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La peinture à Dora par François Le Lionnais

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de La peinture à Dora par François Le LionnaisDans le film Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, une lecture est donnée d’un texte écrit par François Le Lionnais, un des fondateurs de l’OuLiPo sur la peinture à Dora. Un petit tour sur le site internet de la médiathèque et j’ai vu qu’il était disponible au dépôt légal, car imprimé dans la région, à Tusson. Le temps de le faire venir pour le lire sur place, un petit délai de deux jours supplémentaires, le service du dépôt légal s’est trompé d’un millier sur la cote, et le voici qui m’est communiqué. Oups, il n’est pas coupé, je suis la première qui vais le lire. Heureusement qu’il ne fait qu’une vingtaine de pages, il a pu être coupé tout de suite, sinon, j’aurai dû attendre que le service de restauration de la médiathèque le fasse.

Le livre : La peinture à Dora, de François Le Lionnais, collection Envois, édition l’Échoppe (tirage à 1000 exemplaires), 21 pages, 1999, ISBN 2840681072. Texte original paru dans le n° 10 (nouvelle série), mars 1946, de la revue Confluences.

L’article: le texte intégral de cet article est disponible en ligne, comme il est court, je vous laisse le découvrir sur le site Marxiste. Il y manque juste la dédicace: « à Henri Seelinger ».

Le contexte: François Le Lionnais, ingénieur-chimiste de formation (comme Primo Levi) et mathématicien, résistant lyonnais du groupe Front national, dans la mouvance communiste (rien à voir avec l’actuel parti d’extrême-droite!!!) a été arrêté en avril 1944 et déporté à Dora d’août 1944 à avril 1945. Il y continue les actes de résistance notamment en sabotant le système de guidage de missiles V2 qu’il est chargé de construire. Au moment de l’évacuation du camp, il fait partie d’un groupe qui s’installe à Seesen et y organise pendant trois semaines les soins aux déportés avant leur rapatriement.

Dans La peinture à Dora, il explique donc comment, après avoir instruit un jeune déporté, Jean Gaillard (mort en déportation), de la théorie des nombres, des mathématiques, de l’électricité, de la chimie, l’évocation de la peinture et la description de tableaux très divers a permis aux deux hommes de s’évader mentalement pendant les interminables appels. Quelques passages ne manquent pas de mordant. Ainsi, il souligne que certains déportés avaient peint dans les Blocs, mais « Ces peintures manquaient pour la plupart d’intérêt et oscillaient entre la Foire aux Croûtes et le Salon des Artistes Français » (pas très sympa pour le salon des artistes français). Les deux hommes sont séparés et François Le Lionnais se livre à une autre activité mentale, « s’amusant » à mêler deux tableaux entre eux. Scientifique il reste, mesurant les durées d’évasion dans la peinture en périodes radiocative:

« malheureusement, mes tableaux ne durent généralement pas plus de quelques minutes, quelquefois même quelques secondes. En termes de radio-activité, leurs « périodes » sont comprises entre celles du Thorium A (0,14 seconde) et du Radium C (3 mi­nutes) ».

Les mathématiques aussi lui offrent du répit:

« Je rêve à des fresques qui comporteraient des pôles à l’infini, à d’autres dont les lignes seraient des fonctions sans dérivées, à d’autres encore, multivalentes, dont la complexité ne se pourrait débrouiller qu’au moyen de sortes de « Surfaces de Riemann », à mille sortilèges aussi peu sérieux… » (suivre les liens ci-dessous pour plonger dans les géométries non euclidiennes).

Il termine son texte en parlant également en quelques mots du rôle de la musique et de la littérature pour des exercices du même genre, toujours pour échapper un bref instant au contexte concentrationnaire.

Pour aller plus loin: voir la page consacrée à François Le Lionnais sur le site de l’OuLiPo. Sur les surfaces de Riemann, voir un article sur le site de Serge Mehl, ou alors le cours de l’université de Berkeley (en anglais)… ou le cours de l’université de Marseille.

Suivre aussi les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Aucun de nous ne reviendra, La mémoire et les jours et Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo (et revoir l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers)

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Le convoi du 24 janvier de Charlotte DelboAprès l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers et la lecture de Aucun de nous ne reviendra, j’ai choisi de poursuivre la découverte de Charlotte Delbo avec Le convoi du 24 janvier, trouvé à la médiathèque [depuis, j’ai aussi lu La mémoire et les jours, la suite en fin d’article].

Le livre: Le convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo, éditions de Minuit, 1965, 303 pages, ISBN 2707316385.

