Archives par étiquette : Paris

Fox-trot de Michel Quint

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque… Je ne pouvais pas raté le dernier titre de Michel Quint, qui va finir par devenir un familier de mes fidèles lecteurs (revoir Effroyables jardins et Aimer à peine, Avec des mains cruelles, La folie Verdier, Close-up, L’espoir d’aimer en chemin, Et mon mal est délicieux)!

Le livre : Fox-trot de Michel Quint, éditions Héloïse d’Ormesson, 329 pages, 2015, ISBN 978-2-35087-335-0.

L’histoire : Paris, 6 février 1934. Une émeute éclate suite à l’affaire Stavisky, deux médecins lillois qui « passaient par là » organise un poste de secours avancé où ils reçoivent un blessé mourant auprès duquel se retrouvent une vedette de music hall et la jeune trapéziste Lisa Kaiser, qui recueille une enveloppe qu’il portait sur lui avant de fuir dans sa ville natale… Lille! Dans cette ville, les troubles se multiplient également, Charles, un jeune instituteur proche de la SFIO, s’accroche avec l’un de ses collègues, qu’il accuse d’être ligueur, et est suspendu. Il se réfugie auprès de sa nouvelle amie, une jeune modiste très courue. Par l’intermédiaire de son beau-frère, officier de police, il est vite chargé par le maire de Lille, Roger Salengro, d’infiltrer l’un de ces ligues. De son côté, Lisa Kaiser s’engage au « Sphinx », un cabaret où elle est rapidement retrouvée assassinée…

Mon avis : j’ai beaucoup aimé cette histoire qui nous entraîne dans la sombre histoire des années 1930 et des ligues d’extrême droite à Paris puis dans le Nord de la France. Oups, il faut maintenant dire les Hauts de France… et l’histoire déborde aussi « en bas au centre » de la Belgique (pas tout en bas, il reste encore les Ardennes belges).

Poitiers, Jeanne-d-Arc de Real del Sarte, 05, signature sur la statue Vous y retrouverez d’ailleurs un sculpteur dont j’aime bien l’œuvre, mais qui fut sur le plan politique une belle ordure, non pas « proche » (page 174) mais bien membre fondateur des Camelots du roi. Ce roman n’est pas un cours d’histoire caché dans un roman historique, mais bien un polar qui s’ancre dans l’histoire, cette histoire qui hante Michel Quint au fil de ses romans, la Seconde Guerre mondiale, ses prémices ou ses conséquences au fil des titres… A part la fin (juste les 3 ou quatre dernières pages), qui ne semble pas « raccord » avec le reste, je vous recommande chaudement cette plongée à la fois historique (l’affaire Stavinsky et le scandale du Crédit municipal de Bayonne), politique (la montée des ligues d’extrême droite et la SFIO), sociale (les milieux bourgeois et populaires de Lille), dansante (Fox-trot et autres numéros de cabarets) et … sanglante (3 ou 4 cadavres?) 😉

Logo rentrée littéraire 2015

Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

L’Inca et le Conquistador au musée du quai Branly à Paris

Jardin de Gilles Clément au musée du quai Branly, juin 2015Fin juin 2015, j’ai vu trois expositions au musée du quai Branly à Paris (ici le jardin de Gilles Clément): deux expositions-dossiers sur les mezzanines, qui se poursuivent encore quelques semaines (Tatoueurs-tatoués et L’Inca et le Conquistador, dont c’était le deuxième jour de présentation) et une grande exposition terminée mais dont je vous parlerai certainement, Les maîtres de la sculpture de Côte-d’Ivoire.

L’Inca et le Conquistador

Affiche de L'Inca et le Conquistador au musée du quai Branly à ParisA voir jusqu’au 20 septembre 2015.

