Archives par étiquette : Agneau

Les vitraux de Jacques Villon dans la cathédrale de Metz

Cathédrale de Metz, vitraux de Marc Chagall, déambulatoire, baie gauche, lutte de Jacob et de l'AngeDans l’édition du 6 août 2014 du Canard enchaîné, je découvre les déboires de l’artiste-verrier Jean-Pierre Raynaud, démarché il y a un an par un chanoine de la cathédrale de Metz qui vient de découvrir une de ses créations à Noirlac. Commande est passée pour un projet, il reste des baies non refaites après les bombardements de la Deuxième guerre mondiale. Il dessine un carton avec un damier de carreaux blancs et de carreaux portant le signe nucléaire en noir, sa « thématique du bien et du mal à partir de l’atome » (dixit le chanoine), n’a pas été comprise. L’État propriétaire ne bronche pas, projet rejeté! Les prédécesseurs à la cathédrale avaient plus d’ouverture d’esprit en acceptant les vitraux de Marc Chagall (l’illustration, revoir le paradis terrestre, la baie gauche des prophètes et des rois, la baie droite des rois et des prophètes), de Roger Bissière et de Jacques Villon… objets de l’article du jour!

Cathédrale de Metz, chapelle du sacrement, vitraux de Jacques VillonLes vitraux de la cathédrale de Metz sont les seuls réalisés par l’artiste Jacques Villon (frère de Marcel Duchamps… revoir l’exposition Jacques Villon en 2012 au musée des Beaux-Arts d’Angers pour quelques éléments biographiques). Ils se situent dans la chapelle du Saint-Sacrement (la deuxième à droite en entrant) et les thèmes ont été imposés par le Commanditaire…

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, signature et 1957… et ont été réalisés en 1957, comme en atteste la signature,

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, signature, date et atelier de Simon et Marq… par les ateliers l’atelier de Charles Marq, Brigitte et Jacques Simon à Reims (maître-verrier de père en fils depuis 1640), comme quelques années plus tard les vitraux de Marc Chagall.

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, première baie, l'exodeLa première baie à gauche illustre l’Exode (vitraux aussi appelés La Pâque ou l’Agneau pascal). Certes, le réseau de plomb, les lignes abondantes, les nuances de bleu en bas, de rouge, de jaune et de vert en haut, ne sont pas très figuratifs, mais prouvent l’audace des commanditaires à insérer ces vitraux lors de la Restauration / reconstruction de la cathédrale. Dans la zone claire un peu jaune, je pense que vous distingués quand même l’Agneau de Dieu.

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, deuxième baie, la CèneLa deuxième verrière illustre la Cène. Cette fois, je pense qu’il est facile de reconnaître la table, la vaisselle et les apôtres, disposés en diagonale, ce qui change des Cènes « frontales » de l’art classique. Le premier personnage en bas à gauche est Juda (en jaune) qui, contrairement aux autres, tend son assiette (en bleu de l’autre côté de la table).

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, troisième baieLa troisième verrière, dans l’axe de la chapelle, est consacrée à la Crucifixion. Là encore, le Christ sur sa croix, en blanc/jaune dans la zone verte en haut, est facilement identifiable. En bas à droite, sur fond bleu, se détachent le visage et les mains de Marie.

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, quatrième baieLes Noces de Cana occupent la quatrième verrière. Au premier plan, les jarres dans lesquelles le Christ aurait transformé l’eau en vin (Jean, 2, 1-11)… L’Évangile parle de six jarres, j’en compte cinq… mais le Christ (tête sur fond bleu au-dessus des jarres) en tient peut-être une dans les mains…

Cathédrale de Metz, vitraux de Jacques Villon, cinquième baieLa dernière verrière quand on compte à partir de la gauche (donc la première à droite) est consacrée au rocher de l’Horeb, frappé par Moïse pour en faire jaillir une source (Exode 17, 6).

Cathédrale de Metz, vitraux de Marc Chagall, déambulatoire, baie gauche, Moïse et le buisson ardentCe rocher est plus célèbre pour son buisson ardent (Exode, 3, 1 ; 1Rois, 19, 8), où Moïse a reçu de Dieu les Tables de la Loi avec les 10 commandements. On trouve juste un peu plus loin dans la cathédrale une version du Buisson ardent, par Marc Chagall réalisée quelques années plus tard.

