Archives par étiquette : inscription médiévale

La dédicace de l’autel majeur de Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers

Dédicace de l'autel majeur de Saint-Jean-de-Montierneuf à PoitiersEn abordant l’autel des apôtres de l’église Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, je vous avais promis de vous monter la dédicace de l’autel majeur, aujourd’hui plaquée sur le mur nord et protégée par une vitre, désolée pour les reflets… mais l’inscription est assez claire.

Dédicace de l'autel majeur de Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, détail du chanfrein et date 1086

Sur ce détail, vous voyez clairement Mille(simo) LXVI (1086), date de la mort de Guy Geoffroy Guillaume, comte de Poitou (sous le nom de Guillaume VI) et duc d’Aquitaine (sous le nom de Guillaume VIII), fondateur du monastère (revoir son cénotaphe) et arrière grand-père d’Aliénor d’Aquitaine, qui avait été condamné à fonder ce monastère suite à ses frasques amoureuses… Les fouilles et études du bâti récentes montrent que l’établissement existait probablement avant la fondation, mais  celle-ci s’est accompagnée de dons de terres et donc de revenus… La transcription et sa traduction sont publiées dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale, tome I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, p. 82-85:

ANNO DOMINI INCARNATIONIS MILLESIMO LXXXVI ANTE INFRA SCRIPTUM VERO ANNO X / GAUFREDUS DUX AQUITANORUM [HUIUSJ l[oJc[i] / FUNDATOR MORITUR V [an]NO / ORDINACIONIS GUIDONIS PRIMI ABBATIS [quem et ipse post V an]NOS SEQUITUR.

L’an de l’incarnation du Seigneur 1086, c’est-à-dire dix ans avant l’inscription ci-dessous, Geoffroy, duc des Aquitains, fondateur de ce monastère, est mort, la cinquième année de l’institution de Guy comme premier abbé, lequel le suivit cinq ans plus tard.

Dédicace de l'autel majeur de Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, détail de l'inscription avec la date de 1096 L’inscription principale mentionne la dédicace proprement dite par Urbain II, en 1096, au cours de sa grande « tournée de propagande »: après l’appel à la croisade au concile de Clermont en novembre 1095, pour rallier les grands seigneurs, et les fonds nécessaires, quoi de mieux que de faire comme nos élus maintenant? Au lieu d’aller serrer les mains sur les marchés ou « d’inaugurer les chrysanthèmes », il a fait une tournée d’inaugurations d’églises (… oups, de consécrations d’autel), dont la construction pouvait être terminée depuis quelques années ou alors être encore en plein chantier de construction! Urbain II connaissait Guy Geoffroy Guillaume, puisqu’il était grand prieur de Cluny, sous le nom de  Eudes de Châtillon, lors de la fondation de l’église Saint-Jean-de-Montierneuf comme dépendance de Cluny. La dédicace parle ici des reliques, du pape Urbain II… mais pas du duc d’Aquitaine de l’époque, Guillaume VII, comte de Poitou et duc d’Aquitaine sous le nom de Guillaume IX, dit Guillaume-le-Troubadour, fils du précédent et grand-père d’Aliénor d’Aquitaine! Voici le texte principal (Corpus etc., ibid.), à lire en ayant en tête qu’il s’agit d’un texte de propagande… J’ai centré la photographie sur la date, MIL XLVI.

IN HONORE DEI GE/NITRICIS ET BEATORUM APOSTOLORUM IOHANNIS ET ANDREAE. Cu/lUS RELIQUIAE CONDITAE IBIDEM SUNT ; IPSA VERO DIE HAC. SED / LONGE POST. ANNO DOMINICAE INCARNATIONS MILLESIMO XCVU PAPA URBANUS. II. CUM TRIBUS ARCHIEPISCOP1S TOTIDEMQUE EPISCOPIS. TEMPLO / IN HONORE EORUMDEMQUE VENERABILITER DEDICATO. HOC ALTARE IN HO/NORE BEATORUM MARTYRUM. STEPHANI PROTHOMARTYRIS. LAURENTII. VlNCENTII. CRI/SANTI. Et DARIAE. VENERABl[HTER] CONSECRAVIT. IN QUO ET EORUM / RELIQUIAS. POSUIT. A[men].

Le 11 des calendes de février, l’autel majeur fut consacré en l’honneur de la Mère de Dieu et des saints apôtres Jean et André dont les reliques y ont été déposées. Ce même jour mais longtemps après, l’an de l’incarnation du Seigneur 1096, le pape Urbain II procéda avec vénération à la dédicace de ce temple en leur honneur, assisté de trois archevêques et d’autant d’évêques. Il consacra avec vénération cet autel en l’honneur des bienheureux martyrs Etienne, premier martyr, Laurent, Vincent, Chrysante et Darie, et y déposa leurs reliques. Amen.

Photographies de mars 2013.

[PS: j’avais programmé cet article depuis un moment… et ai souri dans l’édition du samedi 14 juin 2014 de Centre Presse: dans sa chronique, Môsieur Echo rapportait les propos d’un élu qui s’étonnait que le carton d’invitation au lancement des nuits romanes 2014 ne mentionne pas M. Macaire, président du Conseil régional, mais sa prédécesseur(e), « créatrice des nuits romanes »… Cela doit s’inscrire dans la logique de la dédicace d’Urbain II!].

