Archives de l’auteur : Véronique Dujardin

Appelez-moi Lorca Horowitz, d’Anne Plantagenet

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCouverture de Appelez-moi Lorca Horowitz, d'Anne PlantagenetJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Stock.

Le livre : Appelez-moi Lorca Horowitz, d’Anne Plantagenet, éditions Stock, 210 pages, 2016, ISBN 9782234076211.

L’histoire : à Paris de nos jours, une jeune femme, fan d’Emmanuel Carrère, enseigne la technique de la biographie à ses étudiants. Un jour, elle tombe sur un bref article rapportant le cas de Lorca Horowitz, une « criminelle » qui a sévit des années plus tôt à Séville en Andalousie. Elle se met au défit de comprendre comment cette fausse secrétaire a pu tisser sa toile pendant dix ans autour de ses patrons, Eduardo et Rocío Perales, dirigeants d’une grande entreprise d’architecture, détruisant leur vie peu à peu (comment, ça, je vous laisse le découvrir en allant jusqu’au bout du livre).

Mon avis : j’ai d’abord été déroutée par la forme du roman. L’ensemble est rédigé à la première personne du singulier, au féminin, mais le « je » est tantôt la biographe, tantôt Lorca Horowitz. J’ai beau travailler deux fois par semaine en rééducation ma « flexibilité verbale », mon cerveau a toujours des problèmes d’interprétation pour ces changements de points de vue s’ils ne sont pas nettement marqués (et aussi pour d’autres choses). Pourtant, ici, il n’y a en général aucune ambiguïté possible, dès la première ou la deuxième phrase de chaque nouveau « chapitre », il y a un indice clair pour savoir qui parle, et il y a une stricte alternance du « je » à chaque saut de page.

Une fois passé ce problème de double narration à la première personne du singulier, le lecteur se retrouve avec d’un côté la biographe, de l’autre la fausse secrétaire qui met dix ans pour ressembler de plus en plus à sa patronne, perdant 20kg, changeant de coiffure, de look, mettant de plus en plus ses pas dans les siens, à un détail près… son homme! Le mari reste fidèle envers et contre tout, alors que l’amoureux de Lorca semble être un vrai fantôme. En miroir, la biographe s’interroge sur ses propres amours… et un amour de jeunesse qui eut pour cadre la même ville de Séville, ce qui sans doute n’a pas amélioré la faculté pour mon cerveau de séparer les deux histoires! Le style évolue aussi au fil des pages. Au début, Lorca s’interroge beaucoup sur le vocabulaire (avec des longues phrases sur le choix du bon mot), puis, au fur et à mesure qu’elle détourne l’argent de ses patrons, ses préoccupations deviennent plus futiles, vêtements, grosses voitures, vacances dans des lieux à la mode, son entraîneur particulier… autant de sujets qui me laissent totalement indifférente. Je pense que je ne suis pas rentrée totalement dans cette histoire.

Comme un avion de Bruno Podalydès

Affiche de Comme un avion de Bruno PodalydèsDans le cadre du « festival télérama 2016 », je suis allée voir Comme un avion de Bruno Podalydès [revoir Adieu Berthe]. Au passage, ça me fait penser qu’il faut que je vous parle d’une pièce de théâtre vue en début de saison avec Denis Podalydès

Le film : de nos jours, en banlieue parisienne. Michel [] est animateur 3D dans l’entreprise dirigée par son ami Rémi [Bruno Podalydès]. Pour ses 50 ans, sa femme Rachelle [Sandrine Kiberlain] et ses amis lui offrent des cadeaux en lien avec l’aviation, à lui qui est fou d’aérospatiale depuis son enfance. Mais voilà qu’à l’occasion d’une discussion sur les palindromes, il découvre le mot kayak… et en achète un pliable! Après des entraînements « à terre », le voilà qui embarque… Sa première escale sera pour une buvette au bord de l’eau, tenue par une veuve, Laetitia [Agnès Jaoui], et Mila [Vimala Pons], une jeune fille qu’elle héberge au fond de son terrain, avec l’aide de Christophe [Jean-Noël Brouté] et Christophe [Michel Vuillermoz]…

