Archives de catégorie : Cinéma

Les films que j’ai vus au cinéma ces dernières années.

Le passé, d’Asghar Farhadi

Affiche de Le Passé, d'Asghar FarhadiFoule des grands jours à la séance de 16h30 lundi au TAP Castille à Poitiers (trois salles d’art et essai louées au cinéma commercial, depuis la fermeture de l’ancien théâtre, pour lequel la lutte continue depuis la parodie de concertation, réunion d’information ce soir 22 mai 2013 au Plan B, grande fête /manifestation programmée le 15 juin 2013).

Il faut dire qu’avec la pluie insistante, que faire d’autre qu’aller au cinéma? En plus, le lundi, c’est 5 € pour tout le monde. Le tableau d’affichage indiquait qu’à la séance de 16h pour Hannah Arendt, de Margarethe Von Trotta, il restait… 3 places! Il y avait un peu moins de monde pour Mud, de , sorti déjà depuis un moment. J’ai donc choisi de voir Le passé, d’, qui vient de sortir et est présenté en ce moment au festival de Cannes. Vous pouvez revoir mes avis sur ses autres films, Le client, Une séparation et Les enfants de Belle Ville.

Le film : de nos jours à Sevran en banlieue parisienne (une petite maison au ras de la ligne du RER) et à Paris. Ahmad (Ali Mosaffa) débarque de Téhéran après quatre ans d’absence: Marie (Bérénice Bejo), son épouse française qui travaille dans une pharmacie parisienne, veut régulariser leur divorce, elle est enceinte de Samir (), le patron du pressing voisin de son lieu de travail, avec qui elle a une relation depuis quelques mois, mais qui ne peut pas divorcer de sa femme, dans le coma depuis huit mois après une tentative de suicide. Les deux enfants de Marie, issus d’un premier mariage (le père a refait sa vie à Bruxelles), la petite Léa et Lucie (Pauline Burlet), l’adolescente rebelle, et Fouad (Elyes Aguis), le fils de Samir, semblent vivre difficilement cette situation. Pourquoi les relations entre Samir et Lucie sont-elles aussi tendues?

Mon avis : la presse présente ce film comme un film intimiste sur la séparation, le divorce, la famille recomposée, j’y ai surtout vu un film sur le suicide (6 ans après le suicide de ma mère, je peux enfin voir ce type de film sans fuir la salle, mais si j’avais connu ce thème avant, je n’y serai sans doute pas allée) et les remords des proches (pourquoi? qu’est-ce que j’ai fait ou pas?), les secrets de famille. Le jeu de tous les acteurs est excellent, les adultes bien sûr (Ali Mosaffa, Bérénice Bejo, ), mais aussi les enfants, surtout Elyes Aguis (Fouad), et Pauline Burlet (Lucie) qui à 17 ans montre des talents exceptionnels. La photographie est très soignée, les scènes d’intérieur dans la maison de Sevran dégagent une ambiance tout à fait adaptée au film, avait déjà montré son talent pour les scènes intimistes dans Une séparation et Les enfants de Belle Ville (les scènes chez le père de la victime notamment). A voir absolument, je lui souhaite de recevoir une récompense à Cannes… ou lors de prochains festivals, et surtout de trouver son public!

PS: Bérénice Bejo a reçu le prix de la meilleure actrice pour ce film au festival de Cannes 2013.

Festival Télérama 2014:

les films que j’ai vus avant le festival

– les films que j’ai vus dans le cadre du festival

– les films que je ne verrai pas parce qu’ils ne passent pas à Poitiers

  • Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen
  • Heimat, Edgar Reitz (dommage, il me tentait bien, il est sorti au mauvais moment pour moi)
  • Mon âme par toi guérie de François Dupeyron

– les films que je n’ai pas vus

  • Le Géant égoïste de Clio Barnard
  • A touch of Sin de Jia Zhang Ke
  • Snowpiercer, Le Transperceneige de Bong Joon-ho
  • La Danza de la Realidad de Alejandro Jodorowsky

Sous surveillance de Robert Redford

Affiche de Sous surveillance de Robert RedfordAvec la météo frisquette et grise, j’ai renoncé à la promenade et au jardin dimanche, et préféré aller au cinéma voir Sous surveillance de (et avec) Robert Redford (en V.O.), adapté du roman de Neil Gordon, The Company You Keep (que je n’ai pas lu).

