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Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud

Couverture de Meursault, contre-enquête, de Kamel DaoudLogo rentrée littéraire 2014C’est une amie, Paulette (revoir son témoignage sur le Frontstalag 230 à Poitiers) qui m’a prêté ce livre étiqueté succès de la rentrée littéraire 2014 (en fait, il est sorti en mai, mentionné partout comme « rentrée littéraire, mais celle-ci s’applique en principe aux livres parus de fin août à fin octobre), finaliste pour le Goncourt et qui a reçu le prix François Mauriac et le Prix littéraire des Cinq Continents. Pour ceux qui n’ont pas lu ou relu L’Étranger, d’Albert Camus, elle vous conseille à juste titre de le refaire avant d’attaquer ce livre.

Le livre : Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud, éditions Actes sud, 2014, 160 pages, ISBN 978-2-330-03372-9 (publié en Algérie en novembre 2013 par les éditions Barzakh).

L’histoire: de nos jours à Oran. Un vieux monsieur, Haroun, dans un bar, raconte son histoire au fil des jours. Il y a 50 ans, son frère, Moussa (Ouled El-Assasse), a été tué par Meursault. Ce dernier a raconté son histoire dans un livre devenu célèbre, mais il y parle de lui, de sa mère, pas de sa victime, qui restera à jamais « l’arabe ». Haroun avait alors 7 ans. Un deuil impossible, le corps n’a jamais été rendu, sa tombe est vide. Haroun finit par fuir Alger avec sa mère, pour un village, apprend à lire, à écrire, obtient un bon travail jusqu’à ce jour de juillet 1962 (le 5) où, 20 ans après le meurtre de son frère, il tue un homme, un colon, juste un peu trop tard, de quelques heures, pour que ce soit un acte héroïque de la Libération…

Mon avis: « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas...« , « Aujourd’hui M’ma est encore vivante« … Deux ouvertures qui en disent long sur la suite. L’Étranger, premier roman publié d’Albert Camus (en 1942, il avait auparavant publié des essais et du théâtre), Meursault, contre-enquête, premier roman remarqué de Kamel Daoud… La recherche de la plage ensoleillée où son frère est mort, profondément bouleversée au fil des ans, hante le narrateur, et très vite le lecteur, pris à parti, à moins que ce ne soit son frère disparu ou Meursault, ou Camus, ou simplement le compagnon de bar? Qui est ce « tu » qu’il invective en permanence? Un roman écrit en français, la langue du colonisateur, qui parle au fil des pages, en sous-main, du rapport au colonisé et à la guerre de libération à laquelle le narrateur n’a pas pris part, comme L’Étranger parlait de la colonie. Meursault n’a jamais appelé sa victime autrement que par « l’arabe »? Ici le narrateur ne parle que de Meursault, sans jamais cité Camus. Tout est miroir, jusque dans le style, jusque dans l’opposition, à distance, des deux mères. A lire pour vous faire une idée!

Couverture de Dans les yeux des autres de Geneviève BrisacEt retrouvez aussi un curieux Meursault, homonyme sans doute pas si fortuit, dans Dans les yeux des autres de Geneviève Brisac…

La cité de l’immigration à Paris

Paris, le palais des colonies de l'exposition coloniale de 1931A la suite de Exhibit B, je vous avais annoncé une série d’articles sur Ce qui reste de l’exposition coloniale de 1931 à Paris. Je pensais prendre mon temps, vous présenter d’abord le palais colonial et seulement à la fin la Cité de l’immigration. Son inauguration aujourd’hui par le président de la République, 7 ans après son ouverture, m’encourage à écrire plus tôt cet article. Je suis allée la visiter seulement en août 2014. Je voulais voir par moi-même ce lieu qui n’est pas un musée (il n’y a pas de conservateurs, en tout cas, il n’y en avait pas au début) qui a été longtemps occupé par les sans-papiers. C’est encore moins un musée de l’histoire de l’immigration, comme j’ai pu l’entendre depuis quelques jours, mais quelque chose qui mélange de la documentation, de l’histoire, de l’actualité.

Lors de ma visite à Paris, je cherchais un lieu où il n’y aurait pas grand monde car je dois encore éviter les bousculades. Je voulais surtout voir la restauration du palais, dont on me disait le plus grand bien, mais j’y reviendrai une prochaine fois.

