Archives par étiquette : camp de concentration

Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation

Pas d’article sur Poitiers aujourd’hui, avec les vacances, la fréquentation du blog est très très calme. Je profite de la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation pour vous proposer de relire quelques articles sur le sujet… en commençant par le film Parce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps de Christophe Cognet. Grâce à mes fidèles lecteurs, j’ai pu le compléter avec de nombreux liens!

Monument de la résistance de La Rochelle, la stèle avec le nom des camps de concentrationLe monument de la résistance de La Rochelle, réalisé par Henri Gayot (1904-1981), résistant, déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.


Couverture de Convoi vers l'est de Claude PauquetConvoi vers l’est de Claude Pauquet, avec un témoignage de sa mère, Geneviève Pakula


Couverture de Aucun de nous ne reviendra de Charlotte DelboAutour de Charlotte Delbo à Poitiers et des lectures sur Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra (et bientôt d’autres livres)


Couverture de Terezin Plage de Morten BraskL’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne). Voir aussi sur le roman Terezin Plage de Morten Brask.


Couverture du tome 1 de maus, de Spiegelman Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents


Poitiers, stèle du camp d'internement de la route de LimogesLe camp de la route de Limoges, le Fronstalag 230 et sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers, voir aussi le témoignage de Paulette.


Couverture de Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist MirrorTsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay de Kkrist Mirror. Une bande dessinée qui m’a vraiment fait comprendre la réalité du camp d’internement de Montreuil-Bellay


Couverture de Sauve-toi, la vie t'appelle de Boris CyrulnikSauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik sur sa propre arrestation et celle de ses parents


Couverture du wagon d'Arnaud Rykner Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire romancée d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau


Couverture de Itsik de Pascale RozeItsik de Pascale Roze, sur une famille de juifs polonais réfugiés à Paris


Couverture de La vie en sourdine de David Lodge La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde dans un chapitre un voyage à Auschwitz-Birkenau


Couverture de Liberté de Tony Gatlif et Eric KannayLiberté de Tony Gatlif et Eric Kannay, sur un groupe de tsiganes assignés à résidence puis déportés


Sur les conséquences de la guerre ou de l’exil:

Affiche de Ida de Paweł PawlikowskiIda de Paweł Pawlikowski, film sur une jeune fille élevée dans un couvent et qui découvre avant de prononcer ses vœux qu’elle est juive et que sa famille a été massacrée.


Couverture du livre Derrière les lignes ennemies, une espionne juive dans l'Allemagne Nazie de Marthe CohnMarthe Cohn, réfugiée à Poitiers puis résistante. Son témoignage à Poitiers était très fort, je vais essayer de lire son livre.

L'entrée du domaine de la Mérigote à PoitiersAutour de Jean-Richard Bloch (et de sa fille, France Bloch et son gendre Fredo Sérazin), voir La Mérigot(t)e à Poitiers, résidence de l’écrivain Jean-Richard Bloch


Couverture de légendes du je, de Gary et Ajar Éducation européenne de Romain Gary


Vous trouverez d’autres articles par les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

Convoi vers l’est de Claude Pauquet

Couverture de Convoi vers l'est de Claude PauquetLogo de pioché en bibliothèqueEn cherchant au rayon « histoire et témoignages de la deuxième guerre mondiale » (940.547) de la médiathèque un livre de Charlotte Delbo, je suis tombée sur Convoi vers l’Est et retour de Claude Pauquet, dont je vous ai parlé à propos de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers (voir aussi son site officiel).

Le livre: Convoi vers l’Est et retour, photographies de Claude Pauquet, texte de Daniel Dobbels, suivies d’un entretien avec Geneviève Pauquet, résistante déportée, réalisé par Claude-Alice Peyrottes, éditions Le Temps qu’il fait, 2002, 110 pages, ISBN 9782868533661.

La quatrième de couverture:

 » Le jour est le même – les yeux, blessés sous les heures mais étrangement indemnes, témoignent de ce recouvrement (d’une pellicule sur l’autre), de cette cicatrice aussi indue qu’un cil au centre de tous les regards (du sien : elle et lui). Cil insigne. Cil qui concentre la rage et le calme – à devenir fou, interdisant de devenir fou. » Daniel Dobbels

« J’ai réalisé en 1997 un travail sur l’itinéraire de déportation de ma mère, résistante détenue de 1943 à 1945 à Auschwitz, Birkenau (Pologne), Ravensbrück (Allemagne) et Mauthausen (Autriche). J’ai découpé sa déportation de 28 mois en deux époques : un voyage d’hiver vers l’enfermement et le retour en France au printemps, à la veille du défilé du ter mai 1945. En suivant l’itinéraire au plus près, arrivant à Auschwitz le 27 janvier, le  » même  » jour qu’elle, c’est un voyage vers l’Europe de l’Est que j’ai entrepris. La représentation connue de l’entrée du camp de Birkenau, long bâtiment noir aplati dans sa lumière de fond de neige, m’a décidé à photographier en utilisant une chambre panoramique, sur trépied, de façon frontale. Ce travail m’a permis d’explorer des problématiques constantes sur la démarche du photographe, la mienne étant certainement imprégnée de ses récits de déportation : le temps dans les images, ou son apparente absence ; la distance à trouver tout en restant au-dehors de l’horreur et la neutralité du cadrage ; en somme, le choix esthétique par lequel il conviendrait de transcrire (au mieux ?) autant d’éléments documentaires de témoignage. » Claude Pauquet

