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Cacaouettes et bananes, de Jean-Richard Bloch

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Cacaouettes et bananes, de Jean-Richard BlochJe vous ai préparé un article un peu long pour mon dernier article de ma série consacrée à Jean-Richard Bloch, mais il me semblait important de vous parler de ce titre dont je n’avais jamais entendu parler et sur lequel je n’ai rien trouvé sur internet. J’ai peut-être abusé des citations, mais elles me semblaient indispensables pour illustrer mon propos. Je suis ouverte à lecture d’un avis contradictoire. L’exposition Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte se termine dans deux jours (jusqu’au 31 octobre 2014) à la médiathèque de Poitiers. Si j’ai lu chez moi la réédition de Espagne, Espagne!, j’ai lu plusieurs ouvrages au fond patrimoine de la médiathèque, qui a bien voulu déplacer pour moi le lourd visioagrandisseur de la salle des revues où il est habituellement et me mettre de côté les ouvrages sur plusieurs jours, ne pouvant pas lire plus de 50 à 100 pages à la fois. Après la traduction de Karl et Anna, de Leonhard Frank, voici Cacouettes et bananes, la suite de Sur un cargo.

Le livre: Cacouettes et bananes, de Jean-Richard Bloch, A la découverte du monde connu, II, Collection Les documents bleus de l’univers, n° 5, Série l’Univers, Nouvelle revue Française (ouf! compliqué à cette époque), éditions Gallimard, 264 pages, 1929 (réédité en 2009, ISBN 9782071003876, lu en édition originale).

L’histoire: 1921. Après une longue errance en cargo, Jean-Richard Bloch débarque enfin à Rufisque. De là, il se rend à Dakar puis Saint-Louis, fait une excursion en auto à Fatik, reprend un bateau à M’Bour alors que la maladie du sommeil sévit dans la région, avant de revenir en France par les Canaries et Marseille.

Mon avis: l’auteur (ou l’éditeur) a choisi l’orthographe cacaouettes en titre (et cacaouètes au fil des pages), et non cacahuètes, cacahouettes ou cacahuettes, les trois dernières seules retenues dans le dictionnaire. Mais j’ai eu beau chercher avec toutes les orthographes, je n’ai trouvé aucun résumé et aucune analyse de ce livre, tout juste est-il cité parmi les œuvres de Jean-Richard Bloch et peu d’ouvrages semblent être en vente dans les librairies spécialisées en livres anciens.

Le premier chapitre Première journée à Rufisque, publié en 1926 aux éditions du Sagittaire dans la collection Les Cahiers nouveaux (n° 22), 1926, occupe la plus grande partie de l’ouvrage (jusqu’à la page 142). Les deux autres, Saloum et Bananes, semblent avoir été écrits pour cet ouvrage et se déroulent sur plusieurs semaines, huit ans avant la parution du livre.

