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Peste et choléra de Patrick Deville

Couverture de Peste et choléra de Patrick Deville Un livre lu chez mon père… Ce livre figurait dans la sélection Télérama des dix meilleurs romans français de la rentrée littéraire 2012. Il a reçu le prix Fémina 2012 et le prix du roman Fnac 2012. J’avais lu l’année dernière du même auteur Kampuchéa et depuis j’ai aussi lu Viva.

Le livre : Peste et choléra de Patrick Deville, éditions du Seuil, 2012, 221 pages, ISBN 9782021077209.

L’histoire : 30 mai 1940. Un homme emprunte ce qui sera le dernier vol Air-France Paris-Hanoï avant longtemps, réservé plus d’un mois avant. Contrairement aux autres passagers, Alexandre Yersin ne fuit pas Paris, il rentre chez lui. En 1885, il a quitté sa Suisse natale et poursuit ses études à Paris, dans l’équipe de Pasteur. Avec Émile Roux, il publie un article sur la toxine diphtérique. Après un passage à Berlin chez Koch, le concurrent de Pasteur (et avec la bénédiction de ce dernier), il découvre la mer à Dieppe lors d’une campagne ant-diphtérique. La mer lui donne des envies de bouger, il s’engage comme médecin embarqué à bord d’un navire, entre Saïgon et Manille puis entre Saïgon et Hanoï. Aux escales, il explore la région et dresse des cartes. Deux ans plus tard, il débarque, poursuit son exploration (et est grièvement blessé), avant de s’établir dans un domaine où il souhaite acclimater diverses plantes (dont l’hévéa, le quinquina) et plus tard élever des animaux pour produire les sérums pour l’institut Pasteur. En 1894, Pasteur le somme d’aller à Hong Kong où sévit le bacille de la peste… Il en découvre en quelques semaines le bacille de la peste (qui prend son nom, Yersinia Pestis) avant les équipes japonaises pilotées à distance par Koch, puis s’en retourne dans son domaine à Nha Trang, tout en entretenant une abondante correspondance avec sa mère et sa sœur, en revenant rarement à Paris, mais en gardant des contacts avec les Pasteuriens. Il fonde un institut pasteur, mais en transmet très vite la direction, il préfère se consacrer à l’acclimatation des plantes, à agrandir son domaine…

Mon avis : un personnage étonnant et passionnant que cet Alexandre Yersin! Comme dans Kampuchéa avec Henri Mouhot, Patrick Deville papillonne, passe d’une époque (1940) à l’autre (de 1883 à 1943), et à nouveau, une carte de l’Asie du Sud-Est, avec les principaux points de chute de Yersin, n’aurait pas été de trop en fin d’ouvrage… c’est qu’il a bénéficié d’un matériau important pour écrire ce livre, avec toutes les lettres écrites par Yersin à sa mère et à sa sœur conservées à l’institut Pasteur à Paris. Le livre est ponctué d’éléments qui devraient nous aider à nous situer dans le temps, la conférence de Berlin pour le partage européen des colonies africaines (1884, mais la date n’est pas dans le livre), le début de l’affaire Dreyfus, les 15 ans de la chute de Sedan, des rencontres littéraires, l’assassinat de Jaurès, de nombreuses références qui ponctuent ce voyage dans la vie de Yersin et de son époque…

Je vous invite aussi à découvrir le travail de Sébastien Laval, qui a photographié les minorités vietnamiennes (et aussi au Cambodge et au Laos), en partie les mêmes que celles photographiées jadis par Yersin, publiées partiellement dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 73 de juillet 2006 et dans le dossier Vietnam du n° 96 d’avril 2012.

