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Les premiers déportés étaient Espagnols… hommage à Angoulême

Angoulême, stèle aux déportés républicains espagnolsLa ville d’Angoulême a érigé plusieurs monuments, stèles et plaques commémoratives en lien avec la seconde guerre mondiale, dont une stèle commémorative aux Tsiganes, un monument commémoratif des bombardements des 15 Juin et 14 Août 1944 et le monument aux déportés situé près de la gare. A côté de celui-ci se trouve une stèle inaugurée en janvier 2008 qui rappelle, en français et en espagnol (castillan?) cet épisode :

Le 20 août 1940 / le premier train de la déportation / de la seconde guerre mondiale / est parti de cette gare d’Angoulême / vers le camp d’extermination / de Mauthausen / avec 927 républicains espagnols. / La plupart seront exterminés, / véritable crime contre l’humanité / N’oublions pas

El 20 de agosto de 1940, / salío de esta estació de Angulema hacia / el campo de exterminio de mauthausen, / el primer tren de deportados / de la segundo guerra mundial. / en é iban 927 republicanos españoles. / La mayoría során exterminados / en un verdadero crimen contra la humanidad / No les olvidemos.

Ces Républicains, qui avaient afflué avec la « retirada » en janvier/février 1939, étaient auparavant enfermés dans différents lieux et dans des camps dans la région d’Angoulême, dont La Combe aux Loups à Ruelle-sur-Touvre. Les Allemands, qui occupaient Angoulême depuis le 24 juin 1940, décident le 13 juillet de regrouper ces « rouges espagnols » dans un camp à proximité de la voie ferrée, au sud-ouest de la ville, ainsi naît le camp des Alliers ou de Saliers à Sillac, où seront ensuite internés les Tsiganes. Les autorités françaises auraient voulu expédier les Espagnols en zone libre, mais le 20 août 1940, les Allemands prennent le contrôle du camp et embarquent tout le monde dans des wagons de marchandise. Sur les 927 déportés de ce convoi, 490 hommes et enfants de plus de 13 ans ont été internés et contraints aux travaux forcés, seuls 73 en sont revenus. Les 437 femmes et jeunes enfants ont été renvoyés en Espagne et livrés au régime franquiste.

Le camp de Mauthausen a été construit dès 1938 comme camp de travaux forcés autour d’une grande carrière de granite. Il reçoit d’abord des prisonniers de droit commun allemands puis des militants antifascistes autrichiens et tchèques. A partir du 6 août 1940, ce sont des civils militants républicains espagnols qui viennent grossir les rangs de ce camp. Le convoi d’Angoulême est le premier à partir de France.

Photographies de novembre 2010

Pour en savoir plus sur ce convoi : voir le dossier paru dans le n° 62 (septembre 2009) de Mémoire Vivante, bulletin de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, Le train d’Angoulême, premier convoi de déportés parti de France.

Pour en savoir plus sur le camp de Mauthausen, voir le mémorial (version complète en allemand, assez complète en anglais, résumés dans les autres langues) et le site officiel de l’amicale de Mauthausen (en français).

Sur la ré-utilisation du camp pour l’internement des tsiganes, voir l’histoire romancée par Paola Pigani, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures.

Frontstalag et camp d’internement de Poitiers

Poitiers, emplacement du camp d'internement de la route de Limoges et plaque de la rue du Père Jean FleuryLes camps d’internement de Poitiers posent le problème de la question de la mémoire, même pour des événements relativement récents et pour lesquels il reste encore des témoins vivants. Ici en effet, on entend régulièrement parler du « camp de la route de Limoges », dont l’emplacement est signalé par une stèle située à l’emplacement du camp, au bord de l’avenue Jacques-Coeur (qui mène au campus universitaire) et un nom donné à la petite rue perpendiculaire, « Rue du Père Jean Fleury, aumônier du camp, 1905-1982 ».

Poitiers, stèle du camp d'internement de la route de Limoges
La stèle, inaugurée le 4 septembre 1985, porte deux plaques. Sur la première se trouve le texte suivant:

En ce lieu se trouvait le / « camp d’internement de la route de Limoges ». / Du mois de décembre 1940 à la libération, / le 5 septembre 1944, plusieurs milliers d’hommes, / de femmes, d’enfants, juifs ou tsiganes / et des résistants y furent entassés dans des / conditions inhumaines, avant d’être déportés / vers des camps de concentration / et d’extermination nazis.

