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Un vitrail pour célébrer les morts pour la France de Dinan (église Saint-Malo)

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de DinanA Dinan, il y a bien sûr un monument aux morts public et tout ce qu’il y a de laïc comme le veut la loi du 25 octobre 1919 (symboles religieux interdits, la commission départementale créée en 1920 doit y veiller). Mais à côté de ces monuments publics (sordidement subventionnés en fonction du nombre de morts de la commune entre 1920 -loi de finance- et 1925 -suppression des aides), il existe des lieux de commémoration dans la plupart des églises, qui peuvent aller d’une simple plaque avec le nom des membres du clergé et des paroissiens morts pour la France à des monuments plus importants. Dans des cas plus rares, ce sont des vitraux (verrières pour mes collègues et au bureau) qui ont été commandés, c’est le cas dans l’église Saint-Malo, avec en-dessous une plaque avec les noms des morts.

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de DinanLe vitrail se compose de deux grandes parties: en bas un hommage aux soldats, au-dessus l’espoir (il faut y croire…) de l’Église. Et des motifs symboliques dans les lancettes.

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, signatures Magne et ChampigneulleIl porte la signature « H.M. Magne del(t) / Ch. Champigneulle pin(t) / Paris 1921 ». Il est donc l’œuvre de Henri Marcel (Urbain) Magne (Paris, 1877 – Paris, 1944), descendant d’une famille d’architectes, et de Charles Champigneulle, issu d’une grande famille de maîtres-verriers originaire de Metz à qui l’on doit de nombreux vitraux à travers toute la France et particulièrement en Bretagne (au passage, la généalogie de cette famille est complexe, sur de nombreux sites, les vitraux de 1917, 1919 (restauration de la Sainte-Chapelle et de Notre-Dame de Paris) à 1925 (monuments aux morts ou sujets religieux) sont attribués à Louis Charles Marie Champigneulle… fondateur de la Société artistique de peinture sur verre mais mort en 1905! (Il faut que je débrouille l’écheveau de la famille en plongeant dans de la documentation plus sérieuse).

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, partie inférieureBon, revenons à notre vitrail… la moitié inférieure, dédiée « aux enfants de Dinan morts pour la France », représente le champ de bataille et une scène d’enterrement.

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, soldats mortsAu milieu du champ de bataille et des pièces d’artillerie, un soldat semble mort et le porte-drapeau en mauvaise posture, « 94 » rappelle le sacrifice d’hommes jeunes (la classe 1894), même si bien sûr des soldats plus âgés ont aussi payé une lourde contribution à la guerre.

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, soldats survivants et priantsA gauche, les survivants, en uniforme bleu horizon, prient… encouragés par un homme en vareuse marron (l’aumônier?)…

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, tombeauSur la tombe fraîche, un prêtre célèbre les obsèques…

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, la mère, la femme et l'orpheline… face à la veuve, la mère et l’orpheline, un thème fréquemment représenté que je vous invite à (re)voir en sculpture à Angoulême, Confolens, Cahors, etc.

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, partie supérieure religieuseAu ciel, un bel aréopage attend les défunts dans la partie supérieure…

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, évêque et saint Michel un évêque (saint Malo, titulaire de l’église?), l’archange Saint-Michel (avec sa devise « Quis u [t] deus »),

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, Christ et Jeanne d'Arcle Christ et Jeanne d’Arc…

Vitrail aux morts pour la France, église Saint-Malo de Dinan, oriflamme de Jeanne d'Arc portant un oriflamme aux armes de la ville avec les noms « Jhesus Maria ».

 

Photographies d’octobre 2014

Le monument au Poilu libérateur de la Moselle à Metz

Metz, le Poilu de Bouchard, nouvelle versionJe vous ai déjà montré plusieurs monuments commémoratifs des guerres à (revoir : monument aux morts de 1914-1918, hommage aux Hommes de fer, Albert Ier roi des Belges). Aujourd’hui, je vous présente le Poilu libérateur, qui se dresse au bout de l’Esplanade. Et vous allez avoir trois monuments aux morts (voire quatre monuments avec Guillaume Ier) pour le prix d’un! Comme pour les autres monuments de Metz, il a eu une histoire mouvementée.