L’exposition : 1520. Deux empires en pleine expansion. D’un côté, Charles Quint en Europe (des Pays-Bas à l’Espagne en passant par le Saint-Empire romain germanique, la Bourgogne et le Royaume de Naples), en Afrique-du-Nord et vers l’Amérique, où il envoie le conquistador Francisco Pizarro. De l’autre, l’empire inca Tawantinsuyu (« l’empire des quatre quartiers ») qui s’étend du centre du Chili au sud de la Colombie (si on considère les pays actuels) sous le règne de Huayna Capac. A sa mort, une guerre de succession mène sur le trône son fils l’Inca Atahualpa. L’exposition présente les forces en présence et retrace la confrontation en 1532 entre les conquistadors et le dernier inca à travers des objets mais surtout les récits qui en ont été faits, l’arrestation d’Atahualpa le 16 novembre 1532, sa détention (dorée, jusqu’au versement d’une époustouflante rançon) puis son exécution (1533) et la récupération de son corps par les siens, jusqu’à la guerre civile entre les conquérants, l’assassinat de Pizarro par ses compatriotes en 1541.

Mon avis : les deux premières parties présentent de nombreux objets, les suivantes plus de documents dont une belle série de gravures. L’exposition met en avant le choc de deux cultures. D’un côté les Espagnols, avides d’or et de richesse (ce qui amènera à la mort fratricide de plusieurs d’entre eux), perfides (ils tuent l’Inca malgré le versement de la rançon), de l’autre les autochtones qui ne comprennent pas que leurs codes de déférence et autres rapports hiérarchiques ne sont pas partagés par les conquérants. Bien que peu nombreux, mais disposants d’armes beaucoup plus dangereuses, les Conquistadors s’approprient les richesses de l’empire Inca. J’ai trouvé la dernière partie, sur les conséquences de la conquête, un peu décevante en n’insistant pas sur le problème de la colonisation, c’est récurrent dans ce musée, voir déjà mon commentaire sur Polynésie en 2008.

Il est également dommage que les gardiens (invisibles sauf à l’entrée) ne disent rien quand une visiteuse pousse tout le monde (c’était à l’ouverture donc pas trop de monde, mais quand même une dizaine de personnes gênées) pour prendre en photographie chaque vitrine et chaque cartel, avec un appareil photo numérique compact qui fait un bruit artificiel d’appareil argentique à chaque cliché, sans même regarder le contenu des vitrines, j’ai fini par l’interroger, pourquoi prend-elle autant de clichés? Pour en profiter chez elle (mais je vous promets, elle n’a rien vu de l’exposition en dehors du viseur de son appareil photo)!!! Je lui fais remarquer qu’elle ferait mieux d’acheter le catalogue (il y a les photographies de tous les objets à la fin, avec une notice plus complète que les cartels), qu’elle gêne tout le monde par son attitude (elle n’avait pas remarqué). Quant au bruit de son appareil, elle ne sait pas comment l’éteindre… Grrrr! Elle a fini par comprendre que son comportement égoïste ne serait plus toléré par les autres visiteurs et a fui « devant tant d’incompréhension et de tolérance »: elle a sauté toute la dernière section, après mes questions et le renfort d’autres visiteurs aussi agacés mais muets au début. Je ne sais pas si elle a acheté le catalogue, mais je vous le recommande aussi 😉

Sur le musée du Quai Branly à Paris, voir aussi

Sur Gilles Clément

La belle saison de Catherine Corsini

Affiche de La belle saison de Catherine CorsiniAprès deux semaines sans cinéma, je me suis rattrapée cette semaine avec La belle saison de Catherine Corsini.

L’histoire : 1971, en Corrèze. Delphine [Izïa Higelin], fille d’agriculteurs, apprend que l’amie avec qui elle a eu une relation va se marier, sur la pression familiale et sociale. Ses parents (et surtout sa mère, Monique [Noémie Lvovsky]) la verraient d’ailleurs bien épouser Antoine [Kévin Azaïs]. Pour échapper à cette ambiance, elle « monte à Paris », se fait embaucher chez Félix Potin. Elle croise un jour un groupe de militantes féministes en pleine action, les rejoint dans un amphithéâtre de la Sorbonne, où se jouent les prémices du MLF, rédaction de tracts et chant du MLF en chœur général. Elle y fait la connaissance de Carole [Cécile de France], professeure d’espagnol qui vit en couple avec Manuel [Benjamin Bellecour]. Les deux femmes tombent amoureuses, mais voici que le père de Delphine est terrassé par un infarctus, Delphine retourne à la ferme pour faire tourner l’exploitation avec sa mère, Carole décide de la rejoindre…

