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De toutes mes forces, de Chad Chenouga

Ce week-end, je suis allée voir De toutes mes forces, réalisé par Chad Chenouga sur un scénario qu’il a co-écrit avec Christine Paillard. Il s’agit d’un film en grande partie autobiographique.

L’histoire : à Paris de nos jours. Nassim [Khaled Alouach] est élève en première ES dans un lycée parisien. De retour d’un week-end avec des copains, il trouve sa mère décédée, elle qui était droguée et au bord de la folie depuis longtemps. Overdose accidentelle ou suicide alors qu’il lui avait laissé un peu plus de médicaments que d’habitude? Personne ne veut lui répondre. Ses oncle et tante ayant refusé de l’accueillir chez eux, il est placé dans un foyer de banlieue, à 40 minutes de trajet de son lycée. Les relations sont tendues avec les éducateurs, la directrice Mme Cousin [Yolande Moreau] et ses nouveaux camarades cabossés par la vie. Il trouve un peu de réconfort avec Zawady [Jisca Kalvanda], élève en première année de médecine avec qui il échange la révision du concours contre des explications en mathématique… car au foyer, l’idée fixe des adultes est de l’inscrire dans un lycée professionnel plus proche du foyer et les autres résidents ne sont pas « intéressés » par les études.

Mon avis : Nassim doit faire face au déracinement, lui qui était complètement libre avec sa mère folle ne peut plus sortir comme il veut pour voir ses amis de lycée, se voit confisquer son téléphone portable (certes en punition pour avoir fait le mur), n’a pas de réponse sur la cause de la mort de sa mère (est-il involontairement responsable de son suicide ou s’agit-il d’une overdose accidentelle?) ni de prise en charge de son deuil difficile. Les foyers gérés par l’aide sociale à l’enfance diffèrent désormais beaucoup d’un département à l’autre. Il est probable qu’il en reste qui continuent à vouloir empêcher les enfants hébergés de choisir leur voie d’études, à faire du chantage au dossier personnel qui leur colle à la peau et les accompagne partout, mais qu’ils sont bien les seuls à ne pas pouvoir lire (la loi sur l’accès aux documents administratifs nominatifs devrait pourtant s’appliquer, même pour des mineurs)… Comme dans Divines, de Houda Benyamina, il y a dans ce film, outre Khaled Alouach, l’acteur principal omniprésent et très bon, et Jisca Kalvanda (l’étudiante en médecine), de jeunes acteurs qui font fonctionner ce film, tant parmi les amis du lycée parisien que parmi les jeunes du foyer. Les éducateurs ou les parents de l’un de ses camarades de classe ont des petits rôles, le seul rôle d’adulte un peu important revient à une Yolande Moreau tout ébouriffée, qui joue sur la corde raide entre la mère fouettard à quelques semaines de la retraite et la mère de substitution de ces adolescents paumés et/ou cabossés par la vie, même si elle ne se révolte pas contre le système. Il y a aussi quelques scènes très belles, comme les feuilles de papier enflammées qui volent dans la nuit… Allez voir ce film, mais plutôt si vous n’avez pas le cafard parce que je ne le trouve vraiment pas optimiste.

Henri de Yolande Moreau

Affiche de Henri de Yolande MoreauJe suis allée au cinéma voir Henri, de (et avec, dans un petit rôle)  (dont je vous ai déjà parlé pour Séraphine et Où va la nuit, de Martin Provost, Les plages d’Agnès d’Agnès Varda,  Dans la maison de François Ozon, Camille redouble de Noémie Lvovsky).

Le film : de nos jours en hiver à Charleroi en Belgique. Henri (Pippo Delbono) tient avec sa femme Rita (Lio) un petit bistro / restaurant de quartier, la Cantina. Prise d’un malaise, celle-ci décède. Henri se retrouve seul, déprime, avec ses pigeons voyageurs et deux habitués du bar, Bibi (Jackie Berroyer) et René (Simon André). Sa fille Laetitia (Gwen Berrou) lui impose une aide, Rosette (Miss Ming), une jeune handicapée mentale du foyer voisin, les Papillons blancs, déjà venue aidée pour le repas qui a suivi l’enterrement. En mal d’amour, sujet récurrent au foyer, Rosette tombe amoureuse et se vante au foyer d’avoir fait l’amour et d’être tombée enceinte d’Henri. La direction du foyer la retire du restaurant. Henri, soûl, ne se souvient pas de la soirée où cela aurait pu se passer, il décide de partir réfléchir à la mer’ à Middlekerke, mais Rosette s’est glissée dans la voiture.

Mon avis : s’il y a quelques scènes qui m’ont beaucoup plu, comme ce tas de verre d’une usine de recyclage entre les terrils, l’envol de milliers de pigeons lors d’un concours, la plage déserte en hiver avec sa baraque à frites, de très bons acteurs (notamment les handicapés qui sont des comédiens de la Compagnie de l’Oiseau-Mouche, un Établissement et service d’aide par le travail/ESAT de Roubaix, qui fut en 1981 le premier Centre d’aide par le travail/CAT artistique de France), je me suis un peu ennuyée dans cette histoire au rythme lent. Au passage, certains critiques semblent s’émerveiller du nom des « papillons blancs », du rapport entre le papillon et les pigeons des concours de pigeons. Mais Yolande Moreau n’a rien inventé pour le nom de l’institution (ce qui n’empêche pas les jeux de mots/sons/images), les papillons blancs sont juste le nom donné depuis fort longtemps (les années 1950/1960) à une des composantes de l’UNAPEI et des UDAPEI (Union nationale / unions départementales des Associations de Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales), nom donné aussi aux foyers pour handicapés mentaux qu’ils gèrent.

Camille redouble de Noémie Lvovsky

Affiche du film Camille redouble de Noémie Lvovsky

Je poursuis les comptes-rendus des films que j’ai vus dans le cadre du festival Télérama 2013.

Le film : le 31 décembre 2008 (ou bien j’ai mal retenu l’année?) à Paris. Camille Vaillant [Noémie Lvovsky] est en pleine déprime, son mari, Éric [Samir Guesmi] vient de la quitter et de mettre l’appartement en vente, elle boit trop et fait des petits contrats minables sans réussir à atteindre son quota d’heures d’intermittence du spectacle. Elle passe la soirée avec ses anciennes amies de collège, boit trop, se réveille le lendemain matin à l’hôpital… et là, ce sont ses parents [Michel Vuillermoz et ], morts depuis longtemps, qui viennent la chercher, retour dans le passé, 1er janvier 1985, la voici adolescente, lycéenne, à 16 ans, sachant ce qui va se passer ensuite et tentant de changer le destin…

Mon avis : c’est curieux, j’ai vu ce film alors que je venais de terminer Quartier Lointain, de Jirô Taniguchi (je vous en parle dans quelques semaines, ma rubrique bandes dessinées est bien remplie d’ici là), un scénario très proche, un homme qui boit trop et se retrouve le lendemain matin adolescent dans sa ville natale. Inspiration de ce classique de la bande dessinée japonaise? Bon, ceci dit, j’ai passé un bon moment avec ce film, même si certains détails m’ont crispée… Par exemple, comme dans Toutes nos envies de Philippe Lioret, les saisons ne sont pas respectées dans le décor. Ici, nous sommes en principe dans les premiers jours de janvier, et les arbres d’une allée prennent à peine leurs couleurs d’automne… Plus loin dans le film, ils sont bien dénudés comme il faut. Idem, dans un coin de la cuisine en 1985 trône une centrale vapeur de repassage, qui ne devait pas exister sous cette forme en 1985. Le lycée est aussi couvert de mains « touche pas à mon pote » de SOS racisme… ce lycée devait être avant-gardiste pour en être couvert en janvier 1985, de mémoire (c’était aussi mes années lycée…), ils ont surtout fleuri à l’automne 1986, lors des grandes manifestations contre la loi d’Alain Devaquet (qui voulait instaurer une sélection pour l’entrée à l’université), et encore plus après le meurtre de Malik Oussekine par la police le 6 décembre 1986.

Voir d’autres films dont j’ai parlé avec Yolande Moreau : Séraphine et Où va la nuit, de Martin Provost, Les plages d’Agnès d’Agnès Varda,  Dans la maison de François Ozon.

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev

Où va la nuit de Martin Provost

affiche de Où va la nuit de Martin Provost Parce que j’avais beaucoup aimé Séraphine de Martin Provost, je me suis précipitée au cinéma voir Où va la nuit (adapté de Mauvaise Pente de Keith Ridgway) avec dans le rôle principal Yolande Moreau, qui était Séraphine dans le précédent film.