Pour aller plus loin: voir le Corpus des inscriptions de la France médiévale, tome I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, pages 82-85 et l’article de Cécile Treffort, La mémoire d’un duc dans un écrin de pierre : le tombeau de Guy Geoffroy à Saint-Jean-de-Montierneuf de Poitiers, Cahiers de civilisation médiévale, 47e année (n° 187), juillet-septembre 2004, pages 249-270.

Sur Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, voir aussi:

L’Ascension du Christ à Notre-Dame-la-Grande de Poitiers

Poitiers, Notre-Dame-la-Grande, choeur, inscriptions Rotbertus (bleu) et ascension du Christ (rouge)En ce jour de l’Ascension, j’ai choisi de rééditer un article publié l’année dernière…

Article du 31 mars 2013

Pour Pâques, j’ai choisi un sujet d’actualité… l’Ascension du Christ! Certes, le Christ ne montera au ciel que dans 40 jours (le jeudi de l’Ascension n’est pas qu’un jour férié, l’occasion d’un week-end en viaduc pour certains, quoique, dans un état laïque, on se demande pourquoi ce n-ième jour férié chrétien). Pâques, c’est le « top départ » pour cette histoire, donc je l’ai choisi pour aujourd’hui. On le trouve dans le déambulatoire de l’église Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, sur le chapiteau à droite de l’absidiole d’axe, au bout de la flèche rouge au second plan sur la photo ci-contre… Il s’agit d’un chapiteau roman repeint au 19e siècle…

Poitiers, Notre-Dame-la-Grande, Ascension du Christ, vue de faceDésolée pour les photographies pas très claires, mais l’intérieur de cette église est très sombre… Sur la face principale, le Christ, avec son nimbe cruciforme, se tient debout dans une mandorle, il bénit de la main droite et tient le Livre (la Bible) dans sa main gauche.

Poitiers, Notre-Dame-la-Grande, Ascension du Christ, les deux petites facesLa mandorle est portée par des anges, d’autres anges se tenant sur les petits côtés…

Poitiers, Notre-Dame-la-Grande, Ascension du Christ, inscription ME FEA droite du dé se lit, difficilement, sous la peinture, ME FE. Il s’agit très probablement de ME FECIT (m’a fait ou m’a fait faire) que l’on trouve dans un certain nombre d’églises précédé d’un prénom, comme dans « Gofridus me fecit » (Geoffroy m’a fait ou m’a fait faire, à voir sur cet article consacré au chapiteau de l’Enfance de Jésus dans l’église Saint-Pierre à Chauvigny). Ici, si prénom il y a, il est complètement masqué par les couches de peinture…

Poitiers, Notre-Dame-la-Grande, chapiteau du choeur, inscription RotbertusIl existe dans Notre-Dame-la-Grande, en revanche, un prénom inscrit sur le dé du chapiteau nord-est du rond-point du chœur (au bout de la flèche bleue sur la première photographie de cet article): ROTBERTUS, impossible de savoir s’il s’agit d’un commanditaire ou d’un sculpteur. C’est un prénom assez courant, que l’on trouve aussi dans l’église de Thézac en Charente-Maritime. Ces prénoms vous rappellent peut-être aussi inscriptions Hugo le trésorier et Aleacis sur le chevet de l’église Saint-Hilaire-le-Grand également à Poitiers.

Pour aller plus loin :

Un petit livre bien pratique, paru juste après les restaurations du début des années 1990, par Yves-Jean Riou : Collégiale Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, collection itinéraires du patrimoine, n° 85, éditions CCCPC, 1995, ISBN : 2-905764-12-0.
Si vous voulez un beau livre beaucoup plus cher, alors il vous faut le livre dirigé par Marie-Thérèse Camus et Claude Andrault-Schmitt, Notre-Dame-Grande-de-Poitiers. L’œuvre romane, éditions Picard/CESCM Université de Poitiers, 2002.

Retrouvez tous les articles sur Notre-Dame-la-Grande à Poitiers

La façade occidentale

Les scènes sont classées de gauche à droite et de bas en haut. Dans chaque article, un petit schéma vous les positionne.

A l’intérieur

L’autel des apôtres de l’église Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers

Inscription de la consécration de l'autel des apôtres et saint Vincent dans l'église Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers

Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de l’ à Poitiers. L’ancien autel majeur, avec une inscription très célèbre protégée par une vitre (voir la dédicace de l’autel majeur), est incrusté dans le mur nord de l’église. Il y a une autre inscription romane dans l’église, moins connue, incrustée dans le mur de la chapelle au nord du transept. Elle porte l’inscription suivante (transcription dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale, tome I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, p. 85 et fig. 55):

« Hoc altare XI k(a)l(endas) febr(varii) est consecratvm in honore s(an)c(t)o(rum) ap(osto)l(oru)m Symonis et Judae et om(ni)u(m) ap(osto)lo(rum) et Vincentii mar(tyris) atq(ue) ibi sunt c(on)dutae reliquiae s(an)c(t)or(um) Abundi p(res)b(yte)ri et martyris et Maximi p(res)b(yter)i Archelai diaconi ».

« Cet autel a été consacré le 11 des calendes de février, en l’honneur des saints apôtres Simon et Jude, de tous les apôtres, et de Vincent, martyr, et ont été déposées ici les reliques des saints Abonde, prêtre et martyr, de Maxime, prêtre, d’Archelaus, diacre ».

Elle se trouve à son emplacement d’origine et témoigne de la consécration de « l’autel des apôtres et de saint Vincent ». Si elle donne le jour de l’année (le 11 des calendes de février), elle ne précise pas l’année… Cependant, les chercheurs qui se sont penchés sur l’épigraphie s’accordent pour la dater des années 1080, avant la consécration de l’autel principal par Urbain II en 1096 et probablement avant la mort en 1086 de Guy Geoffroy Guillaume, comte de Poitou (sous le nom de Guillaume VI) et duc d’Aquitaine (sous le nom de Guillaume VIII), fondateur du monastère (revoir son cénotaphe) et arrière grand-père d’Aliénor d’Aquitaine.

Photographie de mars 2013.

Sur Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, voir aussi:

Hugo le trésorier de Saint-Hilaire à Poitiers au 11e siècle (et Aleacis)

Poitiers, chevet de Saint-Hilaire, localisation des inscriptions

En juillet 2011, je vous ai montré sur le chevet de l’église Saint-Hilaire-le-Grand et l’inscription UGO MONEDARIUS (Hugo étant trésorier), je réédite ci-dessous l’article avec une nouvelle photographie. Cette inscription se trouve sur le dé (la partie carrée au centre) du chapiteau sud de l’absidiole sud-est (encadré en rouge). Sur le chapiteau voisin (chapiteau sud-est de l’absidiole sud-est, dans le cadre bleu) se trouve une autre inscription que je n’avais pas réussi à photographier correctement jusque il y a quinze jours, il faut juste le bon éclairage pour qu’elle soit visible… Je l’avais déjà aperçue, mais le temps de rentrer chez moi et d’y retourner, elle était souvent devenue invisible. Cette fois, j’avais par hasard mon appareil photographique avec moi.

Poitiers, chevet de Saint-Hilaire, chapiteau avec inscription ALEACISSur ce chapiteau est porté le mot ALEACIS, un prénom féminin qui n’a jusqu’à présent, à ma connaissance, été rapporté à aucun personnage connu.

Article du 3 juillet 2011

Jeudi dernier, je vous conseillais de jouer avec le patrimoine roman de Poitou-Charentes, en vous montrant une mauvaise photographie de la mort d’Hilaire, dans l’église Saint-Hilaire de Poitiers. Du coup, j’ai eu envie de vous montrer un autre élément exceptionnel de cette église, sur le chevet, du côté sud (dans le cadre rouge ci-dessus). Il s’agit d’une inscription du 11e siècle. Les inscriptions de cette époque donnant des noms de commanditaires ou de constructeurs sont assez rares. Il y en a une sur un chapiteau de l’église Saint-Pierre à Chauvigny, « Gofridus me fecit » (Geoffroy m’a fait ou m’a fait faire, à voir sur cet article consacré au chapiteau de l’Enfance de Jésus), il y en a quelques autres dans la région, mais vraiment très peu: voir par exemple Rotbertus à Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, un autre Rotbertus à Thézac en Charente-Maritime, Gliglemmus à Saint-Pompain dans les Deux-sèvres ou encore un certain Aimeric / FACERE ME AIMERICUS ROGAVIT / dans l’église Saint-Hilaire de Melle.

Poitiers, chevet de l'église Saint-Hilaire, l'inscription romane, 2, le chapiteau Revenons au chevet de l’église Saint-Hilaire à Poitiers, sur le premier chapiteau de l’absidiole sud-est… Comment ça, vous ne voyez toujours pas?

Poitiers, chevet de Saint-Hilaire, chapiteau avec inscription UGO MONEDARIUSEt avec un coup de zoom, c’est mieux? Vous devez réussir à lire « VGO MONE / DARIVS « , Hugo étant trésorier… Je pense que peu de visiteurs de cette église l’ont repérée, même si elle a été publiée dans divers ouvrages plus ou moins pour le grand public et si elle est mentionnée dans la petite plaquette en vente pour les visiteurs dans l’édifice…

Poitiers, chevet de l'église Saint-Hilaire, aperçu de la corniche à modillons et métopes Surtout que lorsque l’on regarde ce chevet, on est immanquablement attiré par d’autres chapiteaux ornés de personnages, d’animaux et autres, ainsi que par les modillons qui soutiennent la corniche ou les métopes sculptés entre ces modillons. Je vous détaillerai une prochaine fois ce décor…

Il y a une autre inscription médiévale à Saint-Hilaire de Poitiers, des graffitis médiévaux (dont un alphabet) sur l’une des colonnes qui encadrent le tombeau de Constantin de Melle.

