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Peste et choléra de Patrick Deville

Couverture de Peste et choléra de Patrick Deville Un livre lu chez mon père… Ce livre figurait dans la sélection Télérama des dix meilleurs romans français de la rentrée littéraire 2012. Il a reçu le prix Fémina 2012 et le prix du roman Fnac 2012. J’avais lu l’année dernière du même auteur Kampuchéa et depuis j’ai aussi lu Viva.

Le livre : Peste et choléra de Patrick Deville, éditions du Seuil, 2012, 221 pages, ISBN 9782021077209.

L’histoire : 30 mai 1940. Un homme emprunte ce qui sera le dernier vol Air-France Paris-Hanoï avant longtemps, réservé plus d’un mois avant. Contrairement aux autres passagers, Alexandre Yersin ne fuit pas Paris, il rentre chez lui. En 1885, il a quitté sa Suisse natale et poursuit ses études à Paris, dans l’équipe de Pasteur. Avec Émile Roux, il publie un article sur la toxine diphtérique. Après un passage à Berlin chez Koch, le concurrent de Pasteur (et avec la bénédiction de ce dernier), il découvre la mer à Dieppe lors d’une campagne ant-diphtérique. La mer lui donne des envies de bouger, il s’engage comme médecin embarqué à bord d’un navire, entre Saïgon et Manille puis entre Saïgon et Hanoï. Aux escales, il explore la région et dresse des cartes. Deux ans plus tard, il débarque, poursuit son exploration (et est grièvement blessé), avant de s’établir dans un domaine où il souhaite acclimater diverses plantes (dont l’hévéa, le quinquina) et plus tard élever des animaux pour produire les sérums pour l’institut Pasteur. En 1894, Pasteur le somme d’aller à Hong Kong où sévit le bacille de la peste… Il en découvre en quelques semaines le bacille de la peste (qui prend son nom, Yersinia Pestis) avant les équipes japonaises pilotées à distance par Koch, puis s’en retourne dans son domaine à Nha Trang, tout en entretenant une abondante correspondance avec sa mère et sa sœur, en revenant rarement à Paris, mais en gardant des contacts avec les Pasteuriens. Il fonde un institut pasteur, mais en transmet très vite la direction, il préfère se consacrer à l’acclimatation des plantes, à agrandir son domaine…

Mon avis : un personnage étonnant et passionnant que cet Alexandre Yersin! Comme dans Kampuchéa avec Henri Mouhot, Patrick Deville papillonne, passe d’une époque (1940) à l’autre (de 1883 à 1943), et à nouveau, une carte de l’Asie du Sud-Est, avec les principaux points de chute de Yersin, n’aurait pas été de trop en fin d’ouvrage… c’est qu’il a bénéficié d’un matériau important pour écrire ce livre, avec toutes les lettres écrites par Yersin à sa mère et à sa sœur conservées à l’institut Pasteur à Paris. Le livre est ponctué d’éléments qui devraient nous aider à nous situer dans le temps, la conférence de Berlin pour le partage européen des colonies africaines (1884, mais la date n’est pas dans le livre), le début de l’affaire Dreyfus, les 15 ans de la chute de Sedan, des rencontres littéraires, l’assassinat de Jaurès, de nombreuses références qui ponctuent ce voyage dans la vie de Yersin et de son époque…

Je vous invite aussi à découvrir le travail de Sébastien Laval, qui a photographié les minorités vietnamiennes (et aussi au Cambodge et au Laos), en partie les mêmes que celles photographiées jadis par Yersin, publiées partiellement dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 73 de juillet 2006 et dans le dossier Vietnam du n° 96 d’avril 2012.

Pour rebondir avec des articles sur mon blog:

Louis Pasteur à Dole (monument et maison natale)

Le monument à Louis Pasteur par Alexandre Falguière, avec des vues d’hier et d’aujourd’hui, à Paris (place de Breteuil, à deux pas de l’institut Pasteur de Paris)

La maison natale (lycée) et le buste d’Émile Roux par René Pajot à Confolens

Le monument aux morts annamites de 1914-1918 dans le cimetière de Salonique à Toulouse

La peste à Niort (1603), relief sur une maison de la rue de la Juiverie

Le tome 2, l’Empire, de Petite histoire des colonies françaises, de Grégory Jarry et Otto T., où il est question de la conférence de Berlin de 1884

Kampuchéa, de Patrick Deville, sur Mouhot

Pêcheur d’Islande de Pierre Loti

A défaut de La Peste, L’étranger d’Albert Camus

Brésil, des hommes sont venus… de Blaise Cendrars

Logo rentrée littéraire 2012

Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.