Mon avis: vous pouvez voir les photographies sur le site officiel de Claude Pauquet par ce lien direct. Je n’ai pas trop accroché au texte de Daniel Dobbels qui ouvre le livre. En revanche, le témoignage de Geneviève Pauquet (Pakula lors de son arrestation PS: elle est décédée en juillet 2015) est très intéressant et renforce ma décision d’arriver à lire Le convoi du 24 janvier, de Charlotte Delbo, presque 300 pages en petits caractères, cela reste très difficile pour moi. Dans son témoignage, Geneviève Pauquet évoque son arrestation, le fort de Romainville, son parcours en déportation (Auschwitz, Birkenau, le commando de Rajsko, Ravensbrück, Mauthausen), le rôle de quelques co-détenues, dont Charlotte Delbo, qui a organisé le montage d’une pièce de théâtre à Romainville et a réussi à garder sa montre à Birkenau, l’entrée au camp, la seule et unique fois que des prisonnières sont entrées en chantant (La Marseillaise). Je connaissais les photographies (vues en 2002 je pense et plus récemment en ce début 2014 dans le cadre de l’opération Autour de Charlotte Delbo), la lecture du livre est un complément indispensable.

Un mois après la fin de l’exposition au CRDP de Poitiers, le lien où ils avaient le dossier sur l’exposition (Centre régional de documentation pédagogique/ exposition convoi vers l’est et retour)  ne fonctionne déjà plus… Ils n’arrêtent pas de changer leurs adresses de liens, c’est exaspérant, pour un site qui est censé refléter l’action pédagogique du CNDP, rebaptisé pompeusement Canopé, censé améliorer l’espace numérique mais c’est de pire en pire, j’ai la flemme de chercher la nouvelle adresse s’ils ont archivé l’article, il n’y a même pas de moteur de recherche sur leur accueil.

Pour aller plus loin, suivre les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

Quelques pistes de lecture:

Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

Parce que j’étais peintre de Christophe Cognet

Affiche de Parce que j'étais peintre de Christophe CognetParce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps n’a été projeté qu’une semaine à Poitiers, le dernier jour en présence du réalisateur Christophe Cognet.

Le film (présentation officielle):

« Ce film mène une enquête inédite parmi les œuvres réalisées clandestinement dans les camps nazis. Il dialogue avec les rares artistes déportés encore vivants et avec les conservateurs de ces œuvres : des émotions qu’elles suscitent, de leur marginalisation, leurs signatures ou leur anonymat, de leur style, ainsi que de la représentation de l’horreur et de l’extermination. Surtout peut-être, il contemple longuement les dessins, croquis, lavis, peintures, conservés dans les fonds en France, en Allemagne, en Israël, en Pologne, en Tchéquie, en Belgique, en Suisse… Dans ce voyage parmi ces fragments d’images clandestines et les ruines des anciens camps, il propose une quête sensible entre visages, corps et paysages, pour questionner la notion d’oeuvre et interroger frontalement l’idée de beauté. L’enjeu en est dérangeant, mais peut-être ainsi pourrons-nous mieux nous figurer ce que furent ces camps, appréhender les possibles de l’art et éprouver ce qu’est l’honneur d’un artiste – aussi infime et fragile que soit le geste de dessiner ». 

Mon avis : Le réalisateur s’est penché sur les camps de concentration, où le dessin et la peinture étaient interdit, pas sur les camps de transit ou les ghettos, où l’activité était tolérée voire encouragée (cf. le camp de Terezin où je vous ai parlé de la musique avec L’empereur d’Atlantis). Cependant, certains de ces artistes sont d’abord passés dans les camps de transit: Yehuda Bacon est passé par Terezin avant d’être transféré à Auschwitz. Le réalisateur a mis dix ans pour mener à bien ce film, monté sans aucune musique (sauf dans les dernières minutes, avec la Mort d’un camarade sur la route de Bergen-Belsen par Léon Delarbre) mais avec des sons d’ambiance qui permettent de s’imprégner des œuvres. Les dessins ont été sélectionnés avec soin, quelques artistes survivants en  parlent avec émotion, sinon, ce sont les conservateurs qui en sont les médiateurs. Le papier vient le plus souvent du système D (emballage, intérieur de gaines). Les dessins avaient été pour la plupart soigneusement cachés (par exemple le Carnet d’Auschwitz, d’un peintre anonyme aux initiales MM, retrouvé dans des fondations), mais beaucoup ont été perdus. Dans le débat, il a souligné que si certains dessins sont des témoignages (voire des commandes, comme les portraits de tziganes de Dinah Gottliebova réalisés à la demande du Dr Mengele juste avant qu’il ne les exécute), d’autres, comme certains portraits, sont « arrangés » par le dessinateur pour que la personne représentée ne s’inquiète pas trop de son état. C’est le cas de l’ensemble de 144 portraits réalisés par Franciszek Jazwiecki à Buchenwald, Gros Rosen, Sachsenhausen et Auschwitz, et conservés au musée d’Auschwitz-BirkenauWiktor Siminski, le seul artiste à avoir représenté la chambre à gaz, ne l’a pas vue mais reconstituée sur la base de témoignages. Pour les dessins montrant l’univers concentrationnaire (Auschwitz et Birkenau, Sachsenhausen, Ravensbrück, Treblinka, etc.), la confrontation avec les lieux est discrète mais efficace. Les pochoirs (fleurs et soleil) réalisés sur ordre par un artiste inconnu dans le crématorium de Mittelbau-Dora ne peuvent qu’interroger… Quelques lectures (comme un extrait de La peinture à Dora de François Le Lionnais, un des membres fondateurs de l’Oulipo,  déporté à Buchenwald et Mittelbau-Dora, Le Tambour battant de Boris Taslitzky, déporté à Buchenwald), complètent les impressions laissées par les dessins et les vues actuelles des camps. Un film à voir absolument, s’il passe près de chez vous!

Pour aller plus loin : 

Voir l’interview de Christophe Cognet dans l’émission Mémoires Vives du 2 mars 2014 et le dossier pédagogique destiné aux enseignants de philosophie sur le site Zérodeconduite et qui est vraiment très complet (avec un séquençage du film, des pistes thématiques). Grâce à lui, j’ai pu compléter la liste des artistes cités, mentionnés ou interviewés pour les survivants, dans le noir de la salle, j’avais été incapable de prendre les noms. Il y a donc, par ordre alphabétique: Yehuda Bacon, Léon Delarbre, José FostyDinah GottliebovaFranciszek JazwieckiRoman JefimenkoMaria Hiszpanska-Neumann, un inconnu aux initiales MM, probablement dessinateur de presse (le Carnet d’Auschwitz), Zoran Music, Josef Richter, René SalmeWiktor SiminskiWalter Spitzer (qui a réalisé le monument commémoratif de la rafle du Vel’d’Hiv), Jozef Szajna, Boris TaslitzkySamuel Willenberg, Krystyna Zaorska.

Quand ma vue me le permettra avec plus de facilités, j’ajouterai des liens pour chacun d’entre eux… A moins que mes lecteurs ne puissent m’aider à compléter l’article en cherchant « le » site le plus pertinent pour chacun d’eux [merci à Grégory et à Carole!]. Je privilégie les sites officiels (d’abord ceux des musées et mémoriaux des camps, puis éventuellement ceux des artistes quand ils sont survivants ou que leur descendance a ouvert un site), j’exclus wikipédia (pages évolutives, pas toujours fiables, surtout pour des sujets où les négationnistes sévissent régulièrement) et les galeries (liens souvent non pérennes).

Voir également le dossier de la fondation de la résistance : les dessins comme forme de résistance dans les camps ou le site Learning about hococaust through art. Carole signale aussi L’art et la Shoah et Les belges à Buchewald.

Suivre aussi les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale

J’ai un peu abordé le sujet à propos du monument de la résistance de La Rochelle, réalisé par Henri Gayot (1904-1981), résistant, déporté, revenu des camps avec de puissants carnets de dessins des camps de Natzweiler-Struthof dans le Bas-Rhin (voir aussi ses dessins dans l’exposition sur ce camp) puis de Dachau en Allemagne. A son retour, il a repris ses dessins et les a fait graver.

Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist Mirror

Couverture de Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist Mirror Ce soir (8 avril 2014) sera lancé au bar le Plan B à Poitiers le festival des cultures Roms « Romano Dives » organisé par l’Association Divano et la Mauvaise réputation, avec une intervention de l’humoriste Fred Abrachkoff (dommage, presque à la même heure au TAP cinéma, un documentaire Parce que j’étais peintre, l’art rescapé des camps sur les peintres dans les camps de concentration, en présence du réalisateur Christophe Cognet). L’exposition photographique y restera jusqu’au 30 avril. Voir le site du festival pour avoir tout le programme, de mon côté, j’ai surtout noté la présence de Kkrist Mirror, auteur de Tsiganes, 1940-1945, Le camp de concentration de Montreuil-Bellay, samedi 12 avril à 19h30 au Biblio Café. Je vous ai déjà parlé de cet album, je réédite donc cet article paru la première fois le 22 février 2013 (j’ai complété les liens à la fin).

pioche-en-bib.jpgJ’ai emprunté cet album à la médiathèque.

Le livre : Tsiganes, 1940-1945, Le camp de concentration de Montreuil-Bellay, de Kkrist Mirror (dessin et scénario), éditions Emmanuel Proust, 2008, 86 pages plus la postface non paginée de Francis Groux, ISBN 9782848101842.

L’histoire : à Montreuil-Bellay près de Saumur dans le Maine-et-Loire, d’avril 1940 à 1946. La police française administre un camp de concentration destiné aux nomades, aux forains et surtout aux tsiganes, en vertu du décret du 6 avril 1940 qui astreint tous les nomades à résidence sous surveillance policière. Tout le monde semble bien content d’avoir mis à l’écart ces « indésirables ». Une seule personne se soucie de leur sort, le curé du village voisin qui est également aumônier du camp, l’abbé Jollec, un peu alcoolique, mais qui fait son maximum. Il réussit a sortir les enfants, à leur donner à manger, jusqu’à être lui-même interdit d’accès au camp… et ses démarches auprès des Allemands (ils le renvoient, le camp est géré par les Français), de l’évêque, du sous-préfet restent vaines…

Mon avis : un album qu’il faut absolument lire, basé sur les travaux de l’historien Jacques Sigot. L’auteur a rencontré des survivants et des descendants des survivants de ce camp. Et qui rappelle qu’à la libération… les tsiganes ne sont pas libérés, loin de là… Ils sont rejoints par les collaborateurs et divers prisonniers de guerre, puis éloignés encore plus loin, jusqu’au camp d’Angoulême, d’où les derniers ne seront délivrés qu’en juin 1946. Le dessin est sombre mais plein d’expression et, je pense, rend bien la dure vie de ce camp et de ses homologues répartis sur tout le territoire français. Si, ces dernières années, plusieurs ouvrages sont parus sur ce sujet, cette part sombre de notre histoire est peu racontée, y compris chez les Tsiganes. Ainsi, il y a quelques mois, une Tsigane a témoigné dans la presse locale sur son internement au camp de la route de Limoges à Poitiers, elle en avait peu parlé à sa famille et n’était jamais retournée sur place.

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Kkrist Mirror et la page consacrée à l’internement des tsiganes à Montreuil-Bellay et Poitiers sur le site du cercle d’étude de la Shoah (même si la bibliographie n’a pas été mise à jour depuis longtemps). Pour le camp de Poitiers, voir l’article de Jacques Sigot, Un camp pour les Tsiganes à Poitiers, un camp de concentration oublié, une allée pour la mémoire, paru dans Le Picton, n° 204, novembre-décembre 2010, p. 9-10.

Sur des sujets voisins, Vous trouverez d’autres suggestions sous le mot-clef tsigane. Voir en particulier:

–  Tsiganes, sur la route avec les Roms Lovara de Jan Yoors

Des nouvelles d’Alain de Guibert, Keller et Lemercier

Liberté de Tony Gatlif et Eric Kannay

– le Frontstalag et les camps d’internement de Poitiers

Logo du top BD des blogueurs 2013Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Terezin Plage de Morten Brask

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Terezin Plage de Morten BraskJe vous ai récemment parlé du camp de Terezin à propos de l’opéra L’empereur d’Atlantis, qui avait été écrit dans ce camp par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne). Et de mon côté, je suis tombée à la médiathèque, au rayon large vision, sur un roman dont le cadre est justement le camp de Terezin… un camp de transit vers les camps de concentration mais présenté comme un « camp modèle » par les Allemands, avec un « conseil des anciens » censé organisé la vie dans le camp.

Le livre: Terezin Plage de Morten Brask, traduit du danois par Caroline Berg, éditions des Presses de la cité, 2011, 330 pages, ISBN 9782258085190  (lu en large vision aux éditions A vue d’oeil).

L’histoire: 1943, dans un wagon à bestiaux parti du Danemark depuis trois jours. Daniel Faigel, jeune médecin, ne sait pas encore qu’il va bientôt arriver dans le camp de Terezin, près de Prague. Avec quelques vêtements, il a emporté un album de photos de famille. Son père était juge à la cour suprême du Danemark, mis à l’écart car juif, avant de mourir il y a quelques mois. Blessé par la maladie de sa femme, il n’avait jamais accepté que son fils choisisse la médecine au lieu du droit. A son arrivée à Terezin, il est affecté à l’hôpital Hohen Olben, où les malades s’entassent dans la crasse à plusieurs par lits, sans médicaments ni moyens. Un chirurgien se débat seul dans ce chaos, les précédents médecins ayant été déportés dans des convois vers les camps plus à l’est. Au hasard d’une visite dans un baraquement de femmes, il fait la connaissance de Ludmilla, dont il tombe amoureux. Il est aussi régulièrement appelé à l’extérieur, pour soigner les putains des SS dans un bordel de Prague. Une délégation de Danois et de représentants de la croix rouge est annoncée, il s’agit de rendre le camp « présentable ». Nos deux jeunes tourtereaux s’en sortiront-ils malgré les circonstances?