Mon avis : ce film se situe lors de la structuration du MLF (mouvement de libération des femmes), juste avant la grande manifestation du 20 novembre 1971, qui eut lieu à Paris et dans plusieurs pays, pour l’avortement libre et gratuit, la contraception, l’égalité des droits, etc. Il montre l’écart entre la liberté parisienne et l’importance du qu’en dira-t-on à la campagne. A Paris, le militantisme est possible, avec des manifestations comme on n’ose plus en faire aujourd’hui… Et si nous faisions comme ces pionnières, une course de femmes mettant la main aux fesses des mecs sur les trottoirs ou dans les transports parisiens, pour changer? Dans la Corrèze profonde, la mère de Delphine n’a pas de sécurité sociale, pas de salaire, pas de compte en banque. Delphine est tolérée aux réunions de la CUMA (les urbains n’ont peut-être pas compris, seul le sigle est donné dans le film, il s’agit des coopératives d’utilisation -et donc d’achat- de matériel agricole) tant que son père est hospitalisé puis invalide à la maison, mais qu’elle ait pu prendre seule un rendez-vous à la banque pour obtenir le prêt nécessaire lui est fermement reproché. Pas question d’homosexualité dans ce milieu, la discrétion s’impose, je pense que sur ce point, 45 ans plus tard, il n’y a pas eu d’évolution dans les villages les plus reculés! Côté film, les relations sexuelles entre femmes sont beaucoup plus discrètes que dans La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (inspiré de la très belle bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh), palme d’or à Cannes en 2013. Le militantisme et ses contradictions sont privilégiés, alors, pour ceux ont besoin d’une piqûre de rappel, je vous ai trouvé une belle version du chant du MLF! Celle que vous verrez dans La belle saison de Catherine Corsini est poignante, quelques spectatrices semblaient d’ailleurs reprendre au minimum le refrain sur leur siège! Allez, n’hésitez pas à aller voir ce film qui vient de sortir!

Pour aller plus loin, à réviser avant la prochaine manifestation du 8 mars (journée internationale des femmes, pour l’égalité des droits)

L’hymne des femmes [hymne du MLF] sur l’air du Chant des marais

Nous qui sommes sans passé, les femmes,
Nous qui n’avons pas d’histoire
Depuis la nuit des temps, les femmes,
Nous sommes le continent noir.

Refrain :
Levons-nous femmes esclaves [Variante: Debout femmes esclaves]
Et brisons nos entraves
Debout, debout, debout !

Asservies, humiliées, les femmes,
Achetées, vendues, violées
Dans toutes les maisons, les femmes,
Hors du monde reléguées.

Refrain

Seules dans notre malheur, les femmes,
L’une de l’autre ignorée
Ils nous ont divisées, les femmes,
Et de nos sœurs séparées.

Refrain

Le temps de la colère, les femmes,
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes,
Découvrons-nous des milliers !

Refrain

Reconnaissons-nous, les femmes,
Parlons-nous, regardons-nous,
Ensemble on nous opprime, les femmes,
Ensemble révoltons-nous !

Refrain de fin (deux fois) :

Levons-nous [ou: Debout] femmes esclaves
Et jouissons sans entraves
Debout, debout, debout !

Les deux derniers couplets sont parfois inversés et le dernier refrain pudiquement remplacé par le refrain général ou par une alternative soft « Nous ne sommes plus esclaves / nous n’avons plus d’entraves / debout, debout, debout ».

A écouter par exemple sur le compte youtube de ce site allemand de chants de lutte (la version sur le site de l’INA incluse dans un reportage du 8 mars 1982 est tronquée):

Pour une version pleine de pep’s (un peu rapide), voir la version de La contrebande à Simone

Et pour les apprenti(e)s choristes, en bas de cette page pour chanteurs, vous trouverez la partition en pdf et un mp3 avec chaque pupitre, même une voix de basse (oups, un peu « casserole »), les premières militantes du MLF qui interdisaient leur réunion aux hommes seront surprises.

Œuvres vives de Linda Lê

pioche-en-bib.jpgCouverture de Œuvres vives de Linda LêJ’ai déjà essayé, et plus ou moins apprécié, plusieurs œuvres de Linda Lê : Cronos, A l’enfant que je n’aurai pas, Lame de fond. Comme les précédents, je l’ai emprunté à la médiathèque.