Le film : de nos jours aux États-Unis. Alors qu’elle avait décidé d’aller se rendre à New-York, une mère de famille apparemment sans histoire (Susan Sarondon) est arrêtée dans une station service: elle était sous surveillance. Il s’agit en fait de Sharon Solarz, une ancienne militante d’extrême-gauche qui, avec le groupe Weather Underground, a revendiqué en 1969 une série d’attentats pour protester contre la guerre du Vietnam, série qui s’est achevée par un braquage dans lequel un policier a été abattu. Le groupe s’était alors dispersé et avait disparu dans la nature. Un jeune journaliste local, Ben Shulberg (Shia LaBeouf), dont le journal est à la peine, est sommé de trouver des informations s’il veut garder son poste. Très vite, il s’intéresse à Jim Grant (Robert Redford), un avocat veuf depuis un an et qui élève sa fille de 11 ans. Il se rend vite compte qu’il s’agit en fait de Nick Sloan, autre membre du groupe qui est accusé d’être le tireur lors du braquage mais s’en défend… Ce dernier réussit in extremis à échapper à la police et repart dans la clandestinité… à la recherche des autres camarades de l’époque… A ses trousses, le journaliste… lui-même poursuivi par le FBI.

Mon avis: un polar politique bien mené… Il commence avec un rythme soutenu, puis on entre plus lentement en profondeur, au fur et à mesure de l’apparition des anciens activistes, dont certains ont refait une vie respectable, d’autres (Mimi Lurie, jouée par Julie Christie) ont gardé leur idéaux et poursuivi le combat sur d’autres causes. Les paysages de la traque à la frontière nord des États-Unis sont superbes… alors certes, les amateurs de films d’action trouveront sans doute que ça manque de rythme à la fin, mais justement, ce calme permet d’accentuer le décalage entre la fin des années 1960 et aujourd’hui, l’évolution des personnages dans le temps, le sens (ou le non-sens) d’une traque de 30 ans…

Mud de Jeff Nichols

Affiche de Mud de Jeff NicholsAvec les giboulées, hier, je suis allée au cinéma, voir un film tout juste sorti, Mud, sur les rives du Mississipi, de , cinéaste que j’avais découvert il y a quelques mois avec Take shelter dans le cadre du festival Télérama 2013.

Le film : à DeWitt en Arkansas, au bord du Mississipi et des bayous. Deux gamins de 14 ans, Ellis (Tye Sheridan) et Neckbone (Jacob Lofland), l’un vit avec ses parents, l’autre avec son oncle, tous deux les aides à la pêche, et ont surtout une vie très libre. Ils viennent d’apprendre que sur une île voisine, un bateau est perché dans les arbres depuis la dernière tempête. Arrivés sur place, ils s’aperçoivent que le bateau est déjà occupé par un homme, Mud (Matthew McConaughey), flingue aux reins et serpent tatoué sur le bras… Il est recherché par la police (et la famille de sa victime) pour avoir tué le dernier amant violent de son amie, Juniper (Reese Witherspoon). Il demande aux adolescents de l’aide pour réunir du matériel et quitter l’île sur le bateau.

Mon avis : j’avais un peu peur de voir un film qui casserait la vision magique des bayous de Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier. l’ambiance est très différente, mais j’ai adoré ce film. Décidément, ce jeune (34 ans) réalisateur qu’est Jeff Nichols a un don pour filmer la nature, les tornades dans Take shelter, le Mississipi et les bayous ici. Le conte initiatique, les deux adolescents qui découvrent le monde des adultes et l’amour, n’est qu’un prétexte au service d’un très beau film, que j’ai préféré à Take shelter.

La maison de la radio de Nicolas Philibert

Affiche de La maison de la radio de Nicolas PhilibertVendredi soir, Nicolas Philibert était à Poitiers au Tap cinéma (Castille) pour une projection et débat autour de son dernier film, La maison de la radio.