Pour rebondir avec des articles sur mon blog:

Louis Pasteur à Dole (monument et maison natale)

Le monument à Louis Pasteur par Alexandre Falguière, avec des vues d’hier et d’aujourd’hui, à Paris (place de Breteuil, à deux pas de l’institut Pasteur de Paris)

La maison natale (lycée) et le buste d’Émile Roux par René Pajot à Confolens

Le monument aux morts annamites de 1914-1918 dans le cimetière de Salonique à Toulouse

La peste à Niort (1603), relief sur une maison de la rue de la Juiverie

Le tome 2, l’Empire, de Petite histoire des colonies françaises, de Grégory Jarry et Otto T., où il est question de la conférence de Berlin de 1884

Kampuchéa, de Patrick Deville, sur Mouhot

Pêcheur d’Islande de Pierre Loti

A défaut de La Peste, L’étranger d’Albert Camus

Brésil, des hommes sont venus… de Blaise Cendrars

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Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.

 

La Déesse des petites victoires de Yannick Grannec

Couverture de La Déesse des petites victoires de Yannick Grannec

Un livre lu chez mon père

Le livre : La Déesse des petites victoires de Yannick Grannec, éditions Anne Carrière, 2012, 469 pages, ISBN 9782843376665.

L’histoire : à Vienne en Autriche puis à Princeton aux États-Unis, de 1928 au début de l’année 1981. 1980, Anna Roth, fille de mathématicien, qui rentre d’un séjour en Europe, a été embauchée comme documentaliste par l’université de Princeton et est chargée de convaincre Adèle Gödel, hospitalisée, de remettre les archives de son mari, le célèbre logicien Kurt Gödel, récemment décédé. Le roman se scinde alors en deux: les relations qui se nouent -difficilement- entre Adèle et Anna, et le récit de la vie de Kurt et Adèle depuis leur rencontre à Vienne jusqu’à leur fuite du nazisme par la Russie et leur arrivée et leur vie à Princeton, sur fond de la maladie de Kurt, dévoré de tocs et anorexique, avant de devenir carrément paranoïaque à l’époque du maccarthysme, sur fond d’amitié avec Albert Einstein, Robert Oppenheimer, Oskar Morgenstern, Wolfgang Pauli, John von Neumann. Anna récupèrera-t-elle ces précieuses notes écrites dans une sténographie allemande que seules quelques personnes (dont elle) peuvent encore déchiffrer?

Mon avis : le roman alterne les chapitres à la première personne, dans la bouche d’Adèle Gödel et les chapitres à la troisième personne sur les rencontres d’Anna Roth et Adèle Gödel. Une note en fin de livre explique ce qui est proche de la réalité et ce que l’auteur a extrapolé pour rendre le roman vivant. Après l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne, de nombreux physiciens et mathématiciens ont fui l’Allemagne, l’Autriche et le reste de l’Europe centrale, Kurt Gödel fut l’un des derniers à partir… Ils se sont pour la plupart retrouvés à l’université de Princeton (à l’institute for advanced studies/IAS). Ce roman est aussi l’histoire de la maladie mentale de Gödel et les relations du couple qu’il forme avec Adèle, qui habitait la même rue à Vienne, fille de commerçants et girl dans un cabaret… une rencontre improbable. Les mathématiques sont mis de côté dans ce roman, à part ce que peut comprendre Adèle (les opérateurs logiques et une approche des ensembles), presque rien sur les théorèmes d’incomplétude. Ce ne sont pas les travaux de Gödel qui sont au cœur du roman mais ses relations aux autres et en particulier à sa femme, ainsi que ses troubles psychiques. Pour les chapitres intermédiaires, le sujet tourne autour de l’apprivoisement d’une vieille dame acariâtre par une jeune fille assez déprimée. Un gros livre qui se lit tout seul.

Si vous voulez retrouvez Princeton en 2011, alors je vous conseille la lecture de Théorème vivant de Cédric Villani.

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Un héros de Félicité Herzog

Couverture de Un héros de Félicité Herzog 14 décembre 2012: Maurice Herzog vient de décéder… L’occasion de re-publier cet article, sur le livre écrit récemment par sa fille, qui écorne sérieusement son image de héros…

Publication du 28/11/2012

Un livre offert par mon frère…

Le livre : Un héros de Félicité Herzog, éditions Grasset, 2012, 302 pages, ISBN 978-2246800633.