Mon avis: le roman oscille entre la vie dans le camp et le passé du jeune médecin, par l’intermédiaire de l’album photo ou de criconstances qui lui rappellent des souvenirs, où le lecteur va peu à peu reconstituer son enfance et la folie de sa mère. Pour ce que j’ai pu lire sur le camp de Terezin (voir les liens en fin d’article), je pense que ce roman rend assez bien l’ambiance, entre « camp modèle » géré par les anciens, les kapos tchèques, les SS allemands, et le départ régulier des convois vers les camps d’extermination. L’histoire d’amour avec Ludmilla, la jeune tchèque atteinte de tuberculose, est moins convaincante. Je vous en conseille néanmoins la lecture!

Pour aller plus loin:

– le site officiel du mémorial de Terezin / Theresienstadt

– un article de Élise Petit, Musique, religion, résistance à Theresienstadt

Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Aucun de nous ne reviendra de Charlotte DelboJ’avais emprunté à la médiathèque ce livre au début de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, maintenant terminée, j’ai dû renouveler le prêt pour réussir à le terminer, la lecture d’un livre « normal » reste très compliqué avec ma vue

Le livre : Auschwitz et après, I, Aucun de nous ne reviendra, de Charlotte Delbo, Editions de minuit, 1970 (réédition 2013), 181 pages, ISBN 9782707302908.

La quatrième de couverture:

Charlotte Delbo était une des 230 femmes qui, dans Le Convoi du 24 janvier, partirent en 1943 de Compiègne pour Auschwitz.
Aucun de nous ne reviendra est, plus qu’un récit, une suite de moments restitués. Ils se détachent sur le fond d’une réalité impossible à imaginer pour ceux qui ne l’ont pas vécue. Charlotte Delbo évoque les souffrances subies et parvient à les porter à un degré d’intensité au-delà duquel il ne reste que l’inconscience ou la mort. Elle n’a pas voulu raconter son histoire, non plus que celle de ses compagnes ; à peine parfois des prénoms. Car il n’est plus de place en ces lieux pour l’individu.

Mon avis: écrit dès 1946, ce livre n’a été édité pour la première fois qu’en 1970. J’avais vraiment découvert sa vie lors de la visite de l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers. Ce livre est organisé en chapitres assez courts, avec des alternances de phrases longues et de phrases courtes, qui rythment la lecture. Si le sujet n’était pas aussi tragique, je dirai que l’écriture est très agréable! Certaines pages sont organisées comme des poèmes terribles, par exemple « Jusqu’à cinquante », page 93 de l’édition de 2013, lorsqu’un kapo, surveillé par un SS avec son chien, donne cinquante coups de bâton à un prisonnier. Au fil des pages, on voit ces femmes qui ont la hantise d’être transférées au bloc 25, dont on ne sort pas vivant, les longues marches pour aller travailler dans les marais immondes, les interminables appels dans le froid, la survie, le soutien mutuel, les liens qui s’établissent par nationalité, l’abandon de la volonté de vivre par certaines, les odeurs immondes du four crématoire. Un témoignage à découvrir absolument!

Je vais essayer de lire la suite, Une connaissance inutile et Mesure de nos jours. J’ai aussi lu Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours

Pour aller plus loin:

Voir le site de l’Association « Les Amis de Charlotte Delbo » : www.charlottedelbo.org

Revoir mon article sur l’exposition Autour de Charlotte Delbo à Poitiers, les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les camps de concentration, et plus largement sur la deuxième guerre mondiale… Revoir aussi L’empereur d’Atlantis, un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien. Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne).

Quelques pistes complémentaires de lecture:

– – Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, Aucun de nous ne reviendra, Une connaissance inutile, Mesure de nos jours, de Charlotte Delbo

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

L’empereur d’Atlantis au TAP (théâtre et auditorium de Poitiers)

le parvis du théâtre auditorium de Poitiers vers 20h le 13 février 2014Direction le théâtre et auditorium de Poitiers / TAP jeudi dernier pour la suite de ma saison 2013-2014, avec un opéra en allemand sous-titré, écrit dans le camp de concentration (enfin, plutôt un camp de transit) de Terezin par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien, L’empereur d’Atlantis, sous la direction de Facundo Agudin (remplaçant Philippe Nahon, malade) avec l’ensemble Ars Nova, mise en scène de Mouise Moaty, et la compagnie Arcal. Après des jours et des jours de pluie, il y avait une éclaircie quand je suis arrivée au théâtre, avec presque la pleine lune, ma photographie est moyenne, mais ça rend l’ambiance du spectacle…