 

Les monuments aux morts de 1914-1918 de Lons-le-Saunier et Toulouse/Salonique

Lons-le-Saunier, monument aux morts de 1914-1918, quatre vues de face Je vais vous présenter aujourd’hui deux monuments aux morts de 1914-1918 formés d’une colonnade en hémicycle,  sans statue au centre.

Je commence par celui de Lons-le-Saunier, situé au bout de la place de la Chevalerie, du côté des thermes, à l’opposé du monument à Rouget-de-Lisle. Il se compose d’une grande colonnade dessinée par l’architecte Augustin Bidot. Sur le bord de la corniche, on peut lire, dans l’ordre de gauche à droite : « 1914 / La Marne / L’Yser / La Somme / L’Aisne / Aux héros / L’Alsace / Verdun / Champagne / L’Orient / 1919 « .

Lons-le-Saunier, monument aux morts de 1914-1918, deux vues de l'arrière En revanche, il vaut mieux ne pas faire le tour du monument, l’arrière sert de latrines et de dépotoir, manque de respect et/ou manque d’entretien… Pas reluisant en tout cas. Si on contourne complètement le monument, à quelques dizaines de mètres se trouvent le monument à la gloire de la résistance jurassienne, beaucoup plus intéressant, et un autre dédié aux morts en Afrique du Nord entre 1952 et 1962… mais je vous en parlerai une autre fois.

Toulouse, monument aux morts de 1914-1918 au cimetière de Salonique Partons maintenant à Toulouse… Je vous ai déjà montré le monument aux morts de Haute-Garonne inauguré en 1928 avec une vue générale de l’œuvre de l’architecte Jaussely et des articles sur les reliefs de André Abbal, de Henri Raphaël Moncassin et ceux de Camille Raynaud sur les allées Jules Guesde. Je vous ai aussi présenté le monument aux sportifs morts (Héraklès archer d’Antoine Bourdelle) et le monument aux morts de Skikda (Philippeville) dans le cimetière de Salonique (au-dessus du cimetière de Terre-Cabane).

Nous allons aujourd’hui vers le centre du même cimetière. D’après le dossier documentaire, le concours a été lancé en 1920, le projet retenu est celui de l’architecte Raymond Isidore, et monument a été inauguré le 11 novembre 1926. Il se compose d’une colonnade alternant deux colonnes doriques de calcaire blanc et un pilier de briques rouges. La colonnade est surmontée d’une frise de briques jaunes, alors que le mur du fond est tapissé de grandes dalles de marbre portant les noms de plus de 4000 soldats, dalles surmontées d’une frise de faïence figurant des couronnes de laurier. Le mur arrière est en briques rouges.

Toulouse, monument aux morts indochinois de 1914-1918 au cimetière de Salonique, 1, deux vues Derrière le monument se trouve le monument « à la mémoire / des / soldats et travailleurs / indochinois / morts au service de la France / 1914-1918 ». Il rappelle la présence d’une importante communauté indochinoise à Toulouse, d’un hôpital à Blagnac qui soignait notamment des combattants de  l’ex-Empire colonial français, et plus particulièrement des « soldats annamites » (indochinois). Rappelons que 70.000 soldats des troupes coloniales sont morts pour la France en 1914-1918. J’ai vu une carte postale qui montrait ce monument au sein d’un cimetière militaire, je ne sais pas quand il a été déménagé au cimetière de Salonique.

Toulouse, monument aux morts indochinois de 1914-1918 au cimetière de Salonique, 2, signature Breton Il porte la signature du sculpteur Charles Breton (Tours, 1878 – 1968) [« Charles Breton / Paris »], auteur de nombreux monuments aux morts en France, dont plusieurs figuraient au catalogue de Val d’Osne.

Toulouse, monument aux morts indochinois de 1914-1918 au cimetière de Salonique, 3, deux détails Mais ici, nous ne sommes pas face à une œuvre en série, mais bien d’une œuvre originale. Le soldat, aux traits asiatiques, s’appuie de la main gauche sur son fusil, brandit de la main droite une couronne végétale constituée de branches de chêne et de laurier, fermée par une cocarde aux chiffres de la République (RF). Il porte ses décorations et un casque colonial.