L’histoire : il s’agit du récit autobiographique de Félicité Herzog, qui raconte l’histoire de sa vie, celle de ses parents et de son frère. En 1950, son (futur) père, Maurice Herzog, est censé avoir vaincu l’Annapurna… mais en mettant en péril le reste de l’expédition (montée de bric et de broc, sans esprit d’équipe, juste de conquête et de compétition à distance avec les Anglais et les Allemands), en refusant de renoncer près du but, en entraînant avec lui Louis Lachenal… mais pas le sherpa qui a refusé de parcourir la fin du trajet… Sont-ils vraiment allés au sommet ou juste à côté? Nul ne le saura jamais, Louis Lachenal est mort en 1955 d’un accident de montagne dans la vallée Blanche alors qu’il allait écrire à son tour son Annapurna… Son enfance, c’est la vie d’une jeune fille riche, mais qui soufre de l’absence de son père (qui a refait sa vie avec une autre femme avant même sa naissance), de la violence de son frère Laurent qui la conduit régulièrement à l’hôpital, etc.

Mon avis : il a été beaucoup écrit sur les relations de Félicité Herzog et son règlement de compte avec son père (attitude douteuse pendant la montée de l’Anapurna, coureur de jupons, dérive lepéniste)… mais elle règle aussi ses comptes avec sa mère, qui ne réagit pas quand son frère l’envoie à plusieurs reprises à l’hôpital… sans s’inquiéter de la naissance de la maladie mentale de celui-ci… Elle tape aussi sur le reste de la famille de sa mère, Marie-Pierre de Cossé-Brissac, les Schneider, collabos et profiteurs de guerre. L’Anapurna, c’était déjà une vieille histoire quand elle est née, Louis Lachenal, son compagnon de cordée finale, était déjà mort depuis longtemps entombant dans une crevasse au cours d’une descente à ski de la vallée Blanche, sans doute non loin de là où, des années plus tard, Félicité se met en danger pour suivre son frère Laurent dans un défi stupide de dépassement de soi… Au-delà de l’histoire, pourquoi dire qu’il s’agit d’un roman alors que c’est un récit autobiographique? J’ai eu du mal à suivre par moment, d’ailleurs, car ce récit n’est pas ni linéaire ni chronologique et parfois confus.

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Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.

 

Lame de fond de Linda Lê

Couverture de Lame de fond de Linda Lê

pioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque, une auteure dont j’ai déjà lu Cronos et A l’enfant que je n’aurai pas (que je n’ai pas aimé) [depuis, j’ai aussi lu Œuvres vives]. Lame de fond faisait partie de la sélection finale pour le prix Goncourt 2012.

Le livre : Lame de fond de Linda Lê, collection les affranchis, éditions Christian Bourgeois, 2012, 277 pages, ISBN 978-2-267-02380-0.

L’histoire : Paris, hiver 2010. Van soliloque dans son cercueil au cimetière de Bobigny. Exilé du Vietnam, il était correcteur professionnel pour des maisons d’édition, il vient d’être volontairement renversé par sa femme, Lou, au sortir de sa visite à Ulma, sa demi-sœur. Par la bouche de Ulman, Lou, Van et leur fille Laure racontent à tour de rôle leur vie passée et présente.

