Archives de catégorie : Cinéma

Les films que j’ai vus au cinéma ces dernières années.

Une famille respectable de Massoud Bakhshi

Affiche de Une famille respectable de Massoud Bakhshi

Après Dans la maison de François Ozon et Amour de Michael Haneke, je suis allée voir ce week-end Une famille respectable de Massoud Bakhshi.

Le film : de nos jours à Téhéran. Alors qu’il est dans un taxi pour l’aéroport et rentrer en France où il a fait ses études et où il vit habituellement, Arash (Babak Hamidian), un universitaire, est enlevé. Retour quelques semaines en arrière. Il vient de passer un semestre à l’université de Chiraz où vit sa mère (Ahoo Kheradmand) pour monter un séminaire intitulé Iran, 3.000 ans de guerre. A l’invitation de son neveu Hamed (Mehrdad Sedighian), il accepte de retourner voir à Téhéran son père mourant qu’il n’a pas vu depuis 22 ans… Retour sur la guerre avec l’Irak, en 1981. Sa mère s’était aperçu que son mari détournait à son profit une partie des vivres destinés à la population. A la mort de son frère Amir, son père a installé chez eux sa deuxième femme et le demi-frère de Arash, Jafar (Mehran Ahmadi pour le rôle adulte), alors que la mère partait vivre chez sa tante avec le petit Arash à Chiraz. Aujourd’hui, c’est l’avenir de la fortune familiale, construite sur cet accaparement et sur l’exploitation du « martyre » d’Amir, qui est en jeu..

Mon avis : décidément, le cinéma (voir les enfants de Belle Ville et Une séparation de Asghar Farhadi) et la littérature (voir Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann) iraniens sont créatifs ces derniers mois, même si la répression y reste effroyable (mort en prison le 10 juin 2011 du journaliste iranien Reza Hoda Saber). S’ils doivent composer avec la censure ou s’exiler, les réalisateurs réussissent à aborder des sujets graves liés à la famille et au passé récent de leur pays avec la Révolution et la guerre Iran-Irak. Ici encore, c’est de la femme (la mère d’Arash) que naît l’espoir : elle refuse le détournement des vivres par son mari, elle refuse de toucher à l’argent qu’il veut lui léguer. Il montre aussi le décalage entre les exilés (Arash a quitté depuis longtemps son pays et ne le comprend plus) et ceux qui sont restés au pays, l’idéal de liberté et les compromissions, la corruption. L’omniprésence de la police politique, la soi-disant liberté de donner un séminaire… mais les hommes de main qui viennent reprendre les documents aux étudiants avant qu’ils ne puissent les lire.

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Massoud Bakhshi.

Amour, de Michael Haneke

Affiche de Amour de Michael Haneke Week-end pourri, week-end cinéma! Après Dans la maison de François Ozon, je suis allée voir Amour de Michael Haneke (palme d’or à Cannes en 2012, revoir mon avis sur Le ruban blanc) puis Une famille respectable de Massoud Bakhshi. Je vous parle aujourd’hui du plus poignant…

Le film : à Paris de nos jours. La police et les pompiers entrent dans un appartement d’où s’échappe une odeur infernale… Dans une chambre, ils découvrent une vieille dame morte, joliment habillée et entourée de fleurs… Retour quelques mois en arrière. Au théâtre des Champs-Elysées, un couple âgé, Georges (Jean-Louis Trintignant) et Anne (Emmanuelle Riva), assistent au concert de leur ancien élève de piano, Alexandre (Alexandre Tharaud). Le lendemain, au petit déjeuner, Anne a une absence… il s’agit en fait d’un accident vasculaire cérébral. Bien qu’opérée, elle revient chez elle paralysée d’un côté. Elle fait promettre à Georges de ne jamais la renvoyer à l’hôpital. Leur fille, Eva (Isabelle Huppert), également musicienne et vivant à l’étranger, a du mal à comprendre leur décision. Au fil des mois, Georges s’occupe avec tendresse de sa femme dont l’état se dégrade peu à peu…