Paris, entrée de l'ancien palais des colonies, aujourd'hui cité de l'immigrationLaissons donc l’aquarium au sous-sol et entrons dans la Cité de l’immigration. Au premier étage, la mezzanine donne une très belle vue sur le grand forum aux fresques restaurées, j’en reparlerai sans doute. Sur les côtés, des panneaux expliquent l’histoire du palais et de l’exposition coloniale de 1931.

Entrons dans la salle principale de la Cité. J’avoue que je n’ai pas bien compris le propos. L’ensemble est organisé par des modules qui correspondent à des thèmes, avec pour chaque espace une œuvre d’art contemporaine (par exemple une chambre avec des lits superposés pour illustrer l’entassement des immigrés), des vitrines avec des objets genre passeports, permis de travail, objets transportés par les migrants, etc., des textes explicatifs très denses et écrits avec de très petits caractères, qui ne donnent aucune envie de lire (en tout cas pas de tout lire) et quelques propositions de lecture ou de bandes dessinées (j’ai trouvé avec bonheur dans la sélection la Petite histoire des colonies françaises de Jarry Grégory et Otto T. revoir dans l’ordre de parution l’Amérique française, l’Empire, la décolonisation, la Françafrique).

Dans une salle à part sont tracés des parcours d’immigrés, que des gens issus de l’immigration peuvent venir « déposer ».

Je pense que ce qui me gêne, c’est l’absence de choix et le mélange, entre l’immigration « choisie », y compris européenne, l’immigration non choisie, économique ou politique, etc. La colonisation mal expliquée se mélange à tout ça et l’ensemble donne une impression de « gloubiboulga », un mélange non identifiable. Les problèmes rencontrés par les immigrés sont certes évoqués, mais sans aller jusqu’au bout de la question et les difficultés actuelles. J’ai pu écouter de loin de rares visiteurs accompagnés par un « médiateur », en gros, il n’y aurait que des parcours sans embûche, tout le monde « s’intègre ».

J’aurais aimé un choix ou une meilleure séparation entre colonisation et immigration, une vraie approche de type « droits de l’homme » et conséquences pour les migrants.

Ces questions sont abordées de manière plus « frontale » et, à mon avis, avec plus d’efficacité par Bett Bailey  dans Exhibit B, avec une bonne explication, ce spectacle controversé fera davantage réfléchir à la question que la cité de l’immigration!

La Cité, ce sont aussi des conférences, une bibliothèque, des publications…

Pour aller plus loin:

Je vous recommande, vous l’avez compris, le spectacle Exhibit B,  de Bett Bailey, s’il passe près de chez vous ainsi que les albums de bande dessinée Petite histoire des colonies françaises de Jarry Grégory et Otto T. revoir dans l’ordre de parution l’Amérique française, l’Empire, la décolonisation, la Françafrique (dont Télérama a parlé la semaine dernière!). J’ai noté quelques titres lors de ma visite, il faut que je regarde si je les trouve à la médiathèque…

Vous pouvez également découvrir la collection « Un siècle d’immigration des Suds en France. » Tous les volumes dans l’ordre de la collection [malgré des dates de publication qui ne suivent pas les années] et aux Editions  La Découverte, Achac et Les bâtisseurs de mémoire, sauf indications particulières :

Paris-Asie : présence asiatique dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo. 2004. 217 p. : ill.

Paris-arabe : présence des Orientaux et des Maghrébins dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo, Driss El Yazami, Pierre Fournié, Gilles Manceron. 2003. 247 p. : ill.

Paris-noir : présence afro-antillaise dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo, Gilles Manceron. Paris : Hazan, 2001. 239 p. : ill.

Sud-Est : Marseille porte sud. Immigration et histoire coloniale / Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch. Paris : La Découverte et Marseille : Jeanne Laffitte, 2005. 239 p. : ill.

Sud-Ouest : porte des Outre-Mers. Histoire coloniale et immigration des Suds / dir. Pascal Blanchard. Toulouse : Milan ; Les bâtisseurs de mémoire, 2006. 239 p. : ill.

Centre-Rhône : Lyon capitale des Outre-Mers. Immigration des Suds et culture coloniale / dir. Nicolas Bancel, Léla Bencharif, Pascal Blanchard. Paris : La Découverte, 2007. 239 p. : ill.