 

Les monuments aux morts de Toulouse dont j’ai déjà parlé ou dont je parlerai prochainement:

le monument aux morts de Haute-Garonne (inauguré en 1928) : vue générale de l’oeuvre de l’architecte Jaussely, les reliefs de André Abbal, de Henri Raphaël Moncassin, et ceu
x de Camille Raynaud

– le monument aux morts de Toulouse en 1914-1918 dans le cimetière de Salonique

– le monument aux morts de Indochinois, au dos du précédent, dans le cimetière de Salonique

– le monument aux morts de Skikda (Philippeville) dans le cimetière de Salonique

– le monument aux sportifs morts (Héraklès archer d’Antoine Bourdelle)

– le monument aux morts des quartiers Bayard-Matabiau-Concorde-Chalets, non loin de la gare

– le monument aux morts des quartiers Colone, Arago, Juncasse, Marengo, près de l’observatoire

– le monument aux morts du quartier Saint-Michel, allées Jules Guesde, non loin du muséum

– et pour la guerre de 1870, le monument du Souvenir français dans le cimetière de Terre-Cabade

Photographies de mai 2012 pour Toulouse et juillet 2012 pour Lons-le-Saunier.

Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Jarry et Otto

Lorsque je vous ai parlé de Village toxique, j’avais promis de vous parler aussi de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Après le tome 2, l’Empire, parce qu’il rentre mieux dans le défi du Printemps arabe que le tome 1, l’Amérique française, voici le 3 en attendant le quatrième sur la Françafrique.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2009, non paginé, ISBN 978-2-914553-66-7.

L’histoire : à la veille de la première guerre mondiale, la France possédait un empire colonial de 12 millions de km². Les premières fissures apparaissent après cette guerre qui a coûté la vie à tant de personnes issues des colonies… Premiers soulèvements, premières répressions, la grande exposition coloniale de Paris en 1931… nous amènent à la seconde guerre mondiale et à l’Afrique du Nord comme base avancée en vue des débarquements d’Italie et de Provence… Des promesses d’autonomie avaient été faites, non tenues, et c’est le massacre de Sétif en mai 1945 [l’ouvrage passe sous silence ceux de Guelma et Kherrata]. le deuxième chapitre se déplace en Indochine jusqu’à la chute de Diên Biên Phû, à l’issue de la bataille du 13 mars au 7 mai 1954. Le troisième chapitre est consacré à la guerre d’Algérie et le dernier à la décolonisation du reste de l’empire colonial, à l’exception des dix DOM/TOM.

Mon avis : comme dans les tomes précédents, le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé, qui introduit chaque séquence. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin en noir et blanc sur fond vert (chaque volume a une couleur dominante…). L’histoire est survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet, ce qui est en effet indispensable pour mieux comprendre l’histoire contemporaine…

Logo 2012 du Top BD des blogueurs, nouvelle version Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l’Empire, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l'empire, de Jarry et Otto

Bienvenue en arabeLorsque je vous ai parlé de Village toxique, j’avais promis de vous parler aussi de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Je commence par le tome 2, parce qu’il rentre mieux dans le défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya que le tome 1, l’Amérique française. A suivre dans les prochaines semaines les tomes 3 (la décolonisation) et 4 (la Françafrique). La série a fait l’objet d’une exposition lors du festival de la bande dessinée d’Angoulême en 2011, reprise début 2012 à la médiathèque de Poitiers.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l’Empire de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2007, non paginé, ISBN 978-2-914553-63-6.

L’histoire : en Afrique, en Asie et en Océanie, de 1805 (Trafalgar) à 1914. Après une introduction sur la période de l’Empire (napoléonien), ce volume ouvre par un premier long chapitre consacré à la conquête de l’Algérie, à partir de 1830, puis un second chapitre sur l’Algérie française. Le troisième chapitre s’intéresse au Maroc et à la Tunisie sous protectorat. Suivent ensuite l’Afrique coloniale (chapitre 4), en commençant par le partage de l’Afrique par l’Europe à la conférence de Berlin en 1884 et la présence française en Océanie, y compris l’Indochine (chapitre 5)

Mon avis : le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé, qui introduit chaque séquence. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin en noir et blanc sur fond brun. Un dessin très stylisé, les personnages sont représentés avec un gros corps, une petite tête, et une figuration « en fil de fer » du cou, des bras et des jambes. L’humour est mis au service d’une histoire complexe, survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet, sans oublier les grandes exactions, les massacres, avec une optique résolument anti-colonialiste et pro-droits de l’Homme.