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Bleus horizons, de Jérôme Garcin

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Bleus horizons, de Jérôme GarcinJ’ai emprunté ce livre à la médiathèque, au rayon large vision. De , je vous ai déjà parlé de Olivier.

L’histoire: décembre 1914. Sophie de la Ville de Mirmont, est venue à Paris pour tenter d’avoir des explications sur la mort au front de son fils Jean, mobilisé à Bordeaux le 8 septembre. Il fut fauché deux mois plus tard, enterré debout au milieu d’un déluge de feu au Chemin des Dames. Son camarade, Louis Gémon, au retour, n’a qu’un but: faire connaître et publier ce poète oublié, fut-ce au détriment de sa vie amoureuse ou de ses relations avec le monde extérieur…

Mon avis: Jean de la Ville de Mirmont n’a publié qu’un roman de son vivant, Les dimanches de Jean Dézert, et un recueil de poèmes, L’horizon chimérique, qui inspira une pièce sous le même titre à Gabriel Fauré. Jérôme Garcin publie ici à la fois une biographie et un roman historique à travers la vie (fictionnelle) d’un de ses camarades de tranchée. L’occasion, comme dans Une après-midi d’été, de Bruno Le Floc’h, d’aborder la question du retour et ici plus du « syndrome du survivant », Louis Gémon étant incapable de mener sa vie hors de celle qu’il essaye de reconstituer de Jean de la Ville de Mirmont. Au fil de sa quête, il lui fait croiser Gabriel Fauré (trop vieux pour avoir été mobilisé), François Mauriac (planqué), etc. Jérôme Garcin réussira-t-il son pari, une rue de Bordeaux portera-t-elle un jour le nom du poète fauché à la guerre dans un lieu si propice aux invasions, le chemin des Dames, entre Laon et Soissons dans l’Aisne : outre cette première bataille en 1914, puis le tristement célèbre épisode de l’offensive Nivelle d’avril à juin 1917, ce secteur vit aussi la défaite des Belges (au sens Gaulois du terme) face à Jules César en 57 avant notre ère autour de Berry-au-Bac, et en 1814, lors de la bataille de Craonne sur le plateau de Hurtebise, Napoléon vainquit les Prussiens et les Russes au prix de 5400 morts côté français… Pour revenir au livre, il se lit facilement (surtout en large vision pour moi!), mais ne me laissera sans doute pas le même souvenir à long terme que Olivier, sans doute parce que ce dernier racontait un drame personnel de .

Une après-midi d’été, de Bruno Le Floc’h

pioche-en-bib.jpgCouverture de Une après-midi d'été, de Bruno Le Floc'hPour poursuivre cette semaine sur 1914-1918, j’ai choisi à la médiathèque un album qui se passe juste après la guerre. Il a reçu le Prix Bulles en Nord à Lys-lez-Lannoy (Nord) en 2006.

Le livre : Une après-midi d’été, de Bruno Le Floc’h (scénario et dessins), collection Mirages, éditions Delcourt, 2006, 95 pages, ISBN 978-2-7560-0210-1

L’histoire : 1919, dans un petit port breton. Avant la guerre, Nonna était fiancé à Perdrix, mais à son retour, il ne pense qu’à la guerre. Hanté par ses souvenirs, il se renferme dans le mutisme, sculpte des statuettes de Poilus sans pouvoir reprendre la mer. Un matin, Perdrix en a marre et décide d’aller le voir pour le mettre en demeure de l’épouser enfin…

Mon avis : cet album est la suite de Trois éclats blancs, que je n’ai pas lu. Il se positionne juste après la guerre, mais celle-ci est si présente dans les souvenirs que l’on voit sans doute plus la guerre que l’après-guerre, le « héros » étant littéralement hanté par ses souvenirs, moments durs de la vie dans les tranchées ou petits instants moins tendus avec l’arrivée de la popote, accompagnée des « nouvelles du front », vrai « téléphone arabe », ou la distribution du courrier et parfois des colis. Le graphisme est intéressant, avec des dominantes bleues pour la Bretagne, grises pour le front, même si j’ai un peu de mal avec l’image d’Épinal dont est affublée la pauvre Perdrix. L’ouvrage aborde surtout le problème du retour de la guerre, l’absence de prise en charge de ce que l’on appelait pas encore le stress post-traumatique et qui a été la cause de bien des souffrances pour ceux qui sont revenus notamment sans blessures physiques graves. Ce n’est pas mon préféré dans ma sélection d’albums sur 1914-1918, mais je vous le recommande néanmoins.