Le film : au fil des mois (très peu de repères d’actualité, juste le tsunami au Japon et le printemps arabe, comme en passant), une immersion au sein de la maison de la radio à Paris, France Inter, France Info, France bleue, France Culture, le garage, la popote, les couloirs, quelques reportages, la fabrication d’une dramatique, la construction d’un journal…

Mon avis : avant la projection, Nicolas Philibert a prévenu, ce n’est pas la peine de demander pourquoi il n’y a pas telle émission… Il a dû faire des choix dans ses rushs! Il n’y a pas non plus d’images sur la direction de la radio. J’ai adoré ce film qui montre le grand professionnalisme des équipes, ceux que l’on entend à l’antenne et ceux dont on n’entend que les noms au générique, je mets maintenant un visage à « Jésus Cabrera, [remercié] pour le petit café du matin ». Deux fils rouges reviennent tout au long des séquences, la fabrication d’une dramatique pour France Culture et le « bocal » de France Inter, où les dépêches et les reportages qui arrivent sont triés et hiérarchisés. Je vous laisse découvrir par vous-même en salle tous ces petits morceaux qui font les antennes de Radio-France, les habitudes de chacun, qui écrit ses papiers à l’ordinateur et les rature, qui les écrit à la main… et laquelle les tape en stéréotypie et les lit sur une tablette braille (grosse surprise pour moi, je ne savais pas cette journaliste aveugle)… Vous verrez aussi des petites pépites, le bureau de Frédéric Lodéon, Jean-Bernard Pouy (créateur du Poulpe, je vous ai parlé de 1280 âmes) qui avait prévu des pommes de terre (en avait-il déjà épluché avant?) pour la minute de silence de Rebecca Manzoni, une répétition du chœur de radio France avec une étonnante leçon de diction allemande… Un film au rythme soutenu, juste des images et des sons pris sur place, pas de commentaire en voix off.

Dans la discussion, Nicolas Philibert a assumé ses choix: exit l’open space de France Info trop difficile à filmer, pas de sous-titrage indiquant qui est qui, l’important, ce sont les voix et la construction du son. Il regrette l’uniformisation des antennes, que l’on distingue de moins en moins l’empreinte sonore caractéristique de chaque antenne. Le son est vraiment au centre de ce film… A ne pas rater, à voir au cinéma sans attendre une diffusion à la télévision!

No, de Pablo Larraín

Affiche de No, de Pablo LarraínLe printemps et ses giboulées donnent des envies de cinéma! Après Alceste à bicyclette et Camille Claudel 1915, je suis allée voir No, de Pablo Larraín. Je n’avais pas pu le voir mercredi dernier, quand il était suivi d’un débat autour de la dictature de Pinochet organisé par Sciences-Po Paris (la section hispanique est délocalisée depuis des années à Poitiers). J’avais entendu une longue interview de Pablo Larraín sur France Inter, dans l’émission de Paula Jacques/

Le film : Chili, 1988. Pressé par l’opinion internationale, après 16 ans au pouvoir où il était arrivé grâce à un coup d’État soutenu par les États-Unis, Augusto Pinochet finit par organiser un référendum demandant s’il doit rester ou non président pour les huit prochaines années. Il accepte également que l’opposition dispose pendant un mois d’une tribune de 15 minutes (en pleine nuit) sur la télévision nationale. L’opposition va chercher un jeune publicitaire dans une agence à la solde du pouvoir, René Saavedra (Gael García Bernal). Celui-ci choisit n angle d’attaque original, montrer la joie du peuple chilien à l’idée de se débarrasser de Pinochet. Avec peu de moyens, malgré les pressions du pouvoir sur lui, son enfant et son ex-femme, Verónica (Antonia Zegers), les opposants, ils réussissent à capter l’attention des gens, le but est de montrer que les gens peuvent voter librement et oser voter et exprimer leur NO. En face, la campagne est menée par les militaires, bientôt rejoints au poste de conseiller par le patron de René Saavedra, Lucho Guzmán (Alfredo Castro).

Mon avis : le spectateur du film est emporté par le peps qui se détache de cette campagne de publicité politique… qui est quand même organisée comme une campagne pour vendre une boisson ou autre. Le décalage avec la campagne du camp du oui, qui met en avant la personnalité et le bilan « positif » de Pinochet, est d’autant plus fort. Alors certes, cette campagne de publicité n’est probablement pas, contrairement au parti pris du film, la seule cause de la victoire du NO à ce référendum, mais elle y a probablement contribué en libérant la parole.. J’aurais bien aimé que le TAP cinéma propose également au moins une soirée avec les deux autres films de la trilogie de Pablo Larraín sur la dictature de Pinochet, Tony Manero et Santiago 73 Post Mortem, que je n’avais pas vus, c’est peut-être encore possible de les programmer dans les prochaines semaines?