La quatrième de couverture:

 » Venues de toutes les régions de France et de tous les horizons politiques, issues de toutes les couches sociales, représentant toutes les professions, d’âges mêlés mais où dominait la jeunesse, deux cent trente femmes quittaient Compiègne pour Auschwitz, à trois jours et trois nuits de train dans les wagons à bestiaux verrouillés, le 24 janvier 1943.
Sur deux cent trente, quarante-neuf reviendraient, et plus mortes que vives.
La majorité d’entre elles étaient des combattantes de la Résistance, auxquelles était mêlée la proportion habituelle de “ droit commun ” et d’erreurs judiciaires.
Nous disons “ proportion habituelle ” parce qu’il est apparu que deux cent trente individus constituaient un échantillon sociologique, de sorte que ce livre donne une image de tous les convois de déportés, montre tous les aspects de la lutte clandestine et de l’occupation, toutes les souffrances de la déportation. »

Mon avis: le livre s’organise en trois parties, une introduction d’une vingtaine de pages sur les conditions de l’arrestation, l’histoire reconstituée des 229 femmes du convoi (et un bref paragraphe sur la dernière, restée anonyme), et enfin des documents et des statistiques. Plusieurs amies rescapées ont aidé C. Delbo à reconstituer toutes ces histoires, qui s’accompagnait aussi d’un récolement avec les photographies anthropométriques faites à l’arrivée à Auschwitz-Birkenau (elles étaient présentées dans l’exposition Autour de Charlotte Delbo). Chacune des déportées, majoritairement des résistantes communistes, suivies des gaulistes, quelques femmes qui n’avaient rien fait et même deux délatrices. A Charlotte Dudach, Charlotte Delbo raconte son parcours à la première personne, elle qui est revenue en France en septembre 1941 alors qu’elle était en tournée en Argentine avec Louis Jouvet. Les parcours de ces 230 femmes, dont 49 sont revenues, sont variés, toutes se sont retrouvées au fort de Romainville, parties de Compiègne, destination Birkenau (et Auschwitz à 2 km pour l’anthropométrie), la quarantaine, les kommandos (sections de travail), le revier (Krankenrevier / quartier des malades, pour celles qui sont incapables de tenir debout avec le typhus, les œdèmes, etc.) dont l’on ressort assez rarement vivante, le block 25 de celles qui sont « sélectionnées » (pour la chambre à gaz), les appels interminables, une terrible course en février 1943, les coups, et pour celles qui survivront (Marie-Claude Vaillant-Couturier, Maria-Elisa Normann, une ingénieure chimiste amie de France Bloch-Sérazin, Geneviève Pakula, la mère de Claude Pauquet, etc.), nouvelle quarantaine, assouplissement des conditions d’internement à Rajsko (chauffage, pas d’appel interminable, quelques lettres et colis), puis évacuation avec des parcours qui vont les mener, selon les cas, à Ravensbrück, Mauthausen, les mines de sel de Beendorf, et pour certaines la mort dans des bombardements en déblayant des voies ferrées ou dans les bateaux de Lübeck. Elle parle aussi du difficile retour, les maladies et la fatigue récurrente, la difficulté à se faire reconnaître comme déportée résistante et pas comme victime civile, le manque de reconnaissance de la Nation, les pensions dérisoires. Reconstituer tous ces parcours a été un énorme travail pour Charlotte Delbo et ses amies, Hélène Bolleau, Cécile (Christiane Charua) et Lulu Thévenin (Geneviève Pakula a parlé de ces dernières dans Convoi vers l’est et souligné leur rôle dès le fort de Romainville), Madeleine Doiret, Hélène Fournier, Gilberte Tamisé, Marie-Elisa Nordmann, Hélène Avenin, Olga Wormser, pour établir un livre qui est un grand mémorial de ce convoi.

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo »

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, et de nombreux liens dans mon article sur Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet, sur la peinture dans les camps de concentration.

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Passant, souviens-toi… monuments commémoratifs à Bressuire et Poitiers

Bressuire, stèle aux déportés juifs, vue lointaineComme pour la première semaine du mois de mai 2013, je vous propose une nouvelle semaine avec des articles quotidiens consacrés à des monuments aux morts ou lieux de mémoire à la résistance, aux déportés ou à des personnages marquants de ce conflit, avec une exception pour vendredi, la bande dessinée concerne la Première Guerre Mondiale. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement le site de l’AJPN / Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France.