Couverture de La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe SaccoLe premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916 de (une vraie « merveille » malgré le thème)

Couverture de Mauvais genre de Chloé Cruchaudet– Mauvais genre de Chloé Cruchaudet

Couverture de Les folies Bergères de Porcel et ZidrouLes folies Bergères de Porcel et Zidrou

Couverture de Crevaisons de Larcenet et CasanaveCrevaisons (Une aventure rocambolesque du Soldat inconnu, tome 5) de Manu Larcenet et Daniel Casanave

Couverture de Putain de guerre!, de Tardi et VerneyPutain de guerre! Tome 1: 1914, 1915, 1916, de Jacques Tardi

Logo top BD des bloggueurs Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Putain de guerre!, de Tardi et Verney

pioche-en-bib.jpgPour cette semaine sur la première guerre mondiale, au rayon bande dessinée, j’ai emprunté à la médiathèque cet album de Tardi, mais vous pouvez aussi (re)lire:

Couverture de La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe SaccoLe premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916 de (une vraie « merveille » malgré le thème)

– Mauvais genre de Chloé Cruchaudet

Couverture de Les folies Bergères de Porcel et ZidrouLes folies Bergères de Porcel et Zidrou

Couverture de Crevaisons de Larcenet et CasanaveCrevaisons (Une aventure rocambolesque du Soldat inconnu, tome 5) de Manu Larcenet et Daniel Casanave

Couverture de Putain de guerre!, de Tardi et VerneyLe livre: Putain de guerre! Tome 1: 1914, 1915, 1916, de Jacques Tardi (scénario et dessins) et Jean-Pierre Verney (dossier historique), éditions Casterman, 2008, 69 pages (dont un dossier d’une vingtaine de page), ISBN 9782203017399.

L’histoire: 1914. Un jeune ouvrier tourneur parisien est mobilisé.Train, manœuvres, et le voici sur le front, popote en fer blanc qui brille et tenue rouge et bleue, belle cible pour l’ennemi allemand, mieux armé, mieux préparé, plus rigoureux dans la construction des tranchées. Mais la guerre s’enlise, peu de permissions, et bientôt Verdun…

Mon avis: Paru à l’occasion du 90e anniversaire de l’armistice de 1918, cet album, devenu un classique étudié en classe, revient d’actualité pour le centenaire de 1914. Il était d’abord paru comme le journal de bord d’un soldat, en livrets avec 15 pages de bandes dessinées et 5 de textes illustrés par des archives photographiques (regroupées en fin d’ouvrage). Je ne pouvais que le lire enfin. Je l’avais déjà feuilleté et n’avais pas été séduite par le dessin. L’usage de l’argot dans les bulles et les légendes, censé rendre le texte plus prêt de la réalité du soldat, je suppose, pour moi nuit à la lecture.

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Un groupe pour le prix des lecteurs Poitou-Charentes 2014… verdict!

Mise à jour du 19 janvier 2015 : Vendredi dernier (16 janvier 2015), les lecteurs de Poitou-Charentes ont élu Paola Pigani, 4e Voix des lecteurs en Poitou-Charentes pour N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, paru aux éditions Liana Levi… Il était aussi sorti premier de notre groupe.

Article du 3 novembre 2014

Une semaine de prix littéraires s’annonce… notre petit groupe mené par Grégory pour le prix du livre en Poitou-Charentes a rendu son verdict, LOL! Je réédite cet article, avec le résultat de notre groupe à la fin!

