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Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin

Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud DesplechinJe n’avais pas pu voir Trois souvenirs de ma jeunesse d’ (de ce réalisateur, revoir Jimmy P. et Un conte de Noël) lors de sa sortie en salle en mai 2015, séance de rattrapage donc à l’occasion du « festival télérama 2016 ».

Le film : de nos jours, Paul Dédalus [], anthopologue, la petite cinquantaine, rentre du Tadjikistan pour prendre un poste au ministère des affaires étrangères à Paris. Il se souvient de son enfance à Roubaix, de son père [Olivier Rabourdin], représentant de commerce souvent absent, de sa mère folle, abandonnant son petit frère Ivan et sa petite sœur Delphine, il se réfugiait alors chez sa tante, apprenant le russe avec l’amie de celle-ci… Il a 11 ans lorsque sa mère se suicide. Retour à la douane, son passeport coince, un homonyme est né le même jour que lui, au même endroit, vivait en Australie jusqu’à sa mort deux ans avant. Comment est-ce possible? Il avait 16 ans, un voyage scolaire à Minsk, avec son meilleur ami, il avait passé des documents à des juifs désireux de fuir l’URSS, il avait laissé son passeport… Trois ans plus tard, en 1989. Paul [Quentin Dolmaire] est étudiant pauvre à Paris, il couche où il peut, en auberge de jeunesse, chez d’autres étudiants, étudie comme un fou pour se faire accepter de la professeur Béhanzin [Eve Doe-Bruce]. Quand il a assez d’argent et qu’il pense que son père ne sera pas là, il rentre en week-end, retrouver Ivan [Raphaël Cohen], Delphine [Lily Taïeb], son cousin Bob [Teo Fernandez], ses copains, dont Kokalvki [Pierre Andrau] qui entame des études de médecine, jusqu’à ce qu’il rencontre Esther [Lou Roy Lecollinet]… lycéenne de 16 ans, qui couche avec tous les garçons du lycée. Commence une folle histoire d’amour…

Mon avis : Mathieu Amalric apparaît peu, mais le costume d’anthropologue lui va bien (cf Jimmy P., ethnologue psychanalyste). Claude Lévy-Strauss devient un auteur à connaître si l’on va voir un film d’Arnaud Desplechin. Comme dans Jimmy P. aussi, il y a en toile de fond la judaïté, le rapport aux religions (le frère catholique mystique, des scènes avec le curé dans l’enfance et l’adolescence, une discussion entre adolescent sur l’athéisme). Les trois souvenirs sont de longueur très inégales : l’enfance et le séjour en Russie doivent faire moins de 30 minutes à eux deux, Esther occupe quasiment la dernière heure et demie. La plus grande partie du film, c’est donc Quentin Dolmaire qui incarne le personnage complexe de Paul en étudiant pauvre sérieux qui ne sait pas comment parler aux filles. En face de lui, Esther / Lou Roy Lecollinet en lycéenne dévergondée, « Marie couche-toi là » comme dit la mère de Bob. Des fêtes futiles dans la grande maison de Roubaix (mais les frère et sœur rangent le lendemain!), des centaines de lettres, des crises de désespoir d’un côté comme de l’autre, d’autres relations pour les deux mais un amour fou entre eux, et la révélation de deux jeunes acteurs! Une petite réserve sur les scènes à Douchanbe. On y entend parler russe, certes, le Tadjikistan est une ancienne république soviétique, plus de la moitié de la population est russe aujourd’hui encore, mais les vieux tadjiks que l’on aperçoit devraient parler le Tadjik, une langue proche du farsi (perse) parlé aussi au nord de l’Afghanistan (oui… j’ai travaillé sur la néolithisation précoce de hautes vallées du Tadjikistan dans un passé lointain…). Mais allez voir ce film sans réserve, il est encore temps de profiter jusqu’à mardi des séances de rattrapage du festival Télérama!

les films que j’ai vus avant le festival, 8 sur 16, c’est pas mal!

– les films que j’ai vus pendant le festival

– les films que je ne verrai pas, ceux qui ne me tentent pas et ceux qui ne passeront pas à Poitiers!

  • Life d’Anton Corbijn
  • Much loved de Nabil Ayouch
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu
  • Phoenix de Christian Petzold
  • Fatima de Philippe Faucon

Jimmy P. d’Arnaud Desplechin

Affiche de Jimmy P. d'Arnaud DesplechinRetour au cinéma avec Jimmy P., psychothérapie d’un Indien des plaines, d’ (de ce réalisateur, revoir Un conte de Noël et Trois souvenirs de ma jeunesse).

Le film : 1948, dans un ranch du Montana. Jimmy Picard (Benicio Del Toro), indien Blackfoot qui a combattu en France à la fin de la Seconde Guerre mondiale, vit chez sa sœur. Il souffre de maux de tête, de surdité partielle et d’hallucinations visuelles. Grâce à un programme réservé aux anciens combattants, elle l’emmène à l’hôpital militaire de Topeka, dans le Kansas, spécialisé dans les maladies du cerveau. Les médecins sont perplexes, posent un diagnostic de schizophrénie, mais décident néanmoins de prendre l’avis de Georges Devereux (), un ethnologue et psychanalyste juif roumain, étudiant à Paris dans les années 1930 et qui vit chichement à New-York après deux ans d’immersion ethnographique chez les Indiens mohaves. Après une phase d’observation, la direction de l’hôpital lui accorde une séance quotidienne, ce sera son seul patient auquel il se lie rapidement…

Mon avis : le film, en anglais, est adapté du livre de Georges Devereux, Psychothérapie d’un Indien des plaines, publié en 1951. Arnaud Desplechin a fait le choix de montrer, en alternance avec les séances de psychanalyses (pas très conventionnelles, d’ailleurs, l’école française de psychanalyse fait savoir à l’hôpital qu’elle ne le recommande pas), les rêves et des scènes de la vie passée de Jimmy Picard (enfance, adolescence, père à 17 ans ayant abandonné la mère et sa fille, guerre), ainsi que quelques scènes du suivi de contre-analyse de Georges Devereux… et ses relations complexes avec son (ex) petite-amie anglaise, Madeleine (Gina McKee), désormais mariée à un autre homme et en partance prochaine pour Paris. L’alternance des scènes intimes (séances de psychanalyse, huis-clos avec Madeleine dans le bungalow) et de grands espaces (rêves et réminiscence de Jimmy Picard) donne un certain rythme au film que j’ai beaucoup aimé.

