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Deux éléphants affrontés

La façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, position du chapiteau aux éléphants Revenons à l’église Notre-Dame-la-Grande à Poitiers. Cette fois, je vous emmène sur la façade, mais dans une partie que les visiteurs oublient souvent de regarder, subjugués par les scènes du registre supérieur.

Poitiers, Note-Dame-la-Grande, façade occidentale. Les chapiteaux gauches de l'arcature aveugle nord Le thème de l’éléphant n’est pas rare en Poitou, il se trouve à Poitiers à Saint-Jean-de-Montierneuf (copie sur place, original déposé au musée Sainte-Croix à Poitiers), dans la Vienne à Saint-Nicolas à Civray ou sur le chevet de l’église de Saint-Maurice-la-Clouère, près de Gençay. Les plus connus sont sans doute ceux d’Aulnay, dans la nef, où le sculpteur a ajouté l’inscription HI SUNT ELEPHANTES. Les sculpteurs pouvaient trouver les modèles dans des manuscrits ou sur des tissus.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le chapiteau aux éléphants, 1, vu de trois-quarts Sur la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, ils sont affrontés au sens propre: leurs deux fronts se touchent sur l’angle du chapiteau.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le chapiteau aux éléphants, 2, l'éléphant extérieur L’éléphant qui se trouve à l’ouest (en façade) a été le plus soumis aux intempéries et est très érodé.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le chapiteau aux éléphants, 3, l'éléphant intérieur Celui qui se trouve au sud, dans l’ébrasement de l’arcature, est mieux conservé. Vous remarquez sur son ventre le harnachement que l’on trouve sur quasiment tous les éléphants romans de la région, et la queue qui se termine de feuille, trait décoratif assez systématique sur la façade de Notre-Dame-la-Grande.

Un peu d’histoire, même si je reparlerai de cette église : mentionnée au Xe siècle, l’église Notre-Dame-la-Grande est construite en partie sur des fondations romaines et conserve sur son élévation nord un mur qui pourrait dater entre l’Antiquité tardive et l’époque carolingienne… Elle a été reconstruite et consacrée en 1086 par Eudes de Châtillon, le futur pape . Il s’agissait alors d’une collégiale (avec un chapitre de chanoines). Une vingtaine d’années plus tard, l’église est considérée comme trop petite et allongée vers l’ouest de deux travées, la façade prend sa place actuelle. Il faudra que je vous montre le reste de la façade et l’intérieur…
Schéma d'un chapiteau: astragale, corbeille et tailloir
Un peu de lecture : pas cher et pratique à emporter pour une visite sur place, paru à l’occasion de la fin des travaux de restauration de la façade, un Itinéraire du patrimoine, n° 85, dirigé par Yves-Jean Riou, La collégiale Notre-Dame-la-Grande, éditions Connaissance et promotion du patrimoine de Poitou-Charentes (CPPPC), 1995.
Beaucoup plus cher, très illustré, sous la direction de Claude Andrault-Schmitt et Marie-Thérèse Camus, Notre-Dame-la-Grande, l’œuvre romane, éditions Picard, CESCM, 2002.

Et retournez lire mes articles consacrés à cette église, petit joyau de l’art roman :

Notre-Dame-la-Grande…

La façade occidentale

La République et ses monuments aux morts en Poitou-Charentes

Livre sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes Un grand merci à Leen17, sur le blog de laquelle j’avais posté le 100e commentaire et qui m’a envoyé un super cadeau… Un peu de patience, je vous le montrerai demain si je ne rentre pas à nouveau tard du travail…

Car ce soir, je rentre juste de l’inauguration de l’exposition La République et ses monuments aux morts en Poitou-Charentes, réalisée par la Région Poitou-Charentes et plus particulièrement le service de l’inventaire du patrimoine culturel où je travaille, qui sera présentée jusqu’à mi juin 2009 au Centre régional résistance et liberté (CRRL) à Thouars, où elle est accompagnée de panneaux complémentaires sur les commémorations des guerres (1870, 1914-1918, 1939-1945) et de dossiers et visites à destination des élèves de primaire et de collège, en complément de l’offre pour les lycées que nous avions proposée. Des documents provenant des archives municipales de la ville de Thouars sont aussi présentés.