Mon avis : je n’avais pas vu ce film lors de sa sortie car il passait au cinéma commercial (marre de la demi-heure de pub et du niveau sonore trop fort) et j’avais été assez déçue par Adieu Berthe. Les spectateurs qui sortaient de Comme un avion projeté juste avant Phantom Boy samedi semblaient détendus : « un film sans prétention mais un bon moment de détente », me résuma un ami croisé dans la file. Plutôt bien résumé… Il y a plein de petits moments drôles, comme l’étude du manuel des Castors juniors pour apprendre à survivre sur la rivière ou les brèves apparitions de Pierre Arditi en pêcheur grognon. Le bon conseil du film, méfiez-vous de la géolocalisation des photographies par votre téléphone si vous êtes en stage de yoga chez le meilleur ami de votre mec ou si vous racontez vos exploits en kayak sans bouger d’une buvette 😉 Une bonne comédie, finalement…

les films que j’ai vus avant le festival, 8 sur 16, c’est pas mal!

– les films que j’ai vus pendant le festival

– les films que je ne verrai pas, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

  • Life d’Anton Corbijn
  • Much loved de Nabil Ayouch
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu
  • Phoenix de Christian Petzold
  • Fatima de Philippe Faucon

Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin

Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud DesplechinJe n’avais pas pu voir Trois souvenirs de ma jeunesse d’ (de ce réalisateur, revoir Jimmy P. et Un conte de Noël) lors de sa sortie en salle en mai 2015, séance de rattrapage donc à l’occasion du « festival télérama 2016 ».

Le film : de nos jours, Paul Dédalus [], anthopologue, la petite cinquantaine, rentre du Tadjikistan pour prendre un poste au ministère des affaires étrangères à Paris. Il se souvient de son enfance à Roubaix, de son père [Olivier Rabourdin], représentant de commerce souvent absent, de sa mère folle, abandonnant son petit frère Ivan et sa petite sœur Delphine, il se réfugiait alors chez sa tante, apprenant le russe avec l’amie de celle-ci… Il a 11 ans lorsque sa mère se suicide. Retour à la douane, son passeport coince, un homonyme est né le même jour que lui, au même endroit, vivait en Australie jusqu’à sa mort deux ans avant. Comment est-ce possible? Il avait 16 ans, un voyage scolaire à Minsk, avec son meilleur ami, il avait passé des documents à des juifs désireux de fuir l’URSS, il avait laissé son passeport… Trois ans plus tard, en 1989. Paul [Quentin Dolmaire] est étudiant pauvre à Paris, il couche où il peut, en auberge de jeunesse, chez d’autres étudiants, étudie comme un fou pour se faire accepter de la professeur Béhanzin [Eve Doe-Bruce]. Quand il a assez d’argent et qu’il pense que son père ne sera pas là, il rentre en week-end, retrouver Ivan [Raphaël Cohen], Delphine [Lily Taïeb], son cousin Bob [Teo Fernandez], ses copains, dont Kokalvki [Pierre Andrau] qui entame des études de médecine, jusqu’à ce qu’il rencontre Esther [Lou Roy Lecollinet]… lycéenne de 16 ans, qui couche avec tous les garçons du lycée. Commence une folle histoire d’amour…