Mon avis : les chapitres, présentés à tour de rôle dans la bouche de l’un des protagonistes, clairement identifié (ouf), sont regroupés autour du déroulement d’une journée métaphorique (au cœur de la nuit, aube, midi, crépuscule), puisqu’en fait, ils se déroulent sur des mois avec des retours sur des dizaines d’années, et non sur le récit d’une journée. Une langue riche et ciselée, qui me convient beaucoup mieux que l’écriture trop familière de Les affreux de Chloé Schmitt. Le récit est l’occasion d’aborder la question de l’émigration, l’histoire du Vietnam dans les années 1960-1970, de l’intégration dans la société française : la belle-mère bretonne n’a jamais accepté le choix de sa fille de vivre avec un étranger, Van a perdu l’usage de sa langue maternelle et s’est toujours refusé à retourner au Vietnam. Si j’ai apprécié la lecture, c’est aussi parce que ces sujets ne me sont pas totalement étrangers, sinon, il me semble qu’il vaut mieux lire rapidement un livre sur l’histoire du Vietnam avant de se lancer dans ce roman dont la lecture nécessite un certain nombre de pré-requis historiques, mais aussi un bagage lexicologique conséquent.

Sur des sujets voisins : voir Couleur de peau miel, tome 1 et le tome 2, de Jung, et son adaptation au cinéma. Le sujet de la colonisation et de la décolonisation sont également abordés de manière originale dans les tomes 2, l’Empire, et 3, la décolonisation, de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T.

Revoir aussi le monument aux morts annamites (indochinois) à Toulouse en 1914-1918.

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14 de Jean Echenoz

Couverture de 14 de Jean Echenoz

Un livre prêté par une amie… Ce livre figurait dans la sélection Télérama des dix meilleurs romans français de la rentrée littéraire 2012.

Le livre : 14 de Jean Echenoz, éditions de Minuit, 2012, 124 pages, ISBN 9782707322579.

L’histoire : août 1914, dans un village vendéen. Anthime est interrompu en pleine campagne par le tocsin, il se précipite sur la place du village, c’est la mobilisation générale, il y retrouve Charles, Padioleau, Bossis, Arcenel. Les voici embarqués, formation rapide et direction le front… Au village, Blanche, la fille unique de la famille Borne, qui dirige l’entreprise locale Borne-Saize, s’aperçoit qu’elle est enceinte, ce n’est pas grave, elle pense comme les autres que la guerre sera vite terminée et qu’elle pourra régulariser la situation… Mais Charles, son homme, meurt dans l’un des premiers combats aériens de la guerre, les autres, versés dans le 93e régiment d’infanterie, s’enlisent dans la boue des tranchées et tentent de sauver leur peau.

Mon avis : en 120 pages d’une écriture précise et ciselée, Jean Echenoz réussit à raconter le guerre 1914-1918, la naissance de l’aviation, les combats, une désertion qui n’est qu’un besoin de prendre l’air, les morts et les blessures, l’attente à l’arrière, le retour des blessés et leur difficile réinsertion.

Sur des sujets voisins, voir sur mon blog:

– la page des monuments aux morts

A l’ouest rien de nouveau de Erich Maria Remarque

Le crime de l’Albatros de Thierry Bourcy (Les aventures de Célestin Louise, flic et soldat)

Crevaisons (Une aventure rocambolesque du Soldat inconnu, tome 5) de Manu Larcenet et Daniel Casanave

– l’exposition 1917 au centre Pompidou Metz

Sur le site de l’INA, la mobilisation générale de 1914

 

 

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Avec ce livre, j’attaque le deuxième pour cent…

Les affreux de Chloé Schmitt

Couverture de Les affreux de Chloé Schmitt

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Les affreux de Chloé Schmitt, éditions Albin Michel, 2012, 189 pages, ISBN 978-2226242990.

L’histoire : de nos jours dans une grande ville indéterminée. Un homme, Alphonse, a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Il survit, reste lucide mais est incapable de bouger ni de parler. Il insiste avec impuissance à la vie qui continue, la lamentation de sa femme Clarisse, l’impossibilité de signaler son état à son amante, les amis qui viennent en visite mais ne savent pas comment s’y prendre… et la déchéance du corps, la bave, l’impossibilité d’exprimer ses besoins.