Ah, et pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec ces mots, voici la même photographie avec les mots corniche, modillons, métopes et chapiteaux… C’est plus facile en schéma qu’en définition…

Pour aller plus loin : voir l’article de Robert Favreau, La dédicace de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, Revue historique du Centre-Ouest, t. III, 2e semestre 2004, Poitiers, Société des Antiquaires de l’Ouest, paru en 2005. Voir aussi le Corpus des inscriptions de la France médiévale. T. I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, p. 33-77.

Un peu de vocabulaire, corniche, modillon, métope, chapiteau

Saint-Hilaire-le-Grand

Chapiteau de l’Apocalypse à Saint-Pierre de Chauvigny

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 01, positionnement L’église collégiale Saint-Pierre, en ville haute de Chauvigny (Vienne) est célèbre notamment pour les chapiteaux du chœur, richement sculptés avec des repeints du 19e siècle… mais qui reprend sans doute une partie des peintures romanes. La lutte du bien et du mal est omniprésente dans ce programme sculpté. Après le chapiteau consacré à l’Enfance de Jésus, voici un chapiteau dont le thème principal (mais pas unique) tourne autour de l’Apocalypse. C’est l’un des chapiteaux les plus « bavard » de l’église, avec des légendes inscrites partout… N’allez pas mal interpréter les scènes, tout est expliqué aux chanoines (les paroissiens, à l’époque romane, n’avaient pas accès à cette partie de l’église).

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 02, annonce aux bergers Dans l’ordre de la Bible, la première face est la face nord, qui regarde vers le chœur. Elle ne porte pas une scène de l’Apocalypse mais la cinquième scène du programme sculpté consacrée à l’Enfance de Jésus. Il s’agit de l’annonce aux bergers, qui débordent sur les faces adjacentes. Leurs moutons (bizarrement figurés) sont poussés devant eux.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 03, l'archange de l'annonce aux bergers

L’archange Gabriel (GABRIEL ANGELUS sur son auréole) se tient au milieu de la scène, occupe presque tout le chapiteau avec ses ailes déployées et ses mains largement ouvertes. Il porte la parole de Dieu (DIXIT GLORIA IN EXCELSIS DEO) et est chargé d’annoncer aux bergers que le Christ est né.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 04, berger et moutons Débordant sur la face à droite se trouve un berger avec deux moutons. La légende déborde sur la face ouest du chapiteau : PASTOR BONUS, le bon pasteur.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 05, détail d'un berger A l’opposé, débordant en partie sur la face est du chapiteau, deux autres bergers (PASTORES).

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 06, la Babylone maudite

La face est est envahie par les éléments des scènes adjacentes, le berger à droite, nous l’avons vu, et aussi à gauche, le diable qui tire sur un plateau de la pesée des âmes.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 07, le prophète méditant sur les ruines La scène centrale montre un homme assis, représenté de profil, la tête tournée vers le spectateur dans un air pensif, se tenant la tête de la main gauche. Là, l’identification n’est pas évidente, mais le texte associé donne la clef : « BABILONIA DESERTA » (Babylone maudite). Il s’agit d’un prophète qui médite devant la ruine de la Babylone terrestre.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 08, la pesée des âmes La troisième scène se développe sur la face sud du chapiteau, tout en débordant assez largement à l’est. Il s’agit de la pesée des âmes.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 10, l'archange de la pesée des âmes

Au centre, l’archange Michel (MICAEL ARCANGELUS), les ailes déployées, fait un signe de bénédiction de la main droite et porte de la main gauche la balance destinée à peser les âmes.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 09, l'âme et de diable

Une de ces âmes, représentée traditionnellement sous les traits d’un personnage nu (voir l’âme d’Hilaire sur le chapiteau de la mort d’Hilaire à Poitiers ou les âmes du jugement dernier de la cathédrale Saint-Pierre à Poitiers encore). A l’opposé, un diable s’accroche à un plateau de la balance pour tenter de l’orienter vers l’enfer.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 11, la Grande prostituée de Babylone

La dernière face, vers l’ouest, représente la grande prostituée de Babylone (BABILONIA MAGNA MERETRIX, Apocalypse 17, 1-18). c’est une scène très rarement représentée dans l’art roman.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 12, inscriptions de la Grande prostituée

L’inscription s’emmêle un peu avec celle du bon pasteur… Elle est représentée de manière impudique, les cheveux dénoués et non voilés, les jambes écartées sous sa robe richement ornée…

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Apocalypse, 13, mains de la Grande prostituée Elle tient dans ses mains une coupe (la coupe d’or pleine de l’abomination, dit l’Apocalypse) et un petit vase à parfum.

Les photographies datent de juillet 2012.