L’histoire de cet opéra (d’après le livret remis à chaque spectateur): L’empereur d’Atlantis ou la mort abdique (Der Kaiser von Atlantis oder die Todverweigerung) a été écrit en 1942-1943, dans le camp de Terezin (un camp de transit vers les camps de concentration et un « camp modèle » pour les Allemands, qui y toléraient des spectacles / soirées de camaraderie), à une soixantaine de kilomètres de Prague, les déportés avaient même préparé les décors, mais Viktor Ullman est déporté à Auschwitz le 16 octobre 1944 et est probablement mort dès son arrivée. La partition, confiée à un ami, a été sauvée mais tombée dans l’oubli. L’opéra, créé une première fois en 1975 à Amsterdam, est recréé cette saison à Nanterre, donné en janvier à Nanterre, Reims, Paris (théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet -dont Charlotte Delbo fut l’assistante) puis en février à Niort et Poitiers, il y aura encore deux représentations en avril à Massy et Saint-Quentin-en-Yvelines. En fin d’article, vous pouvez l’écouter dans une autre version.

Le livret: après une présentation des personnages dans le prologue, Arlequin et la Mort s’ennuient. Le Tambour annonce que l’empereur Overall a décrété que la guerre de tous contre tous est déclarée. la mort se met en grève… Dans la salle de commandement, l’empereur (Allo, allo!) apprend que les blessés et les condamnés à mort n’arrivent plus à mourir. Il contre-attaque en décrétant l’immortalité générale. Arlequin et la Fille, deux soldats, s’affrontent, tombent amoureux. Le Tambour leur rappelle qu’un décret impose la guerre de tous contre tous. La mort propose à l’empereur de reprendre son travail si celui-ci accepte d’être le premier à mourir…

Le spectacle : un décor constitué d’une tour en structure d’échafaudage et trois toiles de parachutes manipulées par les machinistes. J’ai par moment été très gênée par les éclairages, avec des spots dirigés droit dans les yeux ou éclairant trop fort (bon, c’est peut-être juste dû à l’état actuel de mes nerfs optiques). Heureusement aussi que mon allemand n’est pas trop rouillé, parce que lire les sous-titres placés haut (c’est logique) et en blanc sur noir n’est pas facile. A part ces petits inconvénients, le spectacle est très fort, si vous ne pouvez pas aller le voir, n’hésitez pas à écouter la version de 1993 que j’ai mise en lien en fin d’article.

Pour aller plus loin:

– l’émission de France Musique (disponible jusqu’au 15 octobre 2016) sur les coulisses de la création de l’opéra à Nanterre

– d’autres liens sur la page de la compagnie Arcal

– l’exposition Charlotte Delbo (et les photographies de Claude Pauquet)

– le site officiel du mémorial de Terezin / Theresienstadt

– à défaut d’avoir pu assister à la conférence la veille du spectacle à la médiathèque de Poitiers sur la musique au camp de Terezin, lire en ligne un article de Élise Petit, Musique, religion, résistance à Theresienstadt

– sur Youtube, vous pouvez aussi écouter une version enregistrée en 1993 pour le label Decca. Ecouter ci-dessous ou en suivant le lien… qui vous donnera aussi d’autres oeuvres de Viktor Ullman.

PS: Juste après la publication de cet article, Alice Herz-Sommer (26 novembre 1903 – 23 février 2014), pianiste internée dans ce camp, est décédée en Angleterre, c’était la plus vieille déportée survivante (voir sa biographie sur le site d’Arte en 2007 et un reportage de 2011 sur la même chaîne).

Voir aussi sur le roman Terezin Plage de Morten Brask.

Autour de Charlotte Delbo à Poitiers

À l’occasion de l’accueil d’une exposition itinérante sur Charlotte Delbo à la médiathèque de Poitiers, plusieurs manifestations sont organisées. Je ne suis pas allée à l’inauguration de cette exposition, ni de celle qui la complète au CRDP (voir plus bas), pas plus qu’aux lectures ou aux concerts qui ont déjà eu lieu. Mais je vais voir la semaine prochaine au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP un opéra écrit dans un camp de concentration de Terezin, L’empereur d’Atlantis, écrit par Viktor Ullmann avec un livret de Peter Kien  (sélectionné dans ma saison 2013-2014, à l’époque des réservations, ce n’était pas du tout annoncé comme faisant partie d’un ensemble de manifestations, récupération???). J’ai aussi emprunté à la médiathèque l’un des livres de Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours. Et j’ai vu les deux expositions…

Charlotte Delbo à la médiathèque

Charlotte Delbo, secrétaire de Louis Jouvet, a été déportée dans le convoi du 24 janvier 1943, en tant que résistante. Voici la présentation officielle:

« Un parcours au cœur de l’Histoire du XXe siècle, qui met en lumière l’intelligence et l’imagination d’une grande femme de lettres. L’exposition aborde les thèmes de l’engagement, de l’écriture, et dresse un portrait de femme militante. Exposition conçue par l’Institut de la Résistance de Bergame (Italie) en collaboration avec le Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon, la Bibliothèque nationale de France et l’Association des amis de Charlotte Delbo. La Médiathèque d’agglomération de Niort présente également une partie de l’exposition. »

