Archives par étiquette : Le Caire

Le Caire confidentiel de Tarik Saleh

Affiche de Le Caire confidentiel de Tarik SalehParmi les films que j’ai vus ces dernières semaines, il y a Le Caire confidentiel de Tarik Saleh.

L’histoire : Le Caire, en janvier 2011, quelques jours avant le début de la révolution. Une chanteuse est retrouvée morte assassinée dans la chambre d’un grand hôtel, Salwa [Mari Malek] une très jeune femme de ménage, émigrée et vulnérable, a vu un homme sortir de la chambre et est vite menacée. L’inspecteur Noureddine Mostefa [Fares Fares] est chargé de l’enquête mais se trouve très vite confronté au général Kamal Mostafa [Yasser Ali Maher], aux services secrets, à la garde rapprochée du président Moubarak et à sa hiérarchie qui fait pression pour qu’il classe cet assassinat en suicide (égorgée, pas facile comme technique de suicide)… d’autant plus qu’explosent les « incidents » (bientôt la Révolution) sur la place Tahir, qui nécessitent la présence de la police.

Mon avis (et je pense aussi celui d’une amie qui était avec moi) : c’est un film sombre, au sens propre du terme, avec beaucoup de scènes tournées dans l’obscurité, ce qui me gêne encore avec mes problèmes visuels (modification de la vision des couleurs, atténuées à gauche notamment). Tous les flics sont corrompus, y compris Noureddine (oups, l’argent qui était dans le portefeuille de la victime est vite subtilisé), sexe, alcool (oui, oui, Égyptiens, musulmans mais amateurs d’alcools forts), drogue (opium), tous les ingrédients d’un polar se retrouvent concentrés. Les communautés d’émigrés sont organisés en groupes qui payent aussi leur tribut. Si j’ai trouvé l’acteur Fares Fares très bon, mais l’histoire est trop sombre (au sens propre comme au sens figuré) à mon goût.

Le voleur et les chiens de Naguib Mahfouz

Couverture de Le voleur et les chiens de Naguib MahfouzComme prévu, j’ai lu un livre écrit par un prix Nobel de littérature ce mois-ci. Il y aura une lecture de ce type chaque premier lundi du mois, accompagné de ceux qui me suivent dans cette aventure s’ils ont participé dans le mois. Un livre qui dormait depuis longtemps dans ma bibliothèque…
Le livre : Le voleur et les chiens de Naguib Mahfouz, traduit de l’arabe par Khaled Osman, collection Babel, éditions Actes sud, 1999, 166 pages, ISBN 978-2742708048 [édition originale en 1961].
L’histoire : au Caire à une époque indéterminée (dans les années 1950?). Saïd Mahrane, voleur, la trentaine, vient d’être libéré après quatre ans d’incarcération, qui l’avait trahi alors? A sa sortie, il veut absolument revoir sa fille, Sana’, mais sa femme, Nabawiyya, a profité de son absence pour le répudier et se remarier avec l’un de ses anciens lieutenants, Aliche Sedra. Il finit par réussir à voir Sana’, mais la fillette ne se souvient plus de lui. Furieux, il s’enfuit, trouve refuge chez un cheikh avant de chercher à revoir Raouf Elouane, son ami journaliste, naguère fort critique à l’égard du régime mais aujourd’hui récupéré par ce dernier. Il trouve refuge chez Nour, une prostituée qu’il vient de retrouver, et décide de se venger de tous…

Mon avis : un portrait très pessimiste du Caire, de sa société, et surtout du « héros », Saïd Mahrane, ce voleur raté qui va se transformer en meurtrier aveuglé par sa soif de vengeance. J’ai beaucoup aimé les changements de rythme au fil du texte, comme ces longues divagations de Saïd, sans point ou presque sur plusieurs pages, qui alternent avec des dialogues brefs et vifs. Ces personnages noirs me plaisent bien, celui complètement mystique du Cheikh aussi, mais je vous laisse le découvrir en lisant ce livre…

logo tour du monde en lectureCe livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre de l’Égypte.

La Vierge, les coptes et moi de Namir Abdel Messeeh

Affiche de La Vierge, les coptes et moi de Namir Abdel Messeeh Mes fidèles lecteurs attendaient aujourd’hui, puisque nous sommes jeudi, un article sur Poitou-Charentes… J’ai reporté l’article programmé pour vous parler d’un film que j’ai vu hier soir et que je vous conseille d’aller voir tant qu’il est encore à l’affiche, La Vierge, les coptes et moi, de Namir Abdel Messeeh.

Pour ceux qui voudraient vraiment du Poitou-Charentes, je vous invite à relire mon article sur le miracle de l’apparition de la croix à Migné-Auxances avant de lire la suite…

Le film : à Paris, au Caire puis à Assiout en Haute-Égypte et dans le village de sa mère, non loin de là, de nos jours. Namir est né en France, de parents émigrés coptes, croyants mais non pratiquants. Il est sceptique quant aux apparitions de la Vierge en Égypte ces cinquante dernières années, et décide d’aller faire un reportage sur place, pour trouver des témoins de l’apparition de la Vierge en 1968 à Zeitoun, un quartier du Caire. Mais rien ne se passe comme prévu, impossible de trouver des témoins, refus des religieux coptes de l’aider, son producteur menace de le lâcher. Il décide d’aller assister au pèlerinage de la Vierge à Assiout, puis dans le village natal de sa mère, malgré l’interdiction que lui en a fait sa mère… Finalement, après le retrait du producteur, sa mère décide de l’aider et revient avec lui au village… où Namir décide de mettre en scène une fiction avec les habitants du village, une reconstitution de l’apparition de la Vierge.

