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La belle saison de Catherine Corsini

Affiche de La belle saison de Catherine CorsiniAprès deux semaines sans cinéma, je me suis rattrapée cette semaine avec La belle saison de Catherine Corsini.

L’histoire : 1971, en Corrèze. Delphine [Izïa Higelin], fille d’agriculteurs, apprend que l’amie avec qui elle a eu une relation va se marier, sur la pression familiale et sociale. Ses parents (et surtout sa mère, Monique [Noémie Lvovsky]) la verraient d’ailleurs bien épouser Antoine [Kévin Azaïs]. Pour échapper à cette ambiance, elle « monte à Paris », se fait embaucher chez Félix Potin. Elle croise un jour un groupe de militantes féministes en pleine action, les rejoint dans un amphithéâtre de la Sorbonne, où se jouent les prémices du MLF, rédaction de tracts et chant du MLF en chœur général. Elle y fait la connaissance de Carole [Cécile de France], professeure d’espagnol qui vit en couple avec Manuel [Benjamin Bellecour]. Les deux femmes tombent amoureuses, mais voici que le père de Delphine est terrassé par un infarctus, Delphine retourne à la ferme pour faire tourner l’exploitation avec sa mère, Carole décide de la rejoindre…

Mon avis : ce film se situe lors de la structuration du MLF (mouvement de libération des femmes), juste avant la grande manifestation du 20 novembre 1971, qui eut lieu à Paris et dans plusieurs pays, pour l’avortement libre et gratuit, la contraception, l’égalité des droits, etc. Il montre l’écart entre la liberté parisienne et l’importance du qu’en dira-t-on à la campagne. A Paris, le militantisme est possible, avec des manifestations comme on n’ose plus en faire aujourd’hui… Et si nous faisions comme ces pionnières, une course de femmes mettant la main aux fesses des mecs sur les trottoirs ou dans les transports parisiens, pour changer? Dans la Corrèze profonde, la mère de Delphine n’a pas de sécurité sociale, pas de salaire, pas de compte en banque. Delphine est tolérée aux réunions de la CUMA (les urbains n’ont peut-être pas compris, seul le sigle est donné dans le film, il s’agit des coopératives d’utilisation -et donc d’achat- de matériel agricole) tant que son père est hospitalisé puis invalide à la maison, mais qu’elle ait pu prendre seule un rendez-vous à la banque pour obtenir le prêt nécessaire lui est fermement reproché. Pas question d’homosexualité dans ce milieu, la discrétion s’impose, je pense que sur ce point, 45 ans plus tard, il n’y a pas eu d’évolution dans les villages les plus reculés! Côté film, les relations sexuelles entre femmes sont beaucoup plus discrètes que dans La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (inspiré de la très belle bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh), palme d’or à Cannes en 2013. Le militantisme et ses contradictions sont privilégiés, alors, pour ceux ont besoin d’une piqûre de rappel, je vous ai trouvé une belle version du chant du MLF! Celle que vous verrez dans La belle saison de Catherine Corsini est poignante, quelques spectatrices semblaient d’ailleurs reprendre au minimum le refrain sur leur siège! Allez, n’hésitez pas à aller voir ce film qui vient de sortir!

Pour aller plus loin, à réviser avant la prochaine manifestation du 8 mars (journée internationale des femmes, pour l’égalité des droits)

L’hymne des femmes [hymne du MLF] sur l’air du Chant des marais

Nous qui sommes sans passé, les femmes,
Nous qui n’avons pas d’histoire
Depuis la nuit des temps, les femmes,
Nous sommes le continent noir.

Refrain :
Levons-nous femmes esclaves [Variante: Debout femmes esclaves]
Et brisons nos entraves
Debout, debout, debout !

Asservies, humiliées, les femmes,
Achetées, vendues, violées
Dans toutes les maisons, les femmes,
Hors du monde reléguées.