L’exposition (jusqu’au 1er mars 2014), traduite de l’italien, est présentée sous la forme de grandes pages de papier étalées sur des supports en carton. Dommage, surtout pour une exposition destinée en grande partie aux scolaires, que les relecteurs mentionnés sur le panneau générique de l’exposition n’aient pas mieux fait leur travail, les panneaux fourmillent de coquilles (« la liste que tu m’avait [sic] confiée », « c’est celui que j’ai du [sic] », « ces photos d’Eric Schwab se trouvait [sic] dans les archives », « où Charlotte est enfermée avant sa déportatin [sic] », etc.).

J’ai appris beaucoup de choses sur Charlotte Delbo dans cette exposition, son œuvre, sa déportation et son travail au retour des camps. Il manque cependant un élément d’éclairage: le sort des résistants, dans les camps de concentration, était très différent de celui des juifs et des tsiganes dirigés directement dans la partie « extermination » des camps après « triage ». Pour ceux qui ne pourront pas voir cette exposition (qui est itinérante et sera visible dans de nombreuses villes), je vous invite à découvrir l’œuvre littéraire de Charlotte Delbo et notamment ses témoignages sur la déportation (voir Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours).

Pour aller plus loin, voir la présentation de l’exposition sur le site de la médiathèque de Poitiers et un dossier en pdf sur le site du Centre régional de documentation pédagogique (lien vers le dossier Charlotte Delbo).

Convoi vers l’Est et retour, photographies de Claude Pauquet

Au Centre régional de documentation pédagogique (lien vers l’exposition convoi vers l’est et retour) [PS:Un mois après la fin de l’exposition au CRDP de Poitiers, le lien ne fonctionne déjà plus… Ils n’arrêtent pas de changer leurs adresses de liens, c’est exaspérant] se tient jusqu’au 18 mars 2014 une exposition de photographies de Claude Pauquet (dont je vous ai parlé il y a longtemps pour Paysages urbains), dont la mère, Geneviève Pakula, a fait partie du même convoi que Charlotte Delbo, le convoi des « 31000 » (dont les matricules commençaient par ce chiffre, voir Le convoi du 24 janvier). En 1997, Claude Pauquet a refait le trajet du convoi, de Romainville à Mauthausen, via Auschwitz, Birkenau et Ravensbrück. L’exposition a été présentée une première fois en 2002. Elle rassemble des photographies au format paysage très allongé, toutes sauf cinq sont présentées à l’horizontale. Un travail très fort… Celle qui m’a le plus frappée? C’est une vue de l’intérieur du Bloc 26 à Birkenau, avec au sol une plaque de neige infiltrée par le vasistas ouvert. [voir aussi le livre Convoi vers l’est de Claude Pauquet].

Enfin, si ces manifestations pouvaient aussi être l’occasion de rappeler qu’il y avait plusieurs camps d’internement à Poitiers, et de mettre au moins une mention (plaque?) pour que les habitants du nouveau quartier des Montgorges sachent que sur ce terrain se sont succédé le Frontstalag 230 et le camp de la Chauvinerie (voir aussi le témoignage de Paulette)…

Pour aller plus loin, suivre les liens vers les mots-clefs ci-dessous et notamment ceux sur les , et plus largement sur la

Quelques pistes de lecture:

– Charlotte Delbo : Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours

Le wagon d’Arnaud Rykner, histoire d’un convoi parti de Compiègne pour Dachau

– Maus, de Art Spiegelman, tome 1 : mon père saigne l’histoire, et tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, témoignage en bande dessinée sur la déportation de ses parents

La vie en sourdine de David Lodge, roman où il aborde un voyage à Auschwitz-Birkenau

 

Le témoignage de Paulette sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers

Poitiers, terrain entre les Montgorges et la Chauvinerie, emplacement du Fronstalag 230Il y a quelques mois, je vous ai parlé du Frontstalag, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges, à Poitiers. Récemment, je ne sais pas comment le sujet est venu dans nos conversations des habitués du samedi matin (vers 9h) au café des Arts à Poitiers. Paulette nous apprend alors qu’enfant, elle habitait à côté du camp de la Chauvinerie, et que ses parents accueillaient le week-end un jeune Guinéen détenu au camp. À son grand regret, les photographies et les lettres envoyées après son passage à Poitiers (écrites par un de ses camarades) ont été perdues.