Chapiteau de l’Enfance du Christ à Saint-Pierre de Chauvigny

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 01, positionnement L’église collégiale Saint-Pierre, en ville haute de Chauvigny (Vienne) est célèbre notamment pour les chapiteaux du chœur, richement sculptés avec des repeints du 19e siècle… mais qui reprennent sans doute une partie des peintures romanes. La lutte du bien et du mal est omniprésente dans ce programme sculpté. Je commence aujourd’hui par le chapiteau situé dans l’axe du chœur et qui présente quatre scènes consacrées à l’Enfance de Jésus. Une cinquième scène (l’Annonce aux bergers) se trouve sur un autre chapiteau, dominé par le thème de l’Apocalypse

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 02, Annonciation La première scène, dans l’ordre chronologique de l’histoire dans le Nouveau testament, se trouve non pas sur la face que l’on voit en regardant le chœur, mais sur la face sud. La scène est rapportée dans Luc 1, 26-38: l’archange Gabriel annonce à Marie qu’elle va donner naissance à Jésus, fils de Dieu.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 03, Marie et archange de l'Annonciation Marie (identifiée par S. MARIA), à gauche, accueille la nouvelle les mains ouvertes, tandis que l’archange lui présente une croix.

(Je vous ai déjà montré des scènes de l’Annonciation à Poitiers sur la partie droite du portail Saint-Michel de la cathédrale et sur la façade de l’église Notre-Dame-la-Grande).

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 04, Adoration des mages

Sur la face ouest du chapiteau, la plus visible, est représentée l’adoration des mages. Chronologiquement, cette scène se situe après la Nativité (Luc 2, 7, à revoir à Poitiers, sur la façade de l’église Notre-Dame-la-Grande) et l’Annonce aux bergers (sur un autre chapiteau de l’église Saint-Pierre à Chauvigny). Avant d’arriver, les rois mages ont eu quelques péripéties (Matthieu 2, 7-10) que l’on peut voir par exemple sur la partie gauche du portail saint Michel de la cathédrale de Poitiers. L’adoration des mages (Matthieu 2, 11) se trouve également sur la partie droite du portail saint Michel de la cathédrale de Poitiers. Revenons à Chauvigny. Marie (à nouveau identifiée par une inscription sur son auréole, SANCT MARIA), tenant Jésus sur ses genoux, trône au centre du chapiteau et est encadrée par deux rois mages à gauche et un à droite. Ils apportent leurs présents.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 05, Vierge à l'Enfant

A gauche est représentée l’étoile du berger, qui a guidé les rois mages, et à droite la main de Dieu.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 06, inscription Godefridus me fecit

Ce chapiteau est surtout célèbre pour son inscription « GOFRIDUS ME FECIT », Geoffroy m’a fait ou m’a fait faire (selon que l’on traduise une forme active ou passive du verbe), mentionnant soit le sculpteur, soit le commanditaire de cet ensemble sculpté.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 07, présentation au Temple

La face sud du chapiteau porte une scène peu fréquente dans l’art roman, la présentation au Temple (Luc 2, 22-39). Sur la droite de cette face se trouve le dernier roi mage de la face précédente.

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 08, Siméon et le Christ

A gauche, Siméon (SIMEON) accueille au-dessus de l’autel Jésus (le nimbe cruciforme suffisait à l’identifier, l’inscription IHS XPS est superflue) présenté par sa mère (SANCTA MARIA). Cette église est décidément bavarde… avec de nombreux textes pour expliciter les scènes pourtant claires… surtout pour les chanoines qui à l’époque avaient seuls accès au chœur…

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 09, Tentation au désert

La face est du chapiteau porte également une scène assez rarement représentée, la tentation au désert (Luc 4, 1-13, Matthieu 4, 1-11).

Chauvigny, église Saint-Pierre, chapiteau de l'Enfance, 10, le Christ et le diable du désert Le Christ, à gauche, fait face au diable… que je trouve très réussi avec ses pattes arrières griffues, ses ailes et ses grandes dents.

Photographies de juillet 2012.

Poitiers, le clocher de Saint-Porchaire restauré

Poitiers, église Saint-Porchaire, 1, sous bâche Le clocher-porche de l’église Saint-Porchaire à Poitiers, que je vous ai déjà présenté avec une série de cartes postales anciennes, a passé quelques mois en restauration… Un seul regret, les guirlandes de leds en tube plastique qui éclairent l’intérieur du clocher-porche.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 2, façade restaurée Il a été dévoilé il y a peu, le résultat est impressionnant, je vous en montrerai d’autres détails dans les prochaines semaines, et vous montre aujourd’hui des détails des chapiteaux du portail, dont la sculpture date de la fin du 11e siècle.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 4, chapiteaux gauches du portail, oiseaux à la coupe et lions A gauche, les deux chapiteaux portent des lions et des oiseaux buvant dans une coupe, un thème que je vous ai déjà présenté sur la façade de Notre-Dame-la-Grande.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 3, chapiteaux gauches du portail, lion et oiseau Voici une autre vue prise de face…

Poitiers, église Saint-Porchaire, 5, chapiteaux gauches du portail, détail inscription LEO / NES Et une vue de détail des lions du chapiteau interne, avec l’inscription LEO / NES (lions) de part et d’autre de l’arbre stylisé qui sépare les deux lions.

Poitiers, église Saint-Porchaire, chapiteau avec Daniel dans la fosse aux lions De l’autre côté, sur le piédroit gauche, je vous ai déjà montré avant nettoyage Daniel dans la fosse aux lions (voir ce premier article pour l’histoire de Daniel, ou bien dans l’ancien Testament, Daniel 6, 2-29).