Petit rappel, cette exposition a été réalisée en novembre dernier dans le cadre de la commémoration du 90e anniversaire de l’armistice de 1918. Elle accompagne le livre (lien indispensable pour comprendre le sujet), Les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes, de Charlotte Pon-Willemsen, édité comme les derniers livres de l’inventaire dans la collection des Parcours du patrimoine (comme celui auquel j’ai participé sur la ville de Confolens) chez Geste édition (72 pages, ISBN 978-2-84561-483-3). L’exposition, La République et ses monuments aux morts en Poitou-Charentes est composée de 15 photographies réalisées par les photographes du Service de l’inventaire du patrimoine culturel. Elle a déjà été présentée dans plusieurs lycées et à l’IUFM d’Angoulême, elle poursuivra sa route dans les prochains mois, l’étape au CRRL présentée dans divers lycées et mairies de la région. Vous pouvez les découvrir dans cet album photographique, comme les 72 autres monuments portant des allégories de la République (formulaire de recherche en bas de page) ou les pistes pédagogiques…

Le 8 mai approche, n’hésitez pas à (re)découvrir ces monuments qui peu à peu ont été intégrés dans le paysage communal et auxquels l’on ne prête plus l’attention et le recueillement qu’il conviendrait…

Le chat et la belette

Stalles de la cathédrale de Poitiers, dosseret, un chat attrape une belette Dans l’angle inférieur du sixième écoinçon des stalles nord de la cathédrale de Poitiers (13e siècle), un motif emmêlé fait penser à de peu ragoûtants intestins, à moins que ce ne soit de la cervelle? Ce tas informe (des flots?) semble gardé par un chat tourné vers la gauche, alors que sur le bord gauche de l’écoinçon, un animal qui semble bien être une belette (certains auteurs ont parlé d’un rat) se faufile en direction de cette masse. Admirez la queue des deux animaux qui s’étire chacune d’un côté de l’écoinçon, l’artiste a vraiment tiré le meilleur parti de cette contrainte de forme…

Les écoinçons des dorsaux des stalles nord, rangée supérieure de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, numérotés à partir de l’ouest (à gauche quand on les regarde), je vous les montrerai tous un jour ou l’autre :

Les écoinçons des dorsaux des stalles sud, rangée supérieure de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, numérotés à partir de l’est (à gauche quand on les regarde)

  • écoinçon 1 et tous les écoinçons impairs, des anges, le premier à gauche porte une seule couronne, le dernier à droite a été coupé lors du rétrécissement des stalles, les autres portent deux couronnes, comme sur la rangée nord
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, un lion terrasse un dragonécoinçon 2 : un lion mange un dragon
  • écoinçon 4 : deux avants-corps de chien
  • écoinçon 6 : deux lutteurs
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, dosseret, tuerie du cochonécoinçon 8 : un charcutier avec ses outils et une tête de cochon
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, architecteécoinçon 10 : un architecte
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, l'avariceécoinçon 12 : l’avarice
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, l'orgueilécoinçon 14 : l’orgueil
  • Stalles de la cathédrale de Poitiers, la gourmandiseécoinçon 16 : la gourmandise
  • écoinçon 18 : un basilic ou un cocatrix
  • écoinçon 20 : un homme assis et un animal fantastique

Pour aller plus loin :

  • un schéma de stalles et un vocabulaire normalisé de description des stalles en français et en anglais, ont été établis par l’université Paris 4-Sorbonne (mais il manque les écoinçons…).
  • Un article ancien, mais intéressant : Amédée Boinet (1913) – Les stalles de la cathédrale de Poitiers, Compte-rendu du LXXVIIIe Congrès archéologique de France tenu en 1912 à Angoulême, 1913, p. 325-338. Consultable dans la bibliothèque numérique / Gallica de Bibliothèque nationale de France par ce lien
  • un beau livre récent avec quelques éléments sur les stalles : Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).