Pour aller plus loin : Georges Devereux (1908-1985) est le pionnier de l’ethnopsychanalyse, son œuvre se poursuit au sein du Centre Georges Devereux (Université de Paris VIII). Ses archives professionnelles et personnelles sont conservées à l’IMEC (Institut mémoires de l’édition contemporaine), soit 180 boîtes à découvrir dans le fonds Georges Devereux.

Bienvenue chez des ch’tis… un conte de noël

Après Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon, voici un huis-clos chez d’autres ch’tis, sans l’accent, dans une maison bourgeoise de Roubaix : Un conte de Noël d’, l’un des trois films français du dernier festival de Cannes [depuis, du même réalisateur, j’ai aussi vu Jimmy P. et Trois souvenirs de ma jeunesse]. Un film long (2h30), mais je n’ai pas vu le temps passer, avec un joli choix d’acteurs excellents, , Jean-Paul Roussillon, , Anne Consigny, Melvil Poupaud, Emmanuelle Devos et . Pour l’histoire, vous en avez certainement entendu parler. Il y a fort longtemps, le petit Joseph est mort à l’âge de 6 ans d’une maladie génétique rare, une sorte de leucémie. Aujourd’hui, à la veille de noël, sa mère est atteinte de la même maladie et attend un donneur compatible, l’occasion de réunir toute la famille séparée depuis des années suite à de sombres histoires de famille. J’ai beaucoup aimé, mais vous laisse découvrir par vous-mêmes. Ici, il passe en salle d’art et essai, et samedi soir, il y avait beaucoup de monde en dépit du match de foot, je suppose que les fans de foot sont plus rarement fans de cinéma d’art et essai.

Je voudrais cependant vous livrer mes réflexions sur quelques points.

Comme vous le savez peut-être, je suis secrétaire de l’association Valentin APAC, Association des Porteurs d’Anomalies Chromosomiques, membre de la fédération des maladies orphelines, qui organise dans quelques jours sa journée de collecte de dons dite des nez rouges. Alors, si vous en voyez près de chez vous, participez ! Il y a quelques semaines, avec certains membres, j’ai participé à une session de l’école de l’ADN de Poitiers, qui nous a expliqué les différents processus des remaniements chromosomiques. Alors, j’ai été littéralement séduite par une scène du film : de superbes mitoses qui se réalisent sous nos yeux. Si vous voulez voir sur des schémas à quoi ça ressemble, voici les ressources proposées lors de l’école de l’ADN, une mitose sur le site de Jussieu et une autre le mitose en animation flash.

Au-delà, ce site pose un problème d’éthique important. Alors que Joseph était malade, le couple a mis en route un autre bébé, en espérant que celui-ci serait du bon groupe HLA compatible avec l’enfant malade. Dès l’amniocentèse, il s’est révélé que ce n’était pas le cas… et ce sera très lourd pour l’enfant pas encore né, appelé parfois à tort (pas dans le film) comme un bébé médicament, et surtout cause de son rejet, de son absence d’investissement affectif par la mère (Junon / Catherine Deneuve éblouissante). Cet Henri (magistralement interprété par Mathieu Amalric) que l’on découvre dans le film comme un raté, un alcoolique, rejeté et mal-aimé dès son enfance.

Il y aurait plein d’autres petites touches à commenter, la médaille Fields (équivalent du prix Nobel pour les mathématiques, toujours attribuée à un jeune mathématicien, de moins de 35 ans) du mari d’Élisabeth, la schizophrénie de leur fils Yvan, etc.

Il a reçu le prix des auditeurs 2009 du Masque et la plume sur France-Inter, Jean-Paul Roussillon a reçu le César 2009 du meilleur acteur dans un second rôle.

Post-scriptum : merci à tous mes visiteurs, la barre des 10 000 visiteurs uniques (depuis le 3 janvier) pour 23 500 pages vues et presque 200 articles, a été franchie ce matin. Le cinq centième commentaire devrait tomber ce mois-ci, j’enverrai un petit cadeau à celle (et oui, peu de probabilité que ce soit celui, les gars semblent fuir mon blog, mais je ne serai pas sexiste) qui postera ce commentaire. Et je pars ce midi pour Tournus, à un colloque organisé par l’université de Dijon sur les petites villes, retour vers minuit vendredi, et je repars samedi à l’aube pour Niort, à une réunion de l’association des archéologues de Poitou-Charentes. Je vous ai préparé de petits articles pour patienter…

Pour les 15 films du festival Télérama, ils se partagent en quatre catégories :

Ceux que j’ai vus et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au théâtre

Ceux que j’ai ratés et que je vais essayer de voir cette semaine au Dietrich

Ceux que je n’irai pas voir, sauf si vous avez des arguments pour me convaincre d’y aller…

  • À bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson
  • L’heure d’été d’Olivier Assayas
  • Home d’Ursula Meier, finalement vu au Dietrich
  • Into the Wild de Sean Pen
  • Juno de Jason Reitman
  • There will be blood de Paul Thomas Anderson