Après les incertitudes sur les cuves des deux réacteurs forgées au Japon, le 11 mars 2017, Centre presse et la Nouvelle République parlaient du béton fissuré de la centrale nucléaire de Civaux, révélé dans La farce cachée du nucléaire(Sortir du nucléaire, Éditions Yasnost), un problème connu de longue date et toujours minimisé par EdF, la commission locale d’information / CLI qui a eu lieu depuis a été apparemment agitée. Bientôt ils découvriront qu’elle est aussi installée dans un contexte géologique qui pose aussi problème, le karst, en gros des grottes partout autour et sans doute en-dessous de la centrale, comme avoué à moitié lors de la fuite de tritium de janvier 2012! L’occasion pour moi de rééditer un article publié ici en mars 2011. Et au passage, la première photo est prise depuis la cité médiévale de Chauvigny, des projets d’éoliennes viennent de se faire recaler parce qu’elles allaient gâcher le paysage de la cité médiévale, mais cela n’avait pas posé de problème pour implanter les tours de la centrale nucléaire!!! N’oubliez pas non plus que l’énergie nucléaire n’est pas une énergie sans carbone, il en faut pour construire les centrales, les entretenir, véhiculer chaque jour les milliers de travailleurs des centrales, extraire et transporter l’uranium (produit souvent sans protection des ouvriers en Afrique, ce n’est pas par hasard qu’une usine d’Areva avait été la cible de terroristes), couler les déchets dont on ne sait que faire dans des blocs de béton, etc…
Et pour rappel, avant de vous laisser relire mon ancien article sur le karst de Lussac-les-Châteaux, il est aujourd’hui possible d’acheter de l’énergie sans nucléaire, en devenant comme moi coopérateur chez Enercoop est une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Un fournisseur plus cher qu’EdF… quoi que, à force, il va finir par être moins cher, puisque nous payons de l’énergie sans apport du nucléaire (qui financera la prolongation de durée de vie des centrales nucléaires, le juste prix pour l’uranium et le stockage des déchets produits, le « grand carénage, bidouillage pour prolonger la vie des centrales?), une énergie payée au juste prix de la production, visitez leur site, si vous ne souhaitez pas sauter le pas de changement de fournisseur d’énergie, actuellement, vous pouvez aussi participer à « l’aventure » en finançant de nouvelles unités de production d’énergie non nucléaire (biomasse, solaire, éolien, etc.)… Dans le département de la Vienne, ceux qui sont abonnés chez Sorégies et non chez EdF ne peuvent toujours pas changer d’opérateur.
Sur la centrale nucléaire de Civaux, vous pouvez aussi (re)lire mes autres articles sur ses problèmes avec la sécheresse, avec une petite crue de la Vienne (et une promenade imprévue de carburant radioactif), une fuite de tritium en janvier 2012, la suite de cette fuite (février 2012)
Article du 17 mars 2011
Je vous ai déjà montré cette photographie de la centrale nucléaire de Civaux dans la Vienne à l’occasion d’une sortie sur les orchidées l’année dernière… (vous pouvez relire ces articles : liens vers le musée, sortie sur les orchidées (à retrouver sur le récapitulatif, sortie orchidées à Civaux (2) : Ophrys mouche, quelques orchidées (petites) araignées, plusieurs orchidées pyramidales (Orchis pyramidal ou Anacamptis pyramidalis), sortie orchidées à Civaux (3) : première orchidée bouc, Ophrys abeille, et côté petites bêtes, un clairon, sortie orchidées à Civaux (4) : orchis homme pendu, orchidées boucs, céphalentères à longues feuilles).
Je vous avais d’ailleurs signalé la disparition sur le coteau visité d’une des espèces présentes avant la construction de la centrale, l’hypothèse avancée par les spécialistes de la faune et la flore étant que la présence quasi permanente du panache de vapeur d’eau a modifié l’ensoleillement de ce coteau et pu entraîner cette disparition. Le site d’EDF présente cette centrale comme sûre, mais il y a deux inconnues majeures, le karst et la Vienne.
