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Peste et choléra de Patrick Deville

Couverture de Peste et choléra de Patrick Deville Un livre lu chez mon père… Ce livre figurait dans la sélection Télérama des dix meilleurs romans français de la rentrée littéraire 2012. Il a reçu le prix Fémina 2012 et le prix du roman Fnac 2012. J’avais lu l’année dernière du même auteur Kampuchéa et depuis j’ai aussi lu Viva.

Le livre : Peste et choléra de Patrick Deville, éditions du Seuil, 2012, 221 pages, ISBN 9782021077209.

L’histoire : 30 mai 1940. Un homme emprunte ce qui sera le dernier vol Air-France Paris-Hanoï avant longtemps, réservé plus d’un mois avant. Contrairement aux autres passagers, Alexandre Yersin ne fuit pas Paris, il rentre chez lui. En 1885, il a quitté sa Suisse natale et poursuit ses études à Paris, dans l’équipe de Pasteur. Avec Émile Roux, il publie un article sur la toxine diphtérique. Après un passage à Berlin chez Koch, le concurrent de Pasteur (et avec la bénédiction de ce dernier), il découvre la mer à Dieppe lors d’une campagne ant-diphtérique. La mer lui donne des envies de bouger, il s’engage comme médecin embarqué à bord d’un navire, entre Saïgon et Manille puis entre Saïgon et Hanoï. Aux escales, il explore la région et dresse des cartes. Deux ans plus tard, il débarque, poursuit son exploration (et est grièvement blessé), avant de s’établir dans un domaine où il souhaite acclimater diverses plantes (dont l’hévéa, le quinquina) et plus tard élever des animaux pour produire les sérums pour l’institut Pasteur. En 1894, Pasteur le somme d’aller à Hong Kong où sévit le bacille de la peste… Il en découvre en quelques semaines le bacille de la peste (qui prend son nom, Yersinia Pestis) avant les équipes japonaises pilotées à distance par Koch, puis s’en retourne dans son domaine à Nha Trang, tout en entretenant une abondante correspondance avec sa mère et sa sœur, en revenant rarement à Paris, mais en gardant des contacts avec les Pasteuriens. Il fonde un institut pasteur, mais en transmet très vite la direction, il préfère se consacrer à l’acclimatation des plantes, à agrandir son domaine…

Mon avis : un personnage étonnant et passionnant que cet Alexandre Yersin! Comme dans Kampuchéa avec Henri Mouhot, Patrick Deville papillonne, passe d’une époque (1940) à l’autre (de 1883 à 1943), et à nouveau, une carte de l’Asie du Sud-Est, avec les principaux points de chute de Yersin, n’aurait pas été de trop en fin d’ouvrage… c’est qu’il a bénéficié d’un matériau important pour écrire ce livre, avec toutes les lettres écrites par Yersin à sa mère et à sa sœur conservées à l’institut Pasteur à Paris. Le livre est ponctué d’éléments qui devraient nous aider à nous situer dans le temps, la conférence de Berlin pour le partage européen des colonies africaines (1884, mais la date n’est pas dans le livre), le début de l’affaire Dreyfus, les 15 ans de la chute de Sedan, des rencontres littéraires, l’assassinat de Jaurès, de nombreuses références qui ponctuent ce voyage dans la vie de Yersin et de son époque…

Je vous invite aussi à découvrir le travail de Sébastien Laval, qui a photographié les minorités vietnamiennes (et aussi au Cambodge et au Laos), en partie les mêmes que celles photographiées jadis par Yersin, publiées partiellement dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 73 de juillet 2006 et dans le dossier Vietnam du n° 96 d’avril 2012.