Le livre : Œuvres vives de Linda Lê, éditions Christian Bourgeois, 2014, 334 pages, ISBN 978-2-267-02676-4.

L’histoire : de nos jours, au Havre et à Paris. Le narrateur, jeune journaliste, part couvrir quelques événements culturels au Havre. Alors qu’il vient de lire un livre de l’auteur local Antoine Sorel, connu de quelques lecteurs seulement, il apprend par la presse son suicide par  défenestration du sixième étage. Il décide de chercher des témoins pour retracer la vie de celui-ci, le voici sur la piste du grand-père, qui fit partie des Vietnamiens envoyés travailler en France pendant la Première Guerre mondiale, de son père, qui l’a élevé à la dure, de son frère puis peu à peu de ses ami(e)s qui révèlent peu à peu la personnalité sombre et complexe de cet auteur…

Mon avis : la narration à la première personne permet de se glisser assez vite dans la quête de cet écrivain mal-aimé de ses parents, alcoolique, peu lu et en gros oublié de tous. Cette quête est l’occasion pour lui de découvrir et aimer peu à peu la ville du Havre. A Paris, il se réfugie ou donne des rendez-vous dans des lieux que j’aime bien aussi pour leur calme, comme le musée Rodin (voir Matisse-Rodin) ou le musée national Delacroix (voir Une passion pour Delacroix, La collection Karen B. Cohen). Voilà un cocktail qui aurait dû me faire aimer ce livre, et pourtant, je me suis ennuyée par moment. Dans Lame de fond, il était déjà question d’un correcteur (au lieu d’un écrivain), originaire du Vietnam comme l’auteur, et d’une recherche des origines. Comme dans ce livre, il y a beaucoup d’allusions à des lieux (au Havre et à Paris), à des livres, etc., et j’ai eu ici l’impression de reprendre la même quête veine, 3 ans plus tard. Je vous laisse vous faire votre opinion par vous-même…

Sur Le Havre, je vous conseille Un homme est mort de Kris et Étienne Davodeau, qui avait donné lieu à un BD concert, Un homme est mort, il y a quelques années à Poitiers, basé sur le film disparu de René Vautier, lui-même décédé récemment. Sur la présence des Vietnamiens en France pendant la première guerre mondiale, voir le monument aux morts Indochinois dans le cimetière de Salonique à Toulouse.

[PS: 30 août 2015 :
Je trouve que Linda Lê est très irrégulière… Je me suis ennuyée à la lecture d’Œuvres vives. Télérama (n° 3423, p. 17) semble regretter la faible vente de ce titre, mais je ne dois pas être la seule à ne pas en avoir fait la promotion…

Logo rentrée littéraire 2014Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson (Il faut que je mette mes index à jour…).

Les notes de la mousson de Fanny Saintenoy

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCouverture de Les notes de la mousson de Fanny SaintenoyJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Versilio!

Le livre : Les notes de la mousson de Fanny Saintenoy, éditions Versilio, 117 pages, 2015, ISBN 9782361321208.

L’histoire : à Pondichéry, de nos jours. Kanou a une dizaine d’années. Fils unique, il est élevé par Ahmma, la vieille servante qui est sa nounou après avoir été celle de sa mère. Son père, Lalchen, est un musicien célèbre, en voyage permanent à travers le monde. Sa mère, Galta, est étrangement absente, elle s’interroge, qui était cette Angèle qui était sa mère adoptive et qu’elle a laissé rentrer en France il y a fort longtemps en refusant de l’accompagner? Elle même se sent rejetée, aucun invité n’était venu à son mariage, à part un couple d’amis, ses beaux-parents n’ont jamais accepté cette femme choisie par leur fils à la place de celle qu’il lui destinait. Un jour, elle décide d’aller à Paris… en commençant par ouvrir un coffret à secrets!