La deuxième plaque a été ajoutée le le 16 juillet 1994 avec ce texte :

La République française / en hommage aux victimes / des persécutions raciste et antisémites / et des crimes contre l’humanité / commis sous l’autorité de fait / dite gouvernement de l’État français / (1940-1944) / N’oublions jamais.

Ce camp a été beaucoup moins étudié que le camp de Montreuil-Bellay (voir les références à la fin de mon article sur la bande dessinée Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay de Kkrist Mirror), mais des cérémonies du souvenir y sont régulièrement organisées et des témoignages de tsiganes qui y ont été internés ont été récemment recueillis (voir les actions de la FNASAT / Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage. N’oubliez pas que les Tsiganes n’ont pas été libérés en 1944, mais éloignés encore plus loin, jusqu’au camp d’Angoulême, d’où les derniers ne seront délivrés qu’en juin 1946 [PS: voir leur histoire romancée dans N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, de Paola Pigani, prix des lecteurs Poitou-Charentes 2014]…

L’AJPN consacre cette page au camp de la Route de Limoges, le VRID / Vienne, Résistance, Internement, Déportation en parle aussi… Voir aussi la référence bibliographique en fin d’article.

Poitiers, terrain entre les Montgorges et la Chauvinerie, emplacement du Fronstalag 230Le cas du deuxième camp (ou plutôt le deuxième lieu, où se sont succédé deux camps) est beaucoup plus délicat… Il n’apparaît pas du tout sur le site du VRID / Vienne, Résistance, Internement, Déportation [dernière consultation 5 mai 2013], ni dans la liste des camps d’internement de la Vienne édité par l’office national des anciens combattants, mais figure bien sur la page de la Vienne de l’AJPN, sur deux pages, le Frontstalag 230 et La Chauvinerie, mais avec des données très incomplètes. Son histoire a été remise en évidence récemment (en 2008), à l’occasion de sondages archéologiques préalables à l’aménagement de la Chauvinerie et des Montgorges, sur un terrain situé à l’ouest de Poitiers, entre les casernes de Ladmirault et l’aéroport de Biard. Des « anomalies » sur des photographies aériennes ont conduit le service régional de l’archéologie à prescrire des sondages archéologiques, menés par l’Inrap… et qui ont « redécouvert » le Frontstalag 230 et le camp de la Chauvinerie… pourtant parfaitement visibles sur les photographies aériennes de 1947 de l’IGN (institut géographique national) disponibles en ligne (se positionner sur Poitiers puis cliquer « remonter le temps). La découverte (fouilles archéologiques préalables à la zone des Montgorges), est cependant restée confidentielle, à part une conférence organisée par la Société des Antiquaires de l’Ouest au musée Sainte-Croix lors des journées du patrimoine en septembre 2012. Aucune publication depuis, même si le fond du camp déposé aux archives départementales de la Vienne (avec un inventaire en ligne) a été dépouillé par Jean Hiernard [PS: publication fin 2014 d’un gros article de Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, p. 7-87]. J’avais évoqué le sujet dans une première réflexion il y a quelques mois, après avoir lu Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik. Alors qu’un camp de prisonniers allemands a fait l’objet d’une vraie fouille donnant de nombreuses informations en Normandie en 2006 (camp de la Glacerie à La Motterie), le camp de la Chauvinerie à Poitiers a été livré aux constructeurs sans prescription de fouilles après les sondages de diagnostic… un nouveau quartier est en train de voir le jour (la partie centrale n’est pas encore commencée), et pour l’instant, pas même un panneau n’est prévu pour rappeler le passé à jamais détruit de ce site… Les historiens (poussés ici par les archéologues) s’exprimeront-ils enfin sur le sujet dans une revue spécialisée et/ou une revue grand public?

Sur ce lieu donc se sont succédé deux établissements.