Camille Claudel 1915 par Bruno Dumont

Affiche de Camille Claudel 1915 par Bruno DumontDimanche de giboulées… Après Alceste à bicyclette en début d’après-midi, je suis ensuite allée voir Camille Claudel 1915 au Dietrich, cinéma associatif qui ne participe pas au printemps du cinéma, quelques spectateurs râlaient sur les tarifs [du même réalisateur, voir aussi mon avis sur Ma Loute].

Le film : trois jours pendant l’hiver 1915, à l’asile de Montdevergues à Montfavet dans le Vaucluse, près d’Avignon. Camille Claudel (Juliette Binoche) est enfermée « en première classe » dans l’asile, s’ennuie, même si elle a droit à un traitement de faveur pour préparer elle-même ses repas. Elle attend la venue de son frère Paul (Jean-Luc Vincent).

Mon avis : je n’ai pas du tout aimé ce film. Si vous avez l’occasion, sur le même sujet, écrit à partir des mêmes documents (notamment la correspondance de Camille et de Paul Claudel), je vous conseille plutôt de voir la pièce La robe bleue – Camille Claudel par la Cie Tuchenn, ou de lire La robe bleue, de Michèle Desbordes, d’où cette pièce est tirée. Des lettres de Camille Claudel, il ressort qu’elle attendait en vain son frère Paul, qui lui a très rarement rendu visite… Si la mention à la fin du film « Paul Claudel lui rendit visite à l’asile jusqu’à sa mort » n’est pas fausse… elle est très incomplète, puisqu’en 30 ans, de 1914 à 1943, il ne lui a rendu visite que douze fois, il n’est pas venu à son enterrement et elle a été inhumée dans une fosse commune.

Ce qui me gêne le plus dans le film, c’est d’abord la présence non pas de personnes internées avec des maladies psychiques, comme dit la présentation officielle du film, mais de pensionnaires d’une MAS (maison d’accueil spécialisée, visée au générique), handicapés mentaux et polyhandicapés, dont les dysmorphies laissent supposer qu’il s’agit d’anomalies chromosomiques (sur le sujet, voir l’action de l’association Valentin Apac).

Bruno Dumont a fait le choix de montrer un asile très propre, avec des activités pour les pensionnaires (ateliers de musique, de théâtre, etc.), même si à cette époque, Paul Claudel se dédouane de cet internement en payant sa pension « en première classe », la vision de l’asile semble un peu trop idyllique… Camille Claudel se plaint dans ses lettres de cris incessants (cris dont on peut se rendre compte dans certains films d’actualité des années 1920, voir le site de l’INA), ce qui est d’ailleurs rapporté dans une réplique, mais absolument pas rendu dans le film. Paul Claudel y est présenté comme un mystique, ce qu’il était probablement quand on lit son œuvre, mais je trouve que son rôle est très mal rendu. Certes, il reste intransigeant sur l’internement de sa sœur (qui est intervenu dans la semaine suivant la mort de leur père, en mars 1913, d’abord à à Ville-Evrard), mais les raisons de cette intransigeance ne sont pas données, le rôle de la mère en particulier apparaît peu (Camille la réclame dans le film, c’est tout), Paul Claudel reste juste muet lorsque le psychiatre lui conseille d’accéder à la demande de sa sœur d’alléger l’enfermement… Il n’est guère question non plus d’Auguste Rodin. si ce n’est dans la bouche de Camille, qui le soupçonne d’avoir voulu s’approprier son œuvre et son atelier.

Sur le site de l’INA, voir une interview de Paul Claudel en 1954 (il n’a plus la moustache « à la Hitler » qui est dans le film et sur certains portraits officiels des années 1920), il y parle de sa conversion à Notre-Dame (à noël 1886, c’est aussi dans le film), de nombreux poètes et écrivains, et pour une fois, parle en quelques mots de sa sœur à 7 minutes20 environ (« Camille […] d’une beauté et d’un talon extraordinaire »… avant de parler de la terreur de la folie).

Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay

Affiche de Alceste à bicyclette de Philippe Le GuayAlceste à bicyclette, de Philippe Le Guay, était passé dans les salles périphériques mais seulement une semaine en ville, à des horaires pas du tout pratiques. C’est comme si CGR ne voulait plus de ses salles en ville, qu’il garde parce que c’était le seul moyen d’ouvrir un autre complexe à l’extérieur, mais ils font tout pour ne pas avoir de spectateurs en ville et pouvoir fermer des salles « déficitaires ». Pour moi, hors de question d’aller aux nouvelles salles de Fontaine-le-Comte, inaccessibles en bus (je n’ai pas de voiture), et je ne suis allée que deux fois en quelques années à Buxerolles, il faut pouvoir y aller à une séance à 17h en semaine si on veut un bus au retour (le samedi, trop peu de bus, attendre 45 minutes, non merci, et pas desservi le dimanche). Ils ont quand même programmé Alceste à bicyclette pour le printemps du cinéma en ville, encore à une heure peu pratique (13h30), mais avec les giboulées, aucun regret pour s’enfermer dans une salle de cinéma.

Le film: de nos jours en plein hiver. Gauthier Valence (Lambert Wilson), acteur à succès notamment dans une série médicale sur une grande chaîne de télévision, souhaite monter Le Misanthrope de Molière dans un théâtre parisien. Il souhaiterait jouer Alceste et confier Philinte à Serge Tanneur (Fabrice Luchini), un acteur qui s’est retiré depuis trois ans sur l’île de Ré après une grave dépression. Serge Tanneur hésite, finit par accepter de faire des italiennes, à condition de jouer Alceste et pas Philinte, finalement, ils se mettent d’accord pour alterner les rôles… mais il ne donnera sa décision -jouer ou pas- qu’à l’issue d’une semaine de répétitions, qui alternent avec des promenades à bicyclette et la rencontre avec Francesca (Maya Sansa), une italienne qui vient de mettre en vente sa maison…

Mon avis: contrairement aux derniers films où il a joué, cette fois, Fabrice Luchini « fait » du Fabrice Luchini! Ce rôle d’acteur aigri et retiré du monde lui va à merveille, n’en déplaise à Pierre Murat qui avait descendu le film en flèche dans Télérama. L’équilibre entre les répétitions (en intérieur ou dans la cour de la maison) et les intermèdes (promenades à vélo, sorties au restaurant, visites immobilières, projet de vasectomie, chut, je ne vous en dirai pas plus) est assez réussi. Alors certes, le scénario n’est pas d’une grande originalité, mais il donne envie d’aller revoir un Misanthrope au théâtre (et de guetter certaines répliques telles « l’effroyable haine »), et j’ai passé un bon moment de détente…

Pour rebondir : voir plus en détail la gare (et ses mosaïques) de La Rochelle, aperçue plusieurs fois dans le film.

Habemus papam de Nanni Moretti

Affiche de Habemus Papam

Les cardinaux entrent en conclave aujourd’hui, impossible de ne pas repenser au très drôle conclave de Nanni Moretti! [voir aussi mon avis sur son film suivant, Mia Madre].

Article du 12 septembre 2011

Après un beau samedi, des averses toute la journée hier… Tout le monde avait dû se donner rendez-vous au cinéma d’art et essai, foule des grands jours pour Habemus papam de Nanni Moretti…

Le film : Rome, de nos jours. Enterrement du pape, les cardinaux entrent en conclave au Vatican. Dure, l’élection, personne ne veut cette charge, certains tentent de copier sur le voisin, sur la place Saint-Pierre, les journalistes et la foule attendent le résultat. Au troisième tour, c’est le cardinal de Melville (Michel Piccoli) qui est élu. Mais au moment de se présenter au balcon, il craque, ne peut faire le dernier pas. Le porte-parole du Vatican (Jerzy Stuhr) est très ennuyé. Le lendemain matin, certains cardinaux veulent sortir, profiter de leur séjour à Rome pour aller voir une exposition… Impossible, le conclave ne s’achève que lorsque le nouveau pape s’est fait connaître publiquement… Un psychanalyste (Nanni Moretti) est appelé à la rescousse, mais pas facile d’interroger son « patient » avec tous les autres cardinaux autour, des sujets interdits (dont le sexe…), etc. Le soir, aucune amélioration, mais le psy se retrouve enfermé au Vatican… Le lendemain, solution de secours, il est décidé d’exfiltrer le pape du Vatican pour qu’il aille voir l’ex-femme du psy, elle aussi analyste. En sortant, il demande à faire un tour en ville… et profite du passage d’un camion pour disparaître… Que va faire le Vatican? Comment faire patienter la foule des fidèles? Comment occuper les autres cardinaux toujours enfermés? Dieu se serait-il trompé en choisissant Melville (par l’intermédiaire des autres cardinaux)?