Hommage à une femme anonyme…

Poitiers, 15 rue Cloche-Perse, portrait de femme Pour cette journée internationale des femmes, je vous ai trouvé un très joli portrait de femme du XVIe siècle. Elle se trouve aujourd’hui au 15 de la rue Cloche-Perse à Poitiers, tout à côté de la copie de la statue de la Liberté (de Bartholdi), autre femme incarnée dans une allégorie cette fois.

Poitiers, 15 rue Cloche-Perse, façade Revenons à notre portrait. Il a été sculpté au centre de la sablière de plancher (la poutre porteuse qui sépare le rez-de-chaussée du premier étage, posée sur le même plan que le mur de façade) d’une maison à pan de bois (sans s à pan dans le vocabulaire de service de l’inventaire du patrimoine culturel de la Région Poitou-Charentes, mais vous pouvez en mettre un). Ce très beau linteau porte probablement les portraits des deux fondateurs de cette maison.

Poitiers, 15 rue Cloche-Perse, portrait d'homme Ne soyons pas sectaires, puisque nous souhaitons l’égalité entre les hommes et les femmes, voici le portrait de monsieur, à droite de la poutre et qui est un peu gêné par les câbles, le pauvre…

Poitiers, 15 rue Cloche-Perse, animaux de la partie droite de la sablière Le reste du décor se compose d’animaux fantastiques et de motifs végétaux. Ils vous plaisent ? Je me suis rattrapée de ne pas avoir rédigé d’article sur Poitiers dimanche dernier ?

Poitiers, 15 rue Cloche-Perse, animaux de la partie gauche de la sablière

La mort d’Hilaire

Poitiers, église Saint-Hilaire, chapiteau de la mort d'Hilaire, 1, vu de face Hilaire, né à Poitiers vers 315, élu évêque de Poitiers vers 350, docteur de l’Église, est mort en 367 ou 368. Il est mort dans une maison située plus près du baptistère et du quartier cathédral, un prieuré a été construit sur ce lieu supposé de décès, Saint-Hilaire-de-la-Celle, où a été érigé un cénotaphe. La mort de saint Hilaire est figurée sur un chapiteau de l’église Saint-Hilaire, dont la dédicace date de 1049. Ce chapiteau est situé du côté nord de l’église, non loin de l’ancien clocher qui contenait le cénotaphe d’Hilaire jusque son effondrement en 1590, à l’angle sud-ouest du transept nord. Le relief est très marqué. Dans la partie inférieure, Hilaire, habillé, est sur son lit de mort, veillé par des moines (reconnaissables à leur tonsure), certains debout, d’autres assis, tous tiennent un livre entre les mains. Si vous regardez bien (sur place, parce que ma photo n’est pas terrible, cet été, avec plus de lumière, je retournerai en faire avec un pied), vous pouvez voir les détails des montants du lit très travaillés, un chandelier, les fauteuils avec des accoudoirs. Au-dessus, Hilaire nu (enfin, l’âme d’Hilaire dans cette symbolique) est porté par deux anges vers le ciel où Dieu (symbolisé par une main) l’attend.

Poitiers, église Saint-Hilaire, chapiteau de la mort d'Hilaire, 2, vu de trois quarts gauche Peut-être que l’on voit cela un peu mieux en tournant vers la gauche (enfin, en faisant un assez grand tour dans l’église, puisque la première photographie est faite depuis le choeur, beaucoup plus haut que la nef).

Poitiers, église Saint-Hilaire, chapiteau de la mort d'Hilaire, 3, vu de trois quarts (droite) Si on tourne de l’autre côté, on voit deux disciples debout qui viennent assister à l’enterrement.

Le 14 janvier 1096, le pape  (celui qui a prêché la première croisade) fête la saint Hilaire dans cet édifice. Depuis Vatican II, la saint Hilaire a été avancée au 13 janvier. L’occasion si vous êtes à Poitiers de faire un petit détour pour voir ce très beau chapiteau.

Poitiers, le chapiteau de la mort d'Hilaire, carte postale ancienne Finalement, on le voit peut-être mieux sur cette carte postale ancienne…

L’église est inscrite depuis 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, parmi 77 édifices au titre des  » chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France « . Je vous reparlerai de cette église, en particulier de ses peintures murales.