30 juin 2014

Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises du prix du livre en Poitou-Charentes (suivre le lien pour les lauréats des années précédentes et retrouver ceux que j’ai lus), dédoublé en Prix du livre et prix des lecteurs en 2011 puis transformé en seul prix, la voix des lecteurs, en 2013. La sélection est faite par un jury professionnel, puis des groupes de 5 lecteurs (ou plus) lisent les livres prêtés. Chaque groupe débat pour aboutir au vote pour un livre.

Grégory, qui a vu l’annonce à paraître dans le prochain numéro de L’Actualité Poitou-Charentes (image illustrant l’article), a constitué avec une grande efficacité un groupe composé de Florence, Jenny, Michèle, lui et moi, est allé retirer les livres au Centre du Livre et de la lecture en Poitou-Charentes et les a répartis entre nous!

Voici donc la sélection :

Profanes, de Jeanne Benameur, éditions Actes sud
Composite, de Denis Bourgeois, éditions Ego comme X
Petites scènes capitales, de Sylvie Germain, éditions Albin Michel
Nativité cinquante et quelques de Lionel-Edouard Martin, éditions Le Vampire actif
N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Paola Pigani, éditions Liana Levi

Premières impressions: je vous ai déjà parlé de trois des auteurs sélectionnés, voir ou revoir Laver les ombres de Jeanne Benameur (prix du livre en Poitou-Charentes en 2009), Rendez-vous nomades et Hors champ de Sylvie Germain (prêtés par Grégory) et Anaïs ou les gravières de Lionel-Edouard Martin.

Nous avons quelques mois pour lire ces livres, heureusement, car j’ai encore une autonomie de lecture limitée pour des livres « normaux », mais Grégory m’a choisi les plus faciles -d’un point de vue typographique- pour commencer. Je sens que nous aurons d’intéressantes discussions entre nous pour aboutir à un consensus, je vous tiendrai au courant de l’avancée de mes lectures et du résultat final du groupe… puis de l’ensemble des lecteurs!

31 octobre 2014: And the winner is…

Pour notre groupe, Grégory a décidé d’attribuer pour chaque lecteur 5 points au premier choisi, 4 points au 2e etc…

Nous ne savons pas encore qui recevra le prix de la voix des lecteurs Poitou-Charentes 2014 (synthèse de tous les votes de tous les groupes, une voix par groupe), mais nous cinq avons choisi à l’unanimité N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, de Paola Pigani, davantage pour l’histoire que pour le style.

Voici le détail des points attribués:

1er. 25 points pour N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, de Paola Pigani

2e. 17 points pour Petites scènes capitales, de Sylvie Germain

3e. 13 points pour Profanes, de Jeanne Benameur

4e et 5e ex-aequo: 10 points pour Nativité cinquante et quelques de Lionel-Edouard Martin et Composite, de Denis Bourgeois

Yossel, 19 avril 1943, de Joe Kubert

pioche-en-bib.jpgCouverture de Yossel, 19 avril 1943, de Joe KubertMardi (28 octobre 2014) a été inauguré à Varsovie le Musée de l’Histoire des Juifs Polonais (Muzeum Historii Żydów Polskich) ou Polin, dans le quartier qui a succédé à l’ancien ghetto, l’occasion pour moi de vous parler de cet album découvert chez Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Je n’avais aucune chance de le trouver « par hasard » dans les bacs de la médiathèque, vu qu’il est « enterré à la réserve », ce qui est dommage…

Le livre: Yossel, 19 avril 1943, de Joe Kubert, traduit de l’anglais par Anne Capuron, éditions Delcourt, 2003, 121 planches, ISBN 978-2847896695.