Mon avis : un grand silence a accompagné la fin du film, chacun prolongeant l’instant d’émotion avant de sortir de la salle… Deux acteurs sublimes, Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, au service d’un lent développement autour de la fin de vie et de la déchéance physique puis psychique, un couple fusionnel, qui semble avoir toujours tout fait ensemble. Une performance encore plus pour Emmanuelle Riva, dont la transformation physique au fil du film est d’un tragique réalisme… Une grande prouesse pour deux acteurs âgés qui ont accepté de jouer un rôle qu’ils craignent sans doute pour eux-mêmes ou leurs proches. Un film terrible à verser à la réflexion sur la fin de vie et de la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Et quelques remarques audacieuses, de celles que l’on n’ose pas dire tout haut, comme celle-ci: non, toutes les infirmières ne sont pas dévouées, certaines peuvent être brusques, incompétentes, sans compassion. Comment peut-on forcer une femme qui ne supporte pas l’évolution de son corps à se regarder dans le miroir pour voir comment elle l’a coiffée… sans ménagement en tirant sur les nœuds? Oui, il y a des soignants formidables, comme l’autre infirmière, le médecin, que l’on ne voit jamais mais réussi à faire organiser la vie du couple à domicile… trop longtemps peut-être, en ne sachant pas arrêter à temps l’aidant épuisé et en hospitalisant malgré tout sa femme. Un film terrible mais très beau, à voir si vous avez le moral…

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev

Dans la maison de François Ozon

Affiche de Dans la maison de François Ozon Quelques fidèles lecteurs attendent mon article sur Poitiers le dimanche à midi… il n’y en aura pas cette semaine, week-end pourri, week-end cinéma! J’ai vu Dans la maison de François Ozon, Amour de Michael Haneke et je verrai en fin d’après-midi Une famille respectable de Massoud Bakhshi. Je vous parle aujourd’hui du plus léger, paru le plus anciennement, il risque donc de disparaître bientôt des affiches… Pour ceux qui attendaient un article sur Poitiers, j’aborderai demain un sujet poitevin en rebond sur le dernier livre de Boris Cyrulnik (Sauve-toi, la vie t’appelle)… [depuis, j’ai aussi vu Une nouvelle amie, Ricky, Frantz de François Ozon].

Le film : de nos jours dans un lycée de banlieue (quelle banlieue, d’ailleurs?). C’est la rentrée scolaire, le lycée expérimente un retour aux uniformes, et Germain Germain (Fabrice Luchini), professeur de français désabusé, hérite d’une seconde où la plupart des élèves ne peuvent pas aligner plus de deux phrases pour parler de leur week-end. Mais voilà que se détache une copie bien écrite, bien construite, par Claude (Ernst Umhauer). Il partage la copie avec sa compagne, Jeanne (Kristin Scott Thomas), galeriste menacée d’expulsion par deux vieilles filles jumelles, nouvelles propriétaires qui ne comprennent pas son « commerce » (il faut dire que l’exposition en cours, sur le sexe et les totalitarismes n’a rien pour les rassurer…). Claude annonce la suite à venir à la fin de sa copie… Au fil des épisodes, il entre dans la maison de l’un de ses camarades, Rafa/Raphaël (Bastien Ughetto), mère au foyer (Esther / Emmanuelle Seigner), père (Raphaël comme son fils / Denis Ménochet)  fan de basket et représentant dans une entreprise qui travaille avec la Chine. De copies en cours particuliers, Germain se laisse embarquer dans une histoire qui finit par le dépasser…

Mon avis : je n’avais plus vu de film de François Ozon depuis le ridicule poulet (pardon bébé aux ailes de poulet) de Ricky… j’avais boudé les suivants. j’y suis allée pour… Fabrice Luchini (revoir mes avis sur Paris de Klapisch, La fille de Monaco de Anne Fontaine), et je n’ai pas été déçue (même si les apparitions de ce dernier en voyeur dans la maison des Rafa frôle à nouveau le ridicule). Nous avons à nouveau un film sur la vie de la famille, en parallèle à la relation prof/élève (oups, apprenant, pas élève, dans le nouveau jargon de l’éducation nationale…). J’ai passé un très bon moment avec un Fabrice Lucchini très brillant et un jeune acteur (Ernst Umhauer) très prometteur dans le rôle de l’élève. Un scénario pas très original a priori, avec l’évolution de l’éducation nationale, les relations profs/élèves, le fonctionnement d’une famille « normale », mais au fil des minutes, on finit par se demander où est la limite entre réalité et fiction, le film et le récit, le récit des rédactions s’inspire-t-il de la réalité ou entre-t-on dans le fantasme ou la littérature??? Si vous ne savez pas quoi faire par ce dimanche pluvieux (en tout cas, ici à Poitiers, il pleut depuis jeudi matin), n’hésitez pas à aller le voir au cinéma!