Mon avis : Mathieu Amalric apparaît peu, mais le costume d’anthropologue lui va bien (cf Jimmy P., ethnologue psychanalyste). Claude Lévy-Strauss devient un auteur à connaître si l’on va voir un film d’Arnaud Desplechin. Comme dans Jimmy P. aussi, il y a en toile de fond la judaïté, le rapport aux religions (le frère catholique mystique, des scènes avec le curé dans l’enfance et l’adolescence, une discussion entre adolescent sur l’athéisme). Les trois souvenirs sont de longueur très inégales : l’enfance et le séjour en Russie doivent faire moins de 30 minutes à eux deux, Esther occupe quasiment la dernière heure et demie. La plus grande partie du film, c’est donc Quentin Dolmaire qui incarne le personnage complexe de Paul en étudiant pauvre sérieux qui ne sait pas comment parler aux filles. En face de lui, Esther / Lou Roy Lecollinet en lycéenne dévergondée, « Marie couche-toi là » comme dit la mère de Bob. Des fêtes futiles dans la grande maison de Roubaix (mais les frère et sœur rangent le lendemain!), des centaines de lettres, des crises de désespoir d’un côté comme de l’autre, d’autres relations pour les deux mais un amour fou entre eux, et la révélation de deux jeunes acteurs! Une petite réserve sur les scènes à Douchanbe. On y entend parler russe, certes, le Tadjikistan est une ancienne république soviétique, plus de la moitié de la population est russe aujourd’hui encore, mais les vieux tadjiks que l’on aperçoit devraient parler le Tadjik, une langue proche du farsi (perse) parlé aussi au nord de l’Afghanistan (oui… j’ai travaillé sur la néolithisation précoce de hautes vallées du Tadjikistan dans un passé lointain…). Mais allez voir ce film sans réserve, il est encore temps de profiter jusqu’à mardi des séances de rattrapage du festival Télérama!

les films que j’ai vus avant le festival, 8 sur 16, c’est pas mal!

– les films que j’ai vus pendant le festival

– les films que je ne verrai pas, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

  • Life d’Anton Corbijn
  • Much loved de Nabil Ayouch
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu
  • Phoenix de Christian Petzold
  • Fatima de Philippe Faucon

Phantom Boy, d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli

Affiche de Phantom Boy, d'Alain Gagnol et Jean-Loup FelicioliJ’ai commencé mon week-end « festival télérama 2016 » avec le dessin animé jeune public, Phantom Boy, d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli. Les noms entre crochets sont donc ceux des acteurs qui donnent leurs voix aux personnages.

Le film : à New York, de nos jours. Depuis qu’il est atteint d’un cancer, Leo [Gaspard Gagnol], 11 ans, possède l’étrange pouvoir de sortir de son corps et de survoler la ville. Seule Titi, sa petite sœur [Noah X], connaît son secret. Hospitalisé pour une nouvelle chimiothérapie, il ramène les âmes égarées vers leur corps et tombe un jour sur celle d’un policier, Alex [Édouard Baer], grièvement blessé alors qu’il était tombé par hasard sur le port sur un bandit, « l’homme au visage cassé » [Jean-Pierre Marielle], qui menace de lancer un virus informatique pour détruire tous les systèmes de la ville s’il ne reçoit pas une rançon d’ici 24 heures. Mais le commissaire refuse de croire Alex, le flic casse-pied (et casse-matériel), aussi s’allie-t-il avec une journaliste, Mary [Audrey Tautou] et le petit garçon pour sauver la ville… avec l’aide de son indic gaffeur, la Taupe [Jackie Berroyer].

Mon avis : un très beau dessin animé, avec ce qu’il faut pour faire peur aux grands et aux petits… jusqu’à la fin! Les enfants juste derrière ne bougeaient plus du tout dans les dernières minutes 😉 Il faut dire que le dessin est très beau, avec les survols de New-York et des docks, qu’il y a un savant dosage entre les gentils et les méchants, plein d’humour, le petit chien infernal a beaucoup de succès auprès des petits, le tout dans un bain de musique [de Serge Besset] entraînant. En plus, les adultes aimeront l’ambiance « comics », omniprésente… N’hésitez pas à y aller en famille!

les films que j’ai vus avant le festival, 8 sur 16, c’est pas mal!

– les films que j’ai vus pendant le festival

– les films que je ne verrai pas, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

  • Life d’Anton Corbijn
  • Much loved de Nabil Ayouch
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu
  • Phoenix de Christian Petzold
  • Fatima de Philippe Faucon

Timber au TAP à Poitiers

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014La saison 2015-2016 au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP est déjà bien entamée, j’ai déjà vu un certain nombre de spectacles sur la quinzaine que j’ai réservés. Je vous en reparle très vite, j’ai gardé des petites notes écrites à l’issue de chacun sur le programme 😉

Je commence par le dernier que j’ai vu, Timber* par le cirque Alfonse, une troupe québécoise. Le spectacle tourne toujours en ce moment…

