Il faut que je vous parle de deux films que je viens de voir avec une amie, Rodin de Jacques Doillon (ci-dessous) et L’amant double de François Ozon (à venir très vite).
Le film : à Paris (et Meudon, Chartres, etc.), à partir de 1880. Auguste Rodin [Vincent Lindon] vient de recevoir la commande de la Porte de l’Enfer (d’après Dante), par l’État. Il intègre dans son atelier Camille Claudel [Izïa Higelin], comme petite main, modèle puis amante, et se heurte à son amante en titre, Rose Beuret [Séverine Caneele]. Au fil des mois, il travaille à La Porte de l’Enfer, aux Bourgeois de Calais, au Monument à Balzac, qui l’obsède, passe de Paris à Meudon et près de Tours, rencontre intellectuels, autres peintres et marchands d’art…
Mon avis : à l’accueil du cinéma, on nous avait précisé que certaines répliques étaient difficiles à comprendre, mais que c’était un problème du film, et pas de la salle… Effectivement, Vincent Lindon, barbu et bougonnant, est souvent difficile à comprendre surtout sur la fin de ses phrases. Et pour moi il est aussi difficile à reconnaître, avec ma prosopagnosie , mon cerveau ne l’a pas « enregistré » comme barbu et il faut attendre qu’il parle pour qu’il accepte de le reconnaître… C’est peut-être aussi à cause de ma difficulté à reconnaître les visages que je n’ai pas repéré avant la fin du film que Rodin prenait de plus en plus de rides sur le front.
Si les lieux sont indiqués par des insertions d’images dessinées en blanc sur fond noir, le film manque de repères chronologiques et il y a sans doute des incohérences (ou bien je n’ai pas bien suivi la chronologie du film…) :
- le film devrait commencer en 1880… compatible avec la commande récente de la Porte de l’Enfer, fil rouge du film (et de 30 ans de la vie de Rodin…) par l’État à Rodin en 1879
- … mais Camille Claudel n’a probablement pas rencontré Rodin avant 1882 (elle a alors que 18 ans) et elle n’intègre son atelier qu’en 1884, date à laquelle elle participe au projet des Bourgeois de Calais, ce que l’on ne voit que dans le dernier tiers du film alors qu’elle semble déjà être depuis longtemps dans l’atelier
- la visite de l’atelier de Rodin par les commanditaires (la Société des gens de lettres dont Émile Zola) de la statue de Balzac a lieu autour de 1893-1895 (Rodin a déjà livré plusieurs épreuves, une version est présentée au salon des artistes français de 1898, une seconde avec le manteau à celui de 1899, je vous explique ça très vite) ;
- Rodin devient l’amant de Sophie Postolska [Magdalena Malina dans le film] de 1898 à 1905 ;
- s’il est amant de Rose Beuret, l’une de ses modèles, depuis 1867, il ne se marie avec elle qu’en 1917, année de sa mort (à lui) ;
- il rencontre plusieurs fois à partir de 1902 Rainer Maria Rilke, qui devient son secrétaire en 1905-1906, ce qui doit correspondre dans le film à la visite de la cathédrale de Chartres… pour laquelle il aurait été plus judicieux de montrer des parties anciennes que les restaurations du 19e siècle vus les commentaires qui en sont faits.
Comme les personnages ne sont pas faciles voire impossibles à reconnaître, chaque personnage est identifié par une réplique, mais à la longue, le procédé, répétitif, devient agaçant surtout que la formule est le plus souvent « mon cher… » (Monet, Mirbeau, Rilke, Paul -Claudel- etc.). Il y a quand même des éléments positifs, le film ne se focalise pas sur Camille Claudel et fait une large part à Rose Beuret, il montre aussi assez bien la procédure de la sculpture, les longues séances de poses, les croquis, le travail du plâtre, le rôle des collaborateurs/trices de l’atelier, la reproduction à plusieurs échelles, mais pas la fonte, une visite dans un atelier de fondeur aurait pu compléter le film, plus que la scène avec Rilke à Chartres.
Je pensais vous avoir montré la statue d’Honoré de Balzac par Auguste Rodin (Paris, 1840 – Meudon, 1917), sur le boulevard Raspail à Paris, j’ai retrouvé mes photographies d’avril 2016, très moyennes… mais je vous les montre quand même rapidement en attendant de les refaire sans contrejour. Il y en a un autre tirage dans la cour du musée Rodin à Paris.
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