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Dans le berceau de l’ennemi de Sara Young

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Couverture de Dans le berceau de l'ennemi de Sara YoungUn livre emprunté à la médiathèque, au rayon large vision, ça reste plus confortable pour moi, surtout pour un pavé!

Le livre: Dans le berceau de l’ennemi, de Sara Young, éditions Belfond, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Hertz, 2009, 384 pages, ISBN 9782714444639 (lu aux éditions VDB, 2010, 611 pages).

L’histoire: 1940. Depuis quelques années, Cyrla, 19 ans, vit chez sa tante (la sœur de sa mère) à Schiedam, aux Pays-Bas. Ses parents, dont son père juif, ont réussi à l’y envoyer avant que le ghetto de Łódź ne soit bloqué. Elle partage tout avec sa cousine, Anneke. Celle-ci tombe enceinte d’un soldat allemand, son père ne peut le supporter, l’emmène pour tenter de la faire admettre dans un Lebensborn. Anneke ne le supporte pas, elle décide de se faire avorter en profitant d’un instant de solitude et succombe à son geste. La tante et Cyrla décident que celle-ci prendra la place d’Anneke, il reste quelques jours à Cyrla, encore vierge, pour tomber enceinte de son petit ami juif, Isaac, très impliqué dans la sauvegarde de sa communauté et qui commence à apprendre l’existence des camps de concentration et le sort des ghettos. Il promet à Cyrla de venir très vite la libérer et de l’évacuer en Angleterre. Sauf qu’à peine arrivée au lieu de rendez-vous, les soldats allemands la conduise au Lebensborn de Steinhöringn près de Munich.

Mon avis: les Lebensborn, créés par Himmler, usines à naissances destinées à sélectionner des bébés « purement aryens » nés pour la plupart de mères célibataires ou hors mariage de pères allemands, notamment soldats, sont rarement abordés dans l’historiographie et encore moins dans un roman. Au-delà de la substitution d’identité, des histoires d’amour, ce roman s’attache surtout à décrire ces établissements particuliers et la prise de conscience de l’existence des camps de concentration et d’extermination dans la population civile ou au moins dans certains milieux. Il aborde aussi la terrible réalité de ces bébés, abandonnés à leur naissance de gré ou de force pour être confiés, s’ils sont déclarés « aptes », à des familles d’adoption (le père soldat s’il le reconnaît), au sort indéterminé (que l’on devine plutôt exterminé) pour les autres. La situation de ces bébés après la guerre n’est pas évoquée, certains n’ont certainement jamais rien su de leur origine, les autres ont été isolés comme d’autres enfants nés d’unions furtives entre occupés et occupants (ou même libérateurs…). Un roman qui a le mérite d’aborder le sujet des Lebensborn sur un fond romanesque pas désagréable…

Pour information, il y a eu un Lebensborn en France en 1944, dans l’Oise, au manoir de la commune de Lamorlaye, le foyer de Westwald (forêt de l’ouest, en fait la forêt de Chantilly). Voir le dossier de l’Express. Le site de la commune de Lamorlaye parle de cheval, autre type de haras, mais ignore totalement ce sujet des haras humains sur sa page histoire.

Pour aller plus loin, lire aussi Lebensborn, la fabrique des enfants parfaits, de Boris Thiolay, éditions Flammarion, 2012.

Le wagon de Arnaud Rykner

Couverture du wagon d'Arnaud Rykner logo du chalenge 1% rentrée littéraire 2010pioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre à la médiathèque dans les nouvelles acquisitions… et poursuis ainsi ma marche vers le 2 % de livres de la rentrée littéraire 2010 (dans le cadre du challenge du 1 % rentrée littéraire 2010, repris par Schlabaya). [Depuis, j’ai aussi lu La belle image d’Arnaud Rykner].

Le livre : Le wagon de Arnaud Rykner, collection La brune, éditions du Rouergue, 2010, 139 pages, ISBN 978-2-8126-0163-7.

L’histoire : Compiègne, le 2 juillet 1944, Dachau, le 5 juillet 1944. Dans le dernier train de déportés qui partit de Compiègne, le narrateur, enfermé dans un wagon, fait le récit de ce terrible wagon. Ils étaient 100 hommes par wagon au départ, 22 wagons au total. Sous une chaleur étouffante, sans eau, sans nourriture. Entassés au point de ne pouvoir tenir tous debout ensemble. Quelqu’un réussi à organiser le wagon, alternativement, la moitié debout, la moitié assis. Ils ont de plus en plus chaud, de plus en plus soif, les premiers meurent, puis vient un vent de folie, ils s’entretuent, une quarantaine meurent, le wagon pue, les déjections, les corps en décomposition… Comment vont-ils survivre dans cette fournaise? Cela ne vaut-il d’ailleurs pas mieux de mourir tout de suite?