L’histoire: 19 avril 1943, terrés dans les égouts, les derniers survivants du ghetto de Varsovie attendent l’assaut final. Yossel, un jeune adolescent, dessine et dessine encore. Retour quelques années en arrière, en 1939. La vie n’est pas facile pour la famille de Yossel, à Yzeran près de Varsovie. Un jour, ils sont regroupés avec d’autres juifs et envoyés dans le ghetto de Varsovie. Yossel, repéré par les nazis, dessine pour eux jour après jour. Ceux-ci n’ont même pas à faire la sélection, le Conseil des Anciens s’en charge, sourd aux avertissements, persuadés que les gens partent dans un camp de travail. Un jour, un rabbin est envoyé avec eux à Auschwitz, affecté aux Sonderkommandos puis aux Fours crématoires. Il réussit miraculeusement à s’échapper, revenir dans le ghetto, témoigner. Errant, il rencontre Yossel, raconte son histoire, tente de convaincre les gens pour le soulèvement du ghetto…

Une double page de Yossel, 19 avril 1943, de Joe KubertMon avis: contrairement à Art Spiegelman (Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé), Joe Kubert n’est pas le fils de l’un de ces déportés dont il raconte la (sur)vie. Il est né en 1926 de parents qui ont réussi à fuir la Pologne alors que sa mère était enceinte de lui. Arrivé à l’âge de deux mois à New-York, il explique dans son introduction qu’il a écrit ce roman graphique à partir de documentation et de témoignages, sans s’être rendu sur place, et son choix de laisser l’album au crayonné, sans procéder à son encrage, et en se libérant de la contrainte des cases. Cela donne une impression de spontanéité, mais donne parfois un dessin chargé, surtout qu’il y a un texte dense dans les phylactères.  Un roman graphique qui mérite son nom, roman, même s’il se base en grande partie sur des faits réels. Un peu comme un roman historique. Et qui au-delà, aborde la question de la survie (de Yossel grâce à ses dessins, du Sonderkommando, rabbin qui finit par ne plus croire en Dieu) et insiste sur le rôle clef du Conseil des Anciens dans la soumission du ghetto et l’envoi des « sélectionnés » aux camps… A découvrir, et pour la médiathèque de Poitiers, ça serait une bonne idée de le sortir de la réserve, que des lecteurs puissent « tomber dessus » par hasard, en cherchant de la lecture dans les bacs.

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Cacaouettes et bananes, de Jean-Richard Bloch

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Cacaouettes et bananes, de Jean-Richard BlochJe vous ai préparé un article un peu long pour mon dernier article de ma série consacrée à Jean-Richard Bloch, mais il me semblait important de vous parler de ce titre dont je n’avais jamais entendu parler et sur lequel je n’ai rien trouvé sur internet. J’ai peut-être abusé des citations, mais elles me semblaient indispensables pour illustrer mon propos. Je suis ouverte à lecture d’un avis contradictoire. L’exposition Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte se termine dans deux jours (jusqu’au 31 octobre 2014) à la médiathèque de Poitiers. Si j’ai lu chez moi la réédition de Espagne, Espagne!, j’ai lu plusieurs ouvrages au fond patrimoine de la médiathèque, qui a bien voulu déplacer pour moi le lourd visioagrandisseur de la salle des revues où il est habituellement et me mettre de côté les ouvrages sur plusieurs jours, ne pouvant pas lire plus de 50 à 100 pages à la fois. Après la traduction de Karl et Anna, de Leonhard Frank, voici Cacouettes et bananes, la suite de Sur un cargo.

Le livre: Cacouettes et bananes, de Jean-Richard Bloch, A la découverte du monde connu, II, Collection Les documents bleus de l’univers, n° 5, Série l’Univers, Nouvelle revue Française (ouf! compliqué à cette époque), éditions Gallimard, 264 pages, 1929 (réédité en 2009, ISBN 9782071003876, lu en édition originale).

L’histoire: 1921. Après une longue errance en cargo, Jean-Richard Bloch débarque enfin à Rufisque. De là, il se rend à Dakar puis Saint-Louis, fait une excursion en auto à Fatik, reprend un bateau à M’Bour alors que la maladie du sommeil sévit dans la région, avant de revenir en France par les Canaries et Marseille.

Mon avis: l’auteur (ou l’éditeur) a choisi l’orthographe cacaouettes en titre (et cacaouètes au fil des pages), et non cacahuètes, cacahouettes ou cacahuettes, les trois dernières seules retenues dans le dictionnaire. Mais j’ai eu beau chercher avec toutes les orthographes, je n’ai trouvé aucun résumé et aucune analyse de ce livre, tout juste est-il cité parmi les œuvres de Jean-Richard Bloch et peu d’ouvrages semblent être en vente dans les librairies spécialisées en livres anciens.