Le Fronstalag 230 était un camp d’internement des prisonniers de guerre issus des troupes coloniales, administré par l’armée allemande. Parmi les prisonniers se trouvait Léopold Sédar Senghor, qui, avec l’interprète de l’administration du camp, Walter Pichl (un Autrichien qui avait travaillé sur des langues orientales), et ses camarades d’infortune, a lors de son internement proposé une transcription écrite du Wolof (parlé au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie) et recueilli de nombreux contes et légendes. Il a raconté son internement dans un document exhumé en 2011, je vous invite aussi à (re)lire Hosties noires, écrit pendant la guerre et paru en 1948 (quatre des poèmes de ce recueil portent la mention « Frontstalag 230 »), réédité dans Œuvres poétiques (Point Seuil, n° 210, 1966, réédité de multiples fois). Léopold Sédar Senghor a été envoyé fin 1941 dans un camp disciplinaire dans les Landes avant d’être libéré pour cause de maladie en 1942. Le Frontstalag 230 a fonctionné du mois d’août 1940 au mois de février 1942. Le fichier des matricules (voir le répertoire) indique que plus de 12698 personnes sont passées par ce camp. Après cette date, les prisonniers sont regroupés dans le  Frontstalag 221 de Saint-Médard-d’Eyrans en Gironde, qui regroupe les anciens Frontstalag 221 sud (Bordeaux), 221 ouest (Renne), 135 (Quimper) et 230 (Poitiers) et renfermait les prisonniers des troupes coloniales détenues auparavant dans les  départements de la Vienne (partie occupée), des Deux-Sèvres, de la Charente-Inférieure, de la Charente (partie occupée), de la Gironde et de la Dordogne (partie occupée).

Le camp de la Chauvinerie, sous administration française, a été installé dans une série de baraquements adjacents et a accueilli des droits communs et des personnes destinées à la déportation. Cependant, les différents sites que j’ai consultés le confondent souvent avec le camp de la route de Limoges, il faudra donc attendre des publications sérieuses pour séparer ce qui relève de chacun des camps. Après la libération, il devient un camp d’internement de prisonniers allemands (avec aussi des malgré-nous alsaciens), dont l’actrice Dita Parlo (Gerda Kornstädt) qui, contrairement à ce que dit la légende et le non-lieu dont elle a bénéficié à la Libération, a été très proche des Nazis et de la Gestapo (voir le livre Un pedigree de Patrick Modiano). Des centaines d’entre eux (et tous les enfants) sont morts, une partie lors du transfert, beaucoup suite à l’accaparement des vivres par les responsables du camp : voir en 2002 l’article de Loïc Rondeau, Prisonniers et civils allemands dans la Vienne (1945-1948) (Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 109, n° 4, 2002, p. 217-227), un article publié en 2005 de Denis Peschanski intitulé Morbidité et mortalité dans la France des camps (paru dans « « Morts d’inanition ». Famine et exclusions en France sous l’Occupation, Isabelle von Bueltzingsloewen (dir.), Rennes, PUR, 2005, p. 201-212), et les études encore inédites du rapport de sondage de 2008 (compte rendu au cours d’une conférence lors des journées du patrimoine 2012, mais toujours pas de publication)… Comment toute une ville, y compris les associations d’anciens combattants peut-elle avoir oublié voire nié l’existence de ce camp???

PS: sur ce camp de la Chauvinerie à Poitiers, voir aussi le témoignage de Paulette.

Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, 2014, p. 7-87.

Photographies de novembre 2012 (en compagnie de Grégory pour la Chauvinerie).

Pour aller plus loin :

Jacques Sigot, Un camp pour les Tsiganes à Poitiers, un camp de concentration oublié, une allée pour la mémoire, paru dans Le Picton, n° 204, novembre-décembre 2010, p. 9-10.

La Vienne pendant la seconde guerre mondiale sur le site de l’ONAC / office national des anciens combattants (avec une vue du camp de la route de Limoges)

La liste officielle des prisonniers de guerre est disponible sur Gallica, si vous avez la date où la personne que vous recherchez a été arrêtée et son nom, ça sera plus facile, même s’il y a un outil de recherche à partir de ce fichier numérisé sur Généanet. Le fichier des matricules par Frontstalag est consultable aux archives nationales (voir le répertoire).

Recham Belkacem, Les indigènes nord-africains prisonniers de guerre (1940-1945), Guerres mondiales et conflits contemporains, 3/2006 (n° 223), p. 109-125.

Sur le site officiel du ministère de la Défense, Chemins de mémoire, lire aussi les articles sur les Fronstalag et celui sur les prisonniers de guerre indigènes.