Pour aller plus loin : voir Christian Schmitt, Les Vitraux de Jacques Villon – Cathédrale Saint-Étienne de Metz, éditions des Paraiges, 2014.

Voir aussi le livre 101 vues de la cathédrale de Metz, par la Médiathèque de Metz sur Calaméo (pages 42 et suivantes, article d’Anne Dell’essa).

Photographies de juillet 2012.

Les clefs de voûte de la cathédrale de Poitiers

Poitiers, la clef portant la date de 1167 dans la cathédrale Il existe dans la cathédrale de Poitiers des clefs de voûte très intéressantes, hélas pas facile à photographier avec un appareil ordinaire et sans éclairage. Si vous voulez les voir vraiment, il faut que vous alliez les voir sur place avec des jumelles ou dans le livre que je vous ai signalé en fin d’article (page 48 pour la première, pages 133-135 pour les autres). La première se trouve dans la dernière travée centrale du chœur (juste devant le grand vitrail). Elle porte l’inscription « IN QUO A(nno) MCLXVII », en cette année 1167. Mais elle est écrite de manière curieuse. Vous avez la nervure centrale et les petits bourrelets autour. Dans les angles en bas de ce dernier, vous avez I d’un côté, N de l’autre. Sur la nervure en haut, A à gauche, VO à droite. Le A. pour Anno se trouve entre le Q et le VO. Ensuite, il faut lire en tournant. Sur la barre horizontale de la nervure, vous pouvez lire à gauche le M, en bas le C écrit tourné vers le haut, à droite le LX et au centre VII.

Schéma de la cathédrale de Poitiers, 1, dates sur la clef

Voici ci-dessous ce que ça donne sur un schéma. A quoi correspond cette année? A la fin de la construction de la voûte au moins de la partie orientale de la cathédrale, c’est l’année de la naissance de Jean (sans Terre), fils d’Aliénor d’Aquitaine, en Angleterre, que l’on ne voit pas non plus sur le grand vitrail (en bas à droite de celui-ci, il y a le plan de la cathédrale porté par les commanditaires des premiers travaux, Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt, encadrés de 4 enfants, soit Henri, Mathilde, Richard -le futur Richard Cœur de Lion et Geoffroy, Guillaume étant déjà décédé et Aliénor, Jeanne et Jean pas encore nés, donc le vitrail a sans doute été réalisé avant 1161, année de naissance de Mathilde. D’après les estimations (pour plus d’arguments, voir le livre cité en fin d’article), le chantier de la cathédrale a dû commencer entre 1154 et 1162.

Poitiers, les clefs historiées de la cathédrale

Vraiment désolée, on n’y voit pas grand chose…Nous sommes ici un peu plus tard que pour la clef de voûte portant la date, il y a eu un changement d’option de voûtement dans le chantier, et ces clefs sont sans doute réalisées entre 1180 et 1220/1230. J’ai organisé ici ce que l’on voit autour de la croisée du transept (au centre) où il y a un oculus pour laisser passer la corde des cloches, et les 7 clefs de voûte qui l’entourent, en haut nous sommes vers le chœur (dans la première des trois travées du chœur), en bas dans la troisième et dernière travée de la nef et les collatéraux, sur la ligne centrale dans l’axe du transept. Voici un schéma pour mieux vous repérer (attention, c’est juste un schéma, non conforme à l’échelle et à la forme exacte de la cathédrale).

Schéma de la cathédrale de Poitiers, 2, plan de la cathédrale

A part l’agneau, toutes les figures sont représentées à mi corps. Sur l’oculus central se trouvent 13 anges, 5 groupes de deux et trois seuls. Ils portent des livres, une croix, une couronne, un linge, une couronne d’épines. Pour les autres clefs, voici leurs thèmes en commençant en bas à gauche et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre autour de l’oculus :

– un ange portant une petite croix avec un tau gravé,

– saint Paul déroulant un phylactère, une Vierge à l’Enfant (tous deux couronnés),

– saint Pierre bénissant de la main droite et portant une grosse clef dans la main gauche,

– un ange portant une croix dans sa main droite et une couronne dans la gauche,

– l’Agneau de Dieu avec une croix et un oriflamme sur le dos, son nimbe a un curieux décor,

– et le Christ représenté en buste sur un fond de feuillage et tenant une hostie dans la main gauche sa main droite est cassée, mais la position du coude laisse supposer qu’il bénissait).

