Archives de l’auteur : Véronique Dujardin

La chambre sous-marine de Joost Zwagerman

Couverture de zwagermanJ’ai acheté un lot de livres de la collection « Motifs » chez un soldeur il y a quelques mois.

Le livre : La chambre sous-marine de Joost Zwagerman, traduit du néerlandais par Alain Van Crugten, 1ère édition Calman-Lévy, 1994, ISBN 9782702123058 ; ré-édition collection Motifs (n° 117), éditions du serpent à plumes, 2001, 438 pages, ISBN 9782842612238.

L’histoire : à Amsterdam, dans les années 1990. A quinze ans, Simon Prins avait déjà visité le quartier chaud de sa ville natale, Alkmaar. Étudiant à Amsterdam, il est devenu un client assidu de quelques prostituées, passant devant les « vitrines », finissant dans les chambres de passe sordides. Jusqu’au jour où il repère la chambre sous-marine de Lizzie Rosenthal, dont il tombe amoureux, passant de client à amant…

Mon avis : je ne connaissais pas du tout cet auteur néerlandais qui aurait eu toute sa place il y a quelques années dans le cadre du défi lecture Octobre fritissime. Ce livre nous emmène dans le milieu de la prostitution à Amsterdam. Le sujet est abordé du point de vue du client, un client probablement atypique, étudiant qui a découvert la prostitution adolescent et est devenu « accro », circulant devant les « vitrines » lorsqu’il n’a pas les moyens de se payer une passe. Alors qu’il a « levé le pied », il repère face à sa chambre celle d’une « fille ». À travers le portrait de la prostituée dont le narrateur tombe amoureux, nous assistons à la chute d’une fille, Lizzie Rosenthal, venue de sa province faire des études, qui se prostitue pour gagner un peu d’argent, puis évidemment abandonne ses études. Un sujet je pense rarement abordé dans le cadre d’un roman (et non d’un polar), bien servi par l’écriture de son auteur.

Logo de Octobre, le mois FritissimeIl y a quelques années, ce livre aurait eu toute sa place dans le défi Octobre fritissime, littérature et patrimoine du Benelux.

ATC aériennes de Mamazerty

ATC à base de dentelles, par MamazertyIl y a déjà un petit moment que j’ai reçu une grosse enveloppe de la part de Mamazerty, elle contenait des cartes à publicité (il faut que je fasse un classement avant de les photographier) et deux ATC (art trading cards / cartes de 3,5 sur 2,5 pouces ou 8,9 sur 6,4 cm) à base de dentelles anciennes.

ATC à base de dentelles, par MamazertyElle a choisi de ne pas les coller sur le support, juste de les poser sur le fond qui porte au dos, comme il est d’usage, le nom de la créatrice, la date de réalisation, et le titre, à gauche, « implorer les cieux » (34) et à droite, « sur un air de piano » (4/4). Elles font partie d’une série plus importante à voir ici, intitulée Arsenic et vieilles dentelles. Bravo à toi, Mamazerty, je reconnais bien là ton humour, et un grand merci!

Préhistoire de la bande-dessinée à Lussac-les-Châteaux

La sabline, musée de Préhistoire, salle consacrée à l'art Il reste quelques jours de vacances, amis poitevins ou de passage dans la Vienne, je vous propose de vous déplacer jusqu’à Lussac-les-Châteaux, à la Sabline, vous irez bien sûr à l’étage voir les portraits gravés magdaléniens de la grotte de La Marche et les autres sites préhistoriques,et peut-être lire au bord de l’étang sur le site de l’ancien château L’enfance heureuse d’un petit paysan de Léon Pineau, qui y fut écolier.

