autre lecture… Voir en fin d’article mon relevé des fautes pour la fin du livre (agacée, j’ai fini par noter)… Cette forme littéraire est un très bon moyen pour partager la montée de la lutte pour les droits civiques, faire prendre conscience des humiliations continuelles dont sont victimes les bonnes. Les événements nationaux sont à peine signalés, l’assassinat de Kennedy, la grande marche de Martin Luther King (pour l’éditrice, le livre doit paraître en fonction de cette marche). Au fil des pages, quelques progrès quand même, la bibliothèque des blancs s’ouvre aux noirs… Un récit sensible, émouvant, que j’ai dévoré sur deux jours… Sur un sujet proche mais un point de vue différent, je vous conseille aussi Chien blanc de Romain Garry.

Les fautes que j’ai relevées dans les 150 dernières pages, je n’ai pas noté avant et j’en ai sans doute laissé passer: elle pour elles page 372, il pour ils p. 397, ait pour ai p. 398, il pour ils p. 474, on pour ont p. 523. Il faudrait peut-être offrir un petit Bled au traducteur?

Chien blanc de Romain Gary

Couverture de légendes du je, de Gary et Ajar Logo des coups de coeur de la blogosphère Je poursuis la lecture des légendes du je, sélection de romans de Romain Gary/Émile Ajar (liste ci-dessous).

Je l’ai lu dans le cadre des coups de cœur de la blogosphère, challenge organisé par Theoma (clic sur le logo pour accéder à la liste).

Le livre : Chien blanc de Romain Gary. Première édition en 1970. Je l’ai lu dans Romain Gary, Émile Ajar, Légendes du Je, récits, romans, collection Quarto, éditions Gallimard, 2009, 1428 pages (pages 561-726), ISBN 978-2070121861.

L’histoire : à Beverly Hills, puis à Nice et Paris, à partir du 17 février 1968, date d’arrivée de Batka, un grand berger allemand qui fait irruption dans la vie de l’auteur et de sa femme, l’actrice Jean Seberg. Batka se révèle très vite être un « chien blanc », un chien élevé par des blancs dans un états du sud des États-Unis et dressé à attaquer spécifiquement les noirs. Romain Gary ne peut se résoudre à le faire piquer et décide de le « rééduquer », avec l’aide de Keys, un grand black jusqu’alors employé dans un centre d’extraction des venins de serpents. Y arriveront-ils ?

Mon avis : Garry écrit ce livre en pleine lutte des noirs Américains pour leurs droits civiques. Le chien arrive en février 1868, le 4 avril 1968 est assassiné Martin Luther King. C’est l’époque aussi de la guerre du Viêt Nam et des « évènements » de mai 68 à Paris. Jean Seberg était très impliquée dans ce combat contre le racisme des blancs. Romain Gary entend, par ce beau récit, dénoncer tous les racismes : celui des blancs envers les noirs, mais aussi le racisme en retour des noirs envers les blancs, ou l’hypocrisie de certains artistes hollywoodiens engagés dans la lutte pour la déségrégation avec des arrières pensées bien mercantiles… Un texte à lire et relire, dans le contexte de l’époque, mais aussi dans celui d’aujourd’hui, avec l’intolérance, le racisme et le populisme qui re-fleurissent partout en Europe ces derniers mois.

Les titres du volume :

Je l’ai lu dans le cadre des coups de cœur de la blogosphère, challenge organisé par Theoma dont je regroupe mes articles sur cette page. Il était recommandé par Praline.