Mon avis : ce livre est le premier d’une toute jeune auteure de 21 ans. Le récit se fait à la première personne dans la bouche du narrateur. J’ai eu beaucoup de difficulté avec le style trop familier à mon goût, des phrases courtes, parfois grammaticalement incomplètes, avec beaucoup de gros mots, l’emploi assez systématique d’adjectifs à la place d’adverbes… La dépression de la femme vue par le mari, qui aboutit à son suicide quand elle découvre l’amante de son mari, est décrite avec dureté… La deuxième partie n’est guère plus gaie, le narrateur est alors recueilli par son frère violent avec sa compagne… Ce livre a eu beaucoup de critiques favorables, de mon côté, je suis passée à côté, que ce soit pour le style ou pour l’histoire.

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Dieu n’est même pas mort de Samuel Doux

Couverture de Dieu n'est même pas mort de Samuel Doux

pioche-en-bib.jpgC’est Grégory Vouhé qui m’a fait découvrir ce livre emprunté à la médiathèque.

Le livre : Dieu n’est même pas mort de Samuel Doux, éditions Julliard, 2012, 290 pages, ISBN 9782260020363.

L’histoire : plusieurs histoires qui se croisent, celles de Elias Oberer, de nos jours (enfin, en 2010) à Poitiers, Moshe Hershel à Radom en Pologne en 1910 puis à Poitiers en 1942, Paul Serré en 1938 à Morteau puis en 1943 à Paris et à Limoges en 1976, Emmanuelle Serré en 1957 à Poitiers puis en 1968 à Châtellerault… Elias arrive de Paris à Poitiers pour l’enterrement de sa grand-mère, qui s’est suicidée le jour de Yom Kippour. Sa mère, Emmanuelle Serré, y est morte d’un cancer il y a des années, son grand-père il y a quelques mois. Sa cousine Béatrice l’attendait sur place, mais à son départ, il ne connaît pas la manière dont sa grand-mère a mis fin à ses jours. Son oncle, Dominique, viendra-t-il à l’enterrement de sa mère? Alors qu’Elias part à la recherche à travers la maison d’une bague de famille, chargée de l’histoire de cette famille depuis les pogroms de Pologne jusqu’aux rafles de la seconde guerre mondiale. Trois jours à attendre l’incinération puis, le lendemain, l’enterrement des cendres, au milieu des fantômes dans une ville qu’il n’aime pas…

Mon avis : Elias n’aime pas sa « ville natale, beige et gris, pleine d’ennui et de lourdeur, construite sur une colline faite pour dominer et qui pourtant s’enfonce dans l’éternité » (p. 37)… L’auteur non plus ne doit pas aimer la ville, y est-il seulement venu pour y avoir vu la Vienne? Au moins, il est cohérent, c’est toujours de la Vienne et non du Clain qu’il parle (p. 147, 182, 183, 222)… un éditeur qui se respecte aurait dû corriger, ainsi que quelques coquilles (au moins pages 37, 182) et quelques autres incohérences, si l’on veut ancrer un récit dans la réalité, alors il faut vérifier celle-ci, le crématorium de Poitiers n’est pas coincé entre un Bricorama et un Picard surgelé (page 185), il n’est pas loin d’une zone commerciale, mais encore entouré de verdure (ça risque de ne pas durer…)… Et la procédure d’une succession ne permet pas à un petit-fils (ni à personne) d’aller clôturer les comptes de sa défunte grand-mère à la banque… Si l’on passe outre ces détails agaçants, la construction du roman qui alterne les chapitres placés aujourd’hui et l’histoire de la famille sur quatre générations est assez intéressante. Une petite généalogie en annexe aurait aidé à s’y repérer parfois, mais les têtes de chapitre claires permettent de se repérer dans l’espace (en Pologne, à Limoges, à Paris, à Poitiers…) et dans le temps (de 1910 à 2010). L’histoire d’une famille juive, mais aussi des histoires de maladie (le grand-père et la mère d’Elias morts du cancer), maladies qui expliquent mieux la haine du jeune homme envers sa grand-mère que l’histoire familiale.