Poitiers, église Saint-Porchaire, 6, chapiteaux droits du portail, lion et Daniel Après nettoyage… voici l’ensemble, avec les lions dressés sur le chapiteau interne et Daniel dans la fosse aux lions sur le chapiteau externe.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 7, chapiteaux droits du portail, Daniel dans la fosse aux lions

Daniel est représenté au centre de la face principale du chapiteau, debout, bras ouverts. Sur la mandorle (la forme en amande qui l’entoure), l’inscription n’est guère plus lisible qu’auparavant, mais elle a été publiée « Hic Daniel Domino vi[ncit] coetum leoninum » (voir le Corpus des inscriptions médiévales, département de la Vienne, R. Favreau et J. Michaud, 1974). De chaque côté, en bas, un lion vaincu vient lécher la mandorle. En haut à gauche, la main de Dieu émerge des nuées.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 8, chapiteaux droits du portail, Habacucq Sur la droite, tout en haut, un ange est figuré tête vers le bas. Il tient par les cheveux le prophète Habaquq qui apporte à Daniel un pain rond et un autre objet. La représentation d’Habaquq dans la scène de Daniel dans la fosse aux lions se retrouve par exemple sur une chapiteau de la façade de l’église de Mons, en Charente ou sur le chapiteau déjà cité plus haut dans le chœur de l’église Sainte Radegonde à Poitiers.

Poitiers, église Saint-Porchaire, 9, chapiteaux droits du portail, lions de Daniel À gauche se trouve un curieux monstre, avec un buste humain, un arrière-train de lion et une queue terminée par une tête de serpent.

Des graffitis médiévaux à Saint-Hilaire de Poitiers

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, emplacement des grafittis médiévaux J’ai longtemps hésité à vous monter ces graffitis, mais la multiplication de graffitis actuels qui les menacent m’incitent à vous les montrer avant qu’ils ne soient détruits… en espérant que la ville de Poitiers prendra conscience de l’importance de ceux-ci et leur offre une protection, ils sont actuellement dans le jardin qui sépare l’église Saint-Hilaire le Grand (revoir son chevet) du Clos Saint-Hilaire, dont je vous ai parlé la semaine dernière. Nous sommes donc sur l’enfeu de Constantin de Melle, sur les deux zones encadrées.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, deux début d'alphabet et un jeu de mérelle Sur la colonnette gauche est gravé le début d’un alphabet en minuscule, un tracé qui ressemble à un jeu de mérelle (ou jeu du moulin) et le début d’un alphabet en majuscule. Il pourrait être contemporain du tombeau, à la fin du 11e siècle.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, le début de l'alphabet minuscule Le tracé de l’alphabet renvoie (voir références en fin d’article) au rituel de consécration de l’église, dans lequel l’évêque trace au sol avec de la cendre un alphabet latin et un alphabet grec. Des alphabets gravés ont aussi été trouvés dans un certains nombres d’églises romanes. L’alphabet en minuscule est tracé ici de a à m, sans le J (à l’époque, I et J se confondent). Pas de k non plus. Voici le détail de a à g…

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, alphabet minuscule et le jeu de mérelle … et en tournant autour de la colonnette, de e à m. En-dessous, on voit un jeu de mérelle ou de marelle ou jeu du moulin (voir la règle du jeu par exemple ici) est un jeu qui devient familier au 14e siècle. Son tracé rappelle celui du labyrinthe (voir les interprétations de ce dernier dans l’article sur le labyrinthe de la cathédrale de Poitiers).

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, le début de l'alphabet en majuscule

En dessous se trouve le début d’un alphabet en majuscule, A, B, C et D avec la courbe du D à l’envers. Il s’agit bien d’un alphabet latin, et non de l’alphabet grec. La forme du A incite à dire que cet alphabet majuscule est de la même main que les minuscules au-dessus.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, trois croix (flèches bleues) et un jeu de mérelle Un autre jeu de mérelle (flèche rouge) est tracé sur le mur du fond de l’enfeu. Il est accompagné de plusieurs croix (flèches bleues) et est sans doute lié au passage de pèlerins.Son tracé est plus hésitant que le précédent. Au passage, rappelons que mérelle est aussi le nom de la coquille du pèlerin.

Pour aller plus loin :

– Cécile Treffort : Opus litterarum, l’inscription alphabétique et le rite de la consécration de l’église (IXe-XIIe siècle), Cahiers de civilisation médiévale, n° 53, 2010, p. 153-180.

– plus facile à trouver, mais juste quelques lignes sur le sujet, p. 222 : Cécile Treffort, l’amour des lettres: culture écrite et jeux graphiques en Poitou et dans les pays charentais à l’époque romane, dans le catalogue de l’exposition L’âge roman, arts et culture en Poitou et pays charentais (Xe-XIIe siècles), musée de Poitiers, 2011, éditions Gourcuff-Gradenigo.