Bressuire, stèle aux déportés juifs, vue rapprochéeJe commence par une série de stèles commémoratives situées en Poitou-Charentes. La première se trouve à Bressuire, presque en face de la gare (photographies d’octobre 2012). Elle est dédiée  » A la mémoire de la communauté juive de Bressuire / disparue dans le camp de concentration nazi d’Auschwitz, 1942-1944″ ainsi que le nom des 17 victimes classées par ordre d’âge décroissant:

Spira Georges 58 ans, Cerf Raymond 50 ans, Goldblat Rinem 48 ans

Goldblat Liba 47 ans, Rotztejn Minka 45 ans, Cerf Mathilde 45 ans, Rotztejn Isaac 40 ans

Narcys Mordka 41 ans, Goldstein Hermann 40 ans, Narcys Nora 40 ans

Grunsu Ac Rosa, 22 ans, Cerf Rebé 20 ans, Spira Jacqueline 19 ans, Spira Nelly 12 ans

Rotztejn Félix 11 ans, Zangier Jeanine 10 ans, Rotztejn Sammy, 9 ans

A Bressuire, vous pouvez aussi revoir le monument aux morts de 1870.

A Poitiers, trois plaques sont apposées dans un couloir du lycée Victor Hugo (d’où l’on peut voir la Tête de jeune fille de Couvègnes). Je vous en ai parlé récemment lors de la venue à Poitiers de Marthe Cohn, née Hoffnung. La plus ancienne est dédiée aux professeurs:

Poitiers, lycée Victor Hugo, plaque commémorative de deux professeurs victimes de la deuxième guerre mondiale

Collège moderne et technique / de jeunes filles de Poitiers / Professeurs victime de la guerre 1939-1945 / Alice Bonneau Lieutenant F.F.C. [médailles militaires] déportée résistante décédée à Ravensbruck en mars 1945 / Madeleine Vergeau victime du bombardement du [2 effacé] 13 juin 194[0 effacé]4.

Poitiers, lycée Victor Hugo, plaques commémoratives pour les élèves victimes de la deuxième guerre mondialeLes plus récentes sont dédiées aux élèves:

A la mémoire / des élèves juives de ce lycée / déportées et assassinées à Auschwitz / 1942-1944 / plaque commémorative apposée le 27 mai 1993

La liste des victimes classées par ordre alphabétique a été ajoutée récemment

Yvette Achache, seize ans / Myriam Bloch, six ans / Myriam Holz, neuf ans / Paulette Iachimowitc, neuf ans / Odette Kahn, seize ans / Suzy-Eva Schaechter, quatorze ans / Plaque commémorative apposée le 26 avril 2005 / dans le cadre du centenaire du lycée Victor Hugo / et du soixantième anniversaire de la libération des camps

Monument commémoratif du stade poitevin à PoitiersAu stade poitevin se trouve également un monument commémoratif du décès du rugbyman Joffre Laurentin le 12 mai 1935 (un talonneur étudiant alors âgé de 20 ans, victime d’une fracture des vertèbres cervicales suite à un choc), sous lequel se trouve une stèle avec le nom des victimes sportifs de la première et de la deuxième guerre mondiale. Le grand bâtiment rouge à l’arrière est la patinoire juste rénovée. Voici le relevé des textes:

« Le stade poitevin à la mémoire de / Joffre Laurentin / tombé au cours du championnat de / France de rugby le XII mai MCMXXXV »
« A la mémoire / des membres du stade poitevin / morts pour la France
1914-1918 Aubier Maxime / Bernard Marcel / Boyer Pierre / Chevalier Hubert / Fouquet Camille / Lagorce Edouard / Lavaud Maurice
Lavergne Pierre / Martin Léopold / Marzan Camille / Raissac Henri / Rodrigo Henri / Royer René / Thuet Célestin / Wicker Marcel
1939-1945 Berger André / Clercy Raoul / Darres Henri / Fleury Raoul / Gendrault Pierre / Lavigne Marcel / Pavaillon Pierre
1935 – 1985. Anniversaire cinquantenaire, les anciens du stade poitevin (26 avril 1986) ».

Il y a d’autres monuments commémoratifs à Poitiers (université, gare, églises, cimetière de Chilvert, parc de la roseraie, monument de la déportation à Blossac, à la prison), je les réserve pour d’autres articles, j’ai aussi déjà parlé de ceux-ci:

Photographies d’octobre 2012 (Bressuire), septembre 2011 (lycée de Poitiers) et avril 2014 (stade poitevin).

Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation

Pas d’article sur Poitiers aujourd’hui, avec les vacances, la fréquentation du blog est très très calme. Je profite de la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation pour vous proposer de relire quelques articles sur le sujet… en commençant par le film Parce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps de Christophe Cognet. Grâce à mes fidèles lecteurs, j’ai pu le compléter avec de nombreux liens!