Le spectacle : dans un décor de chantier, grande table (pour préparer la soupe), troncs d’arbre, roue de charrette et « cabane au fond du jardin », un groupe de bûcherons évolue en chansons, jongleries, pitreries…

Mon avis : toutes les générations sont sur scène, du plus jeune (un bébé d’un peu plus d’un an (?) qui vient rejoindre sa mère) au grand-père à la grande barbe blanche. Beaucoup de gaieté dans ce spectacle de « nouveau cirque » (sans animal) original, puisqu’il est entièrement monté à partir de grosses bûches et de troncs d’arbre*, il faut avoir de très gros bras pour certains numéros! La sécurité est aussi rigoureuse : arrêt total dès qu’une hachette tombe dans un numéro de jonglerie à quatre (ou cinq?), de vraies hachettes, des gants quand même, mais les bras nus, la hachette ramassée et ça repart! J’ai passé un excellent moment!

*timber, c’est le bois de construction en anglais, par extension les arbres. Timbered = à colombages.

Voici un extrait proposé par Antoine Carabinier (le « grand-père » du spectacle) sur youtube :

En route pour le festival Télérama 2016

Affiche du festival Télérama 2016Le festival Télérama 2016 commencera mercredi 20 janvier et se poursuivra jusqu’au 26… toujours le même principe, 15 films sélectionnés plus un jeune public, à 3,50 euros dans les cinémas d’art et essai participants… et en vous munissant du bon qui sera dans les Télérama du 13 et du 20 janvier 2016. Je suis pas mal allée au cinéma cette année et j’ai vu un certain nombre de films de la sélection. Il y a aussi deux films dont je ne vous ai pas parlé, Marguerite de Xavier Giannoli et La loi du marché de Stéphane Brizé, vous trouverez mes avis sous les films de la sélection.

Comme en 2015, 2014, 2013, 2012, 2011, 2010 et 2009, il y a:

les films que j’ai vus avant le festival, 8 sur 16, c’est pas mal!

– les films que j’ai vus pendant le festival

– les films que je ne verrai pas, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

  • Life d’Anton Corbijn
  • Much loved de Nabil Ayouch
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu
  • Phoenix de Christian Petzold
  • Fatima de Philippe Faucon

Marguerite de Xavier Giannoli

Affiche de Marguerite de Xavier GiannoliL’histoire : à Paris dans les années 1920. Marguerite Dumont [Catherine Frot] chante pour ses amis pour des œuvres de bienfaisances. Elle chante faux mais ne s’en rend pas compte, personne n’ose le lui dire, surtout pas Madelbos, son majordome [Denis Mpunga] qui la photographie dans chacun de ses rôles. Elle est même encouragée par le journaliste Lucien Beaumont [Sylvain Dieuaide] et son ami, l’artiste d’avant-garde Kyril von Priest [Aubert Fenoy].Et voilà qu’elle veut se produire à l’opéra. Georges, son mari [André Marcon], qui l’a épousé pour sa fortune, engage un professeur de chant, Atos Pezzini [Michel Fau], ancien chanteur sur la fin de sa carrière, qui débarque avec son gigolo, une femme à barbe et un ­pianiste…

Mon avis : Xavier Giannoli a transposé dans les années 1920 à Paris l’histoire de Florence Foster Jenkins (1868-1944) à New-York. Si beaucoup de critiques ont loué la performance de Catherine Frot, avec sa voix cassée, j’ai trouvé celle-ci insupportable et me suis vraiment ennuyée… presque pendant les 2 heures du film. Les leçons sont interminables, les exploits de l’équipe de bras cassés qui essayent de profiter de l’argent de Marguerite traînent en longueur. Deux personnages passés sous silence par la critique sortent néanmoins du lot pour moi, le majordome et le médecin qui tente de soigner sa voix.

