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Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Le convoi du 24 janvier de Charlotte DelboAprès l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers et la lecture de Aucun de nous ne reviendra, j’ai choisi de poursuivre la découverte de Charlotte Delbo avec Le convoi du 24 janvier, trouvé à la médiathèque [depuis, j’ai aussi lu La mémoire et les jours, la suite en fin d’article].

Le livre: Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo, éditions de Minuit, 1965, 303 pages, ISBN 2707316385.

La quatrième de couverture:

 » Venues de toutes les régions de France et de tous les horizons politiques, issues de toutes les couches sociales, représentant toutes les professions, d’âges mêlés mais où dominait la jeunesse, deux cent trente femmes quittaient Compiègne pour Auschwitz, à trois jours et trois nuits de train dans les wagons à bestiaux verrouillés, le 24 janvier 1943.
Sur deux cent trente, quarante-neuf reviendraient, et plus mortes que vives.
La majorité d’entre elles étaient des combattantes de la Résistance, auxquelles était mêlée la proportion habituelle de “ droit commun ” et d’erreurs judiciaires.
Nous disons “ proportion habituelle ” parce qu’il est apparu que deux cent trente individus constituaient un échantillon sociologique, de sorte que ce livre donne une image de tous les convois de déportés, montre tous les aspects de la lutte clandestine et de l’occupation, toutes les souffrances de la déportation. »

Mon avis: le livre s’organise en trois parties, une introduction d’une vingtaine de pages sur les conditions de l’arrestation, l’histoire reconstituée des 229 femmes du convoi (et un bref paragraphe sur la dernière, restée anonyme), et enfin des documents et des statistiques. Plusieurs amies rescapées ont aidé C. Delbo à reconstituer toutes ces histoires, qui s’accompagnait aussi d’un récolement avec les photographies anthropométriques faites à l’arrivée à Auschwitz-Birkenau (elles étaient présentées dans l’exposition Autour de Charlotte Delbo). Chacune des déportées, majoritairement des résistantes communistes, suivies des gaulistes, quelques femmes qui n’avaient rien fait et même deux délatrices. A Charlotte Dudach, Charlotte Delbo raconte son parcours à la première personne, elle qui est revenue en France en septembre 1941 alors qu’elle était en tournée en Argentine avec Louis Jouvet. Les parcours de ces 230 femmes, dont 49 sont revenues, sont variés, toutes se sont retrouvées au fort de Romainville, parties de Compiègne, destination Birkenau (et Auschwitz à 2 km pour l’anthropométrie), la quarantaine, les kommandos (sections de travail), le revier (Krankenrevier / quartier des malades, pour celles qui sont incapables de tenir debout avec le typhus, les œdèmes, etc.) dont l’on ressort assez rarement vivante, le block 25 de celles qui sont « sélectionnées » (pour la chambre à gaz), les appels interminables, une terrible course en février 1943, les coups, et pour celles qui survivront (Marie-Claude Vaillant-Couturier, Maria-Elisa Normann, une ingénieure chimiste amie de France Bloch-Sérazin, Geneviève Pakula, la mère de Claude Pauquet, etc.), nouvelle quarantaine, assouplissement des conditions d’internement à Rajsko (chauffage, pas d’appel interminable, quelques lettres et colis), puis évacuation avec des parcours qui vont les mener, selon les cas, à Ravensbrück, Mauthausen, les mines de sel de Beendorf, et pour certaines la mort dans des bombardements en déblayant des voies ferrées ou dans les bateaux de Lübeck. Elle parle aussi du difficile retour, les maladies et la fatigue récurrente, la difficulté à se faire reconnaître comme déportée résistante et pas comme victime civile, le manque de reconnaissance de la Nation, les pensions dérisoires. Reconstituer tous ces parcours a été un énorme travail pour Charlotte Delbo et ses amies, Hélène Bolleau, Cécile (Christiane Charua) et Lulu Thévenin (Geneviève Pakula a parlé de ces dernières dans Convoi vers l’est et souligné leur rôle dès le fort de Romainville), Madeleine Doiret, Hélène Fournier, Gilberte Tamisé, Marie-Elisa Nordmann, Hélène Avenin, Olga Wormser, pour établir un livre qui est un grand mémorial de ce convoi.