Pour aller plus loin : le site officiel du cinéaste François Ozon.

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev

Les moissons du futur demain sur Arte

Pochette du DVD les moissons du futur de Marie-Monique Robin A ne pas rater demain 16 octobre 2012 sur Arte, à 16h55 et à 20h50, les Moissons du futur réalisé par Marie-Monique Robin (qui a déjà produit le monde selon Monsanto et Notre poison quotidien sur les pesticides), suivi d’un débat. J’ai raté il y a quinze jours l’avant-première lors de l’écofestival de Parthenay, mais en ai beaucoup entendu parler. Il sera question de l’agroécologie, dont Olivier De Schutter rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation à l’ONU a affirmé le 8 mars 2011 (quelques jours avant Fukushima…) que c’était le seul modèle agricole viable sur le long terme… Il en a été déjà question dans tous Cobayes de Jean-Paul Jaud (toujours projeté dans quelques salles d’art et essai). Vers la fin du modèle agricole dominant à la sauce pesticides (et OGM tolérants aux pesticides)??? En attendant, certains agriculteurs commencent à se convertir… plus par peur des maladies (ils ont plus de cancers, de problèmes de reproduction, de puberté précoce chez leurs fillettes, etc.) que par réelle conviction pour certains, mais c’est déjà ça…

Un livre aussi (aux éditions de la découverte) et un DVD dans quelques jours…

Tous cobayes de Jean-Paul Jaud

Affiche de Tous cobayes de Jean-Paul Jaud

Vendredi dernier avait lieu à Poitiers une séance spéciale de Tous Cobayes de Jean-Paul Jaud, en présence du réalisateur et de quelques acteurs régionaux présents dans le film :

– Benoît Biteau, ingénieur agronome, conservateur du patrimoine, conseiller régional… et agriculteur bio en Charente-Maritime (voir une présentation complète avec le procès en appel des faucheurs volontaires à Poitiers et l’aventure de la reconversion de l’exploitation agricole de ses parents sur son site, voir aussi des vidéos ici)

– le père Gourrier, curé (engagé) de l’église Saint-Porchaire à Poitiers (il est aussi chroniqueur dans une émission humoristique sur une grande chaîne de radio nationale… que je n’écoute jamais)

– Bruno Joly, agriculteur en cours de conversion bio à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers, qui a redécouvert il y a quelques années les semences paysannes (ici de maïs et de blé « population »), celles que le précédent gouvernement souhaitait taxer parce qu’elles échappent au paiement des semences aux groupes internationaux de vendeur de semences et de produits chimiques… Voir le réseau Inpact, initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale.

Le film (présentation officielle du site J+B séquence, producteur du film :  » Comment se fait-il que les OGM agricoles soient dans les champs et dans les assiettes alors qu’ils n’ont été testés que pendant trois mois sur des rats ? Comment se fait-il que l’énergie nucléaire soit toujours l’énergie du futur alors que les hommes ont vécu Tchernobyl et Fukushima? Les conclusions seraient-elles accablantes ? OGM, Nucléaire : L’homme s’est approprié ces technologies sans faire de tests sanitaires ni environnementaux approfondis alors que la contamination irréversible du vivant est réelle. Serions-nous tous des cobayes ?« .