Grand-Ouest : mémoire des Outre-Mers. Des ports coloniaux aux présences des Suds / dir. Farid Abdelouahab, Pascal Blanchard. Rennes : P.U.R., 2008. 239 p. : ill.

Nord-Est : frontière d’empire. Soldats coloniaux et immigration des Suds / dir. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Ahmed Boubeker, Eric Deroo. Paris : La Découverte, 2008. 259 p. : ill.

Petite histoire des colonies françaises, tome 4 : la Françafrique, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 4, la Françafrique, de Jarry et Otto

Après Village toxique et le début de la saga de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. (tome 1, l’Amérique française, tome 2, l’Empire, tome 3, la décolonisation), voici venu le temps de vous parler du quatrième tome de la série…

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 4 : la Françafrique de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2009, non paginé, ISBN 978-2357610248.

L’histoire : dès l’amorce du mouvement de décolonisation, la France a posé ses billes et tenté (et souvent réussi) à imposer des dirigeants africains dans ses anciennes colonies qui ont été formés en France et sont sensibles aux intérêts… des entreprises françaises. Quitte, si cela ne se passe pas comme on le souhaiterait, à envoyer des mercenaires (un chapitre entier sur les « exploits » de Bob Denard) ou des conseillers militaires français, histoire de ne pas perdre de marché… Droite ou gauche au pouvoir, rien ne change…

Mon avis : avec le même humour et le même décalage que dans les tomes précédents, les auteurs dénoncent la Françafrique, ou comment maintenir les anciennes colonies sous la coupe de dirigeants souvent dictateurs mais à la botte des entreprises françaises… qui s’enrichissent sur le dos des populations locales exploitées et spoliées… Elf, la Cogema, Bouygues etc. ont bénéficié du système… et continuent à mettre en coupe réglée ces pays, au profit de leurs seuls intérêts (et de ceux de quelques dirigeants corrompus). Une petite réflexion personnelle : pourquoi ne parle-t-on pas plus des mines d’uranium d’Areva (qui a absorbé la Cogema) en Afrique du Nord et en Afrique centrale, exploitées à bas prix et sans respect de l’environnement ni des ouvriers sous payés et non protégés des radiations…

Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Jarry et Otto

Lorsque je vous ai parlé de Village toxique, j’avais promis de vous parler aussi de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Après le tome 2, l’Empire, parce qu’il rentre mieux dans le défi du Printemps arabe que le tome 1, l’Amérique française, voici le 3 en attendant le quatrième sur la Françafrique.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2009, non paginé, ISBN 978-2-914553-66-7.

L’histoire : à la veille de la première guerre mondiale, la France possédait un empire colonial de 12 millions de km². Les premières fissures apparaissent après cette guerre qui a coûté la vie à tant de personnes issues des colonies… Premiers soulèvements, premières répressions, la grande exposition coloniale de Paris en 1931… nous amènent à la seconde guerre mondiale et à l’Afrique du Nord comme base avancée en vue des débarquements d’Italie et de Provence… Des promesses d’autonomie avaient été faites, non tenues, et c’est le massacre de Sétif en mai 1945 [l’ouvrage passe sous silence ceux de Guelma et Kherrata]. le deuxième chapitre se déplace en Indochine jusqu’à la chute de Diên Biên Phû, à l’issue de la bataille du 13 mars au 7 mai 1954. Le troisième chapitre est consacré à la guerre d’Algérie et le dernier à la décolonisation du reste de l’empire colonial, à l’exception des dix DOM/TOM.

Mon avis : comme dans les tomes précédents, le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé, qui introduit chaque séquence. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin en noir et blanc sur fond vert (chaque volume a une couleur dominante…). L’histoire est survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet, ce qui est en effet indispensable pour mieux comprendre l’histoire contemporaine…

Logo 2012 du Top BD des blogueurs, nouvelle version Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

La meilleure façon de s’aimer de Akli Tadjer

Couverture de La meilleure façon de s'aimer de Akli Tadjer

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé à la médiathèque parmi les nouvelles acquisitions.

Le livre : La meilleure façon de s’aimer de Akli Tadjer, éditions Jean-Claude Lattès, 2012, 284 pages, ISBN 978-2709635257.