Mon avis : le rôle du pape va très bien à Piccoli! Un film drôle… malgré le sujet! Vous ne pourrez pas résister à la partie de beach volley organisée dans la cour du Vatican par le psychanalyste pour faire patienter les cardinaux, ou au « plan comm' » du porte-parole du Vatican qui implique de faire croire qu’il y a quelqu’un dans les appartements pontificaux… La prière ne parvient pas à débloquer le nouveau pape? Le psychanalyste non plus (il faut dire que le dialogue singulier avec une centaine de témoins, ça n’aide pas…). Le Vatican accepte le dialogue singulier pour le second rendez-vous, à l’extérieur, mais aucun résultat non plus (le pape se cache derrière un métier d’acteur… et sort en disant qu’il lui faudra trois séances par semaine, pendant une durée indéterminée…). En plein centenaire 30 ans de la mort de Lacan (vous n’avez pas pu y échapper), un débat Église / analyse avec au centre, rien moins que le pape déprimé ou au moins paniqué par la charge qui lui revient, Nanni Moretti a fait fort dans son scénario…

Ce film était sélectionné pour le festival télérama 2012. Voici les dix films que j’ai vus dans cette sélection de quinze films:

Wadjda, de Haifaa Al Mansour

Affiche de Wadjda, de Haifaa Al MansourWeek-end frisquet à Poitiers aussi, une petite sortie cinéma, à la place de la promenade… Direction non pas le cinéma d’art et d’essai, mais le commercial CGR du centre-ville, ils sont depuis quelques semaines dans le même espace, il devait y avoir un accord de programmation entre les deux… mais le CGR en ville ne passe plus que des films en VO et la plupart en art et essai. Même Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay, tourné dans la région, n’y est passé qu’en dernière semaine à des horaires très limités, CGR préférant le mettre dans ses deux « mégas » en périphérie, un seul est accessible en bus du centre-ville, à condition de rentrer avant 19h30 et de patienter jusqu’à 20 minutes en semaine, une heure le samedi, quasi impossible le dimanche. Du coup, je n’ai pas vu Alceste à bicyclette [finalement vu lors du printemps des cinémas, trois séances à 13h30].

Le film : de nos jours en périphérie de Riyad en Arabie-Saoudite. Wadjda (Waad Mohammed) est une jeune écolière rebelle… Elle vit avec sa mère (Reem Abdullah), son père, en passe de conclure un deuxième mariage, passe rarement leur rendre visite. A l’école, elle brave les interdits, porte des baskets colorées et un jean sous la tenue noire imposée aux filles, fabrique des bracelets « brésiliens » aux couleurs des équipes de football qu’elle revend dans la cour de récré, n’hésite pas à avoir de la répartie avec les hommes (les ouvriers d’un chantier, le chauffeur du taxi collectif qui emmène sa mère enseignante travailler). Elle aime taquiner son voisin, Abdallah (Abdullrahman Al Gohani) le battre à la course. Mais voilà, les garçons, tout de blanc vêtus, vont à l’école à vélo, et le vélo est interdit aux filles. Elle veut absolument en faire et s’en acheter un. Sa vente de bracelets et les menus services qu’elle peut rendre ne lui rapporte pas assez pour réunir la somme nécessaire. Et un jour, la directrice (Ahd) annonce un concours de Coran, questions et psalmodie, doté de la somme dont elle a besoin. Elle se jette à corps perdu dans la bataille, il lui faut cet argent… pour acheter le vélo interdit!