Jean-Richard Bloch s’écarte de l’analyse politique pour se lancer quasiment dans un « pur récit de voyage », mais sur ce terrain, il est loin de la verve de ses contemporains que sont Joseph Kessel (1898-1979, pour rester dans le « créneau chronologique », En syrie paru en 1927, Marchés d’esclaves, en 1933, je relirais bien ses articles de correspondant de guerre en Espagne pour le comparer à Espagne, Espagne!) ou Albert Londres (1884-1932). Je pense aussi que ce qui m’a gêné, c’est l’attitude colonialiste, condescendant par rapport aux « bouniouls » [sic, avec en note « noirs, en argot colonial »], louant l’apport de la « civilisation de l’homme blanc » [re-sic]: pour se rendre de Dakar à Saint-Louis, il emprunte un train une voiture de voyageurs qui est la « sœur jumelle de celles qui, ce matin même, cahotent à travers les campagnes du Poitou » (page 72), loue page suivante le travail des ingénieurs comparés à ceux de la Tour Eiffel ou du viaduc des Fades (il ne le dit pas, grand et haut viaduc qui permet(tait) à la ligne Montluçon-Clermont-Ferrand de franchir la vallée de la Sioule), vante le plan d’urbanisation de Saint-Louis. Je sais bien que ça reflète une époque, mais comme intellectuel communiste, il aurait pu avoir des réflexions plus profondes que celle-ci: « La paix que nous faisons régner ici tend peu à peu à se sentir avant tout sérères par haine des mandiagos, peuhls par haine des wolofs, ou bambaras par haine des uns et des autres […] Un des effets du colonialisme est peut-être de dénationaliser le noir » (p. 103). Là dessus, c’est raté, au vu des haines ethniques qui se déchaînent toujours dans la région. C’est encore pire page 180: « le vieillard [noir] est retourné à l’instinct bienveillant de sa race ». Page 166, nous avons le droit à une poignante description d’une excision par une « hideuse matrone » mais sans dénoncer la pratique : « à la faveur de cette opération, la dulcinée wolof quittera l’humiliante simplicité de son profil ». Autre temps que celui où l’on se pressait à Paris au zoo humain du jardin d’acclimatation (juste à côté d’où s’élève désormais la fondation Louis Vuitton), où l’on organisait de grandes expositions coloniales (il faut que je vous montre le « palais colonial » de 1931 à Paris, ex-musée des colonies devenu musée des arts d’Afrique et d’Océanie avant d’accueillir la Cité de l’immigration), de la publicité Banania avec son tireur sénégalais (créée lors de la Première Guerre mondiale, Banania vendu aux armées comme une nourriture enrichissante sous un petit volume) ou de Tintin au Congo d’Hergé (paru deux ans après Cacaouettes et bananes), mais je comprends mieux pourquoi ce titre est rarement (jamais?) mis en valeur dans l’œuvre de Jean-Richard Bloch.

Le dernier chapitre est anecdotique mais m’a finalement moins agacée… Il décide de ramener dans son Poitou, à grands frais, une ânesse… qui finalement succombera à l’arrivée de la gale coloniale, avec une pointe d’ironie sur le vétérinaire qui avait signé à Marseille le certificat d’importation sans avoir vu l’animal : « je reviens vers le bassin, d’autant plus soulagé de tenir entre mes doigts le papier en question que les prescriptions qui règlent l’importation des animaux domestiques sur le territoire national sont plus exigeantes et pointilleuses » (page 253). Ça me rappelle l’importation de plantes par la douane à Mouchin, juste avant Schengen, un tampon à aller faire mettre au port fluvial de Lille (sans les plantes).

J’ai trouvé cet opus un cran en-dessous de Sur un cargo, je n’ai pas (encore?) lu la suite annoncée par l’éditeur au début de l’édition de 1929, Europe du milieu, finalement parue sous le titre Mitropa ou l’Europe du milieu. En fait, ce n’est pas vraiment la suite, Le Robinson juif et L’Europe du milieu sont les récits de deux autres voyages / essais politiques, l’un pour l’inauguration de l’université hébraïque de Jérusalem en 1925, l’autre lors d’un voyage à Berlin pour la mise en scène d’une de ses pièces chez Piscator en 1928 et qui n’ont semble-t-il été regroupés et édités qu’en 2010 sous le titre A la découverte du monde connu : Jérusalem, Berlin (1925-1928) aux éditions Honoré Champion.

Le baobab fou de Ken Bugul

Couverture du Baobab fou de Ken Bugul pioche-en-bib.jpgJ’ai pris ce livre sur une sélection de livres acquis récemment par la médiathèque. Il a été écrit par Ken Bugul, pseudonyme (qui veut dire « personne n’en veut » en wolof) de Mariètou Mbaye Bilèoma, née à Maleme Hodar au Sénégal en 1948.

Le livre : Le baobab fou de Ken Bugul, éditions Présence africaine, 2010, 222 pages, ISBN 978-2-7087-0803-7 (première édition en 1982).