Monument de la résistance de La Rochelle, la stèle avec le nom des camps de concentrationLe monument de la résistance de La Rochelle, réalisé par Henri Gayot (1904-1981), résistant, déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.


Couverture de Convoi vers l'est de Claude PauquetConvoi vers l’est de Claude Pauquet, avec un témoignage de sa mère, Geneviève Pakula


Couverture de Aucun de nous ne reviendra de Charlotte DelboAutour de Charlotte Delbo à Poitiers et des lectures sur Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra (et bientôt d’autres livres)


Couverture de Terezin Plage de Morten BraskL’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne). Voir aussi sur le roman Terezin Plage de Morten Brask.


Couverture du tome 1 de maus, de Spiegelman Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents


Poitiers, stèle du camp d'internement de la route de LimogesLe camp de la route de Limoges, le Fronstalag 230 et sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers, voir aussi le témoignage de Paulette.


Couverture de Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist MirrorTsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay de Kkrist Mirror. Une bande dessinée qui m’a vraiment fait comprendre la réalité du camp d’internement de Montreuil-Bellay


Couverture de Sauve-toi, la vie t'appelle de Boris CyrulnikSauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik sur sa propre arrestation et celle de ses parents


Couverture du wagon d'Arnaud Rykner Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire romancée d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau


Couverture de Itsik de Pascale RozeItsik de Pascale Roze, sur une famille de juifs polonais réfugiés à Paris


Couverture de La vie en sourdine de David Lodge La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde dans un chapitre un voyage à Auschwitz-Birkenau


Couverture de Liberté de Tony Gatlif et Eric KannayLiberté de Tony Gatlif et Eric Kannay, sur un groupe de tsiganes assignés à résidence puis déportés


Sur les conséquences de la guerre ou de l’exil:

Affiche de Ida de Paweł PawlikowskiIda de Paweł Pawlikowski, film sur une jeune fille élevée dans un couvent et qui découvre avant de prononcer ses vœux qu’elle est juive et que sa famille a été massacrée.


Couverture du livre Derrière les lignes ennemies, une espionne juive dans l'Allemagne Nazie de Marthe CohnMarthe Cohn, réfugiée à Poitiers puis résistante. Son témoignage à Poitiers était très fort, je vais essayer de lire son livre.

L'entrée du domaine de la Mérigote à PoitiersAutour de Jean-Richard Bloch (et de sa fille, France Bloch et son gendre Fredo Sérazin), voir La Mérigot(t)e à Poitiers, résidence de l’écrivain Jean-Richard Bloch


Couverture de légendes du je, de Gary et Ajar Éducation européenne de Romain Gary


Vous trouverez d’autres articles par les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

Convoi vers l’est de Claude Pauquet

Couverture de Convoi vers l'est de Claude PauquetLogo de pioché en bibliothèqueEn cherchant au rayon « histoire et témoignages de la deuxième guerre mondiale » (940.547) de la médiathèque un livre de Charlotte Delbo, je suis tombée sur Convoi vers l’Est et retour de Claude Pauquet, dont je vous ai parlé à propos de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers (voir aussi son site officiel).

Le livre: Convoi vers l’Est et retour, photographies de Claude Pauquet, texte de Daniel Dobbels, suivies d’un entretien avec Geneviève Pauquet, résistante déportée, réalisé par Claude-Alice Peyrottes, éditions Le Temps qu’il fait, 2002, 110 pages, ISBN 9782868533661.

La quatrième de couverture:

 » Le jour est le même – les yeux, blessés sous les heures mais étrangement indemnes, témoignent de ce recouvrement (d’une pellicule sur l’autre), de cette cicatrice aussi indue qu’un cil au centre de tous les regards (du sien : elle et lui). Cil insigne. Cil qui concentre la rage et le calme – à devenir fou, interdisant de devenir fou. » Daniel Dobbels

« J’ai réalisé en 1997 un travail sur l’itinéraire de déportation de ma mère, résistante détenue de 1943 à 1945 à Auschwitz, Birkenau (Pologne), Ravensbrück (Allemagne) et Mauthausen (Autriche). J’ai découpé sa déportation de 28 mois en deux époques : un voyage d’hiver vers l’enfermement et le retour en France au printemps, à la veille du défilé du ter mai 1945. En suivant l’itinéraire au plus près, arrivant à Auschwitz le 27 janvier, le  » même  » jour qu’elle, c’est un voyage vers l’Europe de l’Est que j’ai entrepris. La représentation connue de l’entrée du camp de Birkenau, long bâtiment noir aplati dans sa lumière de fond de neige, m’a décidé à photographier en utilisant une chambre panoramique, sur trépied, de façon frontale. Ce travail m’a permis d’explorer des problématiques constantes sur la démarche du photographe, la mienne étant certainement imprégnée de ses récits de déportation : le temps dans les images, ou son apparente absence ; la distance à trouver tout en restant au-dehors de l’horreur et la neutralité du cadrage ; en somme, le choix esthétique par lequel il conviendrait de transcrire (au mieux ?) autant d’éléments documentaires de témoignage. » Claude Pauquet

Mon avis: vous pouvez voir les photographies sur le site officiel de Claude Pauquet par ce lien direct. Je n’ai pas trop accroché au texte de Daniel Dobbels qui ouvre le livre. En revanche, le témoignage de Geneviève Pauquet (Pakula lors de son arrestation PS: elle est décédée en juillet 2015) est très intéressant et renforce ma décision d’arriver à lire Le convoi du 24 janvier, de Charlotte Delbo, presque 300 pages en petits caractères, cela reste très difficile pour moi. Dans son témoignage, Geneviève Pauquet évoque son arrestation, le fort de Romainville, son parcours en déportation (Auschwitz, Birkenau, le commando de Rajsko, Ravensbrück, Mauthausen), le rôle de quelques co-détenues, dont Charlotte Delbo, qui a organisé le montage d’une pièce de théâtre à Romainville et a réussi à garder sa montre à Birkenau, l’entrée au camp, la seule et unique fois que des prisonnières sont entrées en chantant (La Marseillaise). Je connaissais les photographies (vues en 2002 je pense et plus récemment en ce début 2014 dans le cadre de l’opération Autour de Charlotte Delbo), la lecture du livre est un complément indispensable.

Un mois après la fin de l’exposition au CRDP de Poitiers, le lien où ils avaient le dossier sur l’exposition (Centre régional de documentation pédagogique/ exposition convoi vers l’est et retour)  ne fonctionne déjà plus… Ils n’arrêtent pas de changer leurs adresses de liens, c’est exaspérant, pour un site qui est censé refléter l’action pédagogique du CNDP, rebaptisé pompeusement Canopé, censé améliorer l’espace numérique mais c’est de pire en pire, j’ai la flemme de chercher la nouvelle adresse s’ils ont archivé l’article, il n’y a même pas de moteur de recherche sur leur accueil.

Pour aller plus loin, suivre les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Aucun de nous ne reviendra de Charlotte DelboJ’avais emprunté à la médiathèque ce livre au début de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, maintenant terminée, j’ai dû renouveler le prêt pour réussir à le terminer, la lecture d’un livre « normal » reste très compliqué avec ma vue

Le livre : Auschwitz et après, I, Aucun de nous ne reviendra, de Charlotte Delbo, Editions de minuit, 1970 (réédition 2013), 181 pages, ISBN 9782707302908.

La quatrième de couverture:

Charlotte Delbo était une des 230 femmes qui, dans Le Convoi du 24 janvier, partirent en 1943 de Compiègne pour Auschwitz.
Aucun de nous ne reviendra est, plus qu’un récit, une suite de moments restitués. Ils se détachent sur le fond d’une réalité impossible à imaginer pour ceux qui ne l’ont pas vécue. Charlotte Delbo évoque les souffrances subies et parvient à les porter à un degré d’intensité au-delà duquel il ne reste que l’inconscience ou la mort. Elle n’a pas voulu raconter son histoire, non plus que celle de ses compagnes ; à peine parfois des prénoms. Car il n’est plus de place en ces lieux pour l’individu.

Mon avis: écrit dès 1946, ce livre n’a été édité pour la première fois qu’en 1970. J’avais vraiment découvert sa vie lors de la visite de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers. Ce livre est organisé en chapitres assez courts, avec des alternances de phrases longues et de phrases courtes, qui rythment la lecture. Si le sujet n’était pas aussi tragique, je dirai que l’écriture est très agréable! Certaines pages sont organisées comme des poèmes terribles, par exemple « Jusqu’à cinquante », page 93 de l’édition de 2013, lorsqu’un kapo, surveillé par un SS avec son chien, donne cinquante coups de bâton à un prisonnier. Au fil des pages, on voit ces femmes qui ont la hantise d’être transférées au bloc 25, dont on ne sort pas vivant, les longues marches pour aller travailler dans les marais immondes, les interminables appels dans le froid, la survie, le soutien mutuel, les liens qui s’établissent par nationalité, l’abandon de la volonté de vivre par certaines, les odeurs immondes du four crématoire. Un témoignage à découvrir absolument!