Quand je suis arrivée dans la région, en 1991, les fouilles archéologiques préventives s’achevaient (leurs résultats sont publiés en plusieurs volumes aux éditions de la société archéologique de Chauvigny). Ensuite, pendant des mois, le chantier a été retardé car il y avait des cavités naturelles dans le terrain… Quelle surprise ! Un karst est connu depuis toujours dans ce secteur, on rapporte la disparition de bêtes dans des trous qui ont pu s’ouvrir naturellement, etc. La présence de ce karst a d’ailleurs permis le développement de nombreuses grottes qui ont pu être occupées ou fréquentées au Paléolithique, certaines dès le Moustérien (Les Rochers de Villeneuve à Lussac-les-Châteaux, où a été trouvé un fémur de Néandertalien daté de 40 à 45.000 ans), d’autres avec des œuvres d’art pariétal (le réseau Guy Martin et la Font-Serein à Lussac-les-Châteaux – cette dernière a un réseau profond, terrain de jeu des spéléogues et qui contient une résurgence) ou mobilier (grottes de La Marche et des Fadets à Lussac-les-Châteaux, grotte de Loubressac à Mazerolles, grotte du Bois-Ragot à Gouex), tous ces sites et quelques autres (comme les Plumettes (aller pages 468-470), la grotte de la Tannerie ou Larrault / Laraux toujours à Lussac-les-Châteaux) ayant aussi livré de nombreux renseignements sur les habitats en grotte entre 28.000 et 10.000 ans avant notre ère. Vous pouvez en savoir plus au musée de préhistoire de Lussac-les-Châteaux, dont je vous ai parlé il y a quelques mois… Les liens sur les sites archéologiques renvoient vers diverses publications, pas toujours la plus récente, mais elles vous donneront déjà une petite idée de ces sites.
Sous la centrale nucléaire de Civaux se trouve donc un réseau karstique directement en liaison avec les nappes phréatiques… Si vous voulez tout savoir sur les karsts de manière assez claire (enfin, à mon avis, mais il y a quand même quelques notions de géologie), je vous invite à lire le dossier de l’école normale supérieure de Lyon sur le sujet, avec de nombreux schémas. Mais aucun risque, nous dit EDF, le karst a été comblé (sauf que tout géologue sait bien qu’un karst actif, ça peut continuer à soutirer, même des dizaines ou des centaines de mètres-cubes de béton ne sauraient suffire), et puis, pas de panique, l’enceinte de confinement passe aussi sous le réacteur… Ces enceintes de confinement ont seulement été calculées par des ingénieurs… Nous avons vu ces derniers jours qu’en grandeur nature au Japon, leur solidité et leur résistance ne sont peut-être pas aussi sûres. Et à Civaux, il n’y aura pas l’océan pour refroidir les réacteurs s’ils s’emballent : le débit de la Vienne est déjà insuffisant pour refroidir deux réacteurs fonctionnant normalement en été, il y en a toujours au moins un à l’arrêt (officiellement pour maintenance) pendant les mois chauds… quand ce ne sont pas des amibes tropicales qui pourraient se développer à cause du réchauffement de l’eau (c’est arrivé en 1998, sur la Loire, devant la centrale de Dampierre)… En 2011, c’est dès le printemps qu’elle connaît des problèmes avec la sécheresse. On nous dit qu’au moins, il n’y aura pas de tsunami… Mais il peut y avoir de grandes crues, comme celles que je vous ai montrées… en 1896 à Confolens ou celle de 1913 à Châtellerault… Civaux est juste entre ces deux villes, il paraît que les aménagements en amont doivent limiter l’impact de ces crues centenaires, mais qu’en sera-t-il si un barrage lâche ??? Si l’enceinte de confinement ne tient pas, la radioactivité pourra partir bien sûr dans l’air, mais aussi directement dans les nappes phréatiques via le système karstique, merci EDF (et les décideurs politiques de l’époque…). Sans