Et je ne l’ai pas encore lu, mais ça manque à ma culture générale:

Armelle Mabon, Les prisonniers de guerre indigènes, Visages oubliés de la France occupée, éditions La Découverte, 2010.

Et paru après la publication de cet article:

Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, 2014, p. 7-87.

Monument à la gloire de la résistance jurassienne, à Lons-le-Saunier

Lons-le-Saunier, monument aux résistants du Jura, 1, deux vues de face Je vous ai déjà montré le monument aux morts de 1914-1918 à Lons-le-Saunier. Si l’on en fait le tour, à l’arrière se trouve le monument « A la gloire de la résistance jurassienne / 1939 / 1945 », ainsi qu’il est écrit sur le socle. Il se compose d’un fond d’où se dégagent trois hommes et a probablement été réalisé avec la technique préférée de l’artiste qui l’a élaborée et utilisée à partir de 1926, la taille directe sur le béton en train de prendre. Le monument se trouve face aux thermes, au carrefour des avenues Jean Moulin et Paul Seguin. Il rend hommage aux 450 déportés morts, aux 392 fusillés et aux 355 maquisards tués dans la résistance du Jura en 1939-1945.

Lons-le-Saunier, monument aux résistants du Jura, 2, signature de Charles Sarrabezolles Ce monument est une œuvre de Charles [Marie Louis Joseph] Sarrabezolles (Toulouse, 1888 – Paris, 1971), qui se fit aussi appeler Carlo, de 1950, dont il porte la signature : « C. Sarrabezolles / sc », premier second grand prix de Rome de sculpture en 1914 (le premier grand prix a été attribué cette année là à Paul-Marie-Marc Leriche et le deuxième second grand prix à Antoine Ambrosio-Donnet, le jury a exceptionnellement récompensé trois sculpteurs).

Lons-le-Saunier, monument aux résistants du Jura, 3, deux détails des têtes

Le fond du monument, avec son décor dessinant une suite de collines, symbolise le département du Jura . Au centre se trouve un homme âgé, plus grand que les autres, barbu aux cheveux mi-long. Torse nu, musclé et les poings serrés de part et d’autre de ses deux compagnons, il symbolise le Jurassien. Devant lui se tiennent deux personnages, à gauche, vêtu d’une veste, un maquisard aux poings serrés lui aussi. A droite, torse nu et émacié (on voit ses côtes), un déporté.

Lons-le-Saunier, monument aux résistants du Jura, 4, plaque commémorative A côté se trouve une plaque commémorative :  » Première armée française / commandée par / le général de Lattre de Tassigny / forgée en Afrique et en Italie / débarquée en Provence / grossie des forces françaises / de l’intérieur. A pris part/ à la libération du Jura / dans sa marche victorieuse / au Rhin et au Danube « . Derrière, vous apercevez le monument aux morts de 1914-1918. De l’autre côté se trouve un monument aux morts en Afrique du Nord entre 1952 et 1962… ça sera pour un autre article.

Photographies de juillet 2012.

Retrouvez d’autres monuments aux morts et monuments à la résistance sur cet index des monuments aux morts.

Le monument de la résistance de La Rochelle

Monument de la résistance de La Rochelle, vue généralePrès du casino de la Rochelle, à quelques centaines de mètres du monument aux morts de 1914-1918, a été érigé un monument aux Forces Françaises Intérieures / FFI. Il se compose d’une grande stèle à la Résistance, avec la copie de l’appel du 18 juin, une croix de Lorraine et l’inscription « Résistance / 1940-1945 / Forces françaises libres / résistance intérieure »…

Monument de la résistance de La Rochelle, la stèle avec le nom des camps de concentration… et d’une stèle plus petite où est incluse une plaque en bronze dominée par un déporté et qui porte le nom des camps de concentration européens (y compris certains rarement cités, comme le camp de Rawa-Ruska en Ukraine) et ainsi que le nom de camps d’internement en Poitou-Charentes et au-delà, j’espère n’avoir rien oublié dans mon relevé, je reparlerai dimanche prochain des camps de Poitiers / Pierre Levée et Biard (la Chauvinerie aux Montgorges: voir le Frontstalag, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges, ainsi que le témoignage de Paulette).

