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L’amant double de François Ozon

Je suis allée voir L’amant double de François Ozon, présenté au dernier festival de Cannes – 2017 (revoir mes avis sur ses films précédents : Une nouvelle amie, Dans la maison, Ricky, Frantz).

L’histoire : de nos jours à Paris. Chloé [Marine Vacth] a mal au ventre depuis un moment, sa gynécologue [Dominique Reymond] ne trouve rien et l’adresse à Paul Meyer [Jérémie Renier], un psychiatre aux méthodes de psychanalyste, dont elle tombe amoureuse et réciproquement ; par mesure de déontologie, il décide de mettre fin à sa thérapie. Quelques semaines plus tard, ils emménagent ensemble et elle trouve un emploi de gardiennage dans un musée avec des expositions d’art contemporain. En rentrant en bus chez elle, elle croit reconnaître Paul avec une femme, mais sur la plaque de l’immeuble où il entre, on peut lire : « Louis Delord, psychanalyste ». Alors qu’elle allait mieux, elle décide d’entreprendre une psychanalyse avec celui qui lui avoue très vite qu’il est le jumeau de Paul…

Mon avis : le film s’ouvre sur une scène façon  Origine du monde (de Gustave Courbet), sur une table de gynécologue en plus intime (je vous laisse découvrir au cinéma…).

Au cœur du film se trouve une réflexion sur la gémellité, les chimères, l’absorption d’un jumeau dans les premières phases de division cellulaire, une « tumeur » correspondant à ce jumeau qui n’a jamais existé… mais que vient faire là-dedans une « monstruosité » à propos d’un chat mais généralisé aux humains, un « caryotype XXY » ? Cela n’a rien à voir avec l’absorption d’un jumeau, ce n’est pas extrêmement rare comme proclamé dans le film puisque cette anomalie chromosomique concerne un homme sur 500 à 600 (voir la page des journées d’information sur les syndromes de Klinefelter,
triplo X, double Y et Turner
de l’association Valentin Apac)…

Ceci dit, François Ozon joue avec les images, les miroirs, le dédoublement, les images qui disent la vérité ou non. Une image peut-elle mentir? Qui est qui? Chloé est déboussolée, le spectateur aussi. Paul? Louis? Lequel des deux amants / frères jumeaux est responsable, des années auparavant, de la tentative de suicide d’une jeune fille restée en état pauci-relationnel? Entre le cabinet du psychanalyste et ses deux fauteuils face à face, les scènes de sexe (brèves mais crues), quelques images d’une grande quiétude (le chat, les escaliers art déco, …) ou inquiétantes (la voisine avec la chambre de sa fille). Pas de doute, Ozon a décidé de jouer avec le spectateur qui n’en sort pas indifférent malgré la fin qui permet un retour à la réalité… Chut, je vous laisse aller voir le film pour vous faire une idée.

Pour aller plus loin :

Logo de l'association Valentin Apac – voir le site de l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques, notamment pour le , syndrome de Klinefelter (homme avec un caryotype 47, XXY). Vous pouvez toujours soutenir l’association via sa boutique en ligne ou en soutenant l’une des équipes engagées dans la course des héros ce dimanche (18 juin 2017) à Paris ou à Lyon… Il reste jusqu’à ce jeudi 15 juin pour abonder les cagnottes!

Hôtel Everland, palais de Tokyo, Paris – voir quelques expositions du Palais de Tokyo (où Chloé a trouvé un emploi…)

 

 

Frantz, de François Ozon

Affiche de Frantz, de François OzonDimanche, je suis allée voir Frantz, de François Ozon, film inspiré – très librement d’après la critique – d’un drame peu connu d’Ernst Lubitsch, Broken Lullaby (L’homme que j’ai tué), 1932.

L’histoire : au printemps 1919, dans la petite ville de  Quedlinburg en Saxe-Anhalt. Alors qu’elle se rend sur la tombe de Frantz [Anton von Lucke] son fiancé tombé au combat en septembre 1918, Anna [Paula Bee] constate que la tombe a été fleurie… C’est un français, Adrien Rivoire [Pierre Niney] qui se présente le lendemain chez les parents inconsolables de Frantz, Magda [Marie Gruber] et le Dr Hoffmeister [Ernst Stötzner], chez qui loge Anna, en deuil et déprimée, refusant de céder aux avances de Kreutz [Johann von Bülow], militant nationaliste d’un certain âge qui a demandé sa main. Avant la guerre, Frantz, francophile et pacifiste, avait poursuivi ses études à Paris, Adrien Rivoire, riche héritier d’un château bourguignon, était violoniste dans l’orchestre de Paris. Adrien raconte la vie d’avant-guerre, leurs visites au Louvre, autour d’un tableau de Manet « montrant un homme renversé en arrière ».