oublier celle qui s’échappera dans l’atmosphère, chouette, j’habite à un peu plus de 30 km… hors du périmètre où chacun a reçu -au cas « hautement improbable » où un accident se produirait – des pastilles d’iode. On voit très bien les tours de la centrale depuis le CHU de Poitiers, c’est rassurant, non? Ah, une dernière chose, les gens d’EDF n’arrêtent pas de dire que Civaux n’est pas sur une faille… mais il y a tout un réseau de failles à environ 8km au sud-est. Certes, ce sont des failles qui n’ont pas bougé depuis longtemps, mais pourquoi ne pas le dire? Ce n’est pas difficile à vérifier, il suffit d’aller acheter une carte géologique du BRGM dans n’importe quelle bonne librairie ou sur le site du BRGM (la zone concernée est dans l’angle de quatre cartes, les 590, Chauvigny, 591, La Trimouille, 613, Gençay et 614, Montmorillon). Enfin, côté séismes, il ne semble pas avoir été pris en compte ceux de force supérieure à 6 (Poitiers en grande partie ravagée le 18 octobre 1018 et le 15 novembre 1083, puis à nouveau au 14e siècle notamment le 15 février 1318), séisme estimé à une force 7,5 le 6 octobre 1711 à Loudun. La carte des tremblements de terre de ces 300 dernières années est disponible sur le site de l’observatoire régional de l’environnement en Poitou-Charentes. Celui de 1711 a été étudié dans un rapport très détaillé du BRGM. Certes, ce n’est pas la même faille, mais cela montre que le risque existe aussi dans notre région.
[PS: pour le tremblement de terre de 1083, il est notamment rapporté dans la chronique de Saint-Maixent, voir la transcription du texte latin à la date de 1083 sur le site histoire passion. : « Eodem anno terrae motus factus est magnus, XV° kalendas novembris, in die natalis Sancti Lucae. Pars civitatis Pictavis magna cum ecclesia Sanctae Radegundis combusta est« . Dans la même chronique, des tremblements de terre sont signalés dans la région en 1097 (13 octobre), 1098 (4 octobre)].
Alors, ces derniers jours, la presse, la radio et la télé locales ont bien évoqué la question de la Vienne (pas assez d’eau pour refroidir en été, trop en cas d’inondation en hiver), mais personne n’a parlé de la question du réseau karstique… Un oubli, monsieur le directeur de la centrale de Civaux qui a tenté de justifier sa sécurité lundi dernier au journal régional de France-3?
Je sais bien qu’il est difficile de sortir du nucléaire, vus les choix faits en France… La gestion des déchets à longue durée de vie (cf. les laboratoires d’enfouissement) posait déjà problème, la question de la sécurité des enceintes de confinement mérite d’être posée, ainsi que les choix qui ont été faits par le passé pour l’implantation des centrales, plus guidés par des considérations politiciennes (donner de l’emploi à tel ou tel endroit, par exemple, la centrale de Civaux, petite avec deux réacteurs, emploie plus de 800 personnes) que des contraintes environnementales (présence de failles, de karst, de la mer avec ses tempêtes, de fleuves en crue en hiver ou à sec en été, etc.). Peut-être devrions-nous quand même réfléchir non pas à des énergies alternatives, pas forcément plus propres (il faut tout compter dans l’impact, y compris la production et le démantèlement voire la gestion des déchets à long terme), mais à de sérieuses économies d’énergie, à une fin du gaspillage, à une aide à l’isolation notamment des logements anciens, l’énergie la plus propre est celle que l’on ne consomme pas! Et si on interdisait vraiment l’éclairage nocturne des vitrines, la climatisation ou le chauffage des magasins portes grandes ouvertes??? Vous trouverez d’autres gestes simples ou plus compliqués (isolation, etc.) sur le site de l’association négaWatt.