Metz, le Poilu de Bouchard, première version, 1919Le sculpteur Henri Bouchard (Dijon, 1875 – Paris, 1960), grand prix de Rome en 1901 [revoir le monument à Audouin-Dubreuil à Saint-Jean d’Angély], était lieutenant à Nancy, où il fabriquait des arbres de camouflage [renvoi l’exposition 1917 qui abordait le sujet] et rejoint Metz pour l’entrée des Poilus libérateurs le 19 novembre avec le maréchal Pétain à leur tête. En secret, il réalise entre le 2 et le 7 janvier 1919 ce monument à la façon d’un maquette grandeur nature, en bandes plâtrées (serpillières trempées dans le plâtre) posées sur une armature en fer et grillage, prêt pour la grande parade sur l’emplacement du monument à Guillaume Ier dont il a gardé une partie du socle en remplaçant l’inscription allemande « On les a ». Fragile, le monument n’est jamais fondu en bronze et ne résiste pas aux intempéries mais plusieurs cartes postales l’ont immortalisé.

Metz, monument à Guillaume Ier et Poilu de HannauxUne carte postale propose même un «avant» (monument à Guillaume Ier) et après (monument aux Poilus) qui ne correspond pas au monument de Henri Bouchard mais le suivant…

Metz, Poilu de HannauxSuite à des bisbilles, la municipalité avait en effet décidé de ne pas faire couler en bronze (avec le matériau récupéré des statues allemandes déboulonnées) le Poilu de Bouchard mais de passer commande à un sculpteur local, Emmanuel Hannaux (Metz, 1855 – 1934). Sa maquette est définitivement choisie en 1921 et c’est son Poilu libérateur, inauguré le 5 juin 1922, que l’on peut voir sur cette carte postale et qui sera détruit pendant la Deuxième Guerre mondiale, fondu dès 1940. Il est composé d’un haut socle sur lequel pose un soldat et à sa base, une allégorie de la France victorieuse les bras levés…

Henri Bouchard n’avait toujours pas renoncé à son Poilu et il avait été retenu en 1937 pour le monument aux morts place du Trocadéro (cimetière de Passy). La Deuxième guerre mondiale en décida autrement et ce fut après guerre le projet de Paul Landowski qui fut retenu à Passy…

En 1945, le Souvenir français aurait voulu voir ériger une nouvelle œuvre dédiée aux poilus mais la municipalité se contente d’une stèle. Henri Bouchard est recontacté. En 1956, suite à une souscription publique, le monument d’Henri Bouchard est réalisé par le fondeur Hohwiller et inauguré par le maréchal Juin.

Metz, le Poilu de Bouchard, nouvelle version, trois vuesIl s’agit d’une version un peu différente : alors que le Poilu de 1919 écrasait du pied droit un casque à pointe allemand, il est désormais représenté les deux pieds au sol, une partie du barda et de l’armement (grenade notamment) posé par terre…

Metz, le Poilu de Bouchard, nouvelle version, détail de dos et au sol… ainsi que deux casques, mais dans une position moins « écrasante » par rapport au vaincu…

Metz, le Poilu de Bouchard, nouvelle version, signatureLa signature de Bouchard est bien visible et l’inscription sur le socle fixe le titre: « Au Poilu libérateur – Le Souvenir Français de la Moselle 1918 ».

Le modèle en ciment-pierre qui a servi à cette fonte se trouve à Maizières-lès-Metz.

Pour aller plus loin : Voir l’article en ligne de Jean-Claude Jacoby, Le Poilu libérateur, l’œuvre messine du sculpteur Henri Bouchard

Photographies août 2012.

Putain de guerre!, de Tardi et Verney

pioche-en-bib.jpgPour cette semaine sur la première guerre mondiale, au rayon bande dessinée, j’ai emprunté à la médiathèque cet album de Tardi, mais vous pouvez aussi (re)lire:

Couverture de La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe SaccoLe premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916 de (une vraie « merveille » malgré le thème)

– Mauvais genre de Chloé Cruchaudet

Couverture de Les folies Bergères de Porcel et ZidrouLes folies Bergères de Porcel et Zidrou

Couverture de Crevaisons de Larcenet et CasanaveCrevaisons (Une aventure rocambolesque du Soldat inconnu, tome 5) de Manu Larcenet et Daniel Casanave

Couverture de Putain de guerre!, de Tardi et VerneyLe livre: Putain de guerre! Tome 1: 1914, 1915, 1916, de Jacques Tardi (scénario et dessins) et Jean-Pierre Verney (dossier historique), éditions Casterman, 2008, 69 pages (dont un dossier d’une vingtaine de page), ISBN 9782203017399.