Je vais essayer de lire la suite, Une connaissance inutile et Mesure de nos jours. J’ai aussi lu Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo » : www.charlottedelbo.org

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne).

Quelques pistes complémentaires de lecture:

– – Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Autour de Charlotte Delbo à Poitiers

À l’occasion de l’accueil d’une exposition itinérante sur Charlotte Delbo à la médiathèque de Poitiers, plusieurs manifestations sont organisées. Je ne suis pas allée à l’inauguration de cette exposition, ni de celle qui la complète au CRDP (voir plus bas), pas plus qu’aux lectures ou aux concerts qui ont déjà eu lieu. Mais je vais voir la semaine prochaine au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, L’empereur d’Atlantis, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien  (sélectionné dans ma saison 2013-2014, à l’époque des réservations, ce n’était pas du tout annoncé comme faisant partie d’un ensemble de manifestations, récupération???). J’ai aussi emprunté à la médiathèque l’un des livres de Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours. Et j’ai vu les deux expositions…

Charlotte Delbo à la médiathèque

Charlotte Delbo, secrétaire de Louis Jouvet, a été déportée dans le convoi du 24 janvier 1943, en tant que résistante. Voici la présentation officielle:

« Un parcours au cœur de l’Histoire du XXe siècle, qui met en lumière l’intelligence et l’imagination d’une grande femme de lettres. L’exposition aborde les thèmes de l’engagement, de l’écriture, et dresse un portrait de femme militante. Exposition conçue par l’Institut de la Résistance de Bergame (Italie) en collaboration avec le Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon, la Bibliothèque nationale de France et l’Association des amis de Charlotte Delbo. La Médiathèque d’agglomération de Niort présente également une partie de l’exposition. »

L’exposition (jusqu’au 1er mars 2014), traduite de l’italien, est présentée sous la forme de grandes pages de papier étalées sur des supports en carton. Dommage, surtout pour une exposition destinée en grande partie aux scolaires, que les relecteurs mentionnés sur le panneau générique de l’exposition n’aient pas mieux fait leur travail, les panneaux fourmillent de coquilles (« la liste que tu m’avait [sic] confiée », « c’est celui que j’ai du [sic] », « ces photos d’Eric Schwab se trouvait [sic] dans les archives », « où Charlotte est enfermée avant sa déportatin [sic] », etc.).

J’ai appris beaucoup de choses sur Charlotte Delbo dans cette exposition, son œuvre, sa déportation et son travail au retour des camps. Il manque cependant un élément d’éclairage: le sort des résistants, dans les camps de concentration, était très différent de celui des juifs et des tsiganes dirigés directement dans la partie « extermination » des camps après « triage ». Pour ceux qui ne pourront pas voir cette exposition (qui est itinérante et sera visible dans de nombreuses villes), je vous invite à découvrir l’œuvre littéraire de Charlotte Delbo et notamment ses témoignages sur la déportation (voir Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours).

Pour aller plus loin, voir la présentation de l’exposition sur le site de la médiathèque de Poitiers et un dossier en pdf sur le site du Centre régional de documentation pédagogique (lien vers le dossier Charlotte Delbo).

Convoi vers l’Est et retour, photographies de Claude Pauquet

Au Centre régional de documentation pédagogique (lien vers l’exposition convoi vers l’est et retour) [PS:Un mois après la fin de l’exposition au CRDP de Poitiers, le lien ne fonctionne déjà plus… Ils n’arrêtent pas de changer leurs adresses de liens, c’est exaspérant] se tient jusqu’au 18 mars 2014 une exposition de photographies de Claude Pauquet (dont je vous ai parlé il y a longtemps pour Paysages urbains), dont la mère, Geneviève Pakula, a fait partie du même convoi que Charlotte Delbo, le convoi des « 31000 » (dont les matricules commençaient par ce chiffre, voir Le convoi du 24 janvier). En 1997, Claude Pauquet a refait le trajet du convoi, de Romainville à Mauthausen, via Auschwitz, Birkenau et Ravensbrück. L’exposition a été présentée une première fois en 2002. Elle rassemble des photographies au format paysage très allongé, toutes sauf cinq sont présentées à l’horizontale. Un travail très fort… Celle qui m’a le plus frappée? C’est une vue de l’intérieur du Bloc 26 à Birkenau, avec au sol une plaque de neige infiltrée par le vasistas ouvert. [voir aussi le livre Convoi vers l’est de Claude Pauquet].