L’histoire : dans les années 1950, dans le village de Ndoucoumane au Sénégal. Une petite fille vit avec son frère à l’ombre d’un baobab. Un jour, sa mère s’en va, sans qu’elle comprenne pourquoi… Nous la retrouvons une vingtaine d’année plus tard à Bruxelles, elle a reçu une bourse pour poursuivre ses études en Belgique. Débarquée dans une institution catholique, elle part vite vivre en colocation avec une jeune fille rencontrée dans ce foyer. Le choc des cultures, pas bien préparée, elle voit vite la différence entre ce qu’elle a lu de l’Europe dans les livres et la vie réelle. Elle commence par dépenser une partie de sa bourse en achats divers… très vite, elle fréquente le milieu artistique, mais plus l’école où elle est inscrite, tombe dans la prostitution pour payer sa drogue… tout en restant très lucide sur sa vie, entre plaisirs des fêtes et piège de la drogue.

Mon avis : un récit autobiographique très beau, très fort… Sexe, drogue, homosexualité, désillusion par rapport à l’image de l’Europe, mais aussi amitiés, fêtes, vie dans le milieu artistique de la fin des années 1970, ce livre ne laisse pas le lecteur indifférent. Le retour sur l’enfance, en fin de récit, éclaire beaucoup le début… Au passage, dans le contexte actuel belge, elle signale le sort d’un de ses amis africains. Repéré un jour par un religieux qui lui propose de lui payer ses études s’il vient dans son couvent, ce dernier vient dès le lendemain dans sa chambre lui demander un « paiement en nature »… Le jeune homme réussit à s’enfuir, renonce aux études, mais n’en sort pas indemne.

Pour aller plus loin et comprendre le rejet que ce livre a suscité dans le milieu littéraire africain, je vous propose de lire l’avis de l’écrivain Sokhna Benga.

logo tour du monde en lecture Ce livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre du Sénégal, même si l’auteure habite aujourd’hui au Bénin.

Trois femmes puissantes de Marie NDiaye

Couverture de trois femmes puissantes de Marie Ndiaye pioche-en-bib.jpgAvec ce livre, prix Goncourt 2009, j’atteins 1,3% des livres lus dans le cadre du challenge du 1 % rentrée littéraire 2009, organisé par la Tourneuse de page. J’ai enfin réussi à l’avoir à la médiathèque.

Le livre : Trois femmes puissantes, de Marie NDiaye, Collection Blanche, éditions Gallimard, 317 pages, 2009, ISBN 9782070786541.

L’histoire : entre Dara Salam, Dakar, Paris et la Gironde. trois chapitres, trois récits, trois femmes. Norah retrouve son père à Dakar après plusieurs années à Paris. Son père qui l’a abandonnée, elle, sa mère et sa sœur, en retournant au pays avec son fils, Sony. Mais aujourd’hui, sous le flamboyant en fleur, le père a besoin de sa fille, devenue avocate, je vous laisse découvrir pourquoi, ainsi que la vie des deux autres femmes. Fanta, en Gironde, et Khadi Demba, qui tente de fuir le Sénégal…

Mon avis : le troisième récit m’a beaucoup touchée, mais j’ai eu du mal à rentrer vraiment dans les deux premiers chapitres. Peut-être le rythme lent de l’écriture, ou bien le changement de point de vue et de narrateur à la fin de chaque chapitre ? D’autant que dans le second, c’est plutôt Rudy Descas, le narrateur à la vie ratée, qui est au centre du récit, que Fanta, qui n’apparaît qu’en filigrane… et dans la dernière page du chapitre où elle devient narratrice. Avis mitigé donc pour ce prix Goncourt 2009.

Logo du challenge du un pour cent rentrée littéraire 2009 Avec ce livre, j’atteins 1,3% des livres lus dans le cadre du challenge du 1 % rentrée littéraire 2009, organisé par la Tourneuse de page, et qui prévoit de lire et chroniquer d’ici juillet 2010 au moins 7 livres. J’ai enfin réussi à l’avoir à la médiathèque. Je vais poursuivre mes lectures jusqu’en juillet.

Logo du challenge ABC critique de BabelioJ’ai sélectionné ce livre pour le défi ABC critique organisé par Babelio.