L’église Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers

De la tentation…

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, la Tentation, vue de face

Nous ne sommes pas dimanche, il n’est pas midi, mais retour à Poitiers…

J’invite François de Sale (si, vous ne rêvez pas, il a commenté mon article de dimanche dernier sur Joseph de la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers) à parcourir d’autres pages de mon blog qui le feront sans doute fuir, par exemple lettre à un jeune catholique de Böll ou four solaire… Et je ne mets pas le lien vers le site de ce commentateur, les intégristes catholiques (pas plus que n’importe quels autres intégristes), ce n’est pas mon truc…

Pour ma part, je suis dans la position de la scène qui se passe sur le même niveau de la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, mais à l’opposé…

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, inscription EVAEt oui, Adam, Ève (impossible de se tromper, le sculpteur à préciser EVA au-dessus, le A est peu visible) et le serpent… (Genèse 3, 1-6 pour ceux qui veulent relire l’histoire).

Je ne dénoncerai pas le serpent, mais je vais suivre le SAL organisé par Jo du Québec / les fantaisies de Jo, une toute petite grille de 60 points d côté chaque mois… J’ai déjà choisi le fil, 815 de DMC, la toile Edinburgh 14 fils en ton bis, et même commencé les petites croix ! Pour celles qui sont tentées à leur tour… elles enfanteront dans la douleur (oups, non, là, je mélange tout, mais c’est Genèse, 3, 16, qui est en plus une source du machisme… l’homme dominera la femme)… elles peuvent toujours participer à ce SAL (avec un dé si vous voulez, pour éviter la douleur de l’aiguille).

 

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, la Tentation, vue un peu de côté Revenons au sujet du jour, Adam et Ève sur la façade de Notre-dame-la-Grande à Poitiers. La première photographie est prise de face, la seconde un peu plus sur le côté, pour mieux voir Adam. Les parties plus blanches d’Adam et Ève sont dues un traitement différent au moment de la restauration et de l’enlèvement du sel de la pierre il y a une quinzaine d’années déjà (en 1995). Si je retrouve mes photos prises des échafaudages à cette occasion là, je vous les montrerai. Ils sont représentés comme le plus souvent dans l’art roman en Poitou-Charentes (avec une exception notable à Aulnay, où l’arbre est à droite de la scène): Adam est à gauche, l’arbre avec le serpent enroulé en centre et Ève à droite. Les bras étant cassés, il n’est pas facile de préciser s’ils se cachaient, la main gauche d’Adam semble le suggérer plus ou moins, et la poitrine d’Ève est bien nue..

La tentation d'Adam et Eve, position sur la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers Voici sa position sur la façade.

Pour une version colorisée de la même scène, un petit détour par l’église Sainte-Radegonde à Poitiers s’impose, je vous ai déjà montré un chapiteau du déambulatoire avec, côté chœur, Daniel dans la fosse aux lions, et côté déambulatoire, la Tentation. En fait, pas tout à fait la Tentation, je suis retournée voir, mais plutôt la Chute.

Sur le chapiteau de Sainte-Radegonde, le serpent est bien caché dans le feuillage à gauche, Adam et Ève tiennent encore chacun un fruit défendu, mais ils cachent (plus ou moins) leur nudité avec leurs mains… Ils ont donc déjà succombé à la tentation (Genèse 2, 10 : parce que je suis nu, je me suis caché, dit Adam à Dieu). .

Pour aller plus loin : un petit livre bien pratique, paru juste après les restaurations du début des années 1990, par Yves-Jean Riou : Collégiale Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, Collection itinéraires du patrimoine, n° 85, éditions CCCPC, 1995, ISBN : 2-905764-12-0.
Si vous voulez un beau livre beaucoup plus cher, alors il vous faut le livre dirigé par Marie-Thérèse Camus et Claude Andrault-Schmitt, Notre-Dame-Grande-de-Poitiers. L’œuvre romane, éditions Picard/CESCM Université de Poitiers, 2002.