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Mémoire individuelle (Boris Cyrulnik) et mémoire collective (camp de la Chauvinerie à Poitiers)

Couverture de Sauve-toi, la vie t'appelle de Boris Cyrulnik

Un livre lu chez mon père lors de mon dernier séjour.

Le livre : Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik, éditions Odile Jacob, 2012, 291 pages, ISBN 9782738128621.

L’histoire : Bordeaux, 1944. Boris Cyrulnik est né en juillet 1937. Le 9 janvier 1944, il est arrêté dans une rafle de juifs à Bordeaux. Il était alors caché chez une institutrice, Marguerite Farge. Il se rappelle sa mère, qui l’a placé dans une pension pour tenter de ses sauver, de son père, engagé volontaire dans la légion étrangère, blessé, arrêté comme juif, à qui il a pu rendre visite dans un camp (en 1942?) avant sa déportation. Après la rafle, les juifs ont été rassemblés dans la synagogue, le jeune Boris réussi à se cacher dans les toilettes puis à s’échapper grâce à la bienveillance d’une infirmière sous les jupes d’une femme mourante, commence alors la vie d’un enfant caché sous le nom de Jean Laborde jusqu’à la fin de la guerre. Après guerre, il est contraint au silence et au secret, personne ne le croît… Ce n’est que bien plus tard, à l’occasion de conférences, d’émissions de télévision, qu’il est contacté par d’autres protagonistes de ses jours sombres et peut confronter ses souvenirs à la réalité, la reconstruction de la mémoire, les occasions perdues d’avoir d’autres informations, le procès Papon…

Mon avis : en tant que psychiatre, Boris Cyrulnik a théorisé et expliqué la résilience, cette capacité des traumatisés à vivre avec leur passé, quitte à recomposer la réalité pour qu’elle soit vivable. S’il a plusieurs fois parlé ces dernières années de son propre passé, c’est la première fois que l’auteur raconte sa propre histoire en l’analysant, en confrontant ses souvenirs à la réalité, en racontant la longue phase d’enterrement des souvenirs (insoutenables pour ceux à qui il a tenté de raconter), puis leur lente remise au jour et confrontation à la réalité qui se révèle au fil des rencontres. Les grandes lignes n’ont pas changé, mais les détails, si, ainsi, l’infirmière qui l’a cachée n’était pas blonde mais brune, etc. Reste une incertitude pour lui, dans ses souvenirs, il se voit beaucoup plus petit (3/4 ans) qu’il n’était en réalité (6 ans). Ayant raté une rencontre avec une personne qui aurait pu l’éclairer sur ce mystère, celui-ci restera entier… Mais avant la rafle de janvier 1944 dans laquelle il a été arrêté, il y en a eu bien d’autres à Bordeaux, notamment en 1942, celles-ci se sont-elles superposées dans sa mémoire à celle de 1944? Un texte très intéressant, ici sur la mémoire individuelle, mais il faudrait aussi s’interroger sur la mémoire collective.

Au sujet de la mémoire collective, à Poitiers, quel processus a abouti à l’oubli quasi total du camp de la Chauvinerie, près de la caserne Ladmirault? Ici, on parle du camp de la route de Limoges, mais jusqu’à récemment (fouilles archéologiques préalables à la zone des Montgorges), pas du Frontstalag 230 (camp d’internement allemand), où fut interné Léopold Sédar Senghor et qui est devenu, en 1945, un camp d’internement de prisonniers allemands où des centaines d’entre eux, parmi lesquels 100% des enfants, sont morts, une partie lors du transfert, puis suite à l’accaparement des vivres par les responsables du camp : voir en 2002 l’article de Loïc Rondeau, Prisonniers et civils allemands dans la Vienne (1945-1948) (Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 109, n° 4, 2002, p. 217-227), un article publié en 2005 de Denis Peschanski intitulé Morbidité et mortalité dans la France des camps (paru dans « Morts d’inanition ». Famine et exclusions en France sous l’Occupation, Isabelle von Bueltzingsloewen (dir.), Rennes, PUR, 2005, p. 201-212), et les études encore inédites suite aux fouilles de 2008 (compte rendu au cours d’une conférence lors des journées du patrimoine 2012, mais toujours pas de publication)… Comment toute une ville, y compris les associations d’anciens combattants (il ne figure pas dans la liste des camps d’internement de la Vienne édité par l’office national des anciens combattants, peut-elle avoir oublié voire nié l’existence de ce camp???