Mon avis : un livre court, dense. Longue nouvelle, court roman? Le prologue retrace le mariage désastreux, ajoute des détails (la servante est veuve depuis quelques jours) qui tentent de rendre une consistance aux personnages en ouverture du livre. En une centaine de pages, Fanny Saintenoy arrive ainsi à glisser de nombreux détails, mais peut-être au détriment d’une certaine épaisseur à donner aux personnages et surtout à l’histoire centrale, le secret de famille qui a été caché à Galta et qui va exploser à nouveau à la figure d’Angèle. La partie « indienne » est peut-être plus fouillée que la partie « parisienne ». je pense que le format choisi n’est pas le bon: en enlevant ces détails, on arriverait à une nouvelle dense et bien ficelée… en ajoutant des pages, le livre aurait atteint la taille d’un roman en donnant plus de consistance aux personnages et au secret de famille. La fin est curieuse aussi, comme inaboutie, avant les retrouvailles d’Angèle et de Galta, avant celles du gamin avec son père au cours de sa tournée européenne… même si le secret est révélé.

J’ai bien aimé le style, mais la forme bâtarde entre nouvelle et roman me laisse un peu perplexe.

Pablo, tome 3, Matisse, de Julie Birman et Clément Oubrerie

Logo BD for Womenpioche-en-bib.jpgCouverture de Pablo, tome 3, Matisse, de Julie Birman et Clément OubrerieJe vous ai parlé du tome 1, Max Jacob, pas du tome 2, Apollinaire, il faudra que je le fasse, en attendant, voici la suite de cette série conseillée par Zazimuth. Un album emprunté à la médiathèque.

Le livre : Pablo, tome 3, Matisse, de Julie Birman (scénario), Clément Oubrerie (dessin) et Sandra Desmazières (couleurs), éditions Dargaud, 2013, 84 planches, ISBN 9782205070187.

L’histoire : 1906. Pablo Picasso retourne en Espagne, Barcelone puis Gosol, un petit village reculé de Catalogne, avec Fernande. Plus de vie parisienne affriolante,  dans l’auberge, Pablo lie vite les relations avec des contrebandiers qui y ont installé leur quartier général. Pris de panique lorsqu’une fillette tombe malade (et si elle mourrait à cause de lui comme sa sœur morte à 13 ans de la typhoïde), Pablo décide de fuir et de revenir à Paris. Par l’intermédiaire de Gertrude Stein, dont il peint le portrait, il rencontre son rival du moment, Henri Matisse, et décide de le surpasser par une nouvelle œuvre…

Mon avis: comme dans les tomes précédents, la narratrice est Fernande (Olivier), l’une des égéries de Picasso… Le lettrage, manuscrit, présente toujours des difficultés de lecture pour moi, ce n’est pas toujours simple de reconstituer une lettre manuscrite un peu déformée, mon cerveau reste paresseux pour les interprétations et butte beaucoup… La première partie, en Espagne, est traitée façon western, un long trajet à dos d’âne qui aurait été très éprouvant pour Fernande alors que Picasso revit dans ce milieu isolé et interlope, entre trafics et création frénétique pendant les trois semaines du séjour. Après un épisode « mystique » (Dieu veut-il punir Picasso pour la mort de sa sœur?), il poursuit sa création, entre sexe, art « primitif » (devenus « premiers » dans le langage de l’histoire de l’art), soirées mondaines, rencontres avec ses amis (Apollinaire, Van Dongen…). La vie foisonnante du Paris du début du 20e siècle est bien rendue, avec énormément de détails dans les dessins, même si ce n’est pas le style graphique que je préfère. J’ai bien aimé y trouver sans les chercher de nombreuses références qui rendent l’ambiance de l’album très agréable malgré la difficulté de lecture.

Logo top BD des bloggueurs Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Dans la cour de Pierre Salvadori

Affiche de Dans la cour de Pierre SalvadoriVoici le dernier film que j’ai vu dans le cadre du il y a quelques semaines: Dans la cour de Pierre Salvadori, à voir désormais en DVD ou à la télévision…

L’histoire : de nos jours à Paris. Musicien, Antoine [Gustave Kervern] plaque son boulot, erre. Pôle emploi lui propose un poste de gardien d’immeuble, l’entretien d’embauche auait pu tourner à la catastrophe s’il n’avait pas croisé Mathilde [Catherine Deneuve], jeune retraitée qui a besoin de se livrer à d’intenses activités associatives pour donner un sens à sa vie. Réticent, son mari, Serge [Féodor Atkine], au nom de la copropriété, finit par accepter. Vous voici plongé dans la vie d’un immeuble, de son gardien qui boit trop et qui, bonne âme, vient au secours de tout le monde, ne sait pas dire non au SdF qui s’installe dans la remise, et les angoisses de Mathilde qui vient de découvrir une fissure dans son appartement…