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo »

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

1er juillet 1916, de Joe Sacco

Couverture de La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe SaccoUn livre acheté à la librairie BD Bulles d’encre à Poitiers. Je vous ai déjà parlé des reportages de guerre de : Gaza 1956Palestine, une nation occupée, Goražde et Šoba.

Le livre: La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe Sacco (dessins et explications) et Adam Hochschild (contextualisation), éditions Futuropolis, 1 coffret, 2014, ISBN 9782754810296.

L’objet et l’histoire: le coffret rigide se compose d’une bande dessinée (au sens propre, dessin sans texte) de 7m de long pliée en accordéon et protégée par deux pages cartonnées rigides et d’un livret souple bilingue français/allemand comprenant:

– une introduction de Joe Sacco, qui explique pourquoi il s’est inspiré de la Tapisserie de Bayeux, et aussi de Manhattan Unfurled de Matteo Pericoli et pourquoi il a choisi de présenter cette journée du point de vue des Anglais

– une analyse de la journée du 1er juillet 1916 par l’historien Adam Hochschild, journée qui a fait 21000 morts (plus de 19000 morts sur le champ de bataille, les autres de leurs blessures) et 37000 blessés anglais

– une explication scène par scène, les légendes commençant alternativement par le texte français ou le texte allemand.

La Grande Guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916, de Joe Sacco, déplié dans mon appartementMon avis: extra!!! L’objet en lui-même est un petit bijou (à prix très raisonnable: 25€), à parcourir soit d’une seule vision (déplié en entier, cela fait les deux tiers de la largeur de mon appartement, illustration ci contre dans les deux sens!), soit en dépliant l’accordéon au fur et à mesure, ou par plusieurs morceaux. Le dessin à la plume foisonne de détails, et sans les textes intéressants mais qui « encombrent » parfois les albums de (revoir Gaza 1956, Goražde et Šoba). Je l’ai acheté il y a une quinzaine de jours et le regarde tous les jours, découvrant toujours de nouveaux détails! Le choix de changer d’échelle en fonction des besoins, comme sur la Tapisserie de Bayeux, est très efficace pour la narration (en images seules, je le rappelle). Les scènes se déplacent, de la chapelle de Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais) aux environs d’Albert (dans la Somme), au cœur de la bataille puis à l’évacuation des blessés. Du 1er au 18 novembre 1916, la bataille de la Somme a fait, toutes armées confondues, plus d’un million de victimes dont 442.000 morts ou disparus.

Pour aller plus loin,

– le projet sera présenté aux rencontres de la BD d’Amiens le 7 et 8 juin 2014 (j’espère qu’il le sera aussi à Angoulême en janvier 2015!)

-voir une conférence de Joe Sacco sur son projet de La grande guerre(en anglais/USA bien sûr)

– voir l’historial de la Grande Guerre à Péronne, au cœur des champs de bataille de la Somme

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Expo 58 de Jonathan Coe

Couverture de Expo 58 de Jonathan CoeUn livre acheté en librairie lors de sa sortie… il m’a fallu un moment pour en venir à bout, les livres « basse vision » sont plus faciles pour moi en ce moment, il n’y a pas photo! J’avais pourtant essayé de trouver un livre avec des interlignes assez grands et organisé en chapitre assez courts, qui me permettent de m’arrêter facilement…

Le livre: Expo 58 de Jonathan Coe, traduit de l’anglais par Josée Kamou, collection NRF (la classique couverture blanc cassé est derrière la jacquette ajoutée), éditions Gallimard, 330 pages, ISBN 9782070142798.

L’histoire: 1954, à Londres comme ailleurs, on prépare l’exposition universelle de Bruxelles qui aura lieu en 1958. Quelques mois avant l’ouverture officielle, prévue le 17 avril, le bureau central de l’information décide d’y envoyer Thomas Foley, jeune papa mais qui a pour lui dévoir une mère d’origine belge et un père qui a tenu un pub. Il sera donc tout indiqué pour surveiller le Britannia, pub reconstitué à côté du pavillon britannique. Pas facile d’annoncer à sa femme, Sylvia, qu’il va l’abandonner pour six mois avec le bébé, qu’il ne pourra guerre revenir qu’une fois pour un week-end. Mais sur place, il oublie vite sa femme et fait de nouvelles connaissances, Anneke, une hôtesse d’accueil rencontrée dès son séjour préparatoire, Tony, son compagnon de pavillon dans le village qui accueille (spartiatement) les délégations, chargé de la réplique de Zeta (machine nucléaire), Chersky, un journaliste russe que deux curieux personnages du british council lui disent être un espion, une belle actrice américaine embauchée pour passer l’aspirateur (oups, démontrer sa puissance technologique) à longueur de journée…

Mon avis: une parodie de roman d’espionnage pleine d’humour! L’Atomium (près du Heyzel à Bruxelles) séduit par son architecture, les Anglais sont présentés comme manquant d’imagination… L’une des têtes pensantes avait pensé faire une exposition sur l’histoire des sanitaires, mais en réunion préparatoire, son idée a été jugée saugrenue et rejetée. L’Angleterre présente donc au monde entier une machine nucléaire, vite retirée (les scientifiques avaient fait des calculs erronés) et remplacée par un énorme ordinateur, et une caricature de pub anglais. D’autres sujets sont abordés avec humour: la cigarette « pourrait être dangereuse », les noirs du village du Congo (colonie nelge) partent car ils ne supportent pas les propos racistes et d’être un « zoo humain » (revoir Exhibitions au musée du quai Branly), la guerre froide et les espions sont présentés avec beaucoup de deuxième ou troisième degré. Je suis un peu déçue par la fin, qui se prolonge en quelques pages jusqu’à aujourd’hui, mais sinon, ce fut une lecture très plaisante (à part mes difficultés de lecture)!

Logo God save the livre Ce livre entre dans le défi God save the livre, saison 4, organisé par Antoni / passion livres. Il s’agit de lire un ou plusieurs livres anglais d’ici février 2015 et atteindre l’une de ces catégories : « Duty Harry » (1 livre lu), « Prince Charles » (5 livres), « Prince William » (10 livres), « Lady Di » (15 livres), « The Beatles » (20 livres et plus), « Queen Mom » (au moins un livre en VO)…

Transat de Aude Picault

Logo BD for Womenpioche-en-bib.jpgCouverture de Transat de Aude PicaultIl y a quelques mois, j’avais lu de cette auteure Eva, J.F. se cherche désespérément, j’ai emprunté un autre album à la médiathèque pour voir s’il me plaisait plus.

Le livre : Transat d’Aude Picault (scénario et dessins), collection Shampoing, éditions Delcourt, 2009, 170 pages, ISBN 978-2-7560-1798-3.

L’histoire : de nos jours à Paris puis sur l’île de Stagadon et un voilier. Aude, graphiste, la trentaine, en a marre de sa vie parisienne. Une opportunité s’offre à elle pour traverser l’Atlantique comme passagère payante sur un voilier mené par Yvon Fauconnier… Mais avant, elle part se ressourcer sur une île bretonne, au large de Plouguerneau, dont elle sera la seule habitante pendant une semaine. Avec l’électricité, un poêle à bois mais pas d’eau chaude. Avant la grande aventure… mais je vous laisse la découvrir!

Mon avis : l’album est réalisé à la plume en noir et blanc. Je l’ai préféré à Eva, J.F. se cherche désespérément! Avec beaucoup d’humour, l’auteure parle à la fois de son aventure qui s’annonce, de l’ennui de sa vie parisienne métro (et vélo)-boulot-dodo, mais aussi les relations à son père (breton des Glénans, il a appris à naviguer à ses amis mais pas à sa fille), de son apprentissage des termes de navigation, avant la découverte de la vie collective sur le (petit) voilier. Elle me donnerait presque l’envie de faire un vrai « break », de partir un certain temps au calme après ces derniers mois un peu compliqués. Bon, pour l’instant, pas encore question de prendre un avion ni de m’éloigner trop d’un CHU, mais dans quelques mois, qui sait?

Pour aller plus loin: voir le site de Aude Picault.

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Juge Bao et le Phoenix de Jade, de Patrick Marty et Chongrui Nie

pioche-en-bib.jpgCouverture de Juge Bao et le Phoenix de Jade, de Patrick Marty et Chongrui NieAprès Juge Bao et la belle endormie, j’ai lu le premier titre de la série de Patrick Marty et Chongrui Nie (voir aussi le tome 2, Juge Bao et le roi des enfants et le tome 4, Juge Bao et l’auberge maudite, le tome 5, Juge Bao et les larmes du Bouddha). Un livre emprunté à la médiathèque.

Le livre : Juge Bao et le Phoenix de Jade (tome 1 de la série Juge Bao), de Patrick Marty (scénario) et Chongrui Nie (dessins), éditions Fei, 2010, 156 pages, ISBN 978-2359660005.

L’histoire : En Chine, sous la dynastie des Song du Nord au 11e siècle. Le juge Bao est envoyé par l’empereur pour enquêter sur l’usage de subsides qu’il y a envoyé pour reconstruire une partie de la préfecture du nord-est détruite par un incendie. A peine arrivés, ils sont interpellés par une vieille femme mourante qui veut attirer leur attention sur son fils qui croupit depuis trois ans en prison, accusé d’un meurtre qu’il nie. Après avoir envoyé son adjoint comme infiltré dans la prison, le juge Bao acquiert la certitude que le juge local, le préfet et les notables ont mis en place un système pour incarcérer des innocents et s’accaparer leurs biens…

Mon avis: Cet album en noir et blanc est dans un format assez inhabituel, 13 sur 18 cm « à l’italienne » (horizontal). Le dessin au trait à l’encre est très détaillé et rend très bien les visages, les détails d’architecture etc. Côté scénario, entre meurtres, corruption et arts martiaux, le lecteur ne s’ennuie pas! Vite, il faut que je trouve le deuxième tome à la médiathèque!

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Le style comme expérience de Pierre Bergounioux

Logo du défi rentrée littéraire 2013 chez Hérisson Couverture de Le style comme expérience de Pierre BergouniouxLogo de pioché en bibliothèqueUn livre trouvé à la médiathèque et qui entre dans mes lectures de la rentrée littéraire 2013, projet organisé par Hérisson.

Le livre : Le style comme expérience de Pierre Bergounioux, éditions de l’olivier, 2013, ISBN 9782823602753, 70 pages.

Le livre (présentation officielle):

« Comme les manières de penser, de sentir et d’agir, les façons de parler et, plus encore, d’écrire sont nettement différenciées dans les sociétés développées. Le style comme écart, variation expressive, surcroît de sens, est un fait. Il a été perçu, formalisé dès les débuts de la culture lettrée, en Grèce. On l’assimile, depuis lors, à l’exploitation des ressources immanentes au langage, constitué en entité autonome de dépendances internes. Mais, ce faisant, on perd sa dimension vécue, la satisfaction ambiguë qui colore pareille expérience. Celle-ci, comme l’ensemble de l’activité sociale, accuse la distribution inégale des ressources économiques et sémantiques. L’explication appelle une approche historique. » (P. B.)
Dans cet essai bref, Pierre Bergounioux évoque de manière éclairante ce qu’il appelle « l’expérience vécue du style ». Mais Le Style comme expérience est aussi une archéologie de l’écriture. Comment l’écriture peut-elle s’abstraire de son vice originel, à savoir son émergence comme signe des premières sociétés inégalitaires ? C’est un regard historique que cet ouvrage nous propose d’adopter en analysant les bouleversements littéraires de notre modernité. Et nous permet de comprendre comment la littérature s’est mise à considérer le monde comme « ce que nous vivons quand on y est impliqué corps et âme, maintenant ».

Mon avis :  j’ai choisi ce livre parce qu’il était tout petit (j’ai encore beaucoup de difficultés avec la « lecture normale »). Mauvaise pioche, le livre est imprimé sur un papier granuleux qui a accroché l’encre d’imprimerie, le papier était constellé de petits points noirs qui ne gênent pas un lecteur normal (j’ai montré les pages à un ami) mais qui ont beaucoup parasité et ralenti ma lecture… ce qui a dû accroître mon ennui, avec l’impression d’assister à un cours pédant de classe préparatoire (je parle d’expérience, même si elle devient ancienne…). C’est pour cela que j’ai mis, contrairement à mon habitude, la présentation officielle et non un résumé « de mon cru ». Bref, en se basant sur de nombreux exemples littéraires, ce qui est très excluant pour ceux qui ne les ont pas lus (cf. mes expériences infructueuses avec Ulysse de James Joyce, qui sert de réflexion à un long développement), Pierre Bergounioux pérore sur le style littéraire. Je ne suis pas du tout d’accord avec lui sur plusieurs points. En voici juste deux exemples.

Page 26: « L’homme des sociétés primitives possède l’intégralité de la culture du groupe. Il maîtrise l’ensemble des gestes qui assurent son existence physique et les mythes qui l’expliquent ». C’est profondément ignorer les sociétés dites « primitives », qu’il s’agisse d’exemples ethnographiques ou préhistoriques. Non, l’homme ne maîtrise pas « l’intégralité de la culture du groupe ». Les mythes y sont complexes, et pour la « culture matérielle », il existe des spécialisations très ancienne, la maîtrise des chaînes opératoires (ensemble des actions nécessaires à une production) ne pouvait pas être acquise par tous, il existait depuis au moins l’homme de Néandertal des activités spécialisées, que ce soit pour la taille du silex, la chasse, la boucherie (découpe des morceaux de viande), la réalisation d’outils en os ou d’œuvres d’art…

Autre exemple page 41 à propos de l’Odyssée, telle que transcrite par Homère je suppose: « A cela s’ajoute l’exploitation de la substance de l’expression, allitérations, assonances, rimes plates, embrassées, croisées, et des données rythmiques« . C’est oublier un peu vite qu’il s’agit avant tout d’un texte de tradition orale, simplement transcrit par Homère (plus ou moins mythique aussi), et que le rythme et la rime sont partie intégrante de cette tradition orale, participant à la mémorisation du texte qui représente plusieurs milliers de vers.

Bref, je m’arrête là, j’aurais pu vous citer d’autres exemples, je n’ai vraiment pas adhéré à cet essai.

Une vie chinoise, 1, le temps du père, de Ôtié et Li Kunwu

pioche-en-bib.jpgCouverture de Une vie chinoise, tome 1, le temps du père, de Ôtié et Li KunwuJ’ai emprunté à la médiathèque les trois tomes de Une vie chinoise, je commence à vous parler du début, le temps du père, à suivre bientôt les tomes 2 (le temps du parti) et 3 (le temps de l’argent) pour une plongée dans la grande mutation de la Chine ces cinquante dernières années, par le prisme d’une histoire personnelle et autobiographique de Li Kunwu dans le Yunnan.

Le livre : Une vie chinoise, tome 1, le temps du père, de Philippe Ôtié (scénario) et Li Kunwu (dessin), collection Made in, éditions Kana, 2009, 256 pages, ISBN 9782505006084.

L’histoire : octobre 1950, Li, le secrétaire du parti communiste, prêche la bonne parole dans un village et en repart… quasiment marié à Xiao Tao. Peu après naît Xiao Li, un enfant formaté dès le berceau au culte de Mao Zedong. On assiste à la course à la production d’acier, au charbon, au métal à récupérer (le grand bond en avant), à la grande famine qui dura trois ans (épuisement des terres, ravageurs), puis à la révolution culturelle… jusqu’à ce qu’à son tour, le père tombe en disgrâce et se retrouve en camp de rééducation. Xiao Li découvre le dessin par le dessin de propagande, en produisant à la chaîne des portraits de Mao.