Mon avis : le noir et blanc de ce film très travaillé (je trouve la scène nocturne dans le cimetière particulièrement réussie), entrecoupé de quelques scènes au couleurs plutôt sépias, quasi irréelles même pour l’apparition en rêve de la figure blessée de Frantz dans un rêve d’Anna (bon, ça passe mieux que le bébé aux ailes de poulet de Ricky). Il mêle aussi passages en français et en allemand, il est donc indispensable de le voir en version originale.

Le discours joue sur la difficulté, au lendemain de la guerre, pour un Français à apparaître dans la petite ville de Saxe ou une Allemande à Paris ou dans le château de Meursault (où l’on voit notamment les actrices Cyrielle Clair – la mère d’Adrien – et Alice de Lencquesaing – sa promise). La position du père évolue, lui qui a forcé son fils pacifiste à s’engager présente à ses amis de club qu’ils ont, comme les français, une responsabilité dans la mort de leurs fils, en les armant et en les envoyant à la boucherie. Un discours qui n’évite pas les clichés, Reiner Maria Rilke (tiens, pourquoi un Autrichien?) face à la poésie de Paul Verlaine (chanson d’automne… voir ci-dessous), une musique de film qui emprunte le thème de l’Ode à la joie de Beethoven, etc. En revanche, je ne connaissais pas le tableau Le suicidé, d’Édouard Manet, placé pour les besoins du film dans une galerie du Louvre et qui est d’une grande force.

Le charme du film repose aussi sur le charmant accent français de Paula Bee et sur l’accent allemand, comment dire, étrange, de Pierre Niney, j’ai entendu dans un entretien sur France Inter qu’il ne parlait pas allemand avant de tourner ce film… et il mélange curieusement certaines prononciations. Du coup, quand il aspire de « ch » dans « möchte » en [x] au lieu de [ç] , un peu à la bavaroise (« mokhte », quasi comme le prétérit mochte) , on hésite, qu’a-t-il voulu dire? Le sous-titre indique un conditionnel (« möchte » est un forme du subjonctif II qui correspond à notre conditionnel), mais le spectateur attentif a bien entendu [‘mOxt´], donc un prétérit (+/- passé)… Je ne suis pas si sûre qu’il s’agisse d’un simple détail, les dialogues en allemand m’ont paru très pauvres, et pas seulement à cause du scénario, les parents de Frantz qui apprennent à connaître Adrien Rivoire. S’il n’y avait des scènes en français dans la partie allemande, celle-ci serait sans doute très lassante, trop lente, trop pauvre.

Ceci étant, je vous conseille quand même ce film 😉

Pour aller plus loin :

– Voir le tableau Le suicidé, d’Édouard Manet, sur le site de la fondation Emil G. Buehrle à Zürich. Il s’agit d’une toile de moyen format (38 x 46 cm), peinte après 1877 et avant 1881, date de sa cession au cours d’une vente aux enchères organisée par le peintre Pierre Franc-Lamy au profit du compositeur Ernest Cabaner, alors au sanatorium.

– Voir le site de la ville de Quedlinburg en Saxe-Anhalt.

– Sur mon blog, voir quelques tombes du cimetière de Passy à Paris (où le cousin d’Adrien Rivoire est censé être enterré).

– Mes avis sur les précédents films de  François OzonUne nouvelle amie, Dans la maison, Ricky).