Affiche de l'exposition Préhistoire de la bande dessinée et du dessin animé à Lussac-les-ChâteauxAu rez-de-chaussée est présentée depuis quelques semaines et jusqu’au 27 septembre 2015 l’exposition Préhistoire de la bande dessinée et du dessin animé proposée par le préhistorien Marc Azéma. Il y présente les travaux issus de sa thèse, mais accessibles à tous, sur la représentation du mouvement dans l’art préhistorique et propose de voir dans le dédoublement de certaines peintures ou gravures des décompositions des mouvements. La découverte de la grotte Chauvet (voir La grotte des rêves perdus, de Werner Herzog) a permis de vérifier à grande échelle un phénomène plus discret ailleurs, mais il montre des exemples appliqués à Lascaux, Niaux, Les Trois-Frères, Baume Latrone ou encore ici à Lussac-les-Châteaux, sur une plaquette de la Marche. Dans la conférence qui a suivi, comme dans son livre et le DVD qui l’accompagne (voir extrait ci-dessous, j’avais déjà vue la démonstration au colloque de l’IFRAO à Tarascon-sur-Ariège en 2010), il a également montré sa reconstitution d’archéologie expérimentale: une rondelle en os magdalénienne perforée trouvée au Mas-d’Azil en Ariège (conservée au musée d’archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye) pourrait être l’ancêtre du thaumatrope. Il n’y a plus qu’à analyser les traces d’usures sur les perforations de la pièce expérimentale et sur la pièce originale! Et aussi à vérifier toutes les rondelles perforées gravées, à analyser les fractures (contraintes dues au mouvement)…

Thaumatrope? Il s’agit d’un procédé d’optique qui joue sur la persistance rétinienne de l’image, comme les flipbooks (revoir Quand les livres s’amusent au musée de l’imprimerie à Lyon) ou les zootropes (revoir l’exposition Des mondes de papier, l’imagerie populaire de Wissembourg à Strasbourg). Les abonnés au journal de Mickey doivent en avoir vu sans connaître le nom. Le thaumatrope est composé d’une rondelle (en carton, en os), on glisse une ficelle ou un élastique, on fait tourner, et par exemple l’oiseau entre dans la cage… Battu de plus de quinze millénaires, le physicien John Ayrton Paris qui est censé avoir inventé le procédé en 1825 (et aussi son concurrent l’astronome John Herschel)! Vous voulez vous en fabriquer un? Rendez-vous sur le site de loisirs créatifs de La tête à modeler!

Pour aller plus loin : Marc Azéma, La Préhistoire du cinéma : origines paléolithiques de la narration graphique et du cinématographe, éditions Errance, 2011, 293 pages, 1 DVD.

Marc Azéma, Préhistoire de la bande dessinée et du dessin-animé, catalogue d’exposition, Musée d’Orgnac-Centre du Pech-Merle-Passé Simple, 2008.

Une maille endroit, une maille envers…

Début du tricot écru pour une pochetteUne maille endroit, une maille envers… ou plutôt un rang envers sur l’endroit suivi de 3 mailles ensemble / 3 mailles dans une maille et ainsi de suite, je ne sais pas le nom de ce point que j’avais déjà réalisé il y a longtemps, et qui n’est pas indiqué dans Tricot mag’ n° 27 (mai / juin 2015), spécial 100% accessoires [PS après vérification, c’est le point d’astrakhan]. Après avoir réalisé le sac rose, il m’a tentée. Bon, c’est un peu long à réaliser, j’ai pas mal fait concurrence à Pénélope, mais j’ai avancé peu à peu par deux rangs… jusqu’à atteindre finalement 60 cm (ici j’en suis à une vingtaine de centimètres). Si on se trompe avec ce point, il est quasiment impossible de récupérer la faute sans démonter jusqu’au rang envers précédent l’erreur, il y en a d’ailleurs une que je n’ai pas vue à temps, mais elle est discrète, chut…

Les temps sauvages de Ian Manook

Couverture de Les temps sauvages de Ian ManookAprès Yeruldelgger, j’ai acheté et lu la suite.

Le livre : Les temps sauvages de Ian Manook, éditions Albin Michel, 2015, 528 pages, ISBN 9782226314628.

L’histoire : de nos jours en Mongolie. Le commissaire Yeruldelgger est victime d’un complot. Il est alerté par un ornithologue sur le comportement étrange d’un gypaète… qui le met sur la piste d’un homme mort dans une crevasse. Sa collaboratrice, Oyün, enquête sur la mort d’un cavalier sur son cheval, surmonté d’un yack, mort également. Mais voici qu’il est suspendu par la police des polices, suspecté d’avoir assassiné une prostituée qui l’a aidé dans sa précédente enquête. Elle aurait adopté un enfant des rues, porté disparu comme Gantulga, gamin envoyé poursuivre son apprentissage au septième monastère des moines Shaolin par le commissaire. Les deux garçons se seraient vu peu avant leur disparition.  Et voici que six jeunes garçons sont retrouvés morts dans un container au Havre…

Mon avis : comme dans le premier tome, le lecteur est plongé dans une Mongolie tiraillée entre traditions et modernité, coincée entre ses puissants voisins, Chine et Russie. Certaines scènes, notamment de tortures, sont un peu dures, mais l’auteur laisse ensuite le temps de souffler pendant quelques pages. Alors que l’auteur est Français, ce sont peut-être les pages au Havre qui sont le moins crédibles. Corruption, trafics de matières premières, d’êtres humains, vengeance personnelle, rien ne manque dans ce polar qui se dévore. Même si la rentrée approche, il vous restera peut-être un peu de temps pour attaquer ce gros volume haletant!