Mon avis : la folie de la Chine de Mao apparaît dans ces souvenirs d’enfance, le poids de la propagande qui fait suivre aux foules des chemins qui les mènent à la famine (qui a quand même fait 8 à 10 millions de morts), puis les excès de la révolution culturelle, la destruction des monuments anciens, des temples, en ville mais aussi dans les campagnes. Les dessins, à l’encre et souvent aux traits épais, illustrent bien ce sombre discours. Le tome 1 s’achève avec la mort de Mao, alors que le narrateur est soldat.

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Visage slovène de Brina Svit

Logo du défi rentrée littéraire 2013 chez HérissonLogo de pioché en bibliothèqueCouverture de Visage slovène de Brina SvitIl m’a fallu plusieurs semaines pour venir à bout de ce livre, trouvé à la médiathèque, en lecture « normale », l’un des premiers que je lis cette année dans le cadre de la rentrée littéraire (j’ai juste lu La confrérie des moines volants, de Metin Arditi, loin de l’objectif de 6 livres à lire dans ce projet organisé par Hérisson). Il va aussi pouvoir entrer dans le Tour du monde en lecture, abandonné depuis longtemps… Il y a quelques années, il aurait pu entrer dans le défi sur l’Europe centrale, même si l’auteure vit en France depuis 1980 et écrit en français, elle est née à Ljubljana et ce livre est en rapport avec la Slovénie.

Le livre : Visage slovène de Brina Svit, NRF, collection blanche, éditions Gallimard, 2013, 154 pages, ISBN 9782070142668.

L’histoire: de nos jours, surtout à Buenos Aires en Argentine. Alors que sa mère vient de mourir à Ljubjana, en Slovénie, l’auteure se voit proposer à Paris un cadeau, un appareil photo. C’est le déclic pour une série de portraits, en photographies et en textes, de Slovènes exilés en Argentine pour une part dans les années 1930, pour une autre part après la deuxième guerre mondiale (des collabos qui ont fui les massacres dont ils étaient menacés), pour quelques autres des exilés économiques. 30000 Slovènes et leurs descendants vivent en Argentine, quelques-uns sont retournés dans leur pays, temporairement ou définitivement. Dans la deuxième et la troisième générations, peu parlent le Slovène, certains l’apprennent tardivement. En fil rouge du récit, le lecteur suit également Gombro, Witold Gombrowicz, un écrivain polonais lui aussi exilé en Argentine.

Mon avis: un très beau récit autobiographique, un peu à la manière d’un grand reportage littéraire, sur un sujet que je ne connaissais pas, l’exil des Slovènes en Argentine. Un beau texte aussi sur l’exil, la perte ou non de l’identité, le nationalisme de certains, qui n’envisagent pas de se marier « hors de leur communauté », le rapport complexe entre intégration et réflexe communautaire (regroupement dans quelques quartiers, apprentissage de la langue), la relation au pays, avec ou sans retour, provisoire ou définitif. La forme littéraire est intéressante aussi, avec une photographie et un récit qui commence généralement par la première rencontre avec la personne concernée. Contrairement à Albert Londres (revoir Chez les fous, mais il a aussi publié des récits plus légers, comme le tour de France), il ne s’agit pas d’un récit engagé et militant pour défendre les droits de l’homme, mais d’un tableau qui montre à travers ces portraits la complexité de cet exil.

Halte à la douane! Revue « enfantines » sur Mouchin (1935). 9. D’autres ruses

Couverture de la revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à MouchinJe continue à vous faire découvrir le numéro n° 67 de la revue Enfantines Halte à la douane sur Mouchin, dans le Nord, paru en 1935. Le numéro est certes publié en ligne, mais c’est en mode image, avec une couverture différente de la mienne. Après les douaniers, la circulation, la fraude en auto, la fraude avec les chiens, les gendarmes, une belle ruse, le passage à niveau et un pauvre chien, voici les dernières pages consacrées à d’autres ruses… et qui ressemblent à des légendes urbaines (euh, rurales plutôt) avant l’heure. A moins que certains fils de douaniers (école de garçons) aient rapporté des témoignages de leur père (pas de douanière en 1935…).