Pour rebondir avec des articles sur mon blog:

Louis Pasteur à Dole (monument et maison natale)

Le monument à Louis Pasteur par Alexandre Falguière, avec des vues d’hier et d’aujourd’hui, à Paris (place de Breteuil, à deux pas de l’institut Pasteur de Paris)

La maison natale (lycée) et le buste d’Émile Roux par René Pajot à Confolens

Le monument aux morts annamites de 1914-1918 dans le cimetière de Salonique à Toulouse

La peste à Niort (1603), relief sur une maison de la rue de la Juiverie

Le tome 2, l’Empire, de Petite histoire des colonies françaises, de Grégory Jarry et Otto T., où il est question de la conférence de Berlin de 1884

Kampuchéa, de Patrick Deville, sur Mouhot

Pêcheur d’Islande de Pierre Loti

A défaut de La Peste, L’étranger d’Albert Camus

Brésil, des hommes sont venus… de Blaise Cendrars

Logo rentrée littéraire 2012

Ce livre entre dans le cadre du défi 1% de la rentrée littéraire organisé à nouveau cette année par Hérisson.

 

Petite histoire des colonies françaises, tome 4 : la Françafrique, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 4, la Françafrique, de Jarry et Otto

Après Village toxique et le début de la saga de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. (tome 1, l’Amérique française, tome 2, l’Empire, tome 3, la décolonisation), voici venu le temps de vous parler du quatrième tome de la série…

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 4 : la Françafrique de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2009, non paginé, ISBN 978-2357610248.

L’histoire : dès l’amorce du mouvement de décolonisation, la France a posé ses billes et tenté (et souvent réussi) à imposer des dirigeants africains dans ses anciennes colonies qui ont été formés en France et sont sensibles aux intérêts… des entreprises françaises. Quitte, si cela ne se passe pas comme on le souhaiterait, à envoyer des mercenaires (un chapitre entier sur les « exploits » de Bob Denard) ou des conseillers militaires français, histoire de ne pas perdre de marché… Droite ou gauche au pouvoir, rien ne change…

Mon avis : avec le même humour et le même décalage que dans les tomes précédents, les auteurs dénoncent la Françafrique, ou comment maintenir les anciennes colonies sous la coupe de dirigeants souvent dictateurs mais à la botte des entreprises françaises… qui s’enrichissent sur le dos des populations locales exploitées et spoliées… Elf, la Cogema, Bouygues etc. ont bénéficié du système… et continuent à mettre en coupe réglée ces pays, au profit de leurs seuls intérêts (et de ceux de quelques dirigeants corrompus). Une petite réflexion personnelle : pourquoi ne parle-t-on pas plus des mines d’uranium d’Areva (qui a absorbé la Cogema) en Afrique du Nord et en Afrique centrale, exploitées à bas prix et sans respect de l’environnement ni des ouvriers sous payés et non protégés des radiations…

Petite histoire des colonies françaises, tome 1, l’Amérique, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 1, l'Amérique, de Jarry et Otto

Et voilà, je continue la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. avec le premier tome, consacré à l’Amérique française. Des mêmes auteurs, vous pouvez revoir mon avis sur le tome 2 (l’Empire), le tome 3 (la décolonisation) et le tome 4 (la Françafrique) bientôt, ainsi que sur Village toxique. Ce premier tome avait reçu le prix Tournesol au festival d’Angoulême en 2007.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 1, l’Amérique française de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2010, 60 pages, ISBN 978-2-35761-022-4.

L’histoire : depuis le Moyen-Âge, Français et Anglais se livrent à une rivalité chronique (chapitre 1). A partir de 1560, la Floride est colonisée notamment sous l’impulsion des Protestants, il s’agit aussi pour eux d’avoir une issue de secours pour les guerres de religion qui se profilent (chapitre 2). En 1534, Jacques Cartier pose le pied au Canada (chapitre 3), bientôt suivi par Samuel Champlain, ça se corse entre les Français, les Anglais et leurs différents alliés Indiens. Le chapitre 4 est consacré à la Floride, le suivant aux Antilles (avec l’esclavagisme pour la production sucrière et le commerce triangulaire)… avant d’arriver (chapitre 6) au conflit avec les Anglais, à la vente de la Floride aux Espagnols, à la perte du Québec, à la Révolte de Saint-Domingue, et les territoires toujours colonisés aujourd’hui par la France, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

Mon avis : le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin très stylisé, en noir et blanc sur fond bleuté (dans plusieurs nuances). L’humour est mis au service d’une histoire complexe, survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet.