L’histoire: 1914. Un jeune ouvrier tourneur parisien est mobilisé.Train, manœuvres, et le voici sur le front, popote en fer blanc qui brille et tenue rouge et bleue, belle cible pour l’ennemi allemand, mieux armé, mieux préparé, plus rigoureux dans la construction des tranchées. Mais la guerre s’enlise, peu de permissions, et bientôt Verdun…

Mon avis: Paru à l’occasion du 90e anniversaire de l’armistice de 1918, cet album, devenu un classique étudié en classe, revient d’actualité pour le centenaire de 1914. Il était d’abord paru comme le journal de bord d’un soldat, en livrets avec 15 pages de bandes dessinées et 5 de textes illustrés par des archives photographiques (regroupées en fin d’ouvrage). Je ne pouvais que le lire enfin. Je l’avais déjà feuilleté et n’avais pas été séduite par le dessin. L’usage de l’argot dans les bulles et les légendes, censé rendre le texte plus prêt de la réalité du soldat, je suppose, pour moi nuit à la lecture.

 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Karl et Anna, de Leonhard Frank

Logo de pioché en bibliothèque

Couverture de Karl et Anna, de Leonhard FrankDans le cadre de l’exposition Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte à la médiathèque de Poitiers (jusqu’au 31 octobre 2014, voir le programme d’animations (conférences, visites guidées), j’ai lu plusieurs ouvrages de (rééditions ou originaux issus de sa bibliothèque). Si j’ai lu chez moi la réédition de Espagne, Espagne!, j’ai lu plusieurs ouvrages au fond patrimoine de la médiathèque, qui a bien voulu déplacer pour moi le lourd visioagrandisseur de la salle des revues où il est habituellement et me mettre de côté les ouvrages sur plusieurs jours, ne pouvant pas lire plus de 50 à 100 pages à la fois. Je vous parle aujourd’hui non d’un livre de mais d’une traduction qu’il a faite.

Le livre: Karl et Anna, de Leonhard Frank, traduit de l’Allemand par Jean-Richard Bloch, 17e Cahier du Masque, 70 pages, 1929.

L’histoire: 1917, dans un camp de prisonniers en Russie, à la frontière entre l’Europe et l’Asie. Blessé à la jambe, Richard pense à sa femme, Anna, dont il parle à longueur de temps à Karl, prisonnier avec lui. Juillet 1918. Anna avait reçu le 4 septembre 1914 l’avis de décès au « champ d’honneur » de Richard. Les prisonniers rentrent peu à peu. Karl, qui s’était évadé depuis un an, se fait passer pour Richard auprès d’Anna, qu’il connaît intimement par procuration. Après avoir résisté, Anna accepte Richard / Frank… quand se dernier écrit pour faire savoir qu’il rentre!

Mon avis: traduire une pièce de théâtre allemande en 1929 (créée en Allemagne en 1928), et avoir permis de la faire jouer à Paris (mise en scène de Gaston Baty, avec Lucien Nat, dans la création au théâtre de l’avenir), est un acte militant d’un homme qui croyait alors encore à la paix. Choisir une pièce sur la Première guerre mondiale, où il a lui-même été blessé trois fois et eu de nombreuses séquelles (notamment physiques) est un acte plus que militant. Un militant pacifiste avant tout après la guerre où il a combattu avec conviction, qui a choisi un auteur, Leonhard Frank, né en 1888, qui s’exila d’Allemagne vers Zurich en 1915.

Parlons un peu de sa pièce. Il y dénonce à la fois la cruauté des camps de prisonniers, et la cruauté de la guerre. Un mari de retour assassine femme et enfant, car celle-ci ne l’avait pas attendu et avait refait sa vie. Dans un autre foyer se forme un trio femme, mari revenu et amant de l’absence. Mais globalement, je n’ai pas été particulièrement séduite par ce texte, à voir peut-être au théâtre, dans une mise en scène un peu novatrice. Gaston Baty, qui faisait partie du cercle de Jean-Richard Bloch, venait de monter en 1927 le « Cartel des quatre » avec Louis Jouvet, Charles Dullin et Georges Pitoëff, pour la promotion du théâtre d’avant-garde (vous pouvez les voir tous les quatre sur une photographie sur ce site dédié aux marionnettes dans sa propriété de Pélussin, dans la Loire). Il faut que je cherche un témoignage (presse parisienne, revues littéraires?) de la façon dont il a monté cette pièce. Il faudrait peut-être simplement que je commence par les revues dans lesquelles Jean-Richard Bloch intervenait en ciblant avril/mai 1929, mais un des lecteurs de mon blog a peut-être déjà la réponse à mes questionnements? Je vais déjà attendre la conférence sur Jean-Richard Bloch, Romain Rolland et le théâtre, dans deux semaines à la médiathèque de Poitiers, le sujet sera peut-être abordé! Ou bien dans le catalogue annoncé pour la fin de l’exposition…