Les clefs de voûte de la cathédrale de Poitiers ont été exclues par Y. Blomme de son étude sur les clefs de voûte du domaine Plantagenêt (parce qu’ici, il y a une influence d’artistes venus du nord), mais je trouve qu’elles sont quand même très proches de celles qu’il mentionne (voir référence ci-dessous), en particulier celles de l’église d’Airvault dans les deux-Sèvres.

Pour aller plus loin :

  • un livre : Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).
  • un article : Blomme, Yves. L’image de l’apocalypse dans la sculpture gothique Plantagenêt (XIIe et XIIIe siècles). Dans Apocalypse, imaginaire et création artistique, sous la direction de Marie-Claude Rousseau, Cahiers du CIRHiLL, Hors série 2004, Angers, Édition de l’UCO, p. 19-45.

Les reliefs de l’église Saint-Michel à Confolens

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 1, l'ange Il y avait une troisième église romane à Confolens, l’église Saint-Michel, en plus de de l’église Saint-Barthélemy (revoir ici les reliefs de sa façade) et de l’église Saint-Maxime. C’est d’ailleurs dans cette dernière que les reliefs sont visibles aujourd’hui, sur le mobilier liturgique. Vous pouvez approfondir l’histoire de l’église Saint-Michel dans son dossier documentaire et dans celui des reliefs. Il s’agissait d’une église romane, probablement du 12e siècle, les reliefs étant très proches de ceux de l’église Saint-Maxime à Confolens ou de l’église Saint-Étienne à Esse. L’église Saint-Michel fut détruite au début du 19e siècle, il en restait le clocher, à son tour démoli une cinquantaine d’années plus tard, les matériaux étant alors récupérés pour la reconstruction du clocher de Saint-Maxime en 1859. Revenons à nos reliefs… Ils ont été trouvés vers 1980 dans les décombres d’une maison proche de l’ancienne église Saint-Michel et ont été inclus en 2000 dans le mobilier moderne du chœur de l’église Saint-Maxime. Le premier, qui était à gauche, est aujourd’hui inséré dans le lutrin.

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 2, détail de l'ange Il s’agit d’un ange (facile, avec les ailes…), probablement d’un archange à cause de l’auréole. Il porte, enroulé sur son bras droit, un phylactère, bandelette de cuir où est écrit le texte sacré.

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 3, l'Agneau pascal Sur l’autel, le relief qui se trouvait au centre porte l’Agneau pascal, reconnaissable à son nimbe cruciforme (symbole du Christ rédempteur) et à la croix au-dessus de son dos.

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 4, détail de l'Agneau et du Livre De sa patte avant gauche, il soutient le Livre (la Bible).

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 5, un saint Sur la tablette (le support du tabernacle), un personnage auréolé, donc un saint, à moitié à genoux, les jambes repliées pour entrer dans le cadre circulaire.

Les reliefs de l'ancienne église Saint-Michel à Confolens, 6, détail du saint Ce cadre est d’ailleurs interrompu pour laisser passer la tête et son auréole. Au passage, vous remarquerez, malgré l’érosion (il ne faut pas oublier que ce relief était sur le portail ouest de l’église Saint-Michel, exposé aux intempéries) que la reliure du Livre était ornée de riches pierreries. Il pourrait s’agir de saint Jean, auteur de l’un des Évangiles.

Quelques précisions : en mars 2010, j’ai profité d’une belle journée printanière à Confolens (pour un colloque) pour faire une série de photographies et partager avec vous quelques-une d’entres elles. Pour plus d’informations sur Confolens et la communauté de communes du Confolentais, deux livres sont toujours en librairie, Parcours du patrimoine n° 325 consacré à Confolens, ou encore l’image du patrimoine Le Confolentais : entre Poitou, Charente et Limousin.