Et un grand merci à mon père qui est parti en reportage dans le village de Mouchin pour illustrer les lieux avec des photographies!

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 14 et 15

D’autres ruses
Dernièrement, les douaniers ont découvert dans une péniche qui franchissait la frontière sur l’Escaut, une grande quantité de tabac. La péniche était à double fond et doubles parois.
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Un motocycliste transportait sur le siège arrière une personne. Le motocycliste est arrêté sur la route par les douaniers. a personne assise sur le siège arrière n’était autre qu’un mannequin bourré de tabac.
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Une auto arrive à la frontière. Vous n’avez rien à déclarer? – Non. – Voyons, ces pneus, essayons de les dégonfler. Rien à faire. Les roues étaient rembourrées de tabac.

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, illustration page 15, la barrière de la douane et les douaniers

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Dernièrement encore, c’est un cycliste qui avait mis des cigarettes dans le cadre de son vélo.
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La frontière franco-belge au bas-préau à Mouchin, photographie de Lucien Dujardin

La flèche indique la ligne d’arbres qui borde l’Elnon, le ruisseau qui marque la frontière tout au long du village de Mouchin depuis le traité d’Utrecht de 1713. Cliché Lucien Dujardin

Une autre fois, c’est la rivière qui sert à transporter des ballots de tabac. On les enveloppe de toile imperméable et on les jette dans le courant; un barrage établi en aval les arrête et le tour est joué, à moins qu’on ne se fasse prendre, bien entendu.
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A Halluin, il n’y a pas très longtemps, les douaniers ont découvert une installation extraordinaire: par les égouts, les fraudeurs descendaient sous terre; ils avaient creusé des souterrains franchissant la frontière et y avaient installé des wagonnets!
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revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 16 et dernière de couverture

 Ce brave paysan rentre de ses champs. Il pousse une brouette remplie de pommes de terre.
– Videz-moi cette brouette.
Sous les pommes de terre, il y avait quelques paquets de tabac. Pas de chance! l’homme au sac, l’arrête et découvre dans le sac… de l’herbe pour les lapins!
Et, profitant de l’absence du douanier, d’autres fraudeurs, avec chacun leur charge de tabac, franchissent la frontière à toute allure.
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revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, illustration page 16, une mobylette, deux fraudeurs et un douanier

 Celui-ci est bien connu. C’est un gros, bedonnant, qui aime à rire et à plaisanter. Les douaniers le connaissent bien et le considèrent comme un honnête homme.
Un jour, à Lille, un douanier le rencontre dans un café et le trouve très amaigri.
Son attention est éveillée. Le lendemain, de faction, notre bonhomme arrive ayant retrouvé son embonpoint. Il passe la frontière, se dirige en Belgique, et revient une heure après.
– Rien à déclarer?
– Non.
– Vous êtes bien gros, pourtant. Voyons ce ventre.
Le douanier découvre sous le gilet un beau matelas de tabac. Pour franchir la frontière, notre fraudeur se rembourrait de paille et de chiffons. Arrivé en Belgique, il se débarrassait de ce rembourrage et le remplaçait par du tabac.

Top BD des blogueurs, mars 2014

Logo top BD des bloggueursLe classement du TOP BD des blogueurs proposé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible du mois dedécembre est arrivé… merci à lui pour ces savants calculs et cette organisation. Il y a eu pas mal de changements ce mois-ci, voir ses commentaires dans son article! Un mois très stable.