Pour aller plus loin : 

– sur le blog: La Mérigot(t)e à Poitiers, résidence de l’écrivain Jean-Richard Bloch, Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte, sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Paris, Espagne, Espagne!, Sur un cargo, Cacaouettes et bananes,

Jean-Richard Bloch. En Mérigotte, auberge antifasciste

– voir aussi l’article d’Alain Quella-Villéger (avec des photographies de Marc Deneyer), Jean-Richard Bloch à la Mérigote, L’Actualité Poitou-Charentes n° 46, 1999, p. 18-23.

– voir le site de l’Association Études Jean-Richard Bloch.

La permission… juillet 1916

Ensemble de 7 cartes adressées à une habitante de Vouillé de 1912 à 1919A la brocante, je suis tombée sur une série de cartes colorisées adressées à une habitante de Vouillé, dans la Vienne. Elles s’étendent de 1912 à 1919, pour celles qui sont datées. La plupart accueillent un message très personnel, et je ne vous en montrerai que la face quand l’occasion se présentera.

Carte de permission, juillet 1916, faceL’une a particulièrement attiré mon attention. Elle montre un soldat avec une tenue colorisée en vert (en 1916, fini les pantalons rouge garance et les vestes bleu horizon… le pastel et la garance seront moins cultivées vers Toulouse), casque nouveau modèle à la main, embrassant tendrement une jeune femme assise dans un fauteuil. La légende?

La Permission
Les baisers de la permission
Font mieux sentir l’affection

Carte de permission, juillet 1916, dosLe texte au dos, avec les approximations orthographiques (j’aime beaucoup le x au Bon-Dieux!), est le suivant:

Aux armées le 26 juilliet 1916 à 9 heures

Ma cher petite femme

J’aie donc reçue ton Aimable petite lettre du 23 sur la quel tu me dit que tu as reçue ma carte qui t’à fais beaucoups de plaisirs. Cher amie je pense que celle-là ne t’en feras pas moins que l’autre en te rapportant cette courte permission doux petit moment trop court.

Cher amie tu me dit donc que tu attendais la visite de cette pauvre belle soeur allors je vois que vous aurez pas encore trouvée la journée trop longue comme ça. Allon ces bien de partager vos douleurs toutes les deux. En attendant le Bon-Dieux va peut être nous ramener à vous dans quelques jours.

Reçoit de ton fidèle époux ses plus doux baisers. J.J.B.

Voir le site Les Français à Verdun sur les uniformes et les casques.

Abel Pann au musée d’histoire du judaïsme

Wagons à bestiaux », planche n°16 (1916) tirée du portfolio In the name of Czar, New York, 1921 – Photo Christophe Fouin © Mahj

« Wagons à bestiaux », planche n°16 (1916) tirée du portfolio In the name of Czar, New York, 1921 – Photo Christophe Fouin © Mahj

Pendant mes vacances, j’ai privilégié des lieux avec un public peu nombreux, pour éviter au maximum les risques de bousculade. A Paris, j’ai choisi l’exposition Abel Pann au musée d’histoire du judaïsme, juste à côté du site des archives nationales, rue du Temple, non loin du square du Temple (revoir la statue de Béranger et Wilhelm et Eugène Delaporte). J’avais lu une petite note je pense dans Télérama pour cette exposition qui se poursuit jusqu’au 30 novembre 2014. 1ttention, passage sous portique, évitez tout objet suspect genre ciseaux, etc. En revanche, le jour où nous y sommes allé, à 10h alors que ça n’ouvrait qu’à 11h (pas douées, les filles…), les deux plantons policiers avaient l’air de s’ennuyer et prenaient leur casse-croute tranquillement avec leur sac posé sur le trottoir. Pas terrible comme garde, surtout après la tuerie du musée juif de Bruxelles, mais bon, heureusement, nous n’étions pas terroristes. Le renfort de gardiennage à l’ouverture et le portique avec sas blindé étaient eux beaucoup plus sérieux!