Le scénario : dans la campagne belge et à Bruxelles, de nos jours (enfin, plus précisément, après 2009, à cause du musée Magritte que l’on entraperçoit et qui a ouvert en juin 2009). Depuis longtemps, Rose Mayer (Yolande Moreau) est le puching ball de son mari. Un jour (plutôt une nuit), celui-ci, ivre, a renversé et tué une jeune fille sur une route de campagne. Il a écopé de six mois de prison, d’un retrait de permis. Rose a géré seule la ferme, le sert comme une esclave, et un jour, les coups de trop. Elle hésite à fuir, et puis, finalement, elle décide d’assassiner son mari avec sa voiture à l’endroit même où il a tué la jeune fille. Après l’enterrement, où elle semble plus affectée sur la tombe d’un enfant que sur celle de son mari, elle va retrouver Thomas (Pierre Moure), son fils homosexuel, à Bruxelles. Sans lui avouer le crime, bien sûr, mais un journaliste et des policiers sont sur sa trace…

Mon avis : j’ai passé une agréable soirée, même s’il y a un petit quelque chose que je ne sais pas exprimer… Le dénouement, peut-être? Mais pour une fois, nous voyons un couple homosexuel comme un couple hétéro, amour et dispute voire violence conjugale compris! La (re)découverte de la ville par l’agricultrice, ou le personnage de l’inspecteur, ou encore la veuve qui tient une pension de famille et trouve un moyen d’échapper à son train-train-quotidien, ont beaucoup de présence, de même que la transformation de la mère tout au long du film.

Séraphine de Martin Provost

Salle comble au TAP-cinéma (ex-théâtre de Poitiers) samedi 24 janvier 2009 à 20h pour Séraphine de Martin Provost, qui a probablement bénéficié du double effet du festival Télérama et de l’annonce des nominations aux prochains César…

L’histoire : 1912, à Senlis, dans l’Oise. Un riche collectionneur, marchand et critique d’art allemand, Wilhelm Uhde, premier à avoir acheté Picasso, collectionneur du douanier Rousseau, loue une partie d’un château pour se consacrer à l’écriture. Un jour, lors d’un dîner, il tombe en arrêt devant un panneau de bois peint de fleurs en style naïf. L’auteure en est Séraphine Louis, sa femme de ménage dont tout le monde se moque parce qu’elle a reçu l’ordre des anges de se mettre à peindre il y a des années. Il décide de l’aider, mais la guerre survient, il doit fuir, Séraphine retombe dans la misère, achète (ou vole) les ingrédients nécessaires à la fabrication de ses peintures… Après guerre, elle est passée des panneaux de bois à la toile. Wilhelm Uhde revient dans le secteur, redevient son protecteur… jusqu’à ce que la crise de 1929 le contraigne à mener un train de vie plus raisonnable. Puisque c’est une histoire vraie, je peux aller jusqu’à la fin… Séraphine est internée en 1932 dans un sordide asile psychiatrique, où son sort est un temps amélioré grâce à son protecteur. Comme Camille Claudel et tant d’autres malades psychiatriques, elle meurt à l’asile pendant la Seconde guerre mondiale (Séraphine en 1942, Camille Claudel en 1943, Antonin Artaud quant à lui survivra à l’asile jusqu’en 1948, voir Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud de Emmanuel Venet).

Mon avis : un film émouvant, Yolande Moreau est éblouissante dans le rôle de Séraphine, parangon de la femme de peine. Elle remportera probablement un prix à Cannes. La lumière et la photographie sont aussi très travaillées dans ce film… Mais j’aimerais découvrir les recettes de pigment de Séraphine, de la cire, du sang, une racine râpée (laquelle, pas de la garance, dans le nord de la France…), une ombellifère, du blanc (d’Espagne ?), et puis…???

Pour aller plus loin : le site officiel du film, le catalogue (56 pages aux éditions Gallimard) de l’exposition sur Séraphine de Senlis qui a eu lieu jusqu’au 5 janvier 2009 au musée Maillol à Paris (je ne l’ai pas vue) et le livre de Françoise Cloarec, Séraphine, la vie rêvée de Séraphine de Senlis, aux éditions Phébus, 172 pages.

Séraphine est sorti grand vainqueur des César 2009 : meilleur film français de l’année pour Martin Provost, prix de la meilleure actrice pour Yolande Moreau (j’avais été très séduite par son interprétation). Les autres César pour ce film sont revenus à Laurent Brunet pour la photographie (vraiment remarquable), à Marc Abdelnour et Martin Provost pour le meilleur scénario original, à Michael Galasso pour la meilleur musique originale, à Thierry François pour les meilleurs décors et à Madeline Fontaine pour les meilleurs costumes.

PS : en 2011, j’ai vu Où va la nuit, aussi de Martin Provost et avec Yolande Moreau dans le rôle principal.

Pour les 15 films du festival Télérama, ils se partagent en quatre catégories :

Ceux que j’ai vus et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au théâtre

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au Dietrich

Ceux que je n’irai pas voir, sauf si vous avez des arguments pour me convaincre d’y aller…

  • À bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson
  • L’heure d’été d’Olivier Assayas
  • Home d’Ursula Meier, finalement vu au Dietrich
  • Into the Wild de Sean Pen
  • Juno de Jason Reitman
  • There will be blood de Paul Thomas Anderson