Mon avis : Jean-Paul Jaud a filmé dans le plus grand secret l’expérience menée pendant deux ans par le professeur Gilles-Eric Séralini sur les effets d’un OGM de maïs (qui lui permet d’être tolérant au roundup) sur les rats… Vous en avez forcément entendu parler ces derniers mois et Monsanto a déjà contre-attaqué en essayant de discréditer cette étude… Alors qu’au siège de l’ONU à Genève, Olivier De Schutter rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation venait le 8 mars 2011 de conclure que le seul modèle agricole viable sur le long terme était l’agroécologie (voir ici, désolée, je n’ai trouvé que la version officielle résumée en anglais, le lien dans le pdf vers la version intégrale multilingue ne fonctionne plus), le tsunami a entraîné trois jours plus tard la destruction de la centrale nucléaire de Fukushima… Dans les deux cas, la folie des hommes (manipulation du vivant pour les OGM, radiations pour des millénaires pour le nucléaire) entraîne des conséquences irréversibles et à long terme… Un public « acquis à la cause », et pourtant, une de mes voisines de fauteuil, d’un certain âge, a découvert seulement ce jour là qu’on était passé à deux doigts de la catastrophe nucléaire au Blayais lors de la tempête de 1999 (la tempête a submergé les installations, l’évacuation de Bordeaux a sérieusement été envisagée)… Ce n’est pas dans le film, mais presque 13 ans après, les travaux de rehaussement de la route d’accès à cette centrale ne sont toujours pas correctement réalisés, comme l’a montré le rapport post-Fukushima. Un film à voir absolument, à faire connaître, en attendant la sortie officielle en librairie du livre du professeur Gilles-Eric Séralini.

Pour aller plus loin :

 

– dimanche 7 octobre 2012 à Vivonne (Vienne) : cinquième fête des cueilleurs de biodiversité, participez à la récolte et à la sélection du maïs population à la ferme de Vaumartin, plus de renseignements sur le site du réseau des semences paysannes [je cherche une possibilité de co-voiturage pour y aller, la gare de Vivonne est un peu loin].

– économisez l’énergie [j’en suis à moins de 180€ par an d’électricité et 80€ de gaz, surtout de l’abonnement à ce niveau, hors chauffage et eau-chaude, collectifs, mais avec une très faible consommation en mètres-cubes].

Si vous voulez allez plus loin dans la démarche et si ce fournisseur est disponible chez vous, changez de fournisseur d’électricité et choisissez Enercoop (recommandé par Jean-Paul Jaud) et arrêtez de financer les centrales nucléaires (enfin, ça sera toujours le contribuable qui paiera le stockage des déchets voire le démantèlement des centrales). 15 à 25% plus cher (d’après le devis que j’ai fait faire), l’engagement à un coût… que je n’ai pas encore franchi [PS : que j’ai franchi au 1er janvier 2013].

 

– mangez bio si vous le pouvez, au moins, vous éviterez les pesticides (revoir dans Severn, Nos enfants nous accuseront les dégâts sur les agriculteurs) et vous pourrez même tester certaines recettes avec des épluchures . Vous serez aussi certain de ne pas manger du poulet ou du bœuf nourri aux maïs et soja OGM, en élevage conventionnel, ce type de nourriture est devenu habituel… voir ici une comparaison du prix du poulet.

le 16 octobre 2012, ne ratez pas sur Arte le reportage de Marie-Monique Robin (présenté le week-end dernier en avant première à l’écofestival de Parthenay) et achetez son livre… Les moissons du future, comment l’agroécologie peut nourrir le monde.
Civaux, dessin humoristique sur le silicone de la centrale
PS: je reviens très vite vous parler à nouveau de ma centrale nucléaire préférée (Civaux), construite sur le karst, ses problèmes avec la sécheresse, avec une petite crue de la Vienne (et une promenade imprévue de carburant radioactif), une fuite de tritium en janvier 2012, la suite de cette fuite (février 2012)…

La Vierge, les coptes et moi de Namir Abdel Messeeh

Affiche de La Vierge, les coptes et moi de Namir Abdel Messeeh Mes fidèles lecteurs attendaient aujourd’hui, puisque nous sommes jeudi, un article sur Poitou-Charentes… J’ai reporté l’article programmé pour vous parler d’un film que j’ai vu hier soir et que je vous conseille d’aller voir tant qu’il est encore à l’affiche, La Vierge, les coptes et moi, de Namir Abdel Messeeh.

Pour ceux qui voudraient vraiment du Poitou-Charentes, je vous invite à relire mon article sur le miracle de l’apparition de la croix à Migné-Auxances avant de lire la suite…

Le film : à Paris, au Caire puis à Assiout en Haute-Égypte et dans le village de sa mère, non loin de là, de nos jours. Namir est né en France, de parents émigrés coptes, croyants mais non pratiquants. Il est sceptique quant aux apparitions de la Vierge en Égypte ces cinquante dernières années, et décide d’aller faire un reportage sur place, pour trouver des témoins de l’apparition de la Vierge en 1968 à Zeitoun, un quartier du Caire. Mais rien ne se passe comme prévu, impossible de trouver des témoins, refus des religieux coptes de l’aider, son producteur menace de le lâcher. Il décide d’aller assister au pèlerinage de la Vierge à Assiout, puis dans le village natal de sa mère, malgré l’interdiction que lui en a fait sa mère… Finalement, après le retrait du producteur, sa mère décide de l’aider et revient avec lui au village… où Namir décide de mettre en scène une fiction avec les habitants du village, une reconstitution de l’apparition de la Vierge.