Mon avis: La vie de l’immeuble est assez bien rendue, et me rappelle celle de l’immeuble que j’habitais il y a longtemps à Paris, une cour où il se passe bien des choses et où le gardien (qui n’existe bien souvent plus à Paris comme ailleurs) joue un rôle primordial pour désamorcer les conflits et mettre de l’huile entre les habitants aux demandes parfois contradictoires. La partie en revanche sur les angoisses de Mathilde / Catherine Deneuve, qui passe d’une cause associative (caritative) à une autre (géologique…), m’a moins convaincue. Dépression, alcool, angoisse, drogues (licites, les médicaments, ou illicites, pour d’autres résidents aussi), rapports à la nourriture, au monde… Le tandem de ces deux êtres à la dérive n’est malgré tout pas inintéressant, même si la fin est particulièrement pessimiste.

les films que j’ai vus avant le festival Télérama 2015, 7 sur 16, c’est pas mal!

– les films vus pendant le festival, ceux que je verrai peut-être, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

Les films que je n’ai pas vus

  • Saint-Laurent de Bertrand Bonello (après Yves Saint-Laurent de Lespert Jalil, je n’avais pas envie de le voir, avec quelques mois de recul, peut-être que j’irai quand même)
  • Léviathan de Andrei Zvyagintsev
  • Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch
  • Eden de Mia Hansen-Love
  • Under the Skin de Jonathan Glazer

PS : Gustave Kervern a aussi réalisé Saint-Amour avec Benoît Delépine

Temps glaciaires, de Fred Vargas

Couverture de Temps glaciaires, de Fred VargasJ’ai lu le « dernier » livre de  (revoir Un lieu incertain et L’armée furieuse), acheté en librairie. Elle a changé d’éditeur, quitté les éditions Viviane Hamy pour Flammarion. Ce qui, de mon point de vue de lectrice avec quelques problèmes visuels, n’est pas une grande réussite: le papier est trop transparent (trop léger?), l’encre grise et pas noire, du coup, la police choisie avec des lettres peu claires (t avec une toute petite hampe), une de mes collègues pense aussi qu’il manque quelques points sur les lettres de la ligne du haut, difficile à voir mais suffisant pour perturber la lecture…

Le livre : Temps glaciaires, de Fred Vargas, éditions Flammarion, 2015, 497 pages, ISBN 9782081360440.

L’histoire : à Paris de nos jours. Une vieille dame qui allait poster une lettre à l’insu de sa garde-malade manque d’être renversée par une voiture. Plus de peur que de mal, mais voici qu’elle est retrouvée « suicidée » dans sa baignoire quelques jours plus tard. Bourlin, le commissaire chargé de l’enquête, tique, fait appel au commissaire Adamsberg pour être éclairé par Danglard à cause d’un curieux dessin retrouvé sur place. Les voici au Creux, haras isolé des Yvelines, où l’un des résidents était destinataire de la lettre. Sauf que son patron a été lui aussi retrouvé mort quelques jours plus tôt, suicide présumé… Un homme veuf, sa femme avait trouvé la mort une dizaine d’années plus tôt lors d’un voyage en Islande, qui finançait une curieuse société d’étude sur Robespierre, qui organise des reconstitutions historiques de débats tenus de 1792 à 1794. Quel rapport? Les enquêteurs ont presque 500 pages pour élucider le mystère…

Mon avis : comme à son habitude, réussit à mêler des intrigues compliquées où tout finit par s’emboîter à merveille. Si les archéologues, confrères du premier métier de Fred Vargas, ont disparu depuis longtemps de ses romans, l’archéologie n’est jamais bien loin, cette fois sous la forme de petits os du poignet retrouvés par Adamsberg dans des trous de piquets sur un îlot islandais… avec d’infimes traces de découpe et de cuisson et un NMI de deux (enfin, pas dit comme ça, le NMI des archéozoologues -elle était spécialistes des lapins- et anthropologues est le nombre minimal d’individus, déduit des compatibilités et incompatibilités entre les os). Vous êtes intrigués? Ce ne sont que quelques pages dans un bon polar, avec une plongée dans le monde intrigant de ces passionnés de reconstitutions historiques dont il a été beaucoup question ces dernières semaines avec le bicentenaire des 100 jours de Napoléon avec le débarquement en Provence… en attendant Waterloo! A dévorer, vraiment dommage que Flammarion n’ait pas choisi un meilleur papier et une encre noire!