L’histoire : de nos jours à Paris et en Algérie au moment de la guerre d’indépendance. Après les attentats du 11 septembre 2001, Saïd a perdu son travail, il vendait des assurances à des arabes… qui avaient un taux de sinistres plus importants et étaient non rentables, d’après son patron… Il change de nom et de prénom, le voici devenu Sergio, pas plus mal non plus pour draguer… A l’hôpital, il retrouve presque chaque jour sa mère, Fatima, qui a été victime d’un accident vasculaire cérébral il y a trois mois. Cette dernière est sortie du comas il y a un bon mois, mais elle est aphasique. Cependant, elle comprend parfaitement ce que disent les gens -dont son fils- qui viennent la voir, sa pensée revient à sa jeunesse en Algérie. Enfant, ses parents ont mis une bombe dans un café à Alger, ils sont morts, elle a été élevée dans un orphelinat catholique. Prise en affection par un couple de colons, ceux-ci fuient à l’indépendance, lui promettant de venir la chercher… Elle finira quand même par venir en France, un mari alcoolique, elle ne veut pas d’enfant, Saïd arrive quand même, mais leurs relations semblent avoir toujours été compliquées…

Mon avis : un beau texte qui alterne le point de vue du fils et de la mère. Un amour compliqué, des amours compliqués, chacun, au fil de leurs souvenirs, racontent leurs histoires d’amour respectives, mais l’amour mère-fils surgira-t-il enfin? Un texte aussi sur la prise en charge de personnes âgées (ou non) victimes d’AVC. Certes, Fatima ne peut pas parler, mais elle n’en est pas pour autant un « légume », quoiqu’en pense une ex de son fils… Elle subit les soins, les réflexions, les remarques qui la rabaissent sans pouvoir s’exprimer… Un texte qui est une belle découverte… Merci aux bibliothécaires de l’avoir acquis et mis en avant dans le rayonnage!

Bienvenue en arabeUn livre qui entre dans le cadre du défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya.

La mémoire mutilée de Mohamed Cherid

Couverture de La mémoire mutilée de Mohamed Cherid Bienvenue en arabe Un livre prêté avec quelques autres (dont je vous parlerai prochainement, avec Une enfance algérienne sous la direction de Leïla Sebbar, Les honneurs perdus de Calixthe Beyala et Surtout ne te retourne pas de Maïssa Bey, et vous montrerai le marque-page fleuri qui a accompagné leur retour) par une amie quand elle a vu que je participai au défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya… Elle se reconnaîtra… et je lui souhaite bon courage dans la réparation de sa fracture… Les béquilles ne seront bientôt qu’un lointain souvenir…

Le livre : La mémoire mutilée de Mohamed Cherid, éditions Edilivre, 2008, 156 pages, ISBN 9782812102882.

L’histoire : à Fodda (dans la wilaya de Chlef en Algérie) et dans ses environs, disons des années 1930 à après 1980, il y a assez peu de repères chronologiques, les tremblements de terre de 1954 et 1980, la période coloniale, la guerre de libération (mais pas la période noire des attentats des années 1990). Alors que son grand-père vient de mourir, le narrateur se souvient des événements qui ont marqué la vie de sa famille, mariages, enterrements, maladies, naissances, mais aussi les études, leur abandon. En tant qu’aîné, il fallait aider la famille à vivre, il est devenu instituteur après une brève formation pendant un été…

Mon avis : un beau texte, avec même un poème intercalé à la fin du chapitre 6. Le récit ne se fait pas dans l’ordre chronologique, mais dans celui de la mémoire du narrateur, qui les restitue dans le désordre… La guerre de libération (plaçons nous du côté du colonisé, pour une fois…) est surtout vue à travers des faits de petite et grande résistance au quotidien, comme cette femme qui fait passer des fonds en scotchant les billets dans les langes d’un bébé… L’indépendance, proclamée le 5 juillet 1962, est assez peu évoquée, il est même parfois difficile de savoir si l’on se place avant ou après cette date. De la période après l’indépendance ne se distingue vraiment que le tremblement de terre de 1980 et ses destructions.

Sinon, à nouveau, un livre avec beaucoup trop de coquilles qui rendent parfois la lecture incompréhensible ou qui la ralentissent, avec le sens de la phrase qui n’apparaît pas au premier abord… Ainsi, systématiquement, il y a « prés » pour « près », « dés » pour dès ». Quelques autres exemples au fil des pages:
– page 86 : « j’étais le premier enfant a été [pour: à être] scolarisé »;
– page 103 : « très préoccupé pas [pour: par] l’état de santé »;
– page 123 : « les brèches par lesquelles pénétraient [pour: pénétrait] l’eau ».

Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire d’Edem Kodjo

Couverture de la lettre ouverte à l'Afrique cinquantenaire, de Kodjo pioche-en-bib.jpg

J’ai trouvé ce livre à la médiathèque parmi les nouvelles acquisitions…

Le livre : Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire de Edem Kodjo, collection Continents noirs, éditions Gallimard, 2010, 77 pages, ISBN 978-2-07-013150-1.

L’histoire : à l’occasion des multiples fêtes du cinquantenaire des indépendances des pays africains, l’auteur s’adresse à l’Afrique et à ses dirigeants réunis pour de multiples festivités pour faire le constat d’un grand retard de ce continent par rapport aux autres pays devenus « émergents » (dont le fameux trio Brésil, Inde, Chine), dénonce l’exploitation de ses richesses par quelques dirigeants à leur profit ou à celui de quelques multinationales, et propose quelques solutions comme le développement de l’agriculture, la réorganisation du système bancaire au profit du crédit aux particuliers et aux entreprises (et non à celui des banquiers), une vraie démocratie ou la création d’une monnaie unique à l’échelle du continent.

logo du chalenge 1% rentrée littéraire 2010Mon avis : bien que faisant partie des livres de la rentrée littéraire 2010 (catégorie essais, donc en dehors du défi du challenge du 1 % rentrée littéraire 2010, repris par Schlabaya), ce livre de Edem Kodjo, ancien Premier ministre du Togo et secrétaire général de l’OUA (devenue l’Union Africaine) est presque complètement dépassé par les événements de ces derniers mois en Afrique-du-Nord ou en Côte-d’Ivoire. Certes, les coups d’État signalés pour l’année 2009 peuvent être vus comme les prémices de ce grand mouvement, et les solutions proposées pour permettre le développement économique de l’Afrique sont sans doute encore d’actualité, mais quand même, l’histoire s’est accélérée à un tel point sur ce continent qu’il faudrait une nouvelle version de ce livre… Je ne suis pas sûre d’être entièrement d’accord avec l’auteur sur le développement de l’agriculture en Afrique qui passerait par le productivisme, la mécanisation (là, d’accord), le déversement de produits chimiques (engrais et pesticides) et les OGM (ils permettent surtout aux semenciers et aux vendeurs de pesticides de s’en mettre plein les poches avec des graines impossibles à resemer d’une année sur l’autre et des produits résistants aux pesticides qui permettent d’en verser encore plus dans les champs).

logo tour du monde en lecture Ce livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre du Togo.

Mon cher fils de Leïla Sebbar

Couverture de Mon cher fils de Leïla Sebbar, par Yves Jeanmougin C’est mon père qui m’avait passé ce livre, lu il y a un moment déjà…

Le livre : Mon cher fils, de Leïla Sebbar, aux éditions Elyzad, 153 pages, 2009, ISBN 978.9973.58.015.3. Et une superbe couverture due à Yves Jeanmougin.

L’histoire : après avoir travaillé 30 ans chez Renault à Boulogne-Billancourt, un vieil homme rentre à Alger. Il a eu sept filles et un fils, mais guère réussi à leur parler quand il était en France, pris par le travail et les amis ouvriers. Alors, à Alger, il se rend à la Grand poste où la jeune Alma, écrivain public, va transmettre son message, l’histoire de sa vie à son fils. La rafle de Papon le 17 octobre 1961 à Paris est à peine esquissée… la vie à l’usine, par petites touches, toute une vie apparaît. Mais l’écrivain public voit aussi une autre cliente, qui sait écrire mais qui souhaite une belle écriture, à la plume, pour envoyer des lettres à sa sœur jumelle…

Mon avis : un livre sur le choc de l’immigration, la rupture entre les générations, mais aussi sur la place de l’écrivain public, écrivain, mais aussi oreille attentive, un peu psy, avec ses clients… Un petit livre (150 pages) à dévorer…

Post-scriptum : depuis, j’ai lu, aussi de Leile Sebbar, L’arabe comme un chant secret et d’un recueil de nouvelles qu’elle a dirigé, Une enfance algérienne.

Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra

Couverture de Ce que le jour doit à la nuit, de Yasmina Khadra Petit rappel : début août, je vous ai annoncé la parution de Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, paru le 21 août chez Julliard (ISBN 2260017584). Je l’ai dévoré… Il n’y a pas de traducteur pour ce livre, Mohamed Moulessehoul écrit en français, il justifie son choix sur son site officiel.

Le début de l’histoire : dans les années 1930, le narrateur a neuf ans et vit à la campagne avec sa mère, son père et sa sœur. La récolte s’annonce prometteuse quand, juste avant la moisson, les champs sont détruits par un incendie criminel. Le père doit hypothéquer ses terres et décide de partir refaire sa vie à Oran, où habite son frère, pharmacien. Mais pas question de vivre de la charité de celui-ci, il s’installe dans un bidonville, survit comme il peut, puis finit par confier son fils, pour un meilleur avenir, à son frère qui n’a pas d’enfant et est marié à une française catholique. Le livre se poursuit avec la vie parallèle entre les quartiers européens, où vivent quelques privilégiés algériens, et les bidonvilles et la misère de la grande majorité de la population. Jusqu’à l’indépendance de l’Algérie et une fin très émouvante…

Mon avis : un livre écrit dans une langue limpide, un grand pas vers une meilleure compréhension des causes de la guerre d’Algérie (pardon, des « événements »), sur les relations entre les colonisateurs et certains colonisés, et leur aveuglement par rapport à la misère de la grande majorité du peuple. Un grand pas pour une meilleure réconciliation après cette période. Et aussi, en fond de l’histoire, la vie des adolescents, de leurs amours et déboires amoureux. À lire sans faute…

L’auteur : sous le pseudonyme de Yasmina Khadra se trouve Mohamed Moulessehoul (voir sur le site officiel de l’auteur l’explication de ce pseudonyme). Il vit en France avec sa famille depuis 2001. Ce que j’ai oublié de dire dans mes derniers articles, c’est qu’alors qu’il était Personna non gratta au centre culturel algérien à Paris, il en a été nommé directeur en novembre 2007. Du coup, la presse algérienne a accueilli ce nouveau livre avec des articles louangeurs, par exemple ici pour El Watan. Il faudra que j’aille visiter ce centre culturel lors d’un prochain voyage à Paris (il est dans le 15e arrondissement, 171 rue de la Croix-Nivert). Yasmina Khadra a aussi été accueilli à Oran à l’invitation de l’Assemblée populaire de wilaya (équivalent de nos préfectures) cet été pour présenter le livre. Vous pouvez trouver un article et des extraits publiés avec l’autorisation de l’auteur sur ce blog.

Je vous ai déjà parlé de ces quatre autres livres de Yasmina Khadra, réédités cet été sous le titre Le quatuor algérien quatre enquêtes du commissaire Llob, chez Folio : La part du mort ; Morituri ; Double blanc et L’automne des chimères. Puis La longue nuit d’un repentiLes hirondelles de Kaboul. Et aussi celui-ci, plus pour adolescents : La rose de Blida.

Lecture : Fred Hamster et Madame Lilas, de Philippe Delepierre

Couverture de Fred Hamster et Madame Lilas de Delepierre Dans le cadre de l’échange livre et marque-page organisé par Delphine, j’ai reçu un superbe marque-page orné de rhinocéros. Laurence avait choisi pour l’accompagner le livre Fred Hamster et Madame Lilas, de Philippe Delepierre (Pocket n° 12511, septembre 2005, ISBN 2-266-15176-2).

Le début de l’histoire : pendant la guerre d’Algérie, à Bourdain, dans le nord, le fils de l’épicier, Fred, âgé d’une dizaine d’années, narre en alternance avec Leïla sa vie dans ce trou perdu. Leïla s’est enfuie d’Algérie pour éviter un mariage forcé et a épousé un marinier. Depuis quelques années, son couple va à vau-l’eau et elle a été débarquée de la péniche par son mari. Au jour le jour, le lecteur suit la vie sociale de cette petite bourgade et son racisme ordinaire.

Mon avis : j’ai adoré ce livre ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un livre d’un seul coup, tenue par l’histoire, jusque tard dans la nuit… Merci à Laurence de m’avoir fait découvrir ce livre et cet auteur, qui a aussi écrit un épisode du Poulpe, un des rares que je n’ai pas lu et qu’il faudra que j’essaye de trouver.