Pour aller plus loin : Sur la Nouvelle-France, voir notamment, sous la direction de Mickaël Augeron, Dominique Guillemet, Alain Roy et Marc Saint-Hilaire, Sur les traces de la Nouvelle-France en Poitou-Charentes et au Québec, cahier du patrimoine n° 90 (978-2-84561-438-3, chez Geste éditions), dont je vous ai parlé ici (je vous conseille le chapitre sur les Filles du Roi, sujet à peine signalé dans l’album), ou encore Samuel de Champlain, Carnet de voyages au Canada, une bande dessinée du XVIIe siècle interprétée par Patrick Henniquau et Bernard Mounier, avec plusieurs liens dans l’article que je lui ai consacré.

Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation, de Jarry et Otto

Lorsque je vous ai parlé de Village toxique, j’avais promis de vous parler aussi de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Après le tome 2, l’Empire, parce qu’il rentre mieux dans le défi du Printemps arabe que le tome 1, l’Amérique française, voici le 3 en attendant le quatrième sur la Françafrique.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 3, la décolonisation de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2009, non paginé, ISBN 978-2-914553-66-7.

L’histoire : à la veille de la première guerre mondiale, la France possédait un empire colonial de 12 millions de km². Les premières fissures apparaissent après cette guerre qui a coûté la vie à tant de personnes issues des colonies… Premiers soulèvements, premières répressions, la grande exposition coloniale de Paris en 1931… nous amènent à la seconde guerre mondiale et à l’Afrique du Nord comme base avancée en vue des débarquements d’Italie et de Provence… Des promesses d’autonomie avaient été faites, non tenues, et c’est le massacre de Sétif en mai 1945 [l’ouvrage passe sous silence ceux de Guelma et Kherrata]. le deuxième chapitre se déplace en Indochine jusqu’à la chute de Diên Biên Phû, à l’issue de la bataille du 13 mars au 7 mai 1954. Le troisième chapitre est consacré à la guerre d’Algérie et le dernier à la décolonisation du reste de l’empire colonial, à l’exception des dix DOM/TOM.

Mon avis : comme dans les tomes précédents, le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé, qui introduit chaque séquence. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin en noir et blanc sur fond vert (chaque volume a une couleur dominante…). L’histoire est survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet, ce qui est en effet indispensable pour mieux comprendre l’histoire contemporaine…

Logo 2012 du Top BD des blogueurs, nouvelle version Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

La montagne de Jean-Noël Pancrazi

Couverture de La montagne de Jean-Noël Pancrazi Bienvenue en arabe

pioche-en-bib.jpgLe défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya est en principe terminé, mais j’ai encore quelques livres en stock, alors, je poursuis un peu sur ce thème (en alternance avec d’autres livres). J’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : La montagne de Jean-Noël Pancrazi, collection Blanche, éditions Gallimard, 2012, 91 pages, ISBN 978-2070137145.

L’histoire : à Bordj Bou Arréridj, en Algérie, en juin… l’année n’est pas précisée, pendant la guerre d’Algérie [1957, si le récit est strictement autobiographique]. Le narrateur a huit ans, joue avec ses camarades dans la cour d’une minoterie où son père travaille. Le chauffeur de l’entreprise propose d’emmener les enfants faire un tour dans la montagne, le narrateur reste, les six autres ne reviendront pas… ils ont été égorgés, la vie du gamin bascule, entre horreur et retour en métropole, sans son père, qui décide de rester sur place…

Mon avis : un récit court et poignant. Le massacre, bien sûr, mais aussi le paysage à couper le souffle, l’exil des autres familles puis de lui-même avec sa mère, le père qui continue à faire vivre la minoterie avant de devoir à son tour partir après l’indépendance… Une journée qui a modifié le cours de sa vie…

Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l’Empire, de Grégory Jarry et Otto T.