… à l’abri d’un parasol…

Parasol, friture et bateau brodésMême si les orages de cette fin d’été ont rafraîchi l’atmosphère et si les jours commencent à sérieusement raccourcir, ce parasol peut encore servir… en attendant de servir la friture (crabe, poisson, étoile de mer) en chocolat pour Pâques???

Quatrième étape du nécessaire à couture marinEt voici l’ensemble. Modèle de Mains et merveilles (n° 109, juillet-août 2015) pour la réalisation d’un nécessaire de couture sur le thème de la mer, créé par Sara Guermani. Revoir le premier bateau et la pêche avec un deuxième bateau, encore un bateau et de la friture, …

L’Inca et le Conquistador au musée du quai Branly à Paris

Jardin de Gilles Clément au musée du quai Branly, juin 2015Fin juin 2015, j’ai vu trois expositions au musée du quai Branly à Paris (ici le jardin de Gilles Clément): deux expositions-dossiers sur les mezzanines, qui se poursuivent encore quelques semaines (Tatoueurs-tatoués et L’Inca et le Conquistador, dont c’était le deuxième jour de présentation) et une grande exposition terminée mais dont je vous parlerai certainement, Les maîtres de la sculpture de Côte-d’Ivoire.

L’Inca et le Conquistador

Affiche de L'Inca et le Conquistador au musée du quai Branly à ParisA voir jusqu’au 20 septembre 2015.

L’exposition : 1520. Deux empires en pleine expansion. D’un côté, Charles Quint en Europe (des Pays-Bas à l’Espagne en passant par le Saint-Empire romain germanique, la Bourgogne et le Royaume de Naples), en Afrique-du-Nord et vers l’Amérique, où il envoie le conquistador Francisco Pizarro. De l’autre, l’empire inca Tawantinsuyu (« l’empire des quatre quartiers ») qui s’étend du centre du Chili au sud de la Colombie (si on considère les pays actuels) sous le règne de Huayna Capac. A sa mort, une guerre de succession mène sur le trône son fils l’Inca Atahualpa. L’exposition présente les forces en présence et retrace la confrontation en 1532 entre les conquistadors et le dernier inca à travers des objets mais surtout les récits qui en ont été faits, l’arrestation d’Atahualpa le 16 novembre 1532, sa détention (dorée, jusqu’au versement d’une époustouflante rançon) puis son exécution (1533) et la récupération de son corps par les siens, jusqu’à la guerre civile entre les conquérants, l’assassinat de Pizarro par ses compatriotes en 1541.

Mon avis : les deux premières parties présentent de nombreux objets, les suivantes plus de documents dont une belle série de gravures. L’exposition met en avant le choc de deux cultures. D’un côté les Espagnols, avides d’or et de richesse (ce qui amènera à la mort fratricide de plusieurs d’entre eux), perfides (ils tuent l’Inca malgré le versement de la rançon), de l’autre les autochtones qui ne comprennent pas que leurs codes de déférence et autres rapports hiérarchiques ne sont pas partagés par les conquérants. Bien que peu nombreux, mais disposants d’armes beaucoup plus dangereuses, les Conquistadors s’approprient les richesses de l’empire Inca. J’ai trouvé la dernière partie, sur les conséquences de la conquête, un peu décevante en n’insistant pas sur le problème de la colonisation, c’est récurrent dans ce musée, voir déjà mon commentaire sur Polynésie en 2008.