Le premier chapitre Première journée à Rufisque, publié en 1926 aux éditions du Sagittaire dans la collection Les Cahiers nouveaux (n° 22), 1926, occupe la plus grande partie de l’ouvrage (jusqu’à la page 142). Les deux autres, Saloum et Bananes, semblent avoir été écrits pour cet ouvrage et se déroulent sur plusieurs semaines, huit ans avant la parution du livre.

Jean-Richard Bloch s’écarte de l’analyse politique pour se lancer quasiment dans un « pur récit de voyage », mais sur ce terrain, il est loin de la verve de ses contemporains que sont Joseph Kessel (1898-1979, pour rester dans le « créneau chronologique », En syrie paru en 1927, Marchés d’esclaves, en 1933, je relirais bien ses articles de correspondant de guerre en Espagne pour le comparer à Espagne, Espagne!) ou Albert Londres (1884-1932). Je pense aussi que ce qui m’a gêné, c’est l’attitude colonialiste, condescendant par rapport aux « bouniouls » [sic, avec en note « noirs, en argot colonial »], louant l’apport de la « civilisation de l’homme blanc » [re-sic]: pour se rendre de Dakar à Saint-Louis, il emprunte un train une voiture de voyageurs qui est la « sœur jumelle de celles qui, ce matin même, cahotent à travers les campagnes du Poitou » (page 72), loue page suivante le travail des ingénieurs comparés à ceux de la Tour Eiffel ou du viaduc des Fades (il ne le dit pas, grand et haut viaduc qui permet(tait) à la ligne Montluçon-Clermont-Ferrand de franchir la vallée de la Sioule), vante le plan d’urbanisation de Saint-Louis. Je sais bien que ça reflète une époque, mais comme intellectuel communiste, il aurait pu avoir des réflexions plus profondes que celle-ci: « La paix que nous faisons régner ici tend peu à peu à se sentir avant tout sérères par haine des mandiagos, peuhls par haine des wolofs, ou bambaras par haine des uns et des autres […] Un des effets du colonialisme est peut-être de dénationaliser le noir » (p. 103). Là dessus, c’est raté, au vu des haines ethniques qui se déchaînent toujours dans la région. C’est encore pire page 180: « le vieillard [noir] est retourné à l’instinct bienveillant de sa race ». Page 166, nous avons le droit à une poignante description d’une excision par une « hideuse matrone » mais sans dénoncer la pratique : « à la faveur de cette opération, la dulcinée wolof quittera l’humiliante simplicité de son profil ». Autre temps que celui où l’on se pressait à Paris au zoo humain du jardin d’acclimatation (juste à côté d’où s’élève désormais la fondation Louis Vuitton), où l’on organisait de grandes expositions coloniales (il faut que je vous montre le « palais colonial » de 1931 à Paris, ex-musée des colonies devenu musée des arts d’Afrique et d’Océanie avant d’accueillir la Cité de l’immigration), de la publicité Banania avec son tireur sénégalais (créée lors de la Première Guerre mondiale, Banania vendu aux armées comme une nourriture enrichissante sous un petit volume) ou de Tintin au Congo d’Hergé (paru deux ans après Cacaouettes et bananes), mais je comprends mieux pourquoi ce titre est rarement (jamais?) mis en valeur dans l’œuvre de Jean-Richard Bloch.

Le dernier chapitre est anecdotique mais m’a finalement moins agacée… Il décide de ramener dans son Poitou, à grands frais, une ânesse… qui finalement succombera à l’arrivée de la gale coloniale, avec une pointe d’ironie sur le vétérinaire qui avait signé à Marseille le certificat d’importation sans avoir vu l’animal : « je reviens vers le bassin, d’autant plus soulagé de tenir entre mes doigts le papier en question que les prescriptions qui règlent l’importation des animaux domestiques sur le territoire national sont plus exigeantes et pointilleuses » (page 253). Ça me rappelle l’importation de plantes par la douane à Mouchin, juste avant Schengen, un tampon à aller faire mettre au port fluvial de Lille (sans les plantes).