Couverture de Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l'empire, de Jarry et Otto

Bienvenue en arabeLorsque je vous ai parlé de Village toxique, j’avais promis de vous parler aussi de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Je commence par le tome 2, parce qu’il rentre mieux dans le défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya que le tome 1, l’Amérique française. A suivre dans les prochaines semaines les tomes 3 (la décolonisation) et 4 (la Françafrique). La série a fait l’objet d’une exposition lors du festival de la bande dessinée d’Angoulême en 2011, reprise début 2012 à la médiathèque de Poitiers.

Le livre : Petite histoire des colonies françaises, tome 2, l’Empire de Grégory Jarry et Otto T., éditions Flbl, 2007, non paginé, ISBN 978-2-914553-63-6.

L’histoire : en Afrique, en Asie et en Océanie, de 1805 (Trafalgar) à 1914. Après une introduction sur la période de l’Empire (napoléonien), ce volume ouvre par un premier long chapitre consacré à la conquête de l’Algérie, à partir de 1830, puis un second chapitre sur l’Algérie française. Le troisième chapitre s’intéresse au Maroc et à la Tunisie sous protectorat. Suivent ensuite l’Afrique coloniale (chapitre 4), en commençant par le partage de l’Afrique par l’Europe à la conférence de Berlin en 1884 et la présence française en Océanie, y compris l’Indochine (chapitre 5)

Mon avis : le récit est porté par un général de Gaulle très stylisé, qui introduit chaque séquence. Comme les autres livres signés Grégory Jarry et Otto T., nous sommes à la limite de la bande dessinée, avec sur chaque page un bloc de texte qui narre l’histoire et en dessous, une série de vignettes non délimitées par des cases, qui illustrent souvent avec beaucoup d’humour le texte, dans un dessin en noir et blanc sur fond brun. Un dessin très stylisé, les personnages sont représentés avec un gros corps, une petite tête, et une figuration « en fil de fer » du cou, des bras et des jambes. L’humour est mis au service d’une histoire complexe, survolée à grands traits, comme une introduction et une invitation à approfondir le sujet, sans oublier les grandes exactions, les massacres, avec une optique résolument anti-colonialiste et pro-droits de l’Homme.

La meilleure façon de s’aimer de Akli Tadjer

Couverture de La meilleure façon de s'aimer de Akli Tadjer

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé à la médiathèque parmi les nouvelles acquisitions.

Le livre : La meilleure façon de s’aimer de Akli Tadjer, éditions Jean-Claude Lattès, 2012, 284 pages, ISBN 978-2709635257.

L’histoire : de nos jours à Paris et en Algérie au moment de la guerre d’indépendance. Après les attentats du 11 septembre 2001, Saïd a perdu son travail, il vendait des assurances à des arabes… qui avaient un taux de sinistres plus importants et étaient non rentables, d’après son patron… Il change de nom et de prénom, le voici devenu Sergio, pas plus mal non plus pour draguer… A l’hôpital, il retrouve presque chaque jour sa mère, Fatima, qui a été victime d’un accident vasculaire cérébral il y a trois mois. Cette dernière est sortie du comas il y a un bon mois, mais elle est aphasique. Cependant, elle comprend parfaitement ce que disent les gens -dont son fils- qui viennent la voir, sa pensée revient à sa jeunesse en Algérie. Enfant, ses parents ont mis une bombe dans un café à Alger, ils sont morts, elle a été élevée dans un orphelinat catholique. Prise en affection par un couple de colons, ceux-ci fuient à l’indépendance, lui promettant de venir la chercher… Elle finira quand même par venir en France, un mari alcoolique, elle ne veut pas d’enfant, Saïd arrive quand même, mais leurs relations semblent avoir toujours été compliquées…

Mon avis : un beau texte qui alterne le point de vue du fils et de la mère. Un amour compliqué, des amours compliqués, chacun, au fil de leurs souvenirs, racontent leurs histoires d’amour respectives, mais l’amour mère-fils surgira-t-il enfin? Un texte aussi sur la prise en charge de personnes âgées (ou non) victimes d’AVC. Certes, Fatima ne peut pas parler, mais elle n’en est pas pour autant un « légume », quoiqu’en pense une ex de son fils… Elle subit les soins, les réflexions, les remarques qui la rabaissent sans pouvoir s’exprimer… Un texte qui est une belle découverte… Merci aux bibliothécaires de l’avoir acquis et mis en avant dans le rayonnage!