La Loi du marché de Stéphane Brizé

Affiche de La Loi du marché de Stéphane BrizéL’histoire : de nos jours… Après quinze mois de chômage, Thierry [Vincent Lindon], 51 ans, a du mal à vivre avec sa femme [Karine de Mirbeck] et Matthieu [Matthieu Schaller], leur fils adolescent infirme moteur cérébral. Aussi, quand le conseiller de Pôle Emploi [Yves Ory], après plusieurs propositions décalées, lui propose un poste de vigile dans un supermarché, il ne peut pas refuser. Le voici à devoir fliquer plus ses nouveaux collègues que les clients. Alors que son couple vacille, il doit faire des choix, accepter d’être du côté du patron [Saïd Aïssaoui] pour garder son emploi ou refuser des délations infamantes pour ses collègues caissières [Gisèle Gerwig, Françoise Anselmi, Sakina Toilibou].

Mon avis : toute la critique s’est extasiée sur cette histoire qui retrace un monde du travail cruel, et sur le rôle de Vincent Lindon (récompensé au festival de Cannes). Oui, des patrons qui font licencier une caissière pour avoir utiliser un coupon de réduction, ça s’est vu (mais les prud’hommes ont été saisis), oui, il y a du flicage et des suicides au travail, oui, certains patrons exercent des pressions pour faire démissionner le personnel plutôt que de payer le licenciement, mais franchement, j’ai trouvé que beaucoup de scènes sonnaient faux (l’entretien d’embauche via Skype existe peut-être, mais la scène manque de crédibilité, comme beaucoup d’autres), et que l’histoire était très en-deçà de ce que j’ai pu voir dans des films documentaires dans le cadre du festival Filmer le travail, dont le point fort de la septième édition aura lieu début février (une semaine de films et de débats, expositions, etc.), ce festival propose des films souvent suivi d’un débat toute l’année en collaboration avec les salles d’art et essai à Poitiers.

Courir après les ombres de Sigolène Vinson

Couverture de Courir après les ombres de Sigolène Vinsonpioche-en-bib.jpgCela fait un moment que j’avais envie de lire un livre de cette collaboratrice régulière de Charlie hebdo et Causette. Le 7 janvier 2015, elle devait discuter des aspects économiques de son roman avec Bernard Maris qui avait lu le manuscrit, elle lui dédie le livre avec ce sobre  » à Bernard Maris, à son étoile « .

J’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Courir après les ombres, de Sigolène Vinson, éditions Plon, 2015, 200 pages, ISBN 978-2-259-22957-9.

L’histoire : à Djibouti, de nos jours. Désabusé, Paul , fils d’un économiste devenu fou, est trader de matières premières au service de la Chine, ou plutôt de la multinationale qui l’emploie et qui cherche notamment à installer un comptoir (une base navale) permanent(e) dans la Corne de l’Afrique. Pour lui, tout s’achète, si possible à bas prix, comme ce lac qu’il lorgne en fait pour ses terres rares… Entre deux embarquements, il fouille avec Harg, un nomade éthiopien l’épave du Pingouin, où il espère retrouver un manuscrit inédit qu’Arthur Rimbaud, lui-même devenu marchand d’armes, aurait pu écrire avant d’être rapatrié en France. A l’étape suivante (à Mascate), il retrouve Mariam, une jeune pêcheuse de Djibouti, avant de rencontrer Louise, une française qui rentre au pays en cargo… Quand sa compagnie tente de faire transporter illégalement des déchets radioactifs sur son bateau, pour lui, une ligne rouge est franchie…

Mon avis : de 1981 à 1988, Sigolène Vinson a vécu une bonne partie de son enfance à Djibouti, et cela se ressent dans sa manière de décrire le désert, les gens, avec parfois des accents qui font penser à Marguerite Duras. Tous les personnages vivent l’Afrique et l’Asie, sur fond de mondialisation, il y a les spoliés, les acheteurs, et en bout de chaîne, nous, qui achetons les objets sans nous préoccuper de ce qu’ils impliquent, et en renvoyant nos poubelles nucléaires. Dans ce « monde de brutes », il reste l’espoir de la poésie, ou plutôt la folle utopie de vouloir retrouver la trace d’Arthur Rimbaud. En 200 pages, il y a quelques morts violentes (sans que l’on puisse qualifier ce roman de polar, il n’est nullement question d’enquête pour retrouver les coupables), on croise des migrants qui bravent l’hostilité de la mer avec ses requins (animaux ou passeurs), des pirates, des voyous, alors que tout semble partir à vau-l’eau, il reste les rêves, retrouver les derniers poèmes de Rimbaud ou la moto de Romain Garry, des trésors qui n’ont peut-être jamais existé mais qui donnent au trader sa force de continuer à vivre. Je vous laisse découvrir ce roman assez inclassable et qui m’a bien plu, sans doute parce qu’il sort du « formatage » actuel de bons nombres de romans.