J’ai trouvé cet opus un cran en-dessous de Sur un cargo, je n’ai pas (encore?) lu la suite annoncée par l’éditeur au début de l’édition de 1929, Europe du milieu, finalement parue sous le titre Mitropa ou l’Europe du milieu. En fait, ce n’est pas vraiment la suite, Le Robinson juif et L’Europe du milieu sont les récits de deux autres voyages / essais politiques, l’un pour l’inauguration de l’université hébraïque de Jérusalem en 1925, l’autre lors d’un voyage à Berlin pour la mise en scène d’une de ses pièces chez Piscator en 1928 et qui n’ont semble-t-il été regroupés et édités qu’en 2010 sous le titre A la découverte du monde connu : Jérusalem, Berlin (1925-1928) aux éditions Honoré Champion.

Le 3e oeil du professeur Margerie, de Jean Failler

Couverture de Le 3e oeil du professeur Margerie, de Jean FaillerIl y a des années, j’achetais les Marie Lester quand ils sortaient, puis j’ai trouvé que la série « baissait », même si elle permet une visite de la Bretagne… Je vous ai parlé des tomes 32, Sans verser de larmes, 35, Casa del Amor, 37 et 38, Villa des Quatre Vents. Je suis tombée sur le tome 36 à la brocante… (les tomes 40 et 41 sont parus cette année).

Le livre : Le 3e œil du professeur Margerie, de Jean Failler, collection Mary Lester, tome 36, aux éditions du Palémon, 2011, 349 pages, ISBN : 978-2-916248-19-6.

L’histoire : à Quimper, de nos jours. Absent lors de la photo de classe, un professeur de physique est retrouvé abattu d’une balle entre les deux yeux dans sa classe du lycée La Fontaine, chic lycée privé. En l’absence de Marie Lester, toujours à Noirmoutier (Casa del Amor), c’est le lieutenant Fortin qui est chargé de l’enquête, mais elle rapplique dare-dare. Lors de l’interrogatoire de la classe, il y a un absent, Patrick des Essarts, victime d’une mauvais chute d’après son père, un célèbre colonel. Si le professeur Margerie était bon physicien, il était détesté de ses élèves et de ses collègues, une raison suffisante pour le supprimer? Faisait-il réellement des recherches pour la Défense Nationale? Que se passe-t-il chez les Des Essarts? Que viennent faire dans le tableau Gonzague Saint-Piou et ses déclamations littéraires?

Mon avis: pas de doute, la série tourne un peu en rond… Dénoncer les nantis qui se croient tout permis livre après livre devient redondant. Pour changer quand même, trois adolescents sortent du rang, refusent le chemin tracé par leur (riche et célèbre) famille et s’adonnent au théâtre. Une écriture formatée pour un public adepte de polars locaux (un filon…), un zeste de registre familier (le lieutenant Fortin, accro de L’équipe, ne peut guère faire mieux, clichés, clichés…) , un registre plus soutenu voire recherché (Marie Lester, la flic intello, Gonzague Saint-Piou), remuez fort et vous obtenez ce livre ou un autre. Bon, admettons que ça passe comme littérature de salle d’attente (on attend beaucoup à l’hôpital…) ou pour un trajet en train, bref, quand on ne peut pas trop se concentrer mais qu’on n’a pas envie d’attendre à ne rien faire. Et Jean Failler est plutôt au-dessus du panier dans ce genre.