Du plus loin de l’oubli, de Patrick Modiano

Couverture du Du plus lointoin de l'oubli, de Patrick ModianoApioche-en-bib.jpgprès Un pedigree, j’ai voulu poursuivre la découverte de l’œuvre de Patrick Modiano, le dernier prix Nobel de littérature. Un livre emprunté à la médiathèque.

Le livre : Du plus loin de l’oubli de Patrick Modiano, collection blanche, NRF, éditions Gallimard, 1996, 165 pages, ISBN 9782070773337.

L’histoire : Juillet 1994. Un homme se souvient. Il croit avoir croisé Jacqueline, 30 ans après… Au début des années 1960, il a vingt ans, dans le quartier latin à Paris. Lui n’est pas étudiant, il vit en vendant des livres d’occasion aux libraires du quartier. Un jour, il rencontre Jacqueline, mystérieuse, qui veut rejoindre un riche américain, William Mc Givern, à Majorque, mais, sans le sou, vit avec un certain Gérard Van Bever, qui exploite une martingale dans des casinos, à Dieppe, à Forges-les-Eaux ou ailleurs. Il retrouve le couple dans leur bistrot attitré, le café Dante, quand ils ne s’absentent pas mystérieusement. Un jour, Jacqueline convainc le narrateur dépouiller son amant, le dentiste Pierre Cartaud, et ils fuient à Londres, où ils tombent sous la coupe d’un autre protecteur, Peter Rachman…

Mon avis : dans ce court roman, l’histoire du narrateur, dont on ne cite jamais le nom, semble liée à cette courte histoire d’amour pour Jacqueline, quelques mois à Paris et à Londres, une entrevue furtive 30 ans plus tard à Paris, dont on apprend qu’elle est la deuxième après leur séparation. Jacqueline, liée à une odeur d’éther, qui traverse tout le livre (tiens, je n’ai pas essayé pour voir si je peux l’ajouter aux rares odeurs que je perçois), Peter Rachmann est précédé par une odeur de Synthol… Sinon, les personnages arrivent, peu de détails sur eux, disparaissent (de la vie du narrateur et du livre), un néant dont ne submerge que la mystérieuse Jacqueline…

La cité de l’immigration à Paris

Paris, le palais des colonies de l'exposition coloniale de 1931A la suite de Exhibit B, je vous avais annoncé une série d’articles sur Ce qui reste de l’exposition coloniale de 1931 à Paris. Je pensais prendre mon temps, vous présenter d’abord le palais colonial et seulement à la fin la Cité de l’immigration. Son inauguration aujourd’hui par le président de la République, 7 ans après son ouverture, m’encourage à écrire plus tôt cet article. Je suis allée la visiter seulement en août 2014. Je voulais voir par moi-même ce lieu qui n’est pas un musée (il n’y a pas de conservateurs, en tout cas, il n’y en avait pas au début) qui a été longtemps occupé par les sans-papiers. C’est encore moins un musée de l’histoire de l’immigration, comme j’ai pu l’entendre depuis quelques jours, mais quelque chose qui mélange de la documentation, de l’histoire, de l’actualité.

Lors de ma visite à Paris, je cherchais un lieu où il n’y aurait pas grand monde car je dois encore éviter les bousculades. Je voulais surtout voir la restauration du palais, dont on me disait le plus grand bien, mais j’y reviendrai une prochaine fois.

Paris, entrée de l'ancien palais des colonies, aujourd'hui cité de l'immigrationLaissons donc l’aquarium au sous-sol et entrons dans la Cité de l’immigration. Au premier étage, la mezzanine donne une très belle vue sur le grand forum aux fresques restaurées, j’en reparlerai sans doute. Sur les côtés, des panneaux expliquent l’histoire du palais et de l’exposition coloniale de 1931.