Les clefs de voûte de la cathédrale de Poitiers

Poitiers, la clef portant la date de 1167 dans la cathédrale Il existe dans la cathédrale de Poitiers des clefs de voûte très intéressantes, hélas pas facile à photographier avec un appareil ordinaire et sans éclairage. Si vous voulez les voir vraiment, il faut que vous alliez les voir sur place avec des jumelles ou dans le livre que je vous ai signalé en fin d’article (page 48 pour la première, pages 133-135 pour les autres). La première se trouve dans la dernière travée centrale du chœur (juste devant le grand vitrail). Elle porte l’inscription « IN QUO A(nno) MCLXVII », en cette année 1167. Mais elle est écrite de manière curieuse. Vous avez la nervure centrale et les petits bourrelets autour. Dans les angles en bas de ce dernier, vous avez I d’un côté, N de l’autre. Sur la nervure en haut, A à gauche, VO à droite. Le A. pour Anno se trouve entre le Q et le VO. Ensuite, il faut lire en tournant. Sur la barre horizontale de la nervure, vous pouvez lire à gauche le M, en bas le C écrit tourné vers le haut, à droite le LX et au centre VII.

Schéma de la cathédrale de Poitiers, 1, dates sur la clef

Voici ci-dessous ce que ça donne sur un schéma. A quoi correspond cette année? A la fin de la construction de la voûte au moins de la partie orientale de la cathédrale, c’est l’année de la naissance de Jean (sans Terre), fils d’Aliénor d’Aquitaine, en Angleterre, que l’on ne voit pas non plus sur le grand vitrail (en bas à droite de celui-ci, il y a le plan de la cathédrale porté par les commanditaires des premiers travaux, Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt, encadrés de 4 enfants, soit Henri, Mathilde, Richard -le futur Richard Cœur de Lion et Geoffroy, Guillaume étant déjà décédé et Aliénor, Jeanne et Jean pas encore nés, donc le vitrail a sans doute été réalisé avant 1161, année de naissance de Mathilde. D’après les estimations (pour plus d’arguments, voir le livre cité en fin d’article), le chantier de la cathédrale a dû commencer entre 1154 et 1162.

Poitiers, les clefs historiées de la cathédrale

Vraiment désolée, on n’y voit pas grand chose…Nous sommes ici un peu plus tard que pour la clef de voûte portant la date, il y a eu un changement d’option de voûtement dans le chantier, et ces clefs sont sans doute réalisées entre 1180 et 1220/1230. J’ai organisé ici ce que l’on voit autour de la croisée du transept (au centre) où il y a un oculus pour laisser passer la corde des cloches, et les 7 clefs de voûte qui l’entourent, en haut nous sommes vers le chœur (dans la première des trois travées du chœur), en bas dans la troisième et dernière travée de la nef et les collatéraux, sur la ligne centrale dans l’axe du transept. Voici un schéma pour mieux vous repérer (attention, c’est juste un schéma, non conforme à l’échelle et à la forme exacte de la cathédrale).

Schéma de la cathédrale de Poitiers, 2, plan de la cathédrale

A part l’agneau, toutes les figures sont représentées à mi corps. Sur l’oculus central se trouvent 13 anges, 5 groupes de deux et trois seuls. Ils portent des livres, une croix, une couronne, un linge, une couronne d’épines. Pour les autres clefs, voici leurs thèmes en commençant en bas à gauche et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre autour de l’oculus :

– un ange portant une petite croix avec un tau gravé,

– saint Paul déroulant un phylactère, une Vierge à l’Enfant (tous deux couronnés),

– saint Pierre bénissant de la main droite et portant une grosse clef dans la main gauche,

– un ange portant une croix dans sa main droite et une couronne dans la gauche,

– l’Agneau de Dieu avec une croix et un oriflamme sur le dos, son nimbe a un curieux décor,

– et le Christ représenté en buste sur un fond de feuillage et tenant une hostie dans la main gauche sa main droite est cassée, mais la position du coude laisse supposer qu’il bénissait).

Les clefs de voûte de la cathédrale de Poitiers ont été exclues par Y. Blomme de son étude sur les clefs de voûte du domaine Plantagenêt (parce qu’ici, il y a une influence d’artistes venus du nord), mais je trouve qu’elles sont quand même très proches de celles qu’il mentionne (voir référence ci-dessous), en particulier celles de l’église d’Airvault dans les deux-Sèvres.

Pour aller plus loin :

  • un livre : Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).
  • un article : Blomme, Yves. L’image de l’apocalypse dans la sculpture gothique Plantagenêt (XIIe et XIIIe siècles). Dans Apocalypse, imaginaire et création artistique, sous la direction de Marie-Claude Rousseau, Cahiers du CIRHiLL, Hors série 2004, Angers, Édition de l’UCO, p. 19-45.

L’Annonciation, façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, l'Annonciation, vue générale de la scène

J’ai déjà édité cet article le 29 mars 2009 (juste après la date de l’Annonciation, le 25 mars), mais je n’avais mis qu’une mauvaise photographie faite avec mon ancien appareil photo. J’ai donc repris une vue générale et des photographies de détail, que je vous montre aujourd’hui avant de poursuivre avec le texte de mon précédent article.