Pour les amateurs de ce genre de littérature, vous pouvez vous promener sur mon blog, en Bretagne (les autres Marie Lester, Sans verser de larmes, Casa del Amor, Villa des Quatre Vents), en bord de Loire, d’Amboise (Embrouille à Amboise, de Philippe-Michel Dillies) à son estuaire (Drôle de chantier à Saint-Nazaire de Firmin Le Bourhis), en Poitou-Charentes à Rochefort (Les naufragés de l’Hermione de Christophe Lafitte) ou Poitiers (L’assassinat de l’ingénieur Leberton, de Jacques Farisy)… Plus exotiques, et un cran au-dessus côté littérature, traductions par de grands éditeurs et non plus publications d’éditeurs régionaux/régionalistes, les polars à Venise (les livres de Dona Leon, Requiem pour une cité de verre, L’affaire Paola, Mort à la Fenice, La femme au masque de chair), en Suède (Arnaldur Indridason : La voix, la Cité des jarres, La femme en vert, L’homme du lac, Hiver arctique, Hypothermie, Étranges rivages) ou en Israël (les ouvrages de Batya Gour, Meurtre au kibboutz, Le meurtre du samedi matin, Meurtre à l’université, Meurtre au philharmonique), etc.

 

Cent mille journées de prières (t. 2) de M. Sterckeman et Loo Hui Phang

pioche-en-bib.jpgLogo BD for WomenCouverture de Cent mille journées de prière (t. 2) de M. Sterckeman et Loo Hui PhangCe titre m’a été suggéré par un lecteur suite à mes articles sur plusieurs BD concernant le Cambodge (suivre le mot-clef ou les liens en fin d’article). J’ai emprunté les deux tomes à la médiathèque (voir mon avis sur le tome 1)

Le livre: Cent mille journées de prières, livre second de Michaël Sterckeman (dessins) et Loo Hui Phan (scénario), éditions Futuropolis, 2012, 112 pages, ISBN 9782754803809.

L’histoire: dans les années 1980, quelque part en France. Le canari et confident de Louis est mort, mais il continue à être l’intermédiaire qui lui permet de découvrir qui était son père. L’arrivée d’une famille cambodgienne amie de sa mère infirmière française avait entrouvert la porte de la révélation. Ayant interprété des éléments lacunaires, l’enfant craignait que son père, chirurgien, n’ait fait partie des bourreaux. Il va enfin découvrir sa « véritable » histoire…

Mon avis: comme dans le tome 1, le canari (enfin le cadavre du canari) est le médiateur indispensable entre la mère qui a enfoui un lourd secret et l’enfant qui a besoin de comprendre qui était son père. Chez lui (au cours d’une longue sieste agitée, transporté sur un champ de cendres), puis dans Phnom Penh aux heures sombres de 1975 et enfin par un retour des années plus tard au Cambodge (dans l’épilogue), le passé émerge peu à peu.  «Même avec cent mille journées de prières, on ne peut rien changer », dit le canari (page 77). Le dessin me plaît beaucoup, un dessin à la plume avec des fonds gris plus ou moins foncés qui délimitent les cases. Si j’avais regretté la non traduction des caractères khmers dans le premier tome, ici, les phrases censées être dans cette langue sont écrites en français mais avec une graphie qui fait bien comprendre que l’on change de langue (dans l’épilogue en particulier). Un album à découvrir! Les deux tomes sont un peu différents dans leur approche d’un même thème, sans doute la scénariste a-t-elle évolué en même temps qu’elle avançait dans cette histoire (personnelle?).

Pour aller plus loin sur l’histoire du Cambodge, voir aussi:

L’eau et la terre, Cambodge, 1975-1979 et Lendemains de cendres, Cambodge, 1979-1993, de Séra

Cent mille journées de prières de Michaël Sterckeman et Loo Hui Phang, tome 1 et tome 2

L’année du Lièvre de Tian, tome 1, Au revoir Phnom Penh, tome 2, Ne vous inquiétez pas

L’élimination de Rithy Panh

Kampuchéa de Patrick Deville.

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L’hôtel hanté de W. Wilkie Collins

Logo God save the livreLogo de pioché en bibliothèqueCouverture de l'hôtle hanté de Collins, en large visionEn alternance avec des livres « normaux » lus sur écran avec mon visioagrandisseur, je continue à emprunter des livres « large vision » à la médiathèque, pour les déplacements ou les salles d’attente notamment… Celui-ci entrera dans le défi God save the livre, saison 3, organisé par Antoni / passion livre.