Chanson d’automne de Paul Verlaine

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Une nouvelle amie, de François Ozon

Affiche de Une nouvelle amie, de François OzonSortie cinéma mardi avec Une nouvelle amie, de , dont j’avais boudé les films après le ridicule Ricky et ses ailes de poulet et finalement étais retournée le voir avec Dans la maison (pour ). Il est adapté d’une nouvelle de Ruth Rendell. [Du même réalisateur, voir mes avis sur Dans la maison, Ricky, Frantz]

Le film: une jeune femme dans un cercueil, Laura [Isild Le Besco], son jeune mari, David [], leur bébé de moins de six mois, sa meilleure amie, Claire [], et Gilles [] le mari de celle-ci. Un jour, n’en pouvant plus de tourner en rond dans sa déprime, Claire décide d’aller voir David. La maison est ouverte, accidentellement, elle tombe sur David… habillé en femme. Il lui avoue qu’il avait ce penchant avant de rencontrer Laura, qu’elle avait mis pour seule condition que ça reste privé. Mais au cours de leur vie commune, il n’avait pas eu cette envie, revenue avec le chagrin du deuil, avec l’alibi du bébé qui a besoin d’une présence féminine. Elle promet le secret, mais accepte rapidement d’aller faire du shopping avec lui/elle habillé en femme (Virginia…), puis à passer un week-end dans la maison des riches parents de Laura partis en week-end.

Mon avis: tout le monde parle de la performance de , dans ce film, il ne faudrait pas oublier celle d’, dans le rôle de Claire. Et celle de , qui arrive à jouer avec le genre à merveille, au point de faire douter de l’identité de chacun dans la boîte de nuit: c’est un travesti qui chante celle qui « se sent pour la première fois devenir femme » de Nicole Croisille, mais est-on vraiment sûr du sexe de toutes les personnes présentes? Et puis, quid des relations de Claire et Laura, n’ont-elles pas partagé, adolescentes, le même lit, comme beaucoup d’adolescentes? David aimait se déguiser en femme avec les vêtements de sa mère (tiens, ça rappelle Les garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne), mais il n’est pas, selon lui, homosexuel. Lors d’un dîner, pour simplifier la situation auprès du mari, Gilles, il avoue une attirance pour les hommes… et ils se retrouvent peu après dans des vestiaires au tennis. Que cherche Claire? Le mari de sa meilleure amie ou celui qui aurait pu devenir son propre mari? Au lit à l’hôtel, elle est prête à franchir le pas, aurait pu tromper son mari avec une femme… mais ça coince à l’étape où il est évident que c’est un homme au lit! David s’habille en femme, mais une femme en pantalon et chemise stricte (Claire) n’est-elle pas habillée en homme? L’ambiguïté exacerbée par le deuil est au cœur de ce film qui ne laisse pas indifférent. D’ailleurs, alors qu’il n’est qu’en fin de première semaine, la salle était bondée à la séance précédente (16h) et suivante (20h).

J’avais souligné la performance de  dans La nuit juste avant les forêts, seul en scène avec un texte difficile (que je n’avais pas trop aimé) de Koltès. Ici, c’est une vraie métamorphose qu’il opère (enfin… sans opération!) jusqu’à l’épilogue, alors que le bébé à l’âge de Claire et Laura lors de leur rencontre.

Pour aller plus loin : le site officiel du cinéaste François Ozon.

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

Dans la maison de François Ozon

Affiche de Dans la maison de François Ozon Quelques fidèles lecteurs attendent mon article sur Poitiers le dimanche à midi… il n’y en aura pas cette semaine, week-end pourri, week-end cinéma! J’ai vu Dans la maison de François Ozon, Amour de Michael Haneke et je verrai en fin d’après-midi Une famille respectable de Massoud Bakhshi. Je vous parle aujourd’hui du plus léger, paru le plus anciennement, il risque donc de disparaître bientôt des affiches… Pour ceux qui attendaient un article sur Poitiers, j’aborderai demain un sujet poitevin en rebond sur le dernier livre de Boris Cyrulnik (Sauve-toi, la vie t’appelle)… [depuis, j’ai aussi vu Une nouvelle amie, Ricky, Frantz de François Ozon].

Le film : de nos jours dans un lycée de banlieue (quelle banlieue, d’ailleurs?). C’est la rentrée scolaire, le lycée expérimente un retour aux uniformes, et Germain Germain (Fabrice Luchini), professeur de français désabusé, hérite d’une seconde où la plupart des élèves ne peuvent pas aligner plus de deux phrases pour parler de leur week-end. Mais voilà que se détache une copie bien écrite, bien construite, par Claude (Ernst Umhauer). Il partage la copie avec sa compagne, Jeanne (Kristin Scott Thomas), galeriste menacée d’expulsion par deux vieilles filles jumelles, nouvelles propriétaires qui ne comprennent pas son « commerce » (il faut dire que l’exposition en cours, sur le sexe et les totalitarismes n’a rien pour les rassurer…). Claude annonce la suite à venir à la fin de sa copie… Au fil des épisodes, il entre dans la maison de l’un de ses camarades, Rafa/Raphaël (Bastien Ughetto), mère au foyer (Esther / Emmanuelle Seigner), père (Raphaël comme son fils / Denis Ménochet)  fan de basket et représentant dans une entreprise qui travaille avec la Chine. De copies en cours particuliers, Germain se laisse embarquer dans une histoire qui finit par le dépasser…