Mon avis : j’avais entendu il y a déjà un petit moment l’interview de Namir Abdel Messeeh dans l’émission Cosmopolitaine de Paula Jacques sur France Inter (à réécouter par le lien précédent), enfin, du réalisateur… et de sa mère, qui s’était invitée à l’émission… J’étais restée un peu sceptique sur ce film, puis j’ai lu de bonnes critiques, alors, quand j’ai vu que le réalisateur serait présent à la projection d’hier, précédée du court-métrage Urgent cause départ, présenté en 2001 aux rencontres Henri-Langlois et suivie d’un débat animé par Jean-Claude Rullier (service d’éducation au cinéma à Poitou-Charentes Cinéma), j’ai réservé ma soirée pour l’occasion…

Ce film est très différent par son propos, il mêle documentaire et fiction, à moins que ce ne soit un documentaire sur le montage d’une fiction? Le réalisateur réussi ce tour de force de faire de sa mère l’un des personnages du film… à son insu (même s’il n’a pas caché sa caméra), à ce sujet, je vous invite à écouter l’interview dans l’émission Cosmopolitaine, après avoir vu le film, je comprends mieux… Il y a un peu de tout dans ce film (relations des Coptes et des Musulmans, sans aucune polémique, relation des Cairotes et de la Haute-Egypte, relations à la mère, aux racines, etc.), mais surtout beaucoup d’humour! La salle était franchement détendue, Namir Abdel Messeeh a répondu à toutes les questions avec gentillesse… Vraiment, si le film passe encore dans une salle d’art et essai près de chez vous, allez-y, et vite, avant qu’il ne soit plus programmé…

Encore un mot, j’ai adoré la musique du film écrite et jouée par Vincent Segal, un artiste que j’avais découvert en 2010 avec Chamber Music, de Ballaké Sissoko (le malien avec sa kora à vingt et une cordes) et Vincent Segal (le français au violoncelle), dans ma 2010-2011 au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, et dont j’essaye de suivre depuis la production très variée…

PS: comme le souligne en commentaire Philippe de Tout Poitiers, Vincent Segal sera à Poitiers ce samedi 22 septembre 2012, aux restaurant des Archives rue Édouard Grimault (je n’y serai pas, préparation de la journée des associations de Poitiers oblige)

Les enfants de Belle Ville de Asghar Farhadi

Affiche des enfants de Belle Ville de Asghar Farhadi Je suis allée voir Les enfants de Belle Ville de , un film réalisé en 2004 mais qui n’avait pas trouvé de distributeur, et qui sort grâce au succès l’année dernière de Une séparation (depuis, j’ai aussi vu Le passé et Le client). Et sur un sujet finalement assez voisin, également sur l’Iran, n’hésitez pas à lire Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann.

Le film : à Téhéran en Iran de nos jours (enfin, il y a dix ans…). Dans le quartier de Belle Ville, un centre de détention pour mineurs. Akbar (Hossein Farzi-Zadeh) y est enfermé depuis deux ans pour le meurtre de sa petite amie, qui devait s’accompagner aussi de son suicide: il ne supportait pas le mariage forcé annoncé de celle-ci avec un autre. Aujourd’hui, il a dix-huit ans, il est transféré vers un centre pour adultes et peut désormais être exécuté… Il ne pourrait être gracié que si les parents de la victime lui accordent le pardon. Avec l’aide du chef de détention pour mineurs (Farhad Ghaiemian), son ami, Ala (Babak Ansari), sort de prison et va rencontrer Firoozeh, la sœur d’Akbar (Taraneh Allidousti). Un seul objectif, réussir à obtenir le pardon du père (Faramarz Gharibian)… et trouver l’argent pour le rachat du sang de la victime.