Mon avis : j’avais entendu il y a déjà un petit moment l’interview de Namir Abdel Messeeh dans l’émission Cosmopolitaine de Paula Jacques sur France Inter (à réécouter par le lien précédent), enfin, du réalisateur… et de sa mère, qui s’était invitée à l’émission… J’étais restée un peu sceptique sur ce film, puis j’ai lu de bonnes critiques, alors, quand j’ai vu que le réalisateur serait présent à la projection d’hier, précédée du court-métrage Urgent cause départ, présenté en 2001 aux rencontres Henri-Langlois et suivie d’un débat animé par Jean-Claude Rullier (service d’éducation au cinéma à Poitou-Charentes Cinéma), j’ai réservé ma soirée pour l’occasion…

Ce film est très différent par son propos, il mêle documentaire et fiction, à moins que ce ne soit un documentaire sur le montage d’une fiction? Le réalisateur réussi ce tour de force de faire de sa mère l’un des personnages du film… à son insu (même s’il n’a pas caché sa caméra), à ce sujet, je vous invite à écouter l’interview dans l’émission Cosmopolitaine, après avoir vu le film, je comprends mieux… Il y a un peu de tout dans ce film (relations des Coptes et des Musulmans, sans aucune polémique, relation des Cairotes et de la Haute-Egypte, relations à la mère, aux racines, etc.), mais surtout beaucoup d’humour! La salle était franchement détendue, Namir Abdel Messeeh a répondu à toutes les questions avec gentillesse… Vraiment, si le film passe encore dans une salle d’art et essai près de chez vous, allez-y, et vite, avant qu’il ne soit plus programmé…

Encore un mot, j’ai adoré la musique du film écrite et jouée par Vincent Segal, un artiste que j’avais découvert en 2010 avec Chamber Music, de Ballaké Sissoko (le malien avec sa kora à vingt et une cordes) et Vincent Segal (le français au violoncelle), dans ma 2010-2011 au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, et dont j’essaye de suivre depuis la production très variée…

PS: comme le souligne en commentaire Philippe de Tout Poitiers, Vincent Segal sera à Poitiers ce samedi 22 septembre 2012, aux restaurant des Archives rue Édouard Grimault (je n’y serai pas, préparation de la journée des associations de Poitiers oblige)

Les femmes du bus 678

Affiche de Les femmes du bus 678 Dimanche, milieu d’après-midi, un vent frisquet se lève, les nuages reviennent à vitesse grand V, je fuis le jardin. Cinéma en fin d’après-midi, avec Les femmes du bus 678,de Mohamed Diab. Il est inspiré d’une histoire vraie.

Le film : Le Caire, en 2008 et 2009. Fayza (Bushra Rozza), jeune femme voilée, mère de deux enfants, arrive régulièrement en retard à son travail, elle devrait prendre le bus mais ne supporte plus les mains baladeuses d’hommes qui ne prennent le bus que pour profiter de la promiscuité pour agresser impunément des femmes. Tout juste déposée par son ami devant chez sa mère, en traversant la rue, Nelly (Nahed El Sebaï) se fait accrocher par un automobiliste qui l’agresse en pleine rue. Emmenée par son mari médecin à un match de foot, Seba (Nelly Karim) est victime à la sortie du match d’une tentative de viol. Chacune finit par se révolter, leurs destins se croiser, l’une en donnant des cours gratuits d’auto-défense, la deuxième en portant plainte (la première en Égypte à vouloir aller jusqu’au bout, malgré le qu’en-dira-t-on et les pressions sociales et familiales), la troisième en passant à l’acte et en réagissant à la violence par la violence… L’inspecteur Essam va tenter de les aider à sa manière…

Mon avis : ce film s’inspire de l’histoire de Noha Rochdi, première victime d’agression à avoir été reconnue par la justice égyptienne, en 2008. Le film est sorti en 2010, avant le Printemps arabe donc. Mais la situation ne s’est pas améliorée depuis, les viols en marge des manifestations au Caire ont été nombreux… et souvent impunis. Ce film aborde la place de la femme, ou plutôt des femmes et de leur diversité, dans la société égyptienne. Quel que soit leur milieu social, toutes semblent victimes du comportement d’hommes frustrés et qui se croient tout permis… Quelques notes d’espoir quand même, malgré la pression familiale, le fiancé de Nelly finit par la soutenir dans sa lutte. L’inspecteur de police tente d’aider ces femmes: des hommes ont reçu des coups d’épingles à cheveux et de canif dans leurs parties intimes? Il les avertit qu’il n’est pas dupe et qu’ils n’étaient pas victimes de folles, mais d’un « juste » retour des choses… Aucun ne porte plainte, les femmes ne seront pas inquiétées… Ceci étant, l’évolution de la société risque de prendre du temps, les femmes continuent à être importunées dans les transports en commun, violées dans les rassemblements, en marge de manifestations ou de matchs, les poursuites restent rares, le poids de la société qui protège ces comportements reste trop lourd… Espérons que ce film aidera au moins à la prise de conscience du problème, sinon à sa résolution… A voir si vous le pouvez (distribution essentiellement en salles d’art et essai).