Bienvenue en arabeUn livre qui entre dans le cadre du défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya.

La mémoire mutilée de Mohamed Cherid

Couverture de La mémoire mutilée de Mohamed Cherid Bienvenue en arabe Un livre prêté avec quelques autres (dont je vous parlerai prochainement, avec Une enfance algérienne sous la direction de Leïla Sebbar, Les honneurs perdus de Calixthe Beyala et Surtout ne te retourne pas de Maïssa Bey, et vous montrerai le marque-page fleuri qui a accompagné leur retour) par une amie quand elle a vu que je participai au défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya… Elle se reconnaîtra… et je lui souhaite bon courage dans la réparation de sa fracture… Les béquilles ne seront bientôt qu’un lointain souvenir…

Le livre : La mémoire mutilée de Mohamed Cherid, éditions Edilivre, 2008, 156 pages, ISBN 9782812102882.

L’histoire : à Fodda (dans la wilaya de Chlef en Algérie) et dans ses environs, disons des années 1930 à après 1980, il y a assez peu de repères chronologiques, les tremblements de terre de 1954 et 1980, la période coloniale, la guerre de libération (mais pas la période noire des attentats des années 1990). Alors que son grand-père vient de mourir, le narrateur se souvient des événements qui ont marqué la vie de sa famille, mariages, enterrements, maladies, naissances, mais aussi les études, leur abandon. En tant qu’aîné, il fallait aider la famille à vivre, il est devenu instituteur après une brève formation pendant un été…

Mon avis : un beau texte, avec même un poème intercalé à la fin du chapitre 6. Le récit ne se fait pas dans l’ordre chronologique, mais dans celui de la mémoire du narrateur, qui les restitue dans le désordre… La guerre de libération (plaçons nous du côté du colonisé, pour une fois…) est surtout vue à travers des faits de petite et grande résistance au quotidien, comme cette femme qui fait passer des fonds en scotchant les billets dans les langes d’un bébé… L’indépendance, proclamée le 5 juillet 1962, est assez peu évoquée, il est même parfois difficile de savoir si l’on se place avant ou après cette date. De la période après l’indépendance ne se distingue vraiment que le tremblement de terre de 1980 et ses destructions.

Sinon, à nouveau, un livre avec beaucoup trop de coquilles qui rendent parfois la lecture incompréhensible ou qui la ralentissent, avec le sens de la phrase qui n’apparaît pas au premier abord… Ainsi, systématiquement, il y a « prés » pour « près », « dés » pour dès ». Quelques autres exemples au fil des pages:
– page 86 : « j’étais le premier enfant a été [pour: à être] scolarisé »;
– page 103 : « très préoccupé pas [pour: par] l’état de santé »;
– page 123 : « les brèches par lesquelles pénétraient [pour: pénétrait] l’eau ».

Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle

Couverture de Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle pioche-en-bib.jpgBienvenue en arabeJe vous ai parlé des Chroniques birmanes, de Pyongyang et de Shenzhen de Guy Delisle. La suite des aventures, cette fois à Jérusalem, a obtenu le prix du meilleur album au festival international de la bande dessinée d’Angoulême, j’ai mis un certain temps à l’avoir à la médiathèque (dans une annexe). Une lecture qui entre dans le cadre du défi sur le monde arabe organisé par Schlabaya.

Le livre : Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle, collection Shampooing, éditions Delcourt, 2011, 334 pages, ISBN 978-2756025698.