L’exposition: il s’agit d’une exposition-dossier qui présente plusieurs séries de lithographies -souvent coloriées- et d’estampes de Abel Pann, né Abba Pfeffermann (Kreslawka, Lettonie, 1883 – Jérusalem, 1963). Arrivé à Paris en 1905, il a fréquenté les artistes de La Ruche (cité d’artistes dans le 15e arrondissement, près du square Georges-Brassens, voir le site officiel). En 1914, après quelques années à Jérusalem, il décide de venir rechercher ses affaires pour un départ définitif… et se retrouve coincé par la première guerre mondiale. Il passe alors d’un registre de créateur d’affiches et de caricaturistes (quelques exemples présentés dans les vitrines) à des réalisations patriotiques. En 1917, il part pour New-york puis Jérusalem dans les années 1920 et se consacre alors aux études et à l’illustration de la Bible. L’exposition montre, sur deux salles, pour l’essentiel, des lithographies.

Mon avis : C’est la série In the name of Czar qui m’a le plus frappée, je vous en propose une illustration du dossier de presse. Cette série est consacrée aux exactions contre les juifs de la part de l’armée du tsar et des polonais dès 1914. Il a réalisé cette série sur une année, à partir de décembre 1915. Malgré la guerre et bientôt la Révolution d’octobre (1917), l’ambassadeur de Russie ne trouve rien de mieux que de faire interdire la publication de cette oeuvre! Il ne réussira à les publier qu’en 1921 à New-York. Vous ne trouvez pas que ces wagons à bestiaux qui déplacent des populations juives ont comme un avant-goût très amer des discriminations des juifs polonais à partir de 1937 puis leur élimination pendant la deuxième guerre mondiale? La population juive de Pologne est passée de plus de 3 millions de personnes en 1931 à moins de 12.000 aujourd’hui (en 2000, population qui se déclare juive, alors que plus de 50.000 personnes parleraient yiddish). Dans la première salle, ce sont surtout Les désastres de la guerre » (en référence à Goya, pas évoqué dans l’exposition), qui sont illustrés: difficultés des soldats et des populations civiles, évacuations, exactions. Celui qui m’a le plus marqué, réalisé en 1915, un bébé à quatre pattes au milieu des ruines, avec pour titre « La classe 1935 se débrouille », terrible quand on sait ce qui arrivera en 1935 ou dans les années qui ont suivi à ce bébé… Il est vraiment dommage que le musée n’ait pas réalisé de catalogue ni même de mini-dossier à cette occasion.

En tout cas, si vous allez sur Paris, n’hésitez pas à aller voir ces surprenantes estampes et lithographies, et si vous ne connaissez pas le musée d’histoire du judaïsme, à le visiter, dans ce cas, prévoyez un bon moment, je le trouve passionnant et l’ai revisité avec de nouvelles approches par rapport à mes précédentes visites.

Le monument aux morts de 1914-1918 de Metz

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, au milieu des travaux en 2012J’ai choisi aujourd’hui de vous présenter le monument aux morts de 1914-1918, du souvenir français et de la ville de Metz car il a connu une histoire liée aussi à la seconde guerre mondiale (pour cette dernière, revoir le monument en hommage aux Hommes de fer). Il se trouve square Gallieni, près de la Porte serpenoise… et était, au moment de mes photographies en août 2012, noyé au milieu de travaux.

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, carte postale des années 1930A l’origine, ce monument, inauguré en 1935, célébrait la réunification de l’Alsace et de la Lorraine (en fait de la Moselle) à la France en 1918. Il est l’œuvre du sculpteur Paul [François] Niclausse (Metz, 1879 – Paris en 1958) et non Paul Miclaux comme indiqué en légende de la carte postale. Du même Paul Niclausse, je dois avoir quelque part les photographies de l’Orpheline, présentée dans le parc Tassart à Cahors et le buste d’Albert Ier roi des Belges à Metz. Outre les personnages centraux, le monument comportait à l’origine un relief central dominant le groupe sculpté, avec une représentation allégorique de la famille laissée par le soldat envoyé au front: une mère portant son nourrisson dans les bras, encadrée par les grands-parents. Sur les côtés prenaient place deux reliefs représentant chacun un Poilu.