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

Béliers de Grímur Hákonarson

affiche de Béliers de Grímur HákonarsonJe suis allée voir Béliers, de Grímur Hákonarson, lors de sa sortie il y a un mois. Il a reçu le prix Un certain regard au festival de Cannes 2015.

L’histoire : en Islande, un concours d’éleveurs de moutons oppose notamment deux frères sexagénaires et célibataires, Gummi [Sigurður Sigurjónsson] et Kiddi [Theodór Júlíusson], fâchés depuis 40 ans, mais qui habitent à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre. Kiddi gagne le concours, mais son frère soupçonne l’apparition d’un cas de tremblante du mouton dans son élevage et le dénonce aux services vétérinaires. Les tests sont positifs, tous les moutons de la vallée doivent être abattus. Kiddi tente de résister, alors qu’en apparence, Gummi se soumet…

Mon avis : l’Islande en été ou au printemps, c’est séduisant… L’hiver est plus rude. Les polars et autres romans islandais nous ont habitués au blizzard, mais dans ce film, il prend toute sa matérialité, dans une longue scène qui a fait frissonner les spectateurs (ah la suggestion!). Deux méthodes de réchauffement pour l’hypothermie sont montrées avec toute leur ampleur dramatique, le bain chaud et le peau à peau dans un igloo de fortune… Le film ne révèle pas la cause de la fâcherie des frères, mais montre sa ténacité. La dure condition des éleveurs aussi, des éleveurs traditionnels qui refusent, comme dans d’autres contrées islandaises, de doper leurs bêtes aux hormones. Mais le débat fait rage entre eux: reconstruire un élevage? Partir et reconstruire sa vie ailleurs? Tenir tête aux services vétérinaires. Je me souviens d’un cas d’épizootie de fièvre aphteuse dans le Confolentais, apparue avec des moutons importés illégalement d’Angleterre par un éleveur, les charniers étaient recouverts de chaux avant d’être enterrés dans de grandes fosses sur place, les voitures roulaient dans les pédiluves (euh… pédiluves pour les roues???) de désinfectant en entrant dans la zone, mais les médias n’avaient pas vraiment abordé les conséquences à plus long terme pour ces éleveurs (pas plus que pour ceux touchés par la vache folle ou ceux qui aujourd’hui luttent contre la grippe aviaire).

Allez voir ce film si possible au cinéma plutôt que d’attendre son passage en DVD ou à la télévision, la grande scène dans le blizzard mérite d’être sur grand écran enrobé du son de la tempête… Le dernier plan aussi ne doit pas donner toute sa force sur petit écran… Allez, vite, au cinéma!

Images révélées, derniers jours à Poitiers

Affiche de l'exposition Images révélées à PoitiersVoici déjà venus les derniers jours pour l’exposition Images révélées : Poitiers à l’épreuve de la photographie (1839-1914). Elle se tient pour partie à la médiathèque de Poitiers, jusqu’à ce samedi, pour partie au musée Sainte-Croix, jusqu’à dimanche (17 janvier 2016). Le commissaire de l’exposition, Daniel Clauzier, proposera encore des visites guidées ce week-end. Elle est aussi accompagnée d’une série de conférences (de qualité variable), la dernière, repoussée après les attentats du 13 novembre, aura lieu après la fermeture de l’exposition, jeudi prochain. Le service du patrimoine de feue la région Poitou-Charentes (oui, pub gratuite 😉 ) a prêté plusieurs clichés et propose en ligne l’ensemble de l’album de Louis Guitteau, vues de Poitiers en 1894-1895).