Post-scriptum : ah, j’ai oublié un article à relire : la soirée contre le créationnisme à Poitiers. Tant que la Bible ne sert pas à nier l’évolution, c’est un très beau texte. Et comme tous les lecteurs ne parcourent pas les commentaires, je vous copie-colle (il paraît que ce verbe va finir par entrer dans le dictionnaire, anticipons) le commentaire que vient de laisser mon père :  » ce que tu ne dis pas, c’est que très modestement François de Sale (comme toi tu dis) lui se dit Saint François de Sale. Si certains sont tenté de (re)lire la Genèse, moi, j’ai un faible pour la traduction proposée par Henri Meschonnic (Au commencement, chez Desclée de Brouwer 2002 ISBN 2-220-05092-0). Une traduction à partir de l’hébreu qui essaie de rendre la poésie du texte en conservant son rythme et explique en note tous les problèmes de traduction rencontrés. Un travail qui ne s’appuie pas sur l’exégèse contrairement à « la nouvelle traduction de la bible » parue chez Bayard en 2001 (ISBN 2-227-35800-9) « .

Retrouvez tous les articles sur Notre-Dame-la-Grande à Poitiers

La façade occidentale

Joseph n’en revient pas (façade de Notre-Dame la Grande de Poitiers)

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le bain du Christ et Joseph, 1, vue générale Jésus est né et les rois mages ne sont pas encore arrivés… Mais Joseph n’en revient toujours pas que sa femme, Marie, vierge (si, les sages-femmes l’ont assuré !?!), ait accouché de Jésus. Alors, sur la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, Joseph, la tête en appui sur son bras droit, admire encore et encore ce bébé en train de prendre le bain.

Car pour cette scène, que je vous ai montrée la semaine dernière et que l’on voit sur la gauche de l’image de cette semaine, c’est bien le BAIN Jésus (scène aussi appelée le bain de l’Enfant) et non le baptême du Christ.

Je vous rappelle juste que le bain de l’Enfant est un épisode des évangiles apocryphes, par exemple dans le protévangile de Jacques, qui narre l’enfance de Jésus, ou, dans une version un peu différente, dans l’évangile du Pseudo-Mathieu. Jésus dans une cuve en forme de calice et deux femmes le baignent. Jésus a été baptisé à l’âge adulte par son cousin saint Jean Baptiste dans le Jourdain… Vous pouvez (re)lire l’épisode dans l’évangile selon Matthieu, 3, 13-17.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le bain du Christ et Joseph, 2, Joseph assis Joseph est représenté assis, de profil ou plutôt légèrement de trois quarts et regarde Jésus qui lui fait face dans son bain.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le bain du Christ et Joseph, 3, les pieds de Joseph Il est assis sur un riche siège dont les montants et la boule rappellent le lit de Marie juste en face de lui. Il pose le pied gauche sur une sorte de repose-pied, que l’on trouve parfois dans l’art roman en Poitou-Charentes, notamment sous les pieds de David (pas ici, mais sur d’autres édifices).

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, le bain du Christ et Joseph, la tête de Joseph Joseph est représenté avec la main droite contre sa joue, la main gauche sur son avant-bras droit. Il est barbu et moustachu et coiffé de la calotte juive sur ses cheveux mi-longs.

Le bain du Christ et Joseph, leur position sur la façade de Notre-Dame la Grande à Poitiers Voici la position de cette scène sur la façade.

Un peu d’histoire (bis), même si je reparlerai de cette église : mentionnée au Xe siècle, l’église Notre-Dame-la-Grande est construite en partie sur des fondations romaines et conserve sur son élévation nord un mur qui pourrait dater entre l’Antiquité tardive et l’époque carolingienne… Elle a été reconstruite et consacrée en 1086 par Eudes de Châtillon, le futur pape . La façade daterait plutôt des années 1115-1130. Il s’agissait alors d’une collégiale (avec un chapitre de chanoines). Il faudra que je vous montre le reste de la façade et l’intérieur…

Pour aller plus loin : un petit livre bien pratique, paru juste après les restaurations du début des années 1990, par Yves-Jean Riou : Collégiale Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, Collection itinéraires du patrimoine, n° 85, éditions CCCPC, 1995, ISBN : 2-905764-12-0.