Il est également dommage que les gardiens (invisibles sauf à l’entrée) ne disent rien quand une visiteuse pousse tout le monde (c’était à l’ouverture donc pas trop de monde, mais quand même une dizaine de personnes gênées) pour prendre en photographie chaque vitrine et chaque cartel, avec un appareil photo numérique compact qui fait un bruit artificiel d’appareil argentique à chaque cliché, sans même regarder le contenu des vitrines, j’ai fini par l’interroger, pourquoi prend-elle autant de clichés? Pour en profiter chez elle (mais je vous promets, elle n’a rien vu de l’exposition en dehors du viseur de son appareil photo)!!! Je lui fais remarquer qu’elle ferait mieux d’acheter le catalogue (il y a les photographies de tous les objets à la fin, avec une notice plus complète que les cartels), qu’elle gêne tout le monde par son attitude (elle n’avait pas remarqué). Quant au bruit de son appareil, elle ne sait pas comment l’éteindre… Grrrr! Elle a fini par comprendre que son comportement égoïste ne serait plus toléré par les autres visiteurs et a fui « devant tant d’incompréhension et de tolérance »: elle a sauté toute la dernière section, après mes questions et le renfort d’autres visiteurs aussi agacés mais muets au début. Je ne sais pas si elle a acheté le catalogue, mais je vous le recommande aussi 😉

Sur le musée du Quai Branly à Paris, voir aussi

Sur Gilles Clément

La belle saison de Catherine Corsini

Affiche de La belle saison de Catherine CorsiniAprès deux semaines sans cinéma, je me suis rattrapée cette semaine avec La belle saison de Catherine Corsini.

L’histoire : 1971, en Corrèze. Delphine [Izïa Higelin], fille d’agriculteurs, apprend que l’amie avec qui elle a eu une relation va se marier, sur la pression familiale et sociale. Ses parents (et surtout sa mère, Monique [Noémie Lvovsky]) la verraient d’ailleurs bien épouser Antoine [Kévin Azaïs]. Pour échapper à cette ambiance, elle « monte à Paris », se fait embaucher chez Félix Potin. Elle croise un jour un groupe de militantes féministes en pleine action, les rejoint dans un amphithéâtre de la Sorbonne, où se jouent les prémices du MLF, rédaction de tracts et chant du MLF en chœur général. Elle y fait la connaissance de Carole [Cécile de France], professeure d’espagnol qui vit en couple avec Manuel [Benjamin Bellecour]. Les deux femmes tombent amoureuses, mais voici que le père de Delphine est terrassé par un infarctus, Delphine retourne à la ferme pour faire tourner l’exploitation avec sa mère, Carole décide de la rejoindre…

Mon avis : ce film se situe lors de la structuration du MLF (mouvement de libération des femmes), juste avant la grande manifestation du 20 novembre 1971, qui eut lieu à Paris et dans plusieurs pays, pour l’avortement libre et gratuit, la contraception, l’égalité des droits, etc. Il montre l’écart entre la liberté parisienne et l’importance du qu’en dira-t-on à la campagne. A Paris, le militantisme est possible, avec des manifestations comme on n’ose plus en faire aujourd’hui… Et si nous faisions comme ces pionnières, une course de femmes mettant la main aux fesses des mecs sur les trottoirs ou dans les transports parisiens, pour changer? Dans la Corrèze profonde, la mère de Delphine n’a pas de sécurité sociale, pas de salaire, pas de compte en banque. Delphine est tolérée aux réunions de la CUMA (les urbains n’ont peut-être pas compris, seul le sigle est donné dans le film, il s’agit des coopératives d’utilisation -et donc d’achat- de matériel agricole) tant que son père est hospitalisé puis invalide à la maison, mais qu’elle ait pu prendre seule un rendez-vous à la banque pour obtenir le prêt nécessaire lui est fermement reproché. Pas question d’homosexualité dans ce milieu, la discrétion s’impose, je pense que sur ce point, 45 ans plus tard, il n’y a pas eu d’évolution dans les villages les plus reculés! Côté film, les relations sexuelles entre femmes sont beaucoup plus discrètes que dans La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (inspiré de la très belle bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh), palme d’or à Cannes en 2013. Le militantisme et ses contradictions sont privilégiés, alors, pour ceux ont besoin d’une piqûre de rappel, je vous ai trouvé une belle version du chant du MLF! Celle que vous verrez dans La belle saison de Catherine Corsini est poignante, quelques spectatrices semblaient d’ailleurs reprendre au minimum le refrain sur leur siège! Allez, n’hésitez pas à aller voir ce film qui vient de sortir!

Pour aller plus loin, à réviser avant la prochaine manifestation du 8 mars (journée internationale des femmes, pour l’égalité des droits)

L’hymne des femmes [hymne du MLF] sur l’air du Chant des marais

Nous qui sommes sans passé, les femmes,
Nous qui n’avons pas d’histoire
Depuis la nuit des temps, les femmes,
Nous sommes le continent noir.