1- (=) Le journal de mon père , 18.67, Jiro Taniguchi, Casterman
2- (=) Persépolis , 18.64, Marjanne Satrapi, L’Association
3- (=) Un printemps à Tchernobyl , 18.63, Emmanuel Lepage, Futuropolis, voir mon avis
4- (=) Le loup des mers , 18.55, Riff Reb, Soleil
5- (=) Asterios Polyp , 18.5, David Mazzuchelli, Casterman
6- (=) Idées Noires , 18.5, Franquin, Fluide Glacial
7- (=) NonNonBâ , 18.5, Shigeru Mizuki, Cornélius
8- (=) Maus , 18.49, Art Spiegelmann, Flammarion, j’ai parlé ici du tome 1 : mon père saigne l’histoire, et du tome 2, Et c’est là que mes ennuis ont commencé
9- (=) Daytripper , 18.46, Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics
10- (=) Tout seul , 18.38, Christophe Chabouté, Vents d’Ouest
11- (=) Les derniers jours de Stefan Sweig , 18.36, L. Seksik, G. Sorel, Casterman
12- (=) Le sommet des dieux, 18.33, Yumemuka Bura, Jirô Taniguchi, Casterman, Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.
13- (=) Universal War One, 18.33, Denis Bajram, Soleil, Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6.
14- (=) V pour Vendetta , 18.22, Alan Moore, David Lloyd, Delcourt
15- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel , 18.19, Van Hamme, Rosinski, Casterman
16- (=) Abaddon, 18.17, Koren Shadmi, Ici-Même, Tome 1, tome 2.
17- (-) Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes? , 18.13, Benoît Zidrou, Roger, Dargaud
18- (=) Rouge Tagada , 18.08, Charlotte Bousquet, Stéphanie Rubini, Gulf Stream Editeur
19- (=) Abélard 18.04, Régis Hautière, Renaud Dillies, Dargaud, Tome 1, Tome 2.
20- (=) Universal War Two tome 1 , 18, Denis Bajram, Casterman
21- (=) Mon arbre , 18, Séverine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt
22- (=) Il était une fois en France, 17.98, Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat, Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5,Tome 6.
23- (=) Habibi , 17.95, Craig Thompson, Casterman
24- (=) Gaza 1956 , 17.92, Joe Sacco, Futuropolis, voir mon avis : Gaza 1956
25- (=) Trois Ombres , 17.9, Cyril Pedrosa, Delcourt
26- (=) Herakles tome 1 , 17.88, Edouard Cour, Akiléos
27- (=) Saga 17.88, Bryan K. Vaughan, Fiona Staples, Urban Comics, Tome 1, Tome 2
28- (=) Une métamorphose iranienne , 17.87, Mana Neyestani, Editions Ca et là
29- (+) Scalped, 17.86, Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics, Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7
30- (=) Manabé Shima , 17.83, Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier
31- (=) Les ignorants , 17.8, Etienne Davodeau, Futuropolis, je l’ai aussi beaucoup aimé
32- (=) Joker , 17.75, Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics
33- (=) L’histoire des trois , Adolf, 17.75, Osamu Tezuka, Tonkam
34- (=) Blankets , 17.73, Craig Thompson, Casterman
35- (=) Le pouvoir des innocents- Les enfants de Jessica tome 1 , 17.73, L. Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis
36- (=) Calvin et Hobbes, 17.7, Bill Watterson, Hors Collection, Tome 1, Tome 2, Tome 15, tome 17
37- (=) Les seigneurs de Bagdad , 17.7, Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics
38- (=) Urban 17.69, Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis, Tome 1, Tome 2
39- (-) Holmes, 17.67, Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis, Tome 1, Tome 2, Tome 3.
40- (=) La petite famille , 17.67, Loïc Dauvillier, Marc Lizano, Editions de la Gouttière
41- (=) Tokyo Home , 17.67, Thierry Gloris, Cyrielle, Kana
42- (=) Anjin-san , 17.67, Georges Akiyama, Le Lézard Noir
43- (=) Lorenzaccio , 17.67, Régis Peynet, 12 Bis
44- (=) L’Orchestre des doigts, 17.65, Osamu Yamamoto, Editions Milan, Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4
45- (=) Portugal , 17.61, Cyril Pedrosa, Dupuis
46- (=) Voyage aux îles de la Désolation , 17.58, Emmanuel Lepage, Futuropolis
47- (=) Elmer , 17.58, Jerry Alanguilan, Editions Ca et là
48- (=) Moi, René Tardi, prisonniers de guerre au Stalag IIB , 17.58, Jacques Tardi, Casterman
49- (=) Pinocchio , 17.55, Winschluss, Les Requins Marteaux
50- (=) Alice au pays des singes , 17.52, Tebo, Nicolas Keramidas, Glénat