Voici la liste qui figure sur la stèle :

Auschwitz
Ravensbruck
Neuengamme
Sachsenhausen
Buchenwald
Mathausen
Dachau
Rawa-Ruska
Struthof
Miranda
Tonnay-Charente
Rétaud
Ferrières
Marans
Saujon
Château-Gaillard
Gué-d’Alleré
Yves
Saint-Simon-de-Bordes
Marignac
Heurtebise
Eysses
Souges
Mont-Valérien
Biard
Romainville
Pierre-Levée
Fort du Ha
Saint-Maurice
Lafond

Monument de la résistance de La Rochelle, signature de H. GayotIl porte la signature de Henri Gayot, qui a donné son nom au square où se trouve le monument. Professeur de dessin à La Rochelle, Henri Gayot (1904-1981) fut résistant du groupe « honneur et patrie » sous le pseudonyme de « le normand », déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.

Monument de la résistance de La Rochelle, détail du déportéLa stèle est dominée par un déporté de retour des camps, rasé et décharné, portant une flamme de la liberté. L’artiste a utilisé toutes les possibilités de la sculpture, du haut-relief de la flamme et de la main droite à la gravure fine pour les jambes. Une sculpture d’une très grande force, je trouve…

Photographies de juin 2011.

Pour aller plus loin :

– Henri Gayot, Occupation, Résistance, Libération en Charente-Maritime, Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale, 196 pages, 1973.

– le site du camp de Natzweiler-Struthof.

– Service départemental de l’ONAC de Charente-Maritime et l’Union départementale des Combattants Volontaires de la Résistance, La plume, le crayon et le bronze, sources de mémoire – Henri Gayot, un résistant rochelais déporté au Struthof, 2002.

Retrouvez d’autres monuments aux morts et monuments à la résistance sur cet index des monuments aux morts.

Le monument aux morts de la déportation des Sables-d’Olonne et le buste de Mignonneau

Les Sables-dOlonne, monument aux morts en déportation, vue généraleLa semaine précédent le 11 novembre 2012, je vous avais proposé une semaine d’articles sur des monuments aux morts de la première guerre mondiale, regroupés avec les autres dont j’ai parlé sur l’index des monuments aux morts. Je renouvelle l’opération cette semaine, avec chaque après-midi un article sur un monument consacré à la deuxième guerre mondiale, à la résistance, aux déportés ou à des personnages marquants de ce conflit. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement le site de l’AJPN / Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France. Si la période commence à être assez bien étudiée, même si l’on peut avoir des « trous de mémoire », comme on le verra dimanche pour Poitiers, les architectes et sculpteurs qui ont réalisés ces monuments sont très peu voire pas du tout documentés. Il s’agit assez souvent d’artistes directement liés aux événements, parfois des artistes eux-mêmes déportés comme pour Henri Gayot à La Rochelle. Je n’ai pas eu le temps de dépouiller les différents journaux de l’époque de l’édification des monuments pour préciser la vie de ces artistes, tous renseignements complémentaires sont les bienvenus. C’est le cas pour l’article d’aujourd’hui.

Je commence aujourd’hui aux Sables-d’Olonne en Vendée, avec des photographies de novembre 2010.

Le monument aux déportés se trouve près de l’abbaye Sainte-Croix, qui abrite le musée et le centre culturel, dont le square a été baptisé en novembre 2003 square Simone Feuvre, sage-femme, résistante, arrêtée le 19 juillet 1944, déportée à Ravensbrück dont elle a réussi à s’échapper (plus d’informations sur ce document de l’amicale des déportais sablais, où vous trouverez le parcours des 27 déportés originaires des Sables-d’Olonne).

Les Sables-dOlonne, monument aux morts en déportation, signature du sculpteur Langént_deportation_2Sur la grande stèle du monument, deux mains enchaînées sortent des flammes. Le monument porte la signature « R. Lange / sculpteur / 1959 » [Complément du 4 août 2016 : pour Robert LANGE, né à Paris le 23 mai 1914 et décédé à la Roche sur Yon le 6 septembre 1999, voir commentaires ci-dessous].

La presse locale a annoncé en mars 2013 que le monument allait déménager près du monument au capitaine Mignonneau, pour permettre l’extension de la médiathèque…

Le monument du capitaine Mignonneau, vue généraleVoici ce monument au capitaine Mignonneau (1929-1944),  sur le boulevard Castelnau. Le mémorial Genweb nous renseigne sur son identité: Louis Guy Constant Georges était parachutiste, arrêté le 7 août 1944, torturé, abattu à Lille lors d’une tentative d’évasion. Son nom figure sur le monument aux morts des Sables-d’Olonne.

Le monument du capitaine Mignonneau, le busteLe buste est représenté de manière très classique, le capitaine étant représenté de face, en uniforme.

Le monument du capitaine Mignonneau, signature de sculpteur M. SuinIl porte la signature (oups, désolé(e pour le flou) « Suin M. / 1947 ».

PS (5 octobre 2014): Grâce aux descendants de l’artiste, je peux désormais préciser qu’il s’agit de Marius Suin (1920-1972).

La bascule du souffle de Herta Müller

Couverture de La bascule du souffle de Herta Müller

pioche-en-bib.jpgAprès avoir lu L’homme est un grand faisan sur terre, La convocation et Animal du cœur, j’ai eu envie de poursuivre la lecture de cette auteure, prix Nobel de littérature en 2009. J’ai trouvé ce livre à la médiathèque.

 

Le livre : La bascule du souffle de Herta Müller, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, éditions de Gallimard, 2010, 306 pages, ISBN 9782070128839.

L’histoire : janvier 1945, en Transylvanie, région germanophone de Roumanie. Leopold Auberg, le narrateur, a 19 ans, homosexuel à l’occasion, vient d’apprendre qu’il a été désigné sur une liste pour être envoyé en URSS pour participer à la reconstruction du pays. Il part, accompagné des mots de sa grand-mère «Je sais que tu reviendras»… Mais à l’arrivée, le travail est dur, interné dans un camp, mal nourri comme ses camarades (sauf la dernière des 5 années qu’il passe là-bas), le travail est dur entre l’usine de charbon et une cimenterie, peu de pain, beaucoup de poussière, et en permanence, l’ange de la faim qui l’accompagne comme ses compagnons d’infortune, dont plus 300 vont mourir rien que dans son camp…

Mon avis : Herta Müller a commencé, en 2001, pour rédiger ce texte, par interroger le poète germano-roumain Oskar Pastior. ils devaient écrire le récit à quatre mains, mais celui-ci est décédé prématurément. Elle raconte ici un épisode peu connu de l’après Seconde Guerre mondiale. Celle-ci n’est pas encore terminée que les Russes exigent de la Roumanie qu’ils envoient en Russie de jeunes roumains germanophones (la région d’om est originaire Herta Müller et qui est au centre des ses autres livres), soupçonnés d’avoir été d’importants soutiens de l’Allemagne nazie. La mère de l’auteure a été elle-même déportée dans ces camps. Le texte est fort, poétique malgré le sujet lourd qui est traité, et j’ai de plus en plus envie de découvrir cette auteure en version originale… de toute façon, la VO est indispensable pour lire d’autres livres, puis que j’ai maintenant lu presque tous ceux qui ont été traduits en français (L’homme est un grand faisan sur terre, La convocation et Animal du cœur), il ne me reste plus qu’à lire Le renard était déjà le chasseur… Pourquoi les éditeurs français ne nous permettent-ils pas d’accéder à d’autres textes?

Les plaques commémoratives de la déportation, école Mirabeau à Tours

Ecole Mirabeau à Tours, plaque commémorant la déportation d'élèves et d'un instituteur Juste à côté du parc Mirabeau (avec sa fontaine inaugurale et sa stèle aux céramistes), se trouve l’école du même nom. On y trouve deux plaques commémoratives.