Enfin, si ces manifestations pouvaient aussi être l’occasion de rappeler qu’il y avait plusieurs camps d’internement à Poitiers, et de mettre au moins une mention (plaque?) pour que les habitants du nouveau quartier des Montgorges sachent que sur ce terrain se sont succédé le Frontstalag 230 et le camp de la Chauvinerie (voir aussi le témoignage de Paulette)…

Pour aller plus loin, suivre les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les , et plus largement sur la

Quelques pistes de lecture:

– Charlotte Delbo : Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

 

Le témoignage de Paulette sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers

Poitiers, terrain entre les Montgorges et la Chauvinerie, emplacement du Fronstalag 230Il y a quelques mois, je vous ai parlé du Frontstalag, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges, à Poitiers. Récemment, je ne sais pas comment le sujet est venu dans nos conversations des habitués du samedi matin (vers 9h) au café des Arts à Poitiers. Paulette nous apprend alors qu’enfant, elle habitait à côté du camp de la Chauvinerie, et que ses parents accueillaient le week-end un jeune Guinéen détenu au camp. À son grand regret, les photographies et les lettres envoyées après son passage à Poitiers (écrites par un de ses camarades) ont été perdues.

Pour ceux qui ne prendraient pas le temps de (re)lire l’article sur le Frontstalag, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges, voici quelques éléments de contexte. Le Fronstalag 230 a été ouvert en août 1940 par les Allemands entre les casernes de Ladmirault et l’aéroport de Biard (dans ce qui est amené à être construit sous le nom de ZAC des Montgorges). Y étaient dans un premier temps détenus des prisonniers de guerre des troupes coloniales françaises (plus de 16.000 personnes, dont Léopold Sédar Senghor, transféré en camp disciplinaire fin 1941). Le Fronstalag 230 a été évacué en février 1942, transféré et regroupé au Frontstalag 221 de Saint-Médard-d’Eyrans en Gironde. Le camp de Poitiers passe sous administration française, prend le nom de la Chauvinerie et détient des prisonniers de droit commun, des prisonniers politiques et, d’après le témoignage de Paulette, encore des « Français des colonies ». Après la libération de Poitiers (5 septembre 1944), ce camp est devenu l’un des pires sur le territoire français à détenir des prisonniers allemands, avec des taux de mortalité importants, dus aux maladies et à la malnutrition consécutives à des accaparements de vivres par les responsables du camp.

La parole est à Paulette Manquin:

« Née en 1934, enfant, j’habitais à quelques centaines de mètres du camp de la Chauvinerie ; pendant la guerre, j’allais me promener avec ma grand-mère au « Polygone », nous longions le camp, cette promenade était presque quotidienne ; à travers les barbelés nous avions sympathisé avec un jeune Guinéen.
Je ne me souviens pas dans quelles circonstances nous avons pu l’accueillir le samedi soir et le dimanche (on ne disait pas encore week-end).
Aucun souvenir du temps que cette relation a duré ; à la libération, Antoine s’est engagé ou a été enrôlé je crois me rappeler dans la 2ème D.B.
J’ai reçu des lettres pendant un certain temps puis plus rien. Ces lettres étaient écrites par un camarade. Antoine ne savait ni lire ni écrire, mes parents l’avaient compris, il faisait semblant de lire mais tenait le livre à l’envers.
De nombreuses années après, j’ai réalisé qu’Antoine, qui était originaire de la capitale Conakry, était analphabète ; en revanche, son camarade qui était musulman savait lire et écrire. Les sœurs qui semblaient l’avoir élevé n’avaient pas jugé utile de l’instruire.
Cette différence entre deux jeunes Guinéens, tous les deux natifs de Conakry, m’a profondément choquée, avec le recul, il était préférable sans doute de laisser nos colonisés dans l’ignorance ».

PS : Pour aller plus loin, lire le gros article de Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, 2014, p. 7-87.

Itsik de Pascale Roze

pioche-en-bib.jpgCouverture de Itsik de Pascale RozeUn livre trouvé à la médiathèque.

Le livre : Itsik de Pascale Roze, collection bleue, éditions Stock, 2008, 119 pages, ISBN 9782234059764.

L’histoire : en 1904 à Varsovie naît Itzhak (Itzik) Gersztenfeldest, le petit dernier d’une famille nombreuse. Une enfance dans le quartier juif, adolescent, il tombe amoureux de Maryem mais part rejoindre son frère Yossel à Berlin, qui y a monté une petite entreprise de confection, lui fait abandonner le yiddish et apprendre l’allemand avec l’aide de la première ouvrière, Katia. Le jour où il apprend que son frère veut les marier, il se révolte, fuit en France en s’embauchant dans une mine, avant de rejoindre Paris, où il pourra enfin faire venir Maryem… mais tout se gâte en 1941.