Mon avis : je n’avais plus vu de film de François Ozon depuis le ridicule poulet (pardon bébé aux ailes de poulet) de Ricky… j’avais boudé les suivants. j’y suis allée pour… Fabrice Luchini (revoir mes avis sur Paris de Klapisch, La fille de Monaco de Anne Fontaine), et je n’ai pas été déçue (même si les apparitions de ce dernier en voyeur dans la maison des Rafa frôle à nouveau le ridicule). Nous avons à nouveau un film sur la vie de la famille, en parallèle à la relation prof/élève (oups, apprenant, pas élève, dans le nouveau jargon de l’éducation nationale…). J’ai passé un très bon moment avec un Fabrice Lucchini très brillant et un jeune acteur (Ernst Umhauer) très prometteur dans le rôle de l’élève. Un scénario pas très original a priori, avec l’évolution de l’éducation nationale, les relations profs/élèves, le fonctionnement d’une famille « normale », mais au fil des minutes, on finit par se demander où est la limite entre réalité et fiction, le film et le récit, le récit des rédactions s’inspire-t-il de la réalité ou entre-t-on dans le fantasme ou la littérature??? Si vous ne savez pas quoi faire par ce dimanche pluvieux (en tout cas, ici à Poitiers, il pleut depuis jeudi matin), n’hésitez pas à aller le voir au cinéma!

Pour aller plus loin : le site officiel du cinéaste François Ozon.

Le festival Télérama 2013 et ses films…
Ceux que j’ai vus avant le festival et dont je vous ai parlé (pas beaucoup cette année)

Ceux que j’ai vus pendant le festival

Ceux que je ne verrai pas

  • Moonrise Kingdom de Wes Anderson
  • Margin Call de J.C. Chandor
  • Holy Motors de Leos Carax
  • Tabou de Miguel Gomes
  • The Deep Blue Sea de Terence Davies
  • Les adieux à la reine de Benoît Jacquot
  • Elena de Andreï Zviaguintsev

Ricky, de François Ozon

J’ai vu ce film, Ricky, de François Ozon (après une nouvelle d’une vingtaine de pages de Rose Tremain), il y a une dizaine de jours mais n’avais pas eu l’occasion de vous en parler.

L’histoire : une ouvrière célibataire, Katie (Alexandra Lamy) avec sa fille de 7 ans, dans un HLM de banlieue. Un jour, elle rencontre un autre ouvrier, intérimaire d’origine espagnole, Pedro (Serfi López). Ils ont rapidement un bébé, Ricky. Celui-ci n’arrête pas de pleurer. Un jour, il a un bleu sur une omoplate, ma mère chasse le père, qu’elle soupçonne de maltraitance. Quelques jours plus tard apparaissent chez le bébé des ailes (qui ressemblent furieusement, à cette étape, à des ailes de poulet déplumé). La suite en salle…

Mon avis : je regrette d’y être allée, franchement, si François Ozon voulait parler de la famille et de ses relations, il n’avait pas besoin de ce bébé aux ailes ridicules… D’ailleurs, c’est un bébé mignon à part ça, même s’il pleure tout le temps. La première scène, avec l’assistante sociale, qui doit se placer quelque part au milieu du film, après la naissance du bébé mais avant la sortie des ailes, n’apporte vraiment rien… si ce n’est de la confusion, à en juger par les commentaires à la sortie de la salle. Vraiment, un film décevant de la part de François Ozon, il aurait mieux fait de choisir soit le volet carrément fantastique, soit une approche réaliste d’une famille recomposée en HLM.

Pour aller plus loin : le site officiel du cinéaste François Ozon.

PS : j’ai boudé les films suivants de François Ozon, mais suis finalement allée voir en 2012 Dans la maison (pour le rôle de Lucchini) et Une nouvelle amie, en 2014, Frantz en 2016…