Ecole Mirabeau à Tours, plaque commémorant la déportation de cinq élèves, Norbert et Renée Kronenberg, Estelle, Joseph et Paulette Zomerstain Celle du haut est l’une des rares plaques commémorant la déportation d’enfants juifs, scolarisés dans cette école, plaque apposée dès 1946. « À la mémoire de / Norbert KRONENBERG 12 ans / René KRONENBERG 6 ans / Estelle ZOMERSZTAIN 8 ans / Joseph ZOMERSZTAIN 12 ans / Paulette ZOMERSZTAIN 4 ans / Élèves de ce groupe scolaire / Arrêtés à Tours en juillet 1942 / Internés au camp de Lalande à Monts / Déportés à Auschwitz Birkenau / le 23 septembre 1942 / Gazés dès leur arrivée / au nom des lois de l’Allemagne nazie / et de celle de la France de Vichy / PARCE QU’ILS ÉTAIENT NÉS JUIFS « . Souvenez-vous demain…

Ecole Mirabeau à Tours, plaque commémorant la déportation de l'instituteur Marcel Rabache En-dessous se trouve une seconde plaque dédiée à « À la mémoire de / Marcel RABACHE / Instituteur Résistant / déporté en Allemagne. / MORT POUR LA FRANCE / 1904-1944 ». Pour en savoir plus sur Marcel Rabache, des élèves du lycée Chaptal lui ont consacré un dossier dans le cadre du concours national de la Résistance (un concours auquel j’ai participé il y a fort longtemps, en classe de 3e…).

Le mémorial à Vieljeux par Prud’homme à La Rochelle

Le mémorial à Vieljeux par Prud'homme à La Rochelle, 1, vue générale

Sur le mur de l’hôtel de ville de La Rochelle se trouve un monument commémorant Léonce Vieljeux, composé des armoiries de la ville de La Rochelle, d’un médaillon en bronze et d’une inscription et inauguré le 23 juillet 1948 par le général de Gaulle.

Le mémorial à Vieljeux par Prud'homme à La Rochelle, 2, l'inscription L’inscription en dit un peu plus : « A la / mémoire de / Léonce Vieljeux / 1865-1944 / maire de La Rochelle / déporté et fusillé / par les Allemands / à l’âge de 79 ans ». Né le 12 avril 1865 à Vans en Ardèche, diplomé de Saint-Cyr, il est affecté à La Rochelle où il se marie à Hélène Delmas, entre dans l’entreprise familiale d’armement de bateaux, puis devient maire de 1930 à 1940. Membre du réseau Alliance, il est arrêté par la Gestapo le 14 mars 1944, interné à La Rochelle puis déporté via Poitiers et Fresnes, au camp de Natzweiler-Struthof (comme Henri Gayot, auteur du monument de la résistance à La Rochelle), où il est exécuté dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 (avec 300 hommes et 92 femmes).

Le mémorial à Vieljeux par Prud'homme à La Rochelle, 3, la signature G. Prud'homme et la date 1940? Au-dessus du texte commémoratif se trouve un médaillon en bronze avec la signature du sculpteur, Georges Henri Prud’homme (Capbreton, 1873 – Paris, 1947), médailliste assez connu, dont je vous ai parlé notamment pour un médaillon de Jeanne-d’Arc à Poitiers (et le même à Tours). La date qui suit le nom « G. Prud’homme / MCMXXXIX » (1939) indique qu’il a été réalisé avant, il est habituel sur ce type de monument d’utiliser un médaillon existant, le médaillon a donc été réalisé dans des circonstances à préciser (portrait du maire après avoir réalisé les médaillons pour le monument aux pionniers de la Côte-d’Ivoire en 1937 à La Rochelle?), juste avant ou au début de la guerre.

Le mémorial à Vieljeux par Prud'homme à La Rochelle, 4, le médaillon en bronze Léonce Vieljeux est représenté en montrant son profil gauche.

Le mémorial à Vieljeux par Prud'homme à La Rochelle, 5, détail du visage sur le médaillon Il porte la moustache, a d’épais sourcils et est presque chauve…

Toutes ces photographies datent du 25 juin 2011.

Maus (tome 2) de Spiegelman

Couverture du tome 2 de maus, de Spiegelman pioche-en-bib.jpgDepuis le début, cette bande dessinée figure en tête du classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. J’ai donc emprunté les deux tomes à la médiathèque, je vous ai parlé du tome 1 : mon père saigne l’histoire, voici aujourd’hui le tome 2. L’année prochaine, fin janvier 2012, Art Spiegelman, grand prix 2011, présidera le festival d’Angoulême. Maus a d’ailleurs reçu le prix Alfred du meilleur album étranger pour le tome 1 au festival d’Angoulême de 1988 et en 1993 l’Alph-Art du meilleur album étranger pour le tome 2 (également prix Pulitzer spécial en 1992).