Mon avis : ce livre montre la vie d’un juif polonais qui va aller de Varsovie à Paris en passant par Berlin et la mine à Bruay-en-Artois. L’ascension sociale, avant la tentative d’engagement volontaire dans l’armée polonaise, avec une errance qui va le mener à Airvault, Toulouse, Libourne. La soumission aussi de cet homme qui, interné au camp de Pithiviers, réussi à obtenir un laisser-passer pour aller voir sa femme malade à Paris, par deux fois, et n’en profite pas pour s’enfuir (il réussit quand même à faire mettre ses enfants à l’abri à Montihou-sur-Bièvre), rentre docilement se mettre dans la gueule du loup, déporté finalement à Auschwitz en 1942 (convoi du 24 juin), où il est immédiatement éliminé. Un texte court à découvrir si vous le trouvez…

Pour aller plus loin : il faudra que je vous reparle du camp de Velluché à Airvault dans les Deux-Sèvres, qui, après avoir reçu le gouvernement polonais en exil, est devenu un Fronstalag (n° 231, sur lequel la ville communique à peine)… Sur ces camps d’internement allemands des étrangers indésirables, vous pouvez (re)lire mon article sur le Frontstalag 230, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges à Poitiers.

Sur des sujets voisins, suivre les liens des mots-clefs en fin d’article ou voir:

Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay de Kkrist Mirror

– Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, de Art Spiegelman

– Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours de Charlotte Delbo

Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik

Éducation européenne de Romain Gary

–  Le wagon d’Arnaud Rykner

La réparation de Colombe Schneck

pioche-en-bib.jpgCouverture de La réparation de Colombe SchneckUn livre dont j’avais pas mal entendu parler sur France Inter (l’auteure y est journaliste) lors de sa parution il y a un an (rentrée littéraire 2012), trouvé à la médiathèque.

Le livre : La réparation de Colombe Schneck, éditions Grasset, 2012, 224 pages, ISBN 978-2246788942.

L’histoire : de nos jours et pendant la seconde guerre mondiale, à Paris et dans le ghetto de Kovno (aujourd’hui Kaunas), en Lituanie. Colombe Schneck a prénommé sa fille Salomé, pas tout à fait par hasard, pour son premier enfant, sa mère aujourd’hui décédée avait suggéré ce prénom, ce fut un garçon, Salomé est revenu dans une conversation, mais c’était aussi celui de la fille de sa tante, Raya Berstein, Salomé, née en 1936 ou 1937 et morte en déportation en 1943, dont il ne reste qu’une photographie. Colombe Schneck part à la recherche de l’histoire de sa famille, longtemps tue par sa mère et sa grand-mère, part à la rencontre de son oncle et de ses tantes (ils ont tous survécu, pas leurs parents ni leurs enfants), de leurs enfants aujourd’hui adultes nés après la guerre, sur place à Kovno aussi.

Mon avis : un récit bibliographique qui aurait mérité d’être accompagné d’un arbre généalogique, pour mieux se repérer dans la famille nombreuse (Raya, Macha, Samuel, Max, hélène, Pierre, Salomé, Nahum, Myriam, Elie, etc.). Le choix du prénom de Salomé pour sa fille, qui devait rester bien enfoui dans le sub-conscient de l’auteure, est le déclencheur de cette histoire pour laquelle je lirais bien aussi la version de son frère (Autobiographie de mon père, de Pierre Pachet, mais le livre n’est pas à la médiathèque de Poitiers). Ce retour sur le passé est une plongée dans les non-dits familiaux, une histoire douloureuse et enfouie, cachée par la grand-mère revenue des camps, alors que les frère et sœurs de celle-ci en ont parlé à leurs enfants nés après la guerre (ceux nés avant ont tous été exterminés). Le ghetto, la déportation, le difficile retour des camps, l’errance à travers l’Europe, le regroupement familial puis la dispersion (États-Unis, Paris, Israël), l’impossibilité de raconter l’indicible.

Pour aller plus loin : Colombe Schneck propose une série de lecture au fil des pages, partiellement regroupées à la fin de l’ouvrage dans un bibliographie (tout n’y est pas repris, au fil des pages, j’ai noté qu’il manquait au moins Le juif errant est arrivé d’Albert Londres, les romans de Bashevis Singer, Aharon Appelfeld et Philip Roth, Le juif imaginaire d’Alain Finkielkraut, Les récits de Kolima de Varlam Chalamov, Les jours de notre mort de David Rousset).

Parmi les livres dont je vous ai déjà parlé, je vous conseille aussi sur le sujet:

– Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, de Art Spiegelman

Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik

Éducation européenne de Romain Gary

Le wagon de Arnaud Rykner