Mon avis : un terrible roman, inspiré d’un travail d’historien, à cheval sur le documentaire et le roman. Un texte court, très beau, terrible, les riverains témoins, les Allemands et leur organisation (pour vider les morts et les regrouper dans les deux wagons de tête, par exemple), la Croix Rouge impuissante (les infirmières distribuent une soupe claire à une « escale »). Un livre à lire pour ne pas oublier qu’après le débarquement en Normandie, il y eut encore des trains de déportés. Sur celui dont il est question ici, 500 sur plus de 2000 sont morts en trajet. L’introduction ne dit pas combien reviendront, quelques mois plus tard, de Dachau ou des camps où les rares survivants ont dû être évacués. Un livre à lire absolument, mais peut-être pas le soir avant de vous coucher si vous souhaitez dormir après…

Cinq monuments aux morts identiques de Maxime Réal del Sarte

Monument aux morts du Tréport par Réal del Sarte, carte postale ancienne Selon Annette Becker (Les Monuments aux Morts – Mémoire de la Grande Guerre, collection Art et Patrimoine, éditions Errance, 1991, notamment pages 24-29), Maxime Réal del Sarte a dressé 38 monuments aux morts et 16 monuments commémorant des faits d’arme, ainsi qu’une quarantaine de Jeanne-d’Arc. Je vous ai déjà montré les monuments de Sommières-du-Clain (Vienne) et de Briey (Meurthe-et-Moselle), sur lesquels je reviendrai prochainement. Je vous présente aujourd’hui ceux qui portent le groupe sculpté Je t’ai cherché est une œuvre qui fut exposée au Salon des Artistes Français en 1920 sous le n° 3396. Le sculpteur, Maxime Réal del Sarte, lui-même amputé de l’avant-bras gauche suite à une blessure près de Verdun le 29 janvier 1916, aurait pris comme modèle pour le soldat gisant Charles Eudes, un de ses camarades mort au front. J’en ai trouvé cinq pour le moment.

Il représente un soldat mort, allongé, en train d’être enveloppé dans un linceul par une femme penchée sur lui. Cette femme, qui porte une couronne végétale au-dessus d’un voile de veuve, représente la République en deuil. Elle tient dans la main droite une couronne végétale et maintient de la main gauche le linceul.

Celui de Ressons-sur-Matz a sans doute été commandé par l’intermédiaire de l’écrivain Jean Binet-Valmer (Jean-Auguste-Gustave Binet de son vrai nom, auteur de romans dit de mœurs, dont un intitulé Lucien, sur l’homosexualité, publié en 1910 ; Georges Simenon fut son secrétaire en 1922…), ami de l’artiste, qui participa à la reprise du village pendant la guerre 1914-1918 et y fut inhumé en 1940. J’aurais bien essayé de lire un roman de cet écrivain, mais il n’y en a aucun ouvrage à la médiathèque de Poitiers… Encore que le personnage de Binet-Valmer ne soit guère plus sympathique que Maxime Réal del Sarte, tous deux militants dans les ligues d’extrême-droite royaliste entre les deux guerres. Voici un récapitulatif des cinq monuments du même modèle que j’ai pu trouvés, il y en a peut-être d’autres (pour ceux d’autres modèles ou uniques, je vous les présenterai peut-être un jour…). Il me manque quelques données, en particulier sur les dates d’inauguration, mais voici un premier point.