Le livre : Maus, un survivant raconte, tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé (De Mauschwitz aux Catskill et au-delà) de Art Spiegelman (scénario et dessin), traduit de l’anglais par Judith Ertel, éditions Flammarion,1992, 136 pages, ISBN 2-08-066618-5.

L’histoire : 1944. Vladek et Anja pensent avoir réussi à mettre à l’abri Richieu, leur petit garçon, avant d’être envoyés en déportation à Auschwitz (rebaptisé Mauschwitz). Hommes et femmes sont envoyés dans des camps différents, mais ils réussissent à s’entrevoir de temps à autre. Par ses connaissances et sa volonté de survie, Vladek réussit plus ou moins à se planquer dans des tâches moins dures. En parallèle, quelques planches s’insèrent et montrent la collecte du témoignage de son père part Art, dans les années 1970 et 80. Son père est malade, mais cela n’empêche pas Art d’exploser quand il apprend que son père a détruit le journal écrit pendant la guerre par sa mère, qui s’est suicidée en 1968.

Mon avis : un témoignage encore plus fort que le premier tome. D’autant plus par l’implication de Art Spiegelman, né après les camps, un peu le remplaçant de son frère mort, dépressif (à 18 ans, il sortait d’un hôpital psychiatrique lors du suicide de sa mère). Pour lui, écrire et dessiner Auschwitz (et dire ses difficultés de le faire dans les planches intercalées) est à la fois un devoir de mémoire et une manière de reconstruire son histoire familiale et de mieux vivre dans le présent. L’emploi des animaux (corps humain et tête animale) rend ce récit toujours plus fort. Sans long discours, on a vu dans le tome 1 des juifs (souris) participants aux rafles aux côtés des nazis. On en voit aussi dans l’encadrement des prisonniers à Auschwitz. De nouveaux animaux apparaissent ici, les grenouilles pour les Français, les chiens pour les Américains, des bombyx pour les Roms, des poissons pour les Anglais, etc. Ce code permet aussi de montrer du métissage, une souris au pelage de félin pour un enfant né d’une juive et d’un Allemand. À lire absolument, et pas seulement pour un devoir de mémoire…

Logo top BD des blogueurs 2011 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Maus (tome 1) de Spiegelman

Couverture du tome 1 de maus, de Spiegelman pioche-en-bib.jpgDepuis le début, cette bande dessinée figure en tête du classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. J’ai donc emprunté les deux tomes à la médiathèque, je vous parle aujourd’hui du tome 1, et bientôt du tome 2. L’année prochaine, fin janvier 2012, Art Spiegelman, grand prix 2011, présidera le festival d’Angoulême. Maus a d’ailleurs reçu le prix Alfred du meilleur album étranger pour le tome 1 au festival d’Angoulême de 1988 et en 1993 l’Alph-Art du meilleur album étranger pour le tome 2 (également prix Pulitzer spécial en 1992). Ces deux tomes ont aujourd’hui rassemblés dans un seul gros album, mais je les ai lu dans la première édition, donc le tome 1 aujourd’hui, et le tome 2 dans quelques semaines.

Le livre : Maus, un survivant raconte, tome 1 : mon père saigne l’histoire de Art Spiegelman (scénario et dessin), traduit de l’anglais par Judith Ertel, éditions Flammarion,1987 (réimpression 1994), 159 pages, pas d’ISBN.

L’histoire : aux États-Unis dans les années 1970. Un fils va interviewer son père rescapé du génocide de la Seconde Guerre mondiale. Retour dans la Pologne des années 1930, Vladek vient d’épouser Anja, ils ont une vie plutôt aisée, un bébé, Richieu, naît. Avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir, leur vie devient de plus en plus difficile de 1939 à 1944, ils sont regroupés dans des quartiers juifs, transformés en ghetto, spoliés de leurs biens, puis du droit à travailler… avant de partir un à un vers les camps de concentration.

Mon avis : un témoignage fort, qu’Art Spiegelman semble avoir eu du mal à tirer de son père… L’utilisation du noir et blanc et des animaux (enfin, des hybrides, corps humains et tête d’animal) rend le récit encore plus pognant… Les Juifs sont des souris (Maus), les Polonais des porcs, les Allemands des chats, etc. Un témoignage à lire absolument pour ne pas oublier…

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