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Camille Claudel 1915 par Bruno Dumont

Affiche de Camille Claudel 1915 par Bruno DumontDimanche de giboulées… Après Alceste à bicyclette en début d’après-midi, je suis ensuite allée voir Camille Claudel 1915 au Dietrich, cinéma associatif qui ne participe pas au printemps du cinéma, quelques spectateurs râlaient sur les tarifs [du même réalisateur, voir aussi mon avis sur Ma Loute].

Le film : trois jours pendant l’hiver 1915, à l’asile de Montdevergues à Montfavet dans le Vaucluse, près d’Avignon. Camille Claudel (Juliette Binoche) est enfermée « en première classe » dans l’asile, s’ennuie, même si elle a droit à un traitement de faveur pour préparer elle-même ses repas. Elle attend la venue de son frère Paul (Jean-Luc Vincent).

Mon avis : je n’ai pas du tout aimé ce film. Si vous avez l’occasion, sur le même sujet, écrit à partir des mêmes documents (notamment la correspondance de Camille et de Paul Claudel), je vous conseille plutôt de voir la pièce La robe bleue – Camille Claudel par la Cie Tuchenn, ou de lire La robe bleue, de Michèle Desbordes, d’où cette pièce est tirée. Des lettres de Camille Claudel, il ressort qu’elle attendait en vain son frère Paul, qui lui a très rarement rendu visite… Si la mention à la fin du film « Paul Claudel lui rendit visite à l’asile jusqu’à sa mort » n’est pas fausse… elle est très incomplète, puisqu’en 30 ans, de 1914 à 1943, il ne lui a rendu visite que douze fois, il n’est pas venu à son enterrement et elle a été inhumée dans une fosse commune.

Ce qui me gêne le plus dans le film, c’est d’abord la présence non pas de personnes internées avec des maladies psychiques, comme dit la présentation officielle du film, mais de pensionnaires d’une MAS (maison d’accueil spécialisée, visée au générique), handicapés mentaux et polyhandicapés, dont les dysmorphies laissent supposer qu’il s’agit d’anomalies chromosomiques (sur le sujet, voir l’action de l’association Valentin Apac).

Bruno Dumont a fait le choix de montrer un asile très propre, avec des activités pour les pensionnaires (ateliers de musique, de théâtre, etc.), même si à cette époque, Paul Claudel se dédouane de cet internement en payant sa pension « en première classe », la vision de l’asile semble un peu trop idyllique… Camille Claudel se plaint dans ses lettres de cris incessants (cris dont on peut se rendre compte dans certains films d’actualité des années 1920, voir le site de l’INA), ce qui est d’ailleurs rapporté dans une réplique, mais absolument pas rendu dans le film. Paul Claudel y est présenté comme un mystique, ce qu’il était probablement quand on lit son œuvre, mais je trouve que son rôle est très mal rendu. Certes, il reste intransigeant sur l’internement de sa sœur (qui est intervenu dans la semaine suivant la mort de leur père, en mars 1913, d’abord à à Ville-Evrard), mais les raisons de cette intransigeance ne sont pas données, le rôle de la mère en particulier apparaît peu (Camille la réclame dans le film, c’est tout), Paul Claudel reste juste muet lorsque le psychiatre lui conseille d’accéder à la demande de sa sœur d’alléger l’enfermement… Il n’est guère question non plus d’Auguste Rodin. si ce n’est dans la bouche de Camille, qui le soupçonne d’avoir voulu s’approprier son œuvre et son atelier.

Sur le site de l’INA, voir une interview de Paul Claudel en 1954 (il n’a plus la moustache « à la Hitler » qui est dans le film et sur certains portraits officiels des années 1920), il y parle de sa conversion à Notre-Dame (à noël 1886, c’est aussi dans le film), de nombreux poètes et écrivains, et pour une fois, parle en quelques mots de sa sœur à 7 minutes20 environ (« Camille […] d’une beauté et d’un talon extraordinaire »… avant de parler de la terreur de la folie).

La robe bleue – Camille Claudel par la Cie Tuchenn

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 01, la cour Le musée Sainte-Croix à Poitiers propose cet été deux représentations de La Robe bleue par la compagnie Tuchenn, de Rennes (mise en scène Bernard Colin, interprétation Michèle Kerhoas et Violaine Vérité). J’étais à la première représentation le 17 juillet 2012, vous pouvez encore assister à celle du 7 août (à 19h, gratuit, ouverture des portes 20 minutes avant, attention, il y a du monde…). Une visite guidée des œuvres de Camille Claudel était organisée avant la pièce (je n’y ai pas assisté).

La pièce est adaptée du livre de Michèle Desbordes, La robe bleue, aux éditions Verdier, 2004, sur la vie de Camille (et Paul) Claudel. J’aime bien les choix éditoriaux de cette maison d’édition, qui a aussi publié, sur un sujet voisin, Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud, de Emmanuel Venet (2006).

Le spectacle : deux femmes racontent la vie de Camille Claudel, son amour pour Auguste Rodin mais surtout son internement pendant plus de 30 ans à Ville-Evrard puis à l’asile de Montdevergues à Montfavet, dans le Vaucluse près d’Avignon, et surtout le rôle de sa mère et de son frère Paul dans cet internement puis son maintien à l’asile, avec de très rares visites de Paul.

Mon avis : un texte fort, avec des projections de photographies anciennes tout au long du spectacle, qui raconte bien le rapport complexe de Camille et de Paul Claudel, elle en admiration, lui niant tout simplement son existence. Je regrette juste que le texte, s’il ne donne certes pas la beau rôle à Paul Claudel, ne dise pas plus précisément à la fin que celui-ci a laissé mourir de faim sa sœur à l’asile, en toute connaissance de cause, et alors qu’il aurait eu la possibilité de la faire sortir au début de la seconde guerre mondiale comme à n’importe quel moment entre 1913 et 1943. Apparemment, bon nombre de spectateurs découvraient cet aspect de la vie de Camille et Paul Claudel, alors que c’est une tragédie bien connue – ou qui devrait l’être, et qui m’a été racontée dès la plus jeune enfance chaque fois que l’on croisait une œuvre de Rodin ou de Camille Claudel – qui fait que j’ai toujours détesté Paul Claudel et n’arrive absolument pas à lire ses textes.