Le sculpteur Niclausse a donc ajouté trois hauts-reliefs : deux montrent les libérateurs de la ville, en uniforme de poilus, et l’autre une scène de famille, représentant les femmes, les vieillards, un bébé, toutes les victimes civiles de la guerre. Si l’énorme pietà est figée, le relief de la famille – les parents, l’épouse et l’enfant qui ont perdu un être cher – est criant de détresse. – See more at: http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=643#sthash.f8I3w36j.dpuf
Le sculpteur Niclausse a donc ajouté trois hauts-reliefs : deux montrent les libérateurs de la ville, en uniforme de poilus, et l’autre une scène de famille, représentant les femmes, les vieillards, un bébé, toutes les victimes civiles de la guerre. Si l’énorme pietà est figée, le relief de la famille – les parents, l’épouse et l’enfant qui ont perdu un être cher – est criant de détresse. – See more at: http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=643#sthash.f8I3w36j.dpuf

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, carte postale pendant la Deuxième guerre mondialePendant la Deuxième Guerre mondiale, dès 1940, les Allemands suppriment les reliefs sculptés pour ne conserver que l’allégorie féminine et le soldat mort. Cette carte postale porte pour légende « Metz, das Deutsche Denkmal » (le monument allemand) et sur la stèle martelée, on peut lire l’inscription en lettres gothiques qui a remplacé les bas reliefs: « Sie starben für das Reich » (ils sont morts pour l’Empire).

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, en 2012, de face et de trois quartsL’inscription allemande a été enlevée dès la fin de la guerre. Le monument ne conserve que le groupe sculpté central composé d’une mère et d’un soldat mort. Une figuration très allégorique du deuil, avec la mère représentée assise, pieds nus et habillée d’une longue robe drapée à l’Antique. Elle porte sur ses genoux le soldat figuré nu, tête et pieds en appui sur les massifs qui l’encadrent. Sans uniforme, impossible de savoir que ce soldat a combattu dans les rangs allemands, puisque la Moselle était allemande depuis 1871.

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, inscriptionL’inscription qui a été ajoutée à la base du socle est désormais « Aux morts de la guerre », sans préciser laquelle… En bas à droite, il reste toujours l’inscription d’origine « érigé par le Souvenir français ».

Metz, le monument aux morts de 1914-1918, détail des têtes de l'allégorie féminine et du soldatVoici un détail des têtes de la mère, avec les cheveux tressés ramenés sur le front, et du soldat mort.

Voir aussi l’histoire compliquée du monument au Poilu libérateur de la Moselle, également à Metz

Photographies d’août 2012.

1er juillet 1916, de Joe Sacco

Couverture de La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe SaccoUn livre acheté à la librairie BD Bulles d’encre à Poitiers. Je vous ai déjà parlé des reportages de guerre de : Gaza 1956Palestine, une nation occupée, Goražde et Šoba.

Le livre: La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe Sacco (dessins et explications) et Adam Hochschild (contextualisation), éditions Futuropolis, 1 coffret, 2014, ISBN 9782754810296.

L’objet et l’histoire: le coffret rigide se compose d’une bande dessinée (au sens propre, dessin sans texte) de 7m de long pliée en accordéon et protégée par deux pages cartonnées rigides et d’un livret souple bilingue français/allemand comprenant:

– une introduction de Joe Sacco, qui explique pourquoi il s’est inspiré de la Tapisserie de Bayeux, et aussi de Manhattan Unfurled de Matteo Pericoli et pourquoi il a choisi de présenter cette journée du point de vue des Anglais

– une analyse de la journée du 1er juillet 1916 par l’historien Adam Hochschild, journée qui a fait 21000 morts (plus de 19000 morts sur le champ de bataille, les autres de leurs blessures) et 37000 blessés anglais

– une explication scène par scène, les légendes commençant alternativement par le texte français ou le texte allemand.

La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe Sacco, déplié dans mon appartementMon avis: extra!!! L’objet en lui-même est un petit bijou (à prix très raisonnable: 25€), à parcourir soit d’une seule vision (déplié en entier, cela fait les deux tiers de la largeur de mon appartement, illustration ci contre dans les deux sens!), soit en dépliant l’accordéon au fur et à mesure, ou par plusieurs morceaux. Le dessin à la plume foisonne de détails, et sans les textes intéressants mais qui « encombrent » parfois les albums de (revoir Gaza 1956, Goražde et Šoba). Je l’ai acheté il y a une quinzaine de jours et le regarde tous les jours, découvrant toujours de nouveaux détails! Le choix de changer d’échelle en fonction des besoins, comme sur la Tapisserie de Bayeux, est très efficace pour la narration (en images seules, je le rappelle). Les scènes se déplacent, de la chapelle de Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais) aux environs d’Albert (dans la Somme), au cœur de la bataille puis à l’évacuation des blessés. Du 1er au 18 novembre 1916, la bataille de la Somme a fait, toutes armées confondues, plus d’un million de victimes dont 442.000 morts ou disparus.