Refrain

Seules dans notre malheur, les femmes,
L’une de l’autre ignorée
Ils nous ont divisées, les femmes,
Et de nos sœurs séparées.

Refrain

Le temps de la colère, les femmes,
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes,
Découvrons-nous des milliers !

Refrain

Reconnaissons-nous, les femmes,
Parlons-nous, regardons-nous,
Ensemble on nous opprime, les femmes,
Ensemble révoltons-nous !

Refrain de fin (deux fois) :

Levons-nous [ou: Debout] femmes esclaves
Et jouissons sans entraves
Debout, debout, debout !

Les deux derniers couplets sont parfois inversés et le dernier refrain pudiquement remplacé par le refrain général ou par une alternative soft « Nous ne sommes plus esclaves / nous n’avons plus d’entraves / debout, debout, debout ».

A écouter par exemple sur le compte youtube de ce site allemand de chants de lutte (la version sur le site de l’INA incluse dans un reportage du 8 mars 1982 est tronquée):

Pour une version pleine de pep’s (un peu rapide), voir la version de La contrebande à Simone

Et pour les apprenti(e)s choristes, en bas de cette page pour chanteurs, vous trouverez la partition en pdf et un mp3 avec chaque pupitre, même une voix de basse (oups, un peu « casserole »), les premières militantes du MLF qui interdisaient leur réunion aux hommes seront surprises.

Camille redouble de Noémie Lvovsky

Affiche du film Camille redouble de Noémie Lvovsky

Je poursuis les comptes-rendus des films que j’ai vus dans le cadre du festival Télérama 2013.

Le film : le 31 décembre 2008 (ou bien j’ai mal retenu l’année?) à Paris. Camille Vaillant [Noémie Lvovsky] est en pleine déprime, son mari, Éric [Samir Guesmi] vient de la quitter et de mettre l’appartement en vente, elle boit trop et fait des petits contrats minables sans réussir à atteindre son quota d’heures d’intermittence du spectacle. Elle passe la soirée avec ses anciennes amies de collège, boit trop, se réveille le lendemain matin à l’hôpital… et là, ce sont ses parents [Michel Vuillermoz et ], morts depuis longtemps, qui viennent la chercher, retour dans le passé, 1er janvier 1985, la voici adolescente, lycéenne, à 16 ans, sachant ce qui va se passer ensuite et tentant de changer le destin…

Mon avis : c’est curieux, j’ai vu ce film alors que je venais de terminer Quartier Lointain, de Jirô Taniguchi (je vous en parle dans quelques semaines, ma rubrique bandes dessinées est bien remplie d’ici là), un scénario très proche, un homme qui boit trop et se retrouve le lendemain matin adolescent dans sa ville natale. Inspiration de ce classique de la bande dessinée japonaise? Bon, ceci dit, j’ai passé un bon moment avec ce film, même si certains détails m’ont crispée… Par exemple, comme dans Toutes nos envies de Philippe Lioret, les saisons ne sont pas respectées dans le décor. Ici, nous sommes en principe dans les premiers jours de janvier, et les arbres d’une allée prennent à peine leurs couleurs d’automne… Plus loin dans le film, ils sont bien dénudés comme il faut. Idem, dans un coin de la cuisine en 1985 trône une centrale vapeur de repassage, qui ne devait pas exister sous cette forme en 1985. Le lycée est aussi couvert de mains « touche pas à mon pote » de SOS racisme… ce lycée devait être avant-gardiste pour en être couvert en janvier 1985, de mémoire (c’était aussi mes années lycée…), ils ont surtout fleuri à l’automne 1986, lors des grandes manifestations contre la loi d’Alain Devaquet (qui voulait instaurer une sélection pour l’entrée à l’université), et encore plus après le meurtre de Malik Oussekine par la police le 6 décembre 1986.

Voir d’autres films dont j’ai parlé avec Yolande Moreau : Séraphine et Où va la nuit, de Martin Provost, Les plages d’Agnès d’Agnès Varda,  Dans la maison de François Ozon.

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev