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Exhibit B de Bett Bailey à Poitiers

Flux de Rainer Gross à Poitiers, mai 2014, dans la cour du muséeDans le cadre de Peaux de tigre et de pouilleux, Du colonisé à l’étranger, organisé par le théâtre et auditorium / TAP et l’université de Poitiers du 12 au 16 novembre 2014, j’ai juste vu:

– « l’exposition » proposée par la  fondation pour l’éducation contre le racisme de  Lilian Thuram (des panneaux aux textes beaucoup trop denses, qui doivent à peu près reprendre ceux de Exhibitions, exposition au musée du quai Branly à Paris en 2012, sans les objets) dans le foyer du théâtre

– et, dans le cadre de ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, Exhibit B de Bett Bailey présenté au musée Sainte-Croix.

Le spectacle: 12 « tableaux humains » organisés par Bett Bailey, metteur en scène sud-africain qui a connu l’apartheid, avec des « performeurs », artistes professionnels ou non : Machita Doucoure, Alexandre Fandard, Guillaume Mivekannin, Éric Abrogoua, Jelle Samminadin, Jean-Philippe Mpeng-Backot aka « Soon », quatre chanteurs de Namibie – Marcellinus Swartbooi, Chris Nekongo, Lelsey Melvin Du Pont, Avril Nuuyoma – etc. Les douze tableaux vivants reproduisent les zoos humains ou les spectacles des expositions coloniales, mais aussi d’autres scènes comme les têtes coupées (envoyées par les colons allemands pour étudier les « races ») ou le sort des immigrés dans les centres de rétention.

Mon avis: interdit à Londres, faisant l’objet de pétitions contre sa présentation à Paris, ici, il n’y avait aucune polémique, pas un flic à l’horizon alors que j’avais un billet pour la toute première présentation du vendredi. J’ai bien apprécié la « mise dans l’ambiance ». Les groupes de 30 personnes (répartis au moment de la réservation des billets) sont rassemblés dans le hall du musée et emmenés en groupe avec des consignes de silence vers un autre espace du musée pour se mettre à l’aise, laisser sacs et manteaux. Tous les téléphones, pour une fois, semblaient bien éteints (enfin, un a sonné assez tôt pour un rappel à l’ordre). Montée du groupe au premier étage, dans ce qui ressemble à une « salle de classe », sans pupitres. Des chaises par rangs de trois, des numéros sur les chaises, un pupitre devant, une dame (« maîtresse d’école? »). Nous sommes appelés un à un par ces numéros, départs toutes les minutes environ. Ensuite, il faut suivre le parcours dans l’ordre, mais chacun à son rythme, en silence, enfin, avec en bruit de fond de très beaux chants qui se précisent au fur et à mesure qu’on s’approche [la chorale namibienne, composée de Marcellinus Swartbooi, Chris Nekongo, Lelsey Melvin Du Pont et Avril Nuuyoma, a donné la semaine suivante un concert-sandwich au TAP]. L’installation s’accompagne aussi de la mise en valeur ou le rebond sur des œuvres du musée, mises en valeur par l’éclairage (par exemple la Baigneuse de Pierre-Marie Poisson) ou laissées volontairement dans la pénombre (Les Nymphes de la prairie ou Les Trois grâces, d’Aristide Maillol, œuvre en dépôt faisant partie des spoliations de la Seconde guerre mondiale et donc des Musées nationaux récupération). L’ensemble, le tableau proposé, le cartel qui donne des informations qui interpellent (genre « technique mixte, personne noire, spectateur », etc.) ou qui expliquent des épisodes sombres de la colonisation, comme les têtes coupées, à la fois par la chorale dont les têtes émergent de caisses blanches, surmontées de photographies des têtes réellement coupées (le cartel explique ce qu’était « le cabinet de curiosités du Dr Fischer »), ou par la femme qui nettoient l’un des crânes, prisonnière derrière des barbelés. A chaque tableau, les performeurs tentent de capter droit dans les yeux le regard du spectateur. Avant de revenir, sonné, au monde réel, le spectateur passe par une salle ou les performeurs sont présentés, avec une photographie et leur motivation pour participer à cette expérience, puis une grande table avec des feuilles blanches et des crayons permet de laisser son impression, et surtout de ne pas repartir sans cette « transition ». Un spectacle dont personne ne ressort sans interrogations sur la nature humaine…

Peaux de tigre et de pouilleux… à Poitiers!

L'hôtel de ville de Niort, 4, le blason Après un colloque consacré à Michel Foucault (né à Poitiers) en 2012 et un sur le genre, Miroir d’Éros, en 2013 (dans lequel le dernier film de François Ozon que j’ai vu hier aurait eu toute sa place), le théâtre et auditorium / TAP et l’université de Poitiers récidivent en organisant du 12 au 16 novembre 2014 avec Peaux de tigre et de pouilleux. Du colonisé à l’étranger. Un titre qui peut paraître mystérieux mais qui renvoie à la une du journal pour l’inauguration de l’exposition coloniale de 1931. Colloque, films, spectacle, conférences se répartiront sur ces 4 jours, en partie gratuits (attention, il faut réserver sa place pour les conférences de Lilian Thuram – au nom de sa fondation pour l’éducation contre le racisme – et de Christiane Taubira – comme ministre de la Justice PS: elle sera finalement absente).

Ils reviendront en partie sur le thème des zoos humains, un sujet que j’avais abordé à l’occasion de Exhibitions, exposition au musée du quai Branly à Paris en 2012 et qui m’avait un peu laissée perplexe dans son traitement.

Pour ma part, j’irai sans doute voir l’exposition dans le hall du TAP (tirée en partie de Exhibitions si j’ai bien compris) et j’ai une place, dans le cadre de ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, pour Exhibit B de Bett Bailey (en 12 tableaux humains), un spectacle qui fait polémique surtout lorsqu’il n’a pas été mis dans son contexte (faire réfléchir sur l’exposition d’êtres humains), interdit à Londres et qui fait l’objet de pétitions pour sa suspension à Paris. Je vous en reparle très vite. Le reste du programme est alléchant, mais en journée, je travaille (et oui, j’ai repris plus ou moins à plein temps) et le soir… je dors très tôt (mon cerveau réclame encore beaucoup de sommeil même si cela fait presque un an jour pour jour que j’ai été opérée d’un méningiome). Voir le programme complet sur le site de l’université de Poitiers.

Paris, le palais des colonies de l'exposition coloniale de 1931Pour rebondir, je vous parlerai samedi prochain de la cité de l’immigration et du palais des colonies créé pour l’exposition coloniale de 1931 (devenu musée des arts africains et océaniens puis cité de l’immigration, avec aquarium au sous-sol) aux portes de Vincennes.

Couverture de Cacaouettes et bananes, de Jean-Richard BlochParu dans les mêmes années (1929), le livre Cacaouettes [sic] et bananes, de l’intellectuel communiste Jean-Richard Bloch, m’a surprise il y a quelques semaines par ses positions sur les « bienfaits du colonialisme ».

Illustration en tête de cet article : les armoiries de l’hôtel de ville de Niort.

Sur le site de l’INA, voir ce petit film sur l’exposition coloniale de 1931 à Vincennes