Cette Annonciation à Marie par l’archange Gabriel de sa grossesse se trouve sur la façade de l’église Notre-Dame-la-Grande (voir la dernière image de cet article pour sa localisation). Sur la gauche de cette scène quand on regarde la façade se trouvent quatre prophètes et sur la droite, l’arbre de Jessé. Sous les pieds de Marie se trouve une sirène (un triton plutôt), pour lequel j’ai aussi mis une nouvelle photographie (ainsi que pour les deux éléphants affrontés).

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, l'Annonciation, détail de l'archange gabriel L’ange est un peu plus petit que Marie (question de hiérarchie)… du coup, le sculpteur a eu la place de mettre des petites plantes sous ses pieds. Alors que Marie est représentée de face, l’archange est lui sculpté de trois quarts, vêtu d’une longue robe (sa manche gauche tire-bouchonne), les deux bras tendus vers Marie.

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, inscription MARIA sur l'AnnonciationEntre les têtes de l’ange et de Marie est gravée et peinte l’inscription « MARIA ».

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, la Vierge de l'AnnonciationCette dernière est vêtue d’un riche vêtement et c’est une des figures de cette façade qui a conservé le plus de vestiges de polychromie.Vous remarquerez le plissé du bas de sa robe, on aperçoit aussi son long vêtement de dessous, non plissé, qui dépasse légèrement en bas et ses chaussures pointues en appui sur la petite moulure…

Poitiers, façade de Notre-Dame-la-Grande, la Vierge de l'Annonciation, détail du vêtement Voici de plus près le détail de son vêtement. Sa robe de dessus a de larges manches suivant la mode romane (à voir aussi dans l’exposition, en ligne sur cette page, ou sur l’un des lieux où elle circule, plus d’information sur le site la Région Poitou-Charentes / service de l’inventaire général du patrimoine culturel), avec un col en V richement orné. De ce col dépasse celui de sa chemise de dessous (la chainse). La robe est maintenue par une ceinture composée d’une cordelette fermée par un nœud plat. Notez au passage ses deux longues tresses qui lui reviennent sur l’épaule droite. Pour avoir une idée de la reconstitution des couleurs, depuis 1995 et la restauration de la façade sont projetées chaque soir d’été et des vacances de noël sur la façade des images colorisées par Skerzo.

Retrouvez le thème de l’Annonciation (Luc 1, 26-38) : à Chauvigny sur un chapiteau du choeur de l’église Saint-Pierre ; à Poitiers, sur la partie droite du portail Saint-Michel de la cathédrale et sur la façade de l’église Notre-Dame-la-Grande.

[suite de l’article du 29 mars 2009]

L’Annonciation… Et oui, noël est dans neuf mois, elle a eu de la chance, Marie, l’archange Gabriel lui aurait ainsi annoncé la naissance à venir de Jésus dès le jour de sa conception… Euh, non, je n’ai pas du bien comprendre, pas de préservatif (oups ! En plus, ils n’étaient que fiancés, Joseph et Marie, alors… ), mais pas de conception… au sens charnel ! Pas d’Immaculée Conception non plus en dehors des catholiques (pour les orthodoxes et les protestants, cette notion n’existe pas…). Quant au pêché du monde (le pêché originel, c’est à l’extrême gauche de la façade) qui aurait ainsi été lavé… parce qu’elle est vierge et enceinte, c’est une question de théologie, contactez donc un prêtre ou lisez un catéchisme pour vous faire expliquer la question. Si nous ne voulons pas que ceux-ci se mêlent de notre vie privée ou de science (oui, l’évolution des espèces est un fait scientifiquement prouvé, et non, Mgr André Fort, évêque d’Orléans, les préservatifs ne sont pas poreux au virus du SIDA), alors ne nous mêlons pas de théologie. Je vous propose quand même de (re)lire la bible (dans quelle traduction ? À vous de choisir), par exemple Luc, 1, 26-38 pour l’Annonciation.

Façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, flèche à l'emplacement de l'Annonciation Un peu d’histoire, même si je reparlerai de cette église : mentionnée au 10e siècle, l’église Notre-Dame-la-Grande est construite en partie sur des fondations romaines et conserve sur son élévation nord un mur qui pourrait dater entre l’Antiquité tardive et l’époque carolingienne… Elle a été reconstruite et consacrée en 1086 par Eudes de Châtillon, le futur pape . Il s’agissait alors d’une collégiale (avec un chapitre de chanoines). Il faudra que je vous montre le reste de la façade et l’intérieur…

Un peu de lecture :
– pas cher et pratique à emporter pour une visite sur place, paru à l’occasion de la fin des travaux de restauration de la façade, un Itinéraire du patrimoine, n° 85, dirigé par Yves-Jean Riou, La collégiale Notre-Dame-la-Grande, éditions Connaissance et promotion du patrimoine de Poitou-Charentes (CPPPC), 1995.
– beaucoup plus cher, très illustré, sous la direction de Claude Andrault-Schmitt et Marie-Thérèse Camus, Notre-Dame-la-Grande, l’œuvre romane, éditions Picard, CESCM, 2002.

Et retournez lire mes articles consacrés à cette église – collégiale Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, petit joyau de l’art roman :