Alors qu’un camp de prisonniers allemands a fait l’objet d’une vraie fouille donnant de nombreuses informations en Normandie en 2006 (camp de la Glacerie à La Motterie), le camp de la Chauvinerie à Poitiers a été livré aux constructeurs sans prescription de fouilles après les sondages de diagnostic… un nouveau quartier est en train de voir le jour, et pour l’instant, pas même un panneau n’est prévu pour rappeler le passé à jamais détruit de ce site… Les historiens (poussés ici par les archéologues) s’exprimeront-ils enfin dans une revue spécialisée ou une revue grand public sur le sujet? Au moins, les Archives départementales ont mis en ligne un inventaire des sources disponibles… [PS la mise en ligne de cet article est parue une grosse synthèse de Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, 2014, p. 7-87].

Sur des sujets voisins, voir:

– Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, de Art Spiegelman

La rafle de Roselyne Bosch,

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Le lait et le fiel de Yves Créhalet

Couverture de Le lait et le fiel de Yves Créhalet

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

J’ai reçu ce livre des éditions Persée dans le cadre d’une opération masse critique de Babelio.

Le livre : Le lait et le fiel de Yves Créhalet, éditions Persée, 2012, 190 pages, ISBN 978-2-8231-0158-4.

L’histoire : à Nice puis en Palestine de nos jours. Hakim est un jeune schizophrène, la vingtaine d’années, adopté en Palestine par Billie, assistante de Lili, responsable des collections du MAMAC, le musée d’art contemporain de Nice (le Mur de Feu, d’Yves Klein, joue un rôle important dans l’histoire) et actuellement amante du jeune homme. Il a un lourd passé, a été enlevé à sa mère, Balkis, 18 ans, à sa naissance, son père, Moussa, tué lors de l’Intifada, son père adoptif, médecin, parti faire de la médecine humanitaire en Palestine, lui aussi tué là-bas. Alors qu’il déambule avec Zeev, un peinte juif homosexuel, malade du SIDA, ce dernier est assassiné sous ses yeux, lui-même est enlevé à la sortie du commissariat par les tueurs et emmené de force en Israël où commence la deuxième partie de l’histoire, mais chut, je vous laisse découvrir la suite…

Mon avis : sur le fond, le livre est un plaidoyer pour la paix entre Israël et la Palestine, en passant par la schizophrénie d’un jeune adolescent pour démontrer l’absurdité du conflit israëlo-palestinien. Le tout avec en toile de fond un tableau, Le mur de feu, d’Yves Klein, et un film, Nuit et brouillard d’Alain Resnais. Cela aurait été plutôt un bon roman s’il n’était desservi par une orthographe déplorable, qui bat presque le record de La mémoire mutilée de Mohamed Cherid. Sans parler de la syntaxe approximative, qui peut relever du « style », j’ai relevé les fautes que j’ai vues (plus facile dans le train que dans le bus…), il doit y en avoir bien d’autres… Et une question de fond, liée aussi à l’orthographe, la minuscule à « les palestiniens » ne les élève pas au rang de nation, propos pourtant sous-jacent au roman.