Pour ceux qui ne prendraient pas le temps de (re)lire l’article sur le Frontstalag, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges, voici quelques éléments de contexte. Le Fronstalag 230 a été ouvert en août 1940 par les Allemands entre les casernes de Ladmirault et l’aéroport de Biard (dans ce qui est amené à être construit sous le nom de ZAC des Montgorges). Y étaient dans un premier temps détenus des prisonniers de guerre des troupes coloniales françaises (plus de 16.000 personnes, dont Léopold Sédar Senghor, transféré en camp disciplinaire fin 1941). Le Fronstalag 230 a été évacué en février 1942, transféré et regroupé au Frontstalag 221 de Saint-Médard-d’Eyrans en Gironde. Le camp de Poitiers passe sous administration française, prend le nom de la Chauvinerie et détient des prisonniers de droit commun, des prisonniers politiques et, d’après le témoignage de Paulette, encore des « Français des colonies ». Après la libération de Poitiers (5 septembre 1944), ce camp est devenu l’un des pires sur le territoire français à détenir des prisonniers allemands, avec des taux de mortalité importants, dus aux maladies et à la malnutrition consécutives à des accaparements de vivres par les responsables du camp.

La parole est à Paulette Manquin:

« Née en 1934, enfant, j’habitais à quelques centaines de mètres du camp de la Chauvinerie ; pendant la guerre, j’allais me promener avec ma grand-mère au « Polygone », nous longions le camp, cette promenade était presque quotidienne ; à travers les barbelés nous avions sympathisé avec un jeune Guinéen.
Je ne me souviens pas dans quelles circonstances nous avons pu l’accueillir le samedi soir et le dimanche (on ne disait pas encore week-end).
Aucun souvenir du temps que cette relation a duré ; à la libération, Antoine s’est engagé ou a été enrôlé je crois me rappeler dans la 2ème D.B.
J’ai reçu des lettres pendant un certain temps puis plus rien. Ces lettres étaient écrites par un camarade. Antoine ne savait ni lire ni écrire, mes parents l’avaient compris, il faisait semblant de lire mais tenait le livre à l’envers.
De nombreuses années après, j’ai réalisé qu’Antoine, qui était originaire de la capitale Conakry, était analphabète ; en revanche, son camarade qui était musulman savait lire et écrire. Les sœurs qui semblaient l’avoir élevé n’avaient pas jugé utile de l’instruire.
Cette différence entre deux jeunes Guinéens, tous les deux natifs de Conakry, m’a profondément choquée, avec le recul, il était préférable sans doute de laisser nos colonisés dans l’ignorance ».

PS : Pour aller plus loin, lire le gros article de Véronique Rochais-Cheminée, Sonia Leconte et Jean Hiernard, Des camps oubliés de la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne, Revue historique du Centre-Ouest, t. XII, 2014, p. 7-87.

Itsik de Pascale Roze

pioche-en-bib.jpgCouverture de Itsik de Pascale RozeUn livre trouvé à la médiathèque.

Le livre : Itsik de Pascale Roze, collection bleue, éditions Stock, 2008, 119 pages, ISBN 9782234059764.

L’histoire : en 1904 à Varsovie naît Itzhak (Itzik) Gersztenfeldest, le petit dernier d’une famille nombreuse. Une enfance dans le quartier juif, adolescent, il tombe amoureux de Maryem mais part rejoindre son frère Yossel à Berlin, qui y a monté une petite entreprise de confection, lui fait abandonner le yiddish et apprendre l’allemand avec l’aide de la première ouvrière, Katia. Le jour où il apprend que son frère veut les marier, il se révolte, fuit en France en s’embauchant dans une mine, avant de rejoindre Paris, où il pourra enfin faire venir Maryem… mais tout se gâte en 1941.

Mon avis : ce livre montre la vie d’un juif polonais qui va aller de Varsovie à Paris en passant par Berlin et la mine à Bruay-en-Artois. L’ascension sociale, avant la tentative d’engagement volontaire dans l’armée polonaise, avec une errance qui va le mener à Airvault, Toulouse, Libourne. La soumission aussi de cet homme qui, interné au camp de Pithiviers, réussi à obtenir un laisser-passer pour aller voir sa femme malade à Paris, par deux fois, et n’en profite pas pour s’enfuir (il réussit quand même à faire mettre ses enfants à l’abri à Montihou-sur-Bièvre), rentre docilement se mettre dans la gueule du loup, déporté finalement à Auschwitz en 1942 (convoi du 24 juin), où il est immédiatement éliminé. Un texte court à découvrir si vous le trouvez…

Pour aller plus loin : il faudra que je vous reparle du camp de Velluché à Airvault dans les Deux-Sèvres, qui, après avoir reçu le gouvernement polonais en exil, est devenu un Fronstalag (n° 231, sur lequel la ville communique à peine)… Sur ces camps d’internement allemands des étrangers indésirables, vous pouvez (re)lire mon article sur le Frontstalag 230, le camp de la Chauvinerie et le camp de la route de Limoges à Poitiers.

Sur des sujets voisins, suivre les liens des mots-clefs en fin d’article ou voir:

Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay de Kkrist Mirror

– Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé, de Art Spiegelman

– Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours de Charlotte Delbo

Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik

Éducation européenne de Romain Gary

–  Le wagon d’Arnaud Rykner