Pour aller plus loin,

– le projet sera présenté aux rencontres de la BD d’Amiens le 7 et 8 juin 2014 (j’espère qu’il le sera aussi à Angoulême en janvier 2015!)

-voir une conférence de Joe Sacco sur son projet de La grande guerre(en anglais/USA bien sûr)

– voir l’historial de la Grande Guerre à Péronne, au cœur des champs de bataille de la Somme

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Hippolyte Taine et le général Gouraud square d’Ajaccio à Paris

Le monument à Hippolyte Taine dans le square d'Ajaccio à Paris, vue généralePuisque nous étions la semaine dernière dans le square d’Ajaccio à Paris (près des Invalides) avec La défense du foyer… par Emile André Boisseau, retournons y cette semaine avec les deux autres monuments qui s’y trouvent, toujours avec des photographies de février 2012.

Le monument à Hippolyte Taine dans le square d'Ajaccio à Paris, dédicaceLe premier monument, réalisé par l’architecte Dessauer, se compose d’un gros bloc en pierre sur lequel sont apposés un médaillon en bronze et la dédicace « A la / mémoire / de / Hippolyte Taine / 1828-1893 / Causas rerum altissimas / candido et constanti animo / in philosophia historia literis / perscrutatus / veritatem unice dilexit ».

Le monument à Hippolyte Taine dans le square d'Ajaccio à Paris, signature de Oscar Roty sur le médaillonLe médaillon en bronze porte la signature de O. Roty, pour [Louis] Oscar Roty (Paris, 1846 – Paris, 1911). Son fils, Georges Roty, lui a consacré un livre (Le médailleur Louis Oscar Roty (1846-1911), sa vie, son œuvre, Presses du Compagnonnage, 1971) et un musée géré par une fondation à Jargeau dans le Loiret [du même artiste, voir le médaillon de Louis Herbette].

Le monument à Hippolyte Taine dans le square d'Ajaccio à Paris, le médaillon en bronzeIl porte l’inscription « Hippolythe Adolphe Taine » au-dessus de son portrait de profil gauche… à moitié chauve, moustache et barbiche portées fièrement. L’érection du monument a été décidée en 1928 pour le centenaire de sa naissance, il est finalement inauguré en 1931 (voir la fiche de la base de données e-monument). Hippolyte (Adolphe) Taine (Vouziers, 1828 – Paris, 1893), agrégé de philosophie, fut professeur de philosophie… à Poitiers (si, si!), à Nevers et à Besançon, mais comme de nombreux érudits de son époque, il est difficile à classer avec son Histoire de la littérature anglaise (5 volumes, 1863-1866) et son Histoire des origines de la France contemporaine (1875-1893). Il a à son tour fait l’objet de nombreuses études, dont la plus récente est parue en 2013 (Nathalie Richard, Hippolyte Taine : Histoire, psychologie, littérature, Classiques Garnier, je ne l’ai pas lue!).

Le monument au général Henri Gourauddans le square d'Ajaccio à Paris, dédicaceLe troisième monument du square est dédié à « Général / Henri / Gouraud / 1867 – 1946 / gouverneur militaire / de Paris 1923-1937 ». Le général Henri [Joseph Eugène] Gouraud s’est illustré « aux colonies », notamment en Afrique (adjoint de Lyautey au Maroc de 1911 à 1914), puis en Champagne pendant la Première Guerre mondiale, et à nouveau dans les colonies, au Liban et en Syrie, avant de terminer sa carrière comme gouverneur militaire de Paris (voir sa biographie sur le site des lycées français Gouraud et Descartes). Il est inhumé dans le monument-ossuaire de la ferme de Navarin (Monument aux morts des Armées de Champagne), à Souain-Perthes-lès-Hurlus, qu’il avait inauguré en 1924 (par l’architecte Bauer et le sculpteur Maxime Real del Sarte)… pour être « auprès de ses hommes morts pour la France ».

Le monument au général Henri Gourauddans le square d'Ajaccio à Paris, vue généraleRevenons à Paris… Le monument se compose d’un haut socle portant le buste du général en pierre. Je n’ai pas trouvé la signature du sculpteur.

