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Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud

Couverture de Meursault, contre-enquête, de Kamel DaoudLogo rentrée littéraire 2014C’est une amie, Paulette (revoir son témoignage sur le Frontstalag 230 à Poitiers) qui m’a prêté ce livre étiqueté succès de la rentrée littéraire 2014 (en fait, il est sorti en mai, mentionné partout comme « rentrée littéraire, mais celle-ci s’applique en principe aux livres parus de fin août à fin octobre), finaliste pour le Goncourt et qui a reçu le prix François Mauriac et le Prix littéraire des Cinq Continents. Pour ceux qui n’ont pas lu ou relu L’Étranger, d’Albert Camus, elle vous conseille à juste titre de le refaire avant d’attaquer ce livre.

Le livre : Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud, éditions Actes sud, 2014, 160 pages, ISBN 978-2-330-03372-9 (publié en Algérie en novembre 2013 par les éditions Barzakh).

L’histoire: de nos jours à Oran. Un vieux monsieur, Haroun, dans un bar, raconte son histoire au fil des jours. Il y a 50 ans, son frère, Moussa (Ouled El-Assasse), a été tué par Meursault. Ce dernier a raconté son histoire dans un livre devenu célèbre, mais il y parle de lui, de sa mère, pas de sa victime, qui restera à jamais « l’arabe ». Haroun avait alors 7 ans. Un deuil impossible, le corps n’a jamais été rendu, sa tombe est vide. Haroun finit par fuir Alger avec sa mère, pour un village, apprend à lire, à écrire, obtient un bon travail jusqu’à ce jour de juillet 1962 (le 5) où, 20 ans après le meurtre de son frère, il tue un homme, un colon, juste un peu trop tard, de quelques heures, pour que ce soit un acte héroïque de la Libération…

Mon avis: « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas...« , « Aujourd’hui M’ma est encore vivante« … Deux ouvertures qui en disent long sur la suite. L’Étranger, premier roman publié d’Albert Camus (en 1942, il avait auparavant publié des essais et du théâtre), Meursault, contre-enquête, premier roman remarqué de Kamel Daoud… La recherche de la plage ensoleillée où son frère est mort, profondément bouleversée au fil des ans, hante le narrateur, et très vite le lecteur, pris à parti, à moins que ce ne soit son frère disparu ou Meursault, ou Camus, ou simplement le compagnon de bar? Qui est ce « tu » qu’il invective en permanence? Un roman écrit en français, la langue du colonisateur, qui parle au fil des pages, en sous-main, du rapport au colonisé et à la guerre de libération à laquelle le narrateur n’a pas pris part, comme L’Étranger parlait de la colonie. Meursault n’a jamais appelé sa victime autrement que par « l’arabe »? Ici le narrateur ne parle que de Meursault, sans jamais cité Camus. Tout est miroir, jusque dans le style, jusque dans l’opposition, à distance, des deux mères. A lire pour vous faire une idée!

Couverture de Dans les yeux des autres de Geneviève BrisacEt retrouvez aussi un curieux Meursault, homonyme sans doute pas si fortuit, dans Dans les yeux des autres de Geneviève Brisac…

L’étranger de Camus

Couverture de l'étranger de Camus en folio de 1986 Pour le défi J’aime les classiques proposé par les Carabistouilles de Marie et en cette année Camus, je ne pouvais pas ne pas en (re)lire un… J’ai choisi le premier roman qu’il a publié.

Le livre : L’étranger, de Albert Camus, paru en 1942. Dans ma bibliothèque, je l’avais en collection Foilio, n° 2, 1986, 186 pages. Je ne vous mets pas l’ISBN, vous trouverez plus facilement des éditions plus récentes.

L’histoire : dans les années 1930, à Alger. Meursault reçoit un télégramme lui annonçant le décès de sa mère à l’asile de vieillards où a dû la placer (il ne pouvait plus travailler et s’en occuper), à 80 km d’Alger. Il assiste à la veillée funèbre par les amis de sa mère sans vouloir la voir une dernière fois (le cercueil est fermé mais non scellé), puis suit dans un état second, apparemment indifférent, les obsèques qui ont été organisées par le directeur. De retour à Alger, il rencontre une ancienne amie, Marie, qui devient son amante. Il croise le vieux Salamano, qui bat son chien. Il témoigne aussi en faveur de son voisin, Raymond Sintès, qui vient de battre sa maîtresse arabe (mauresque dit le texte). Ils se retrouvent tous quelques jours plus tard sur une plage, où ils sont invités dans la cabane d’un ami de Raymond. Au cours d’une promenade, ils croisent deux hommes, dont le frère de la femme battue par Raymond. Ce dernier est blessé au couteau, Meursault récupère son révolver. Quelques heures plus tard, dans la chaleur de l’été, il retourne dans ce coin de la plage, tombe à nouveau sur ce frère, et l’abat froidement quand il ressort son couteau. Sa vie bascule, la deuxième partie est consacrée à la vie en prison, l’attente du procès puis de l’exécution de la sentence. Son apparente indifférence à l’enterrement de sa mère et dans les jours qui suivent (aller à la plage, coucher avec Marie) jouera un rôle important dans le verdict.

Mon avis : la narration à la première personne dans la peau de Meursault est particulièrement efficace. Un ton neutre, et une interrogation sur l’enchaînement des événements, la justice et la peine de mort derrière un récit qui se lit d’une traite. Le rapprochement du chien battu par Salamano et de la maîtresse arabe battue par Raymond est saisissant… Le passage avec la confrontation avec l’aumônier de la prison est aussi très fort.

L’avis des savants : L’étranger prend place dans la trilogie que Albert Camus a nommé le cycle de l’absurde, avec les deux pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu. Il faut ajouter à ce cycle Le mythe de Sisyphe, un essai philosophique. Sisyphe, vous le trouvez chez Homère, il est condamné dans les enfers à pousser éternellement un gros rocher au sommet d’une montagne d’où il retombe sans cesse pour son rôle dans une sombre et énième histoire d’amour de Zeus.

Logo du défi J'aime les classiques Je l’ai lu dans le cadre du défi J’aime les classiques proposé par les Carabistouilles de Marie. Je ne sais pas encore ce que je lirai le mois prochain…

Logo du challenge ABC critique de BabelioJ’ai sélectionné ce livre pour le défi ABC critique organisé par Babelio.