Si vous voulez un beau livre beaucoup plus cher, alors il vous faut le livre dirigé par Marie-Thérèse Camus et Claude Andrault-Schmitt, Notre-Dame-Grande-de-Poitiers. L’œuvre romane, éditions Picard/CESCM Université de Poitiers, 2002.

Notre-Dame-la-Grande

La façade occidentale

Le sculpteur Morice Lipsi en Confolentais

La tuilerie Malmanche à Abzac, journées du patrimoine 2007 Mon collègue Thierry Allard vient de réaliser un article en ligne sur des œuvres du sculpteur Morice Lipsi (1898-1986). S’il est beaucoup plus connu à l’étranger qu’en France, il a laissé quelques œuvres en Poitou-Charentes et plus particulièrement à Abzac et Brillac, deux communes qui ont été étudiées dans le cadre de l’inventaire du patrimoine de la communauté de communes du Confolentais. Cet artiste s’y est réfugié pendant la seconde guerre mondiale. Retrouvez aussi d’autres œuvres de Morice Lipsi sur le site internet du Musée Morice Lipsi à Rosey en Haute-Saône et dans un dossier du Centre départemental de documentation pédagogique de la Haute-Saône. Pour des questions de droit d’auteur, je ne vous montre pas de photographies de ces sculptures, mais une vue de la briqueterie Malmanche dans le village de Chardat à Abzac, lors d’une visite organisée dans le cadre des journées du patrimoine en 2007. Dans le four d’une briqueterie voisine aujourd’hui abandonnée, Morice Lipsi a cuit quelques-unes de ses sculptures en terre.

Et n’oubliez pas que le site de l’inventaire du patrimoine culturel de Poitou-Charentes vous propose de nombreuses ressources sur les inventaires en cours dans la région, son centre de documentation, des dossiers par exemple sur les monuments aux morts portant des allégories de la République, la communauté d’agglomération de Poitiers, le patrimoine industriel, etc.

La grande poste de Poitiers

La grande poste de Poitiers, carte postale ancienne La poste centrale ou grande poste de Poitiers a été construite à partir de 1910 par l’architecte poitevin Hilaire Guinet (qui y a aussi réalisé l’immeuble de la banque de France rue Jean-Jaurès), à l’emplacement de l’ancien couvent de la Visitation transformé en prison sous la Révolution puis démoli en 1904, actuellement dans l’angle formé par la rue des Écossais et la rue Arthur-Ranc.

La grande poste de Poitiers, signatures du sculpteur et de l'architecte Il ne fut achevé qu’en 1919, ainsi qu’en atteste la signature sur la façade. Elle est surtout remarquable pour son décor, que ce soit en façade ou à l’intérieur la mosaïque et les quatre piliers art nouveau à chapiteaux ornés. J’ai repris cet article avec plus de photographies ici. Depuis cet article, les guichets et les mosaïques ont été massacrés.

La grande poste de Poitiers, le fronton sculpté Alors, si vous passez devant la poste, pensez à regarder le fronton et la façade sur la rue Arthur-Ranc. Par rapport à cette vue ancienne, l’installation pour le télégraphe a disparu, mais le reste est presque inchangé. Les sculptures mériteraient un petit coup de nettoyage, mais sont vraiment de qualité.

La grande poste de Poitiers, élévation rue Arthur-Ranc Le sculpteur de l’ensemble (signé et daté 1913) est Aimé Octobre, qui est né à Angles-sur-l’Anglin et a plus tard réalisé de nombreux monuments aux morts, dont celui de Poitiers situé aujourd’hui au bout de la Rue Arthur-Ranc, sur le boulevard de Verdun (je vous l’ai déjà présenté ici), celui de sa commune natale ou encore de Châtellerault.

 

Pour en savoir plus, paru après cet article : Un article de Grégory Vouhé paru dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 94 (automne 2011) : Le chef-d’oeuvre d’Hilaire Guinet, p. 20-23.