Commune Date d’inauguration Lien externe Carte postale ancienne
Cérisy-la-Salle (Manche) Pas trouvée Relevé avec photographie sur Genweb. Désolée, je n’ai pas trouvé de carte postale ancienne…
Ressons-sur-Matz (Oise) 6 avril 1924 Relevé avec photographie sur Genweb, sur un site consacré aux monuments aux mortset dans un dossier établi par l’office du tourisme de l’Oise (voir page 34). Monument aux morts de Ressons-sur-Matz par Réal del Sarte, carte postale ancienne
Saint-Chély-d’Apcher (Lozère) 24 septembre 1922 Dossier sur un site consacré aux monuments aux morts et relevé avec photographie sur Genweb Monument aux morts de Saint-Chély par Réal del Sarte, carte postale ancienne
Sare (Pyrénées-Atlantiques) Pas trouvée Relevé avec photographie sur Genweb Monument aux morts de Sare par Réal del Sarte, carte postale ancienne
Le Tréport (Seine-Maritime) Pas trouvée Relevé avec photographie sur Genweb Monument aux morts du Tréport par Réal del Sarte, carte postale ancienne

Séraphine de Martin Provost

Salle comble au TAP-cinéma (ex-théâtre de Poitiers) samedi 24 janvier 2009 à 20h pour Séraphine de Martin Provost, qui a probablement bénéficié du double effet du festival Télérama et de l’annonce des nominations aux prochains César…

L’histoire : 1912, à Senlis, dans l’Oise. Un riche collectionneur, marchand et critique d’art allemand, Wilhelm Uhde, premier à avoir acheté Picasso, collectionneur du douanier Rousseau, loue une partie d’un château pour se consacrer à l’écriture. Un jour, lors d’un dîner, il tombe en arrêt devant un panneau de bois peint de fleurs en style naïf. L’auteure en est Séraphine Louis, sa femme de ménage dont tout le monde se moque parce qu’elle a reçu l’ordre des anges de se mettre à peindre il y a des années. Il décide de l’aider, mais la guerre survient, il doit fuir, Séraphine retombe dans la misère, achète (ou vole) les ingrédients nécessaires à la fabrication de ses peintures… Après guerre, elle est passée des panneaux de bois à la toile. Wilhelm Uhde revient dans le secteur, redevient son protecteur… jusqu’à ce que la crise de 1929 le contraigne à mener un train de vie plus raisonnable. Puisque c’est une histoire vraie, je peux aller jusqu’à la fin… Séraphine est internée en 1932 dans un sordide asile psychiatrique, où son sort est un temps amélioré grâce à son protecteur. Comme Camille Claudel et tant d’autres malades psychiatriques, elle meurt à l’asile pendant la Seconde guerre mondiale (Séraphine en 1942, Camille Claudel en 1943, Antonin Artaud quant à lui survivra à l’asile jusqu’en 1948, voir Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud de Emmanuel Venet).

Mon avis : un film émouvant, Yolande Moreau est éblouissante dans le rôle de Séraphine, parangon de la femme de peine. Elle remportera probablement un prix à Cannes. La lumière et la photographie sont aussi très travaillées dans ce film… Mais j’aimerais découvrir les recettes de pigment de Séraphine, de la cire, du sang, une racine râpée (laquelle, pas de la garance, dans le nord de la France…), une ombellifère, du blanc (d’Espagne ?), et puis…???

Pour aller plus loin : le site officiel du film, le catalogue (56 pages aux éditions Gallimard) de l’exposition sur Séraphine de Senlis qui a eu lieu jusqu’au 5 janvier 2009 au musée Maillol à Paris (je ne l’ai pas vue) et le livre de Françoise Cloarec, Séraphine, la vie rêvée de Séraphine de Senlis, aux éditions Phébus, 172 pages.

Séraphine est sorti grand vainqueur des César 2009 : meilleur film français de l’année pour Martin Provost, prix de la meilleure actrice pour Yolande Moreau (j’avais été très séduite par son interprétation). Les autres César pour ce film sont revenus à Laurent Brunet pour la photographie (vraiment remarquable), à Marc Abdelnour et Martin Provost pour le meilleur scénario original, à Michael Galasso pour la meilleur musique originale, à Thierry François pour les meilleurs décors et à Madeline Fontaine pour les meilleurs costumes.

PS : en 2011, j’ai vu Où va la nuit, aussi de Martin Provost et avec Yolande Moreau dans le rôle principal.

Pour les 15 films du festival Télérama, ils se partagent en quatre catégories :

Ceux que j’ai vus et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au théâtre

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au Dietrich

Ceux que je n’irai pas voir, sauf si vous avez des arguments pour me convaincre d’y aller…

  • À bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson
  • L’heure d’été d’Olivier Assayas
  • Home d’Ursula Meier, finalement vu au Dietrich
  • Into the Wild de Sean Pen
  • Juno de Jason Reitman
  • There will be blood de Paul Thomas Anderson