Les fautes que j’ai vues…

– prés pour près p. 67

– trait d’union manquant (ou parfois remplacé par une apostrophe) à peut-être (p. 60, 74, 80, 84, 88, 92, 106, 119, 131, 139, 158, 180), -moi, -tu, -il, -ils, elle, -elles, -vous, -nous (p. 52, 54, 61, 64, 75, 77, 88, 92, 94, 96, 128, 179, 190), au-dessus (p. 76, 152, 186, 188), là-bas (p. 74), -là (p. 85, 149, 173, 181), à des noms propres (p. 78, 156, 188), après-midi (p. 80)

– à l’inverse, il faut une apostrophe et non un trait d’union à grand’mère (p. 119)

– trait d’union et s manquant à suicide dans attentats-suicides p. 175

– il ne faut pas de x à nouveau-nés p. 168

– du au lieu de dû (ce qui change le sens…) p. 70, 87, 94

– i pour î dans connaît (p.29, 79), connaître (p. 110, 174), reconnaître (p. 35), reconnaîtrait (p. 40), paraît (p. 50), entraînant (p. 188), plaît (p. 69), fraîche (p. 85 deux fois, 104)

– Lot dans la Bible s’écrit Loth (p. 143)

– kamikaze et pas kamikazé p. 94, 172, 184

– majuscule au lieu de minuscule après deux points p. 61, 73, 74, 84, 93, 109,127, 130, 144, 172, 185

– minuscule au lieu de majuscule à État (ce qui change le sens…) p. 65

– un espace en trop après un trait d’union p. 165

– des virgules manquant à des incises (après orge p. 111, tradition p. 120)

– accords d’Oslo et pas accords Oslo en note p. 112

– au pluriel, garde-frontière est écrit tantôt gardes-frontière (p. 111, 119, 148), tantôt garde-frontières (p. 160), mais là, le pluriel est sujet à discussion, voir dans les commentaires de cet article des correcteurs du Monde

Un grand merci à Babelio et aux éditions Persée pour ce livre.

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Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.

 

Pas ce soir de Charline Quarré

Couverture de Pas ce soir de Charline Quarré

J’ai reçu ce livre en service de presse de la part des éditions Baudelaire, dans le cadre d’un partenariat avec Hérisson, qui organise à nouveau cette année le défi 1% de la rentrée littéraire.

Le livre : Pas ce soir de Charline Quarré, éditions Baudelaire, 2012, 129 pages, ISBN 978-2-35508-991-6.

L’histoire : de nos jours à Paris. Eugénie, la grosse vingtaine d’années, n’est pas sortie depuis un an. Ce soir, sa mère a réussi à la convaincre de se rendre à une soirée mondaine organisée par Charles, un de ses amis. Une soirée de filles et fils à papa où Eugénie, narratrice du récit, ne trouve pas sa place, alors, elle se remémore son (court) passé, la mort de son frère d’un cancer, un médecin qui lui prescrit un antidépresseur sans accompagnement psychologique, un pédopsy aux curieuses pratiques, des relations complexes à sa mère… et puis, des mensonges dans lesquels elle risque de se noyer avant la fin de la soirée… Mais qu’est-il donc réellement arrivé à Julien, son ex-petit ami? Comment va-t-elle réussir à aller au bout de la soirée?

Mon avis : un texte écrit à la première personne, dans la bouche d’Eugénie, dans un style familier parfois déroutant, en tout cas pour moi, quand je feuillette un livre avant de l’emprunter à la médiathèque, je le rejette en général, il y a beaucoup d’autres choix qui me conviennent mieux. Puisque le livre est arrivé chez moi, je l’ai lu… très vite (une grosse centaine de pages, une grosse heure de lecture), avec de trop nombreuses coquilles, cela devient agaçant, ces livres mal relus par les éditeurs, une proposition relative à la construction étrange vers le début (je n’ai pas noté la page), « ou » pour « où » p. 63, ou encore « par » pour « pas » p. 118 et quelques autres que je n’ai pas notées. Dans ce style familier et condensé, l’auteure réussit à nous transmettre son mal-être et son manque absolu d’estime de soi, la mère envahissante, la dépression après la mort de son frère… et celle, au moins symbolique, de son petit ami. Une critique aussi de la jeunesse dorée, artificielle, superficielle, dépensière.

Un grand merci aux éditions Baudelaire et à Hérisson pour ce livre.

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Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.