L’exposition présente une vue générale de la pratique de la photographie à Poitiers des premiers daguerréotypes des années 1840 aux expositions artistiques du début du 20e siècle, en passant par l’apparition de la photographie par des amateurs (éclairés…) avec l’apparition des premiers appareils automatiques, la production de cartes-photographies, les travaux de professionnel(le)s comme Hélène Plessis-Vieilllard, etc. L’évolution des techniques est abordée au travers d’épreuves et de tirages d’époque (sauf pour un cliché conservé au Getty Museum à Los Angeles identifié à l’occasion de l’exposition). Beaucoup de ces clichés sont inédits, certains ont été acquis ou restaurés pour l’exposition. Vous y découvrirez le travail d’Auguste-Hippolyte Collard, qui a commencé sa carrière photographique à Poitiers (avant de rejoindre Paris qu’il avait quitté suite à des problèmes liés à ses activités politiques), les photographies de la mission héliographique (premières photographies systématiques des monuments majeurs de France, commandées par la commission des monuments historiques dirigée par Prosper Mérimée) de 1851 par Gustave Le Gray et Auguste Mestral, celles de « fratries » : Achille et Honoré Hivonnait, les frères Varin, les frères Bisson, les travaux de Médéric Mieusement, d’Alfred Perlat (dont la série de clichés de la construction de l’hôtel de ville de Poitiers, déjà sélectionnés par Grégory Vouhé pour l’exposition Louvre pour Poitiers) ou encore de Jules Robuchon.

Le volet de la médiathèque présente les usages de la photographie : dans la presse (avec une belle présentation de la séquestrée de Poitiers, présentant la photographie originale et les gravures qui en ont été tirées par la presse), le livre illustré, les travaux scientifiques et les pratiques populaires et commerciales.

Je vous recommande aussi particulièrement le catalogue (208 pages, aux éditions Snoeck, 29 €), très riche, même si je n’ai pas terminé de le lire!

Au-delà des montagnes, de Zhang-ke Jia

Affiche de Au-delà des montagnes, de Zhang-ke JiaAlors que le festival Télérama s’annonce et que je devrais écrire un petit article sur les films sélectionnés que j’ai vus sans vous en parler, ma sortie cinéma du week-end était pour Au-delà des montagnes de Zhang-ke Jia.

Le film : en 1999 à Fen­yang, dans une zone montagneuse de la province de Shanxi, en Chine. Tao [Zhao Tao], 20 ans, fille d’un marchand d’électroménager, est courtisée par deux amis d’enfance Jinsheng [Zhang Yi], propriétaire d’une station service en pleine expansion, et Liangzi [Jing Dong Liang], mineur. Sommée de choisir, elle finit par se marier à Jinsheng, alors que Liangzi, chassé de la mine rachetée par son rival, décide de s’exiler dans une autre ville.Mais très vite, Liangzi part à Shanghaï avec le jeune fils né de cette union, Dollar. Lorsqu’il revient chez sa mère pour l’enterrement du grand-père, l’incompréhension est totale.

2014. Tao a divorcé, Dollar et son père vivent en Australie, Liangzi, victime d’un cancer des mineurs, jeune père à son tour, revient dans sa ville natale, demande de l’aide à Tao pour les soins médicaux.

2025… je vous laisse découvrir la suite au cinéma!!!

Mon avis : j’ai beaucoup aimé ce film! Les paysages du nord de la Chine comme ceux de l’Australie sont filmés dans toute leur splendeur. Le film montre d’abord l’évolution rapide de la Chine au tournant du millénaire, le dur métier des mineurs est évoqué en quelques images qui contrastent avec le « m’as-tu-vu » des néo-capitalistes… dont on apprendra plus tard qu’il y a finalement une morale (ou un semblant de morale), les nouveaux parvenus à force de corruption ont dû fuir… même si c’est visiblement avec leur argent! L’évolution des paysages urbains est suggérée au travers de brèves images, la « tradition », l’ancien monde par la génération du père de Tao, le nouveau monde par Dollar [Dong Zijian], étudiant exilé en recherche de son identité, le tout est un subtil mélange qui donne ce beau film!