L’histoire : à partir d’août 2008, à Jérusalem où Nadège, la compagne de Guy Delisle est envoyée pour un an par médecins sans frontière comme logisticienne, Guy l’accompagne bien sûr, avec leurs deux enfants. Ils logent à Jérusalem-est, dans le quartier arabe. Guy Delisle découvre au fil des jours le pays, sa complexité, les colonies, le mur de séparation, les check-points, les lieux saints des trois religions (judaïsme, christianisme et islam et toutes leurs variantes), réussit à aller dans les territoires occupés (enfin, dans certains), rencontre des étudiants en beaux-arts, s’échappe quelques jours en Europe pour un festival et subit de grandes difficultés à l’embarquement au retour…

Mon avis : la complexité d’Israël et de la Palestine vues au fil des mois, sur un an en 2008-2009, les territoires occupés, le mur de séparation, les jours de fermetures et de fêtes qui varient pour les trois religions, le tout avec des dessins et par petites touches, le plus en plus engagé au fil des pages dans la condamnation du mur de séparation, des check-points, de la limitation de circulation des Palestiniens mais aussi des Arabes israéliens (dont une partie sont chrétiens…), des colonies, des spoliations… Mais au final, j’ai préféré les épisodes précédents, Chroniques birmanes et de Pyongyang.

Pour aller plus loin : voir la page Jérusalem sur le site de Guy Delisle.

Les sauvages de Lucie Lomova

Couverture de Les sauvages de Lucie Lomova

pioche-en-bib.jpg Logo BD for Women

Le château de Schönbrünn à Vienne en Autriche en 1993, 2, de plus près

Il y a quelques mois, j’avais lu un premier album de cette auteure tchèque, Anna en cavale pour le mois de l’Europe centrale organisé par Schlabaya, j’en ai emprunté un autre à la médiathèque.

Le livre : Les sauvages de Lucie Lomová (dessin et scénario), traduit du tchèque par Marianne Canavaggio, collection traits féminins, éditions de l’an 2, 2011, 152 pages, ISBN 978-2742796472. Avec une postface de Yvonna Fricova, l’épouse du petit-fils d’Alberto Fric.

L’histoire : juillet 1908, sur les rives du fleuve Paraguay. Alberto Vojtech Fric, sur le point de rentrer en Europe, découvre que la tribu des Chamacoco est décimée par un mal étrange et mortel. Après une cérémonie d’initiation, il n’arrive pas à découvrir l’origine de la maladie. Il décide d’emmener avec lui un de ces jeunes indiens, Tcherwuish. Après de péripéties (difficultés pour l’accès au bateau et à l’hôtel), ni le médecin qu’il rencontre à Asunción ni celui de Buenos Aires ne trouve la cause de cette maladie… Fric décide alors de l’amener avec lui en Europe, à Vienne puis à Prague. Là, le jeune Fric doit essayer de vendre les collections qu’ils rapportent et des conférences pour vivre, Tcherwuish découvre l’Europe, les railleries, la méfiance, le racisme ordinaire… Un jeune médecin trouve l’origine de sa maladie, un parasite. Le temps passe, pas facile de réunir les fonds pour le voyage retour… Retourneront-ils en Amérique-du-Sud?

Mon avis : ce récit est basé sur une histoire vraie, racontée par une descendante en postface du livre. Il raconte, sans doute mieux que l’exposition Exhibitions au musée du Quai Branly à Paris, le rapport ambigu, dans l’Europe des années 1910 à 1930, de l’Européen et de « l’autre ». Même si Fric présente Cherwuish comme son ami, celui-ci reste un « bon sauvage », qui ne connaît pas les codes de la vie à Prague (où en plus monte le nazisme)… Quand il se « déguise en indien », les conférences attirent les foules… Mais quand il va rentrer chez lui, ça sera aussi l’incompréhension de ceux qui sont restés et pour qui il est aussi devenu un étranger… Une belle histoire, bien illustrée, et qui peut aussi faire réfléchir…

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