Le monument au général Henri Gourauddans le square d'Ajaccio à Paris, le buste de face et de profilet ai vu sur plusieurs sites que le monument date de 1899, ce qui est impossible, le général est représenté vieux, en 1899, il aurait eu 33 ans et ne porterait pas toutes ces décorations obtenues plus tard! Si le buste est contemporain de la dédicace, il doit dater des années 1950…

Mauvais genre de Chloé Cruchaudet

Logo BD for Womenpioche-en-bib.jpgJe vous parle rarement deux jours en suivant de bandes dessinées… Mais cela faisait plusieurs semaines que j’étais sur la liste d’attente de la médiathèque pour avoir cet album, dont on parle beaucoup en ce moment, récupéré hier et en lice pour le prix du meilleur album qui sera remis demain à Angoulême à l’occasion du  41e festival international de la Bande dessinée (revoir autour de la bande dessinée à Angoulême : le musée, transformé en 2012 en musée privé par Art Spiegelman, le festival 2011, le buste d’Hergé, les murs peints : Margerin et Morris, façade d’une mutuelle par Sineux). Il a déjà reçu le Grand prix de la critique de bande dessinée 2014. [PS: il a finalement reçu le prix du jury, le grand prix est revenu à Come prima d’Alfred, le prix spécial du jury à La propriété, de l’israelienne Rutu Modan, une auteure dont je vous ai parlé pour Exit wounds. Le grand prix revient à Bill Watterson, le créateur de Calvin et Hobbes, qui présidera le festival 2015].

Le livre : Mauvais genre de Chloé Cruchaudet (scénario, dessins et couleurs), collection Mirages, éditions Delcourt, 2013, 160 pages, ISBN 978-2-7560-3971-8.

L’histoire : Dans un prétoire dans les années 1920. Une femme comparaît, on ne comprend pas pourquoi au premier abord. Retour en arrière, quelque part sur le front lors de la Première guerre mondiale. Paul, séparé de Louise juste après leur mariage, est confronté à la mort de trop, celle d’un camarade décapité devant lui, alors qu’il venait de « pêter les plombs ». Il décide de se mutiler un doigt, fera tout pour que sa blessure se sur-infecte. Mais voilà, un doigt en moins, ça ne suffit pas à être réformé. Il décide de déserter, retrouve Louise qui le cache dans un hôtel à Paris. Un peu par hasard, parce qu’il veut sortir prendre l’air et s’acheter une bouteille, il revêt les habits de Louise. Vient alors l’idée de continuer à vivre au grand jour, sous les traits d’une femme, Suzanne… ce qui va le mener à prendre un métier féminin, puis au bois de Boulogne.

Mon avis: La première guerre mondiale est à la mode en cette année de commémoration du centenaire, en voici une histoire singulière, celle d’un déserteur. Dans le concert de louanges autour de cet album, je vais avoir une note un peu discordante. J’ai beaucoup aimé le scénario, mais eu beaucoup plus de mal avec le dessin, noir et blanc aquarellé en gris, sauf, au fil des pages, des rehauts de rouge, notamment pour des vêtements. L’alcool semble jouer un rôle important: lors de la rencontre avant guerre dans une guinguette, pour la première sortie de Paul après sa désertion, pour faire la fête avec les collègues de travail, ce qui l’amènera à découvrir le bois de Boulogne. J’ai préféré la première partie, l’ambiance des tranchées rappelle les sombre tableaux d’Otto Dix par exemple. La suite est une belle histoire d’amour, un travestissement presque « par accident », de plus en plus assumé au fil des jours et des mois, des années même… puisqu’il a fallu attendre 1928 pour que les déserteurs soient amnistiés. Le retour à la vie de Paul sera tragique pour « Suzanne ».

PS: j’ai aussi reçu l’avis de Maryse, sans blog, à qui j’avais prêté l’album avant son retour à la médiathèque. Le voici:

Cette BD m’a été prêtée par Véronique, et moi qui ne suis pas trop BD, je l’ai lue d’un trait et relue. Scénario et graphisme superbes. Pour moi, enfin un contre-héros. Le poilu classique honoré et glorifié, terminé! Ici, c’est un homme qui déserte, qui se travestit pour vivre et survivre. On ne sait pas trop si on le plaint ou si on le déteste. Il se transforme en femme et on est surpris d’être tenu en haleine pour savoir jusqu’où il est capable d’aller. En face, sa femme qui l’a épousé avant qu’il ne parte à la guerre. Au début, elle est effacée, timide puis son personnage devient de plus en plus important, elle encourage son mari dans sa transformation, lui donne des conseils. Elle évolue et partage ses goûts homosexuels et « pervers » dans les bois où tout est permis. Elle devient plus putain que lui, jusqu’au bout…sans vous révéler la fin bien sûr. Vraiment à lire et relire… Très Bien +++++

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Chloé Cruchaudet.

Logo du top BD des blogueurs 2013 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.