Refrain :
Levons-nous femmes esclaves [Variante: Debout femmes esclaves]
Et brisons nos entraves
Debout, debout, debout !

Asservies, humiliées, les femmes,
Achetées, vendues, violées
Dans toutes les maisons, les femmes,
Hors du monde reléguées.

Refrain

Seules dans notre malheur, les femmes,
L’une de l’autre ignorée
Ils nous ont divisées, les femmes,
Et de nos sœurs séparées.

Refrain

Le temps de la colère, les femmes,
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes,
Découvrons-nous des milliers !

Refrain

Reconnaissons-nous, les femmes,
Parlons-nous, regardons-nous,
Ensemble on nous opprime, les femmes,
Ensemble révoltons-nous !

Refrain de fin (deux fois) :

Levons-nous [ou: Debout] femmes esclaves
Et jouissons sans entraves
Debout, debout, debout !

Les deux derniers couplets sont parfois inversés et le dernier refrain pudiquement remplacé par le refrain général ou par une alternative soft « Nous ne sommes plus esclaves / nous n’avons plus d’entraves / debout, debout, debout ».

A écouter par exemple sur le compte youtube de ce site allemand de chants de lutte (la version sur le site de l’INA incluse dans un reportage du 8 mars 1982 est tronquée):

Pour une version pleine de pep’s (un peu rapide), voir la version de La contrebande à Simone

Et pour les apprenti(e)s choristes, en bas de cette page pour chanteurs, vous trouverez la partition en pdf et un mp3 avec chaque pupitre, même une voix de basse (oups, un peu « casserole »), les premières militantes du MLF qui interdisaient leur réunion aux hommes seront surprises.

Voyage aux îles de la désolation d’Emmanuel Lepage

Couverture de Voyage aux îles de la désolation d'Emmanuel LepageLorsque j’ai lu La lune est blanche, écrit avec son frère, il était beaucoup question au début de ce titre, lu par les différents membres de l’expédition. Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Le livre : Voyage aux îles de la désolation d’Emmanuel Lepage, éditions Futuropolis, 2011, 160 pages, ISBN 9782754804240.

L’histoire : Saint-Denis de La Réunion, mars 2010. Emmanuel Lepage embarque sur le Marion Dufresne, direction les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Pour ravitailler les anciennes îles de la Désolation, Crozet, Amsterdam, Saint-Paul et Kerguelen. A bord du bateau, l’équipage, les militaires et contractuels chargés de la logistique des bases, les scientifiques et quelques « touristes » (le dessinateur, un élu…). Emmanuel Lepage présente la vie à bord du bateau, les ravitaillements (en nourriture et en pétrole pour les groupes électrogènes), les îles abordées lors de son voyage mais aussi par les illustres pionniers…

Mon avis : un album qui, pour ce que j’en ai entendu (un de mes anciens chefs de service avait fait une rotation avec ce bateau pour « inspecter » des fouilles archéologiques sur un ancien site baleinier), reflète bien la vie à bord du Marion-Dufresne. Et d’abord l’instabilité du bateau et le mal de mer, la vie à bord, le confinement par mauvais temps, la promiscuité, le fameux tamponnement des enveloppes postées depuis les TAAF, etc. La grande priorité, pour les militaires à bord, c’est le ravitaillement des bases. Puis permettre le travail des scientifiques, quel que soit le sujet, étude sur le climat ou sur les espèces introduites volontairement et devenues une menace pour les espèces endémiques (comme les BLO, bêtes aux longues oreilles pour ne pas dire lapins, mot interdit comme tous ceux qui désignent des rongeurs à bord des bateaux). Les « touristes » (au premier rang desquels le dessinateur) peuvent-ils influencer sur les tâches premières de la mission ? Les dessins mêlent de nombreuses planches en noir et blanc et quelques planches en couleur. Nous sommes loin des dessinateurs accompagnant les missions scientifiques de Napoléon à nos jours (le muséum d’histoire naturel emploie toujours des dessinateurs), même s’il y a de belles vues de la faune rencontrée, et plus proches du reportage journalistique en bande dessinée tel qu’on peut le voir dans La Revue dessinée ou dans les reportages de guerre de Joe Sacco (Gaza 1956, Goražde, Šoba, Palestine, une