Daniel dans la fosse aux lions…

Poitiers, église Sainte-Radegonde, chapiteau avec Daniel dans la fosse aux lions Cet été, Hélène a montré le thème de Daniel dans la fosse aux lions sur des chapiteaux à Charlieu et à Moissac. J’ai alors pensé qu’il faudrait que je vous en montre de Poitiers. Et voilà, c’est fait.

Parmi les épisodes de la vie de Daniel (voir la Bible, livre de Daniel, ou pour un résumé, l’histoire illustrée par l’art), prophète de l’Ancien Testament, le plus représenté sans doute dans nos églises est celui de la fosse aux lions. Sur ce site dont je vous ai parlé, le chapiteau de l’église Sainte-Radegonde est aussi présenté, ainsi que celui de Moissac… Daniel est condamné par Darius à être dévoré par les lions suite à une dénociation calomnieuse. Il s’en sort indemne. Mais l’histoire est moyennement morale, puisque ce sont les dénonciateurs de Daniel qui sont dévorés par les lions… Dieu aurait pu aussi épargner ceux-ci, non ? (dans la Bible, toute l’histoire dans Daniel 6.2-29).

L’église Sainte-Marie-Hors-les-Murs prend le nom de Sainte-Radegonde dès que celle-ci y est enterrée en 587. Mais il ne reste rien en élévation de cette première église. Dans son état actuel, l’église date des XIe (clocher, une partie du chœur et du déambulatoire) et XIIIe siècle (nef et chœur gothique), puis à la fin du XVe siècle, des éléments sont ajoutés (chapelle, niches dans la façade, parvis où se rendait la justice du chapitre), sans compter les nombreuses restaurations.

Les chapiteaux du chœur, du déambulatoire et des absidioles datent de l’époque romane (fin du XIe siècle, entre l’incendie de 1083 et la consécration de l’église en 1099). Le chapiteau avec Daniel dans la fosse au lion est l’un de ceux-là. Les deux lions lèchent les pieds de Daniel, alors qu’un ange le protège et amène (au bout de sa main droite) le prophète Habaquq qui, en haut à gauche du chapiteau, apporte du ravitaillement à Daniel.

Poitiers, église Sainte-Radegonde, au revers du chapiteau avec Daniel dans la fosse aux lions, la Tentation d'Adam et Ève Ce chapiteau porte sur sa face donnant sur le déambulatoire la Tentation d’Adam et Ève (retrouvez ici la Tentation de la façade de Notre-Dame-la-Grande). Mes photographies ne sont pas terribles, mais vous en trouverez de plus belles sur cette page consacrée à l’art roman de Poitiers [lien actualisé].

Poitiers, église Sainte-Radegonde, chapiteau du choeur, Adam et Eve En voici une autre vue… pas beaucoup plus nette.

[PS : Ce même chapiteau a deux autres faces sculptées, avec Nabuchodonosor et un homme attaqué par un lion, à découvrir ici].

Le clocher-porche a été restauré récemment, l’occasion pour la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Poitou-Charentes de proposer un petit dossier en ligne sur le portail occidental dont je vous reparlerai une prochaine fois… comme de la crypte et du tombeau de la sainte… qui avait sauvé la ville d’un dragon, la Grande-Goule rappelez-vous, j’en ai déjà parlé et vous pouvez le voir ici sur des cartes postales anciennes (voir d’autres liens en fin d’article).

Poitiers, église Saint-Porchaire, chapiteau avec Daniel dans la fosse aux lions Il y a une autre très belle bien que plus frustre représentation de Daniel dans la fosse au lion à Poitiers, sur l’un des chapiteaux du clocher-porche de l’église Saint-Porchaire… qui date à peu près de la même époque, à la fin du XIe siècle. Sur ce chapiteau, Daniel est représenté dans une mandorle (motif en forme d’amande qui symbolise Dieu et se trouve souvent associée au Christ, plus rarement à la Vierge, à des prophètes, comme ici, ou à des saints), mandorle contre laquelle les lions semblent venir s’écraser.

[à voir désormais restauré en 2012 ici, également avec des détails de Habaquq et autres].

Articles sur l’église Sainte-Radegonde