Mon avis : un très beau film, qui montre la complexité de la loi islamique: Akbar a tué une fille, le prix d’un homme étant de deux fois celui d’une femme, le père de la victime doit payer la différence à la famille de l’assassin… Cette même famille, si elle peut obtenir le pardon du père de la victime, doit aussi s’acquitter du prix du sang (en l’occurrence, la seconde épouse du père accepterait la somme qui couvrirait l’opération de sa fille gravement handicapée). Et l’imam (excellent!) essaye de justifier la justice de cette loi islamique, tout en expliquant au père que Dieu est favorable au pardon. Les acteurs sont excellents, le scénario nous amène à réfléchir sur la complexité de la loi islamique et les bonnes raisons de chacune des parties prenantes, la photographie est superbe… Un film à voir absolument, dont on ne sort pas indemne…

Les femmes du bus 678

Affiche de Les femmes du bus 678 Dimanche, milieu d’après-midi, un vent frisquet se lève, les nuages reviennent à vitesse grand V, je fuis le jardin. Cinéma en fin d’après-midi, avec Les femmes du bus 678,de Mohamed Diab. Il est inspiré d’une histoire vraie.

Le film : Le Caire, en 2008 et 2009. Fayza (Bushra Rozza), jeune femme voilée, mère de deux enfants, arrive régulièrement en retard à son travail, elle devrait prendre le bus mais ne supporte plus les mains baladeuses d’hommes qui ne prennent le bus que pour profiter de la promiscuité pour agresser impunément des femmes. Tout juste déposée par son ami devant chez sa mère, en traversant la rue, Nelly (Nahed El Sebaï) se fait accrocher par un automobiliste qui l’agresse en pleine rue. Emmenée par son mari médecin à un match de foot, Seba (Nelly Karim) est victime à la sortie du match d’une tentative de viol. Chacune finit par se révolter, leurs destins se croiser, l’une en donnant des cours gratuits d’auto-défense, la deuxième en portant plainte (la première en Égypte à vouloir aller jusqu’au bout, malgré le qu’en-dira-t-on et les pressions sociales et familiales), la troisième en passant à l’acte et en réagissant à la violence par la violence… L’inspecteur Essam va tenter de les aider à sa manière…

Mon avis : ce film s’inspire de l’histoire de Noha Rochdi, première victime d’agression à avoir été reconnue par la justice égyptienne, en 2008. Le film est sorti en 2010, avant le Printemps arabe donc. Mais la situation ne s’est pas améliorée depuis, les viols en marge des manifestations au Caire ont été nombreux… et souvent impunis. Ce film aborde la place de la femme, ou plutôt des femmes et de leur diversité, dans la société égyptienne. Quel que soit leur milieu social, toutes semblent victimes du comportement d’hommes frustrés et qui se croient tout permis… Quelques notes d’espoir quand même, malgré la pression familiale, le fiancé de Nelly finit par la soutenir dans sa lutte. L’inspecteur de police tente d’aider ces femmes: des hommes ont reçu des coups d’épingles à cheveux et de canif dans leurs parties intimes? Il les avertit qu’il n’est pas dupe et qu’ils n’étaient pas victimes de folles, mais d’un « juste » retour des choses… Aucun ne porte plainte, les femmes ne seront pas inquiétées… Ceci étant, l’évolution de la société risque de prendre du temps, les femmes continuent à être importunées dans les transports en commun, violées dans les rassemblements, en marge de manifestations ou de matchs, les poursuites restent rares, le poids de la société qui protège ces comportements reste trop lourd… Espérons que ce film aidera au moins à la prise de conscience du problème, sinon à sa résolution… A voir si vous le pouvez (distribution essentiellement en salles d’art et essai).

Couleur de peau miel, le film

Affiche du film couleur de peau miel J’avais beaucoup aimé les deux tomes de la bande dessinée (revoir mes avis sur le tome 1 et le tome 2 puis le tome 3 après le film), je ne pouvais pas rater le film d’animation (coupé par des images du premier voyage de Jung en Corée et des images amateur de sa famille d’adoption), surtout qu’il y avait une séance spéciale au théâtre de Poitiers en présence de Jung et du réalisateur Laurent Boileau, séance organisée avec la librairie spécialisée en bandes dessinées, Bulles d’encre, l’association enfance et famille d’adoption 86 et Poitou-Charentes Cinéma.Le film a reçu le prix du public et le prix de l’Unicef au festival du film d’animation d’Annecy en 2012.