Mon avis : c’est le troisième film jamais produit en Arabie-Saoudite, un pays où le cinéma est interdit, où les femmes n’ont pas le droit de conduire (ni vélo, ni voiture). Et voilà que la réalisatrice, qui a étudié en Égypte, décide de montrer la condition des femmes et des filles de son pays. Je suis allée voir ce film comme un film militant… et je suis tombée sur un film tendre, sensible, plein d’humour! Les enfants sont excellents dans leur rôle. Le personnage de la mère, soumise au système et qui ne comprend pas l’obstination de sa fille, celui de la directrice de l’école de filles, sévère, de la camarade de classe mariée à 10-12 ans, donnent une idée du chemin à parcourir par les femmes dans ce pays, mais sans faire de morale, le film fait juste un constat, réaliste. L’avenir et l’évolution viendront-ils des enfants? Un film à voir absolument!

Ciné-concert : The Thief de Russell Rouse accompagné par le Jérémy Baysse quintet

Poitiers, le théâtre et auditorium,12, vu depuis la grande passerelleC’était il y a déjà un mois, j’ai vu au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, dans le cadre de la saison 2012-2013, le ciné-concert proposé par Jérémy Baysse et son quintet. Chaque année, le TAP propose un ciné-concert. Cette programmation existe depuis longtemps, et avant même qu’il ne devienne le théâtre et auditorium… j’ai toujours un souvenir ému de l’intégrale des Vampires de Louis Feuillade, série policière en dix épisodes, tournés en 1915, en pleine première guerre mondiale, avec des acteurs qui meurent à la fin de certains épisodes… et ressuscitent ou pas suivant que les acteurs reviennent ou non du front. 8h de spectacle, entrecoupées de deux entractes, un grand moment! (vous pouvez les découvrir sur Youtube, lien vers la première partie). pour la saison 2010-2011, j’avais vu The Kid de Charlie Chaplin et la saison précédente, en 2009-2010, un ciné-bd-concert Un homme est mort adapté de la BD de Chris et Davodeau, par Christophe Rocher.

Le film : à New-York dans l’immédiate après-guerre. Un spécialiste de physique nucléaire espionne ses collègues pour une puissance étrangère (jamais vraiment désignée). Il est contacté par des sonneries de téléphone, file faire des photographies des documents secrets de ses collègues sur microfilm, puis remet ces documents dans un lieu public, en général une grande bibliothèque, le film passe alors de main en main jusqu’à sa destination finale. Un jour, l’une des personnes qui participent à cette chaîne de transmission meurt dans un accident de voiture, le FBI récupère le film et enquête pour identifier l’espion, qui est mis à l’abri dans un hôtel en attendant de trouver un moyen de lui faire quitter les États-Unis…

Mon avis : The Thief (l’espion) est un film très particulier, puisqu’il a été tourné sans parole en 1952, donc bien après l’apparition du cinéma parlant. Ce n’est d’ailleurs pas un film « muet », puis qu’il y a des bruitages, notamment l’entêtante sonnerie du téléphone. Un certain Fields est en cause dans le film… Pas le John Charles Fields de la médaille de mathématiques qui porte son nom, puisqu’il  est mort en 1932, mais c’est probablement un clin d’œil… Un film très daté, en pleine guerre froide, en pleine chasse paranoïaque aux espions…Les scènes dans l’Empire State Building sont intéressantes aussi d’un point de vue… architectural, on y voit les coulisses d’une tour géante…

La musique créée par Jérémy Baysse et jouée avec son quintet (Jérémy Baysse à la guitare, Fabrice Barré et ses clarinettes, Domi Sanyas au violoncelle, Tristan Pierron à la basse, François Luçon à la batterie) s’adapte parfaitement à l’ambiance du film (vous pouvez écouter un extrait sur son site). Je l’ai revu récemment seul en scène pour l’accompagnement de deux films de Buster Keaton, mais c’est une autre histoire dont je vous reparlerai…

Pour les amis de Châtellerault, The Thieff y sera donné le 6 mai 2013 au nouveau théâtre. Un dispque a aussi été produit à la Mouette à trois queues.

Pour aller plus loin, au rayon lecture sur mon blog:

Es-tu maître de l’aube ? de Pearl Buck

La Déesse des petites victoires de Yannick Grannec

Théorème vivant de Cédric Villani

 

Il y a quelques années, Jérémy Baysse a aussi composé la musique de l’Art roman, un art à partager pour la Région Poitou-Charentes.

Le site internet de l’inventaire de Poitou-Charentes étant apparemment hors service ce week-end, je vous propose directement la vidéo…

Poitou-Charentes : l’art roman, un art à partager par Region-Poitou-Charentes