Entrons dans la salle principale de la Cité. J’avoue que je n’ai pas bien compris le propos. L’ensemble est organisé par des modules qui correspondent à des thèmes, avec pour chaque espace une œuvre d’art contemporaine (par exemple une chambre avec des lits superposés pour illustrer l’entassement des immigrés), des vitrines avec des objets genre passeports, permis de travail, objets transportés par les migrants, etc., des textes explicatifs très denses et écrits avec de très petits caractères, qui ne donnent aucune envie de lire (en tout cas pas de tout lire) et quelques propositions de lecture ou de bandes dessinées (j’ai trouvé avec bonheur dans la sélection la Petite histoire des colonies françaises de Jarry Grégory et Otto T. revoir dans l’ordre de parution l’Amérique française, l’Empire, la décolonisation, la Françafrique).

Dans une salle à part sont tracés des parcours d’immigrés, que des gens issus de l’immigration peuvent venir « déposer ».

Je pense que ce qui me gêne, c’est l’absence de choix et le mélange, entre l’immigration « choisie », y compris européenne, l’immigration non choisie, économique ou politique, etc. La colonisation mal expliquée se mélange à tout ça et l’ensemble donne une impression de « gloubiboulga », un mélange non identifiable. Les problèmes rencontrés par les immigrés sont certes évoqués, mais sans aller jusqu’au bout de la question et les difficultés actuelles. J’ai pu écouter de loin de rares visiteurs accompagnés par un « médiateur », en gros, il n’y aurait que des parcours sans embûche, tout le monde « s’intègre ».

J’aurais aimé un choix ou une meilleure séparation entre colonisation et immigration, une vraie approche de type « droits de l’homme » et conséquences pour les migrants.

Ces questions sont abordées de manière plus « frontale » et, à mon avis, avec plus d’efficacité par Bett Bailey  dans Exhibit B, avec une bonne explication, ce spectacle controversé fera davantage réfléchir à la question que la cité de l’immigration!

La Cité, ce sont aussi des conférences, une bibliothèque, des publications…

Pour aller plus loin:

Je vous recommande, vous l’avez compris, le spectacle Exhibit B,  de Bett Bailey, s’il passe près de chez vous ainsi que les albums de bande dessinée Petite histoire des colonies françaises de Jarry Grégory et Otto T. revoir dans l’ordre de parution l’Amérique française, l’Empire, la décolonisation, la Françafrique (dont Télérama a parlé la semaine dernière!). J’ai noté quelques titres lors de ma visite, il faut que je regarde si je les trouve à la médiathèque…

Vous pouvez également découvrir la collection « Un siècle d’immigration des Suds en France. » Tous les volumes dans l’ordre de la collection [malgré des dates de publication qui ne suivent pas les années] et aux Editions  La Découverte, Achac et Les bâtisseurs de mémoire, sauf indications particulières :

Paris-Asie : présence asiatique dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo. 2004. 217 p. : ill.

Paris-arabe : présence des Orientaux et des Maghrébins dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo, Driss El Yazami, Pierre Fournié, Gilles Manceron. 2003. 247 p. : ill.

Paris-noir : présence afro-antillaise dans la capitale / Pascal Blanchard, Eric Deroo, Gilles Manceron. Paris : Hazan, 2001. 239 p. : ill.

Sud-Est : Marseille porte sud. Immigration et histoire coloniale / Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch. Paris : La Découverte et Marseille : Jeanne Laffitte, 2005. 239 p. : ill.

Sud-Ouest : porte des Outre-Mers. Histoire coloniale et immigration des Suds / dir. Pascal Blanchard. Toulouse : Milan ; Les bâtisseurs de mémoire, 2006. 239 p. : ill.

Centre-Rhône : Lyon capitale des Outre-Mers. Immigration des Suds et culture coloniale / dir. Nicolas Bancel, Léla Bencharif, Pascal Blanchard. Paris : La Découverte, 2007. 239 p. : ill.

Grand-Ouest : mémoire des Outre-Mers. Des ports coloniaux aux présences des Suds / dir. Farid Abdelouahab, Pascal Blanchard. Rennes : P.U.R., 2008. 239 p. : ill.

Nord-Est : frontière d’empire. Soldats coloniaux et immigration des Suds / dir. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Ahmed Boubeker, Eric Deroo. Paris : La Découverte, 2008. 259 p. : ill.