Le film : (reprise du résumé que j’avais rédigé pour la bande dessinée): 2007, en Belgique. Jung décide de partir à la recherche de ses origines. Retour en arrière, à Séoul, à la fin des années 1960, donc bien après la séparation des deux Corées. Jun Jung-sik, 5 ans, erre dans les rues, chaparde pour vivre quand un policier l’attrape et l’emmène au Holt, un grand orphelinat américain où il va rester que 2 mois, matricule 8015, couleur de peau : miel. Les enfants semblent tous trouver très vite des parents d’adoption et se dispersent aux quatre coin du monde. Jung arrive dans une famille belge, où il y a déjà quatre enfants. Une éducation sévère, une mère qui ne semble pas l’aimer, les jeux avec ses frère et sœurs, l’arrivée à l’école, les copains, les bêtises, toute une enfance avec en arrière plan l’image de cette mère qui l’a abandonnée…

Mon avis : j’ai trouvé le film beaucoup plus apaisé que la bande dessinée. C’est peut-être l’effet de la voix off, écrite par Jung à la première personne et dite par un acteur. Certes, la mère adoptive reste un personnage complexe, qui a du mal à exprimer son amour, mais c’est la même chose avec ses quatre autres enfants naturels, peut-être moins avec la petite dernière, également adoptée en Corée, il ne faut pas oublier que la Corée du Sud a envoyé à l’adoption internationale 200.000 enfants. La vie à l’orphelinat et sa découverte errant dans les rues me semblent évoqués plus rapidement que dans la bande dessinée, mais il y a ici aussi le retour et la confrontation à un dossier quasiment vide à l’orphelinat, rien n’est même sûr, ni le nom, ni la date de naissance… Les bêtises de l’enfance, la recherche de l’identité pendant l’adolescence, le refuge dans le dessin sont bien rendus (mais il n’y a pas le voyage au Japon qui était dans la bande dessinée, ni le cancer de Valérie, sa sœur adoptée…). Un film à voir absolument, et deux albums à (re)lire, en attendant le troisième tome annoncé pour l’année prochaine.

L’Enfant d’en haut d’Ursula Meier

Affiche de L'Enfant d'en haut d'Ursula Meier Deux gros mois sans cinéma, ça ne pouvait pas durer… Le cinéma, si on n’y va pas pendant une semaine ou deux, on ne voit pas de présentation et on y va de moins en moins… Après avoir lu et entendu plusieurs critiques sur ce film, je suis allée le voir, même si j’avais eu du mal avec le précédent film d’Ursula Meyer, Home, vu dans le cadre du festival télérama 2009.

Le film : dans les Alpes suisses, de nos jours. Simon (Kacey Mottet Klein), 12 ans, habite dans un HLM dans la vallée avec sa sœur, Louise (Léa Seydoux), plus ou moins présente entre deux aventures masculines, plus ou moins sans travail… Alors Simon prend régulièrement la télécabine pour se rendre dans la station huppée au-dessus… Là, anorak et sac à dos, chaussures de ski au pied, il profite de la négligence des riches touristes pour voler de quoi déjeuner, des lunettes de soleil, des casques, des skis… Il revend aux gamins de son quartier, aux saisonniers, au bord de la route, et organise un trafic de skis avec l’un des saisonniers du resto d’altitude. Un trafic qui prend de plus en plus d’ampleur, c’est désormais lui qui permet à sa sœur de vivre…

Mon avis : ça serait bien si les saisons étaient respectées dans les films… Apercevoir en début de film des feuilles d’arbre en train de sortir alors qu’on est en début de saison de ski, ça me gène… un détail, me direz-vous, mais cela arrive de plus en plus souvent au cinéma… J’avais eu le même problème il y a quelques mois avec Toutes nos envies de Philippe Lioret. Ceci dit, j’ai bien aimé le film, le rebondissement sur Louise (mais cela, il faudra que vous alliez voir les film pour comprendre), l’excellent jeu de l’adolescent (qui jouait déjà dans Home), le scénario (qui a eu l’Ours d’argent au dernier festival de Berlin), qui rappelle la grande tradition des films sociaux francophones (haro sur les riches, les pauvres font ce qu’ils peuvent pour survivre)…