Le livre: L’hôtel hanté de W. Wilkie Collins, traduit de l’anglais par Henry Dallemagne, éditions de l’Aube, 2006, 277 pages, ISBN 978-2752602596 (première édition en 1878, lu en édition grand caractère).

La présentation de l’éditeur:

« Fiancée humiliée, veuve manipulatrice et soumise évoluant dans une famille en apparence respectueuse des usages de la haute société victorienne… Qui est vraiment la comtesse Narona ? Une intrigante prêt à tout pour toucher une prime d’assurance sur la vie de son époux, ou bien la victime de craintes superstitieuses sur laquelle le destin semble s’acharner ? Entre Londres et Venise, Collins campe les personnages aux facettes multiples et complexes qui seront, consciemment ou non, les complices d’une mort naturelle qui ne tardera pas à se révéler suspecte. Un des grands romans de Wilkie Collins ! « 

Mon avis: un mort, un disparu, un fond d’amour, un soupçon de mariage d’intérêt, un palais transformé en hôtel chic à Venise : pourquoi lord Montbarry a-t-il rompu ses fiançailles pour se marier, au grand dam de sa famille à la comtesse Narona, comment a-t-il pu mourir en quelques jours d’une bronchite? Voilà le cœur de l’intrigue de ce polar anglais du 19e siècle traduit en français seulement en 2006. Entre Londres et Venise, les voyages de noce avaient un sens dans la bonne société « so british » de ces années 1870, où vieille tante malade et domesticité ont aussi leur place. Il pourrait se passer ailleurs qu’à Londres ou Venise, cela ne changerait pas grand chose car il y a surtout des huis-clos entre personnages. Côté intrigue ou style (peut-être un problème de traduction), rien de bien intéressant… mais si on lit ce « polar » comme un témoignage de la société victorienne, c’est déjà beaucoup plus intéressant!

Astuce et truc, par Fran6Co

Couverture de Astuce et truc, par Fran6CoIl y a déjà quelques mois que j’ai commandé (et reçu) cette bande dessinée par l’intermédiaire du financement participatif Ulule (voir la page du projet avec une vidéo ou le site de Fran6co pour avoir une idée de son univers). Alors qu’une plateforme locale (Poitou-Charentes) de financement solidaire, J’adopte un projet, sera lancée aujourd’hui (17 octobre 2014) à Niort à l’occasion du salon national de l’économie sociale et solidaire (ESS), cela m’a semblé une bonne idée de la mettre en valeur.

Dessin de Astuce et truc, par Fran6CoEn contrepartie de ma participation, j’ai reçu la bande dessinée (40 pages, format A5), un dessin à la fin,

Dédicace de Astuce et truc, par Fran6Coet une dédicace personnalisée au début, le nom dans la liste des contributeurs.

Le livre : Astuce et truc, par Fran6Co, imprimerie Grapho 12 à Villefranche-de-Rouergue, 2014, 40 pages, ISBN 9782953949230

L’histoire: en quarante pages, des trucs et des astuces de toutes sortes, distillées par Truc (le canard) et Astuce (la grenouille).

Mon avis: avec humour, Truc et Astuce distillent leurs conseils façon scout (allumer un feu, se faire un hamac avec une nappe, faire résonner une herbe entre ses pouces), « la maison pour les nuls » (décoder les étiquettes pour l’entretien du linge, par exemple) ou le journal de Mickey. Euh, je ne suis pas sûre que les conseils pour la taille du silex façon Rahan soit très claire, foi de lithicienne (page 32), pas plus que le tir au propulseur (page 24), si les enfants s’y lancent. Et puisque nous sommes au rayon archéologie, il manque dans les techniques d’ouvertures d’une bouteille… le sabrage à la truelle, très efficace! Mais je ne connaissais pas la percussion de la bouteille calée dans une chaussure (page 33). Les sujets abordés sont variés, traités avec humour, même si certaines planches sont un peu denses (merci à ma caméra). N’hésitez pas à la découvrir, vous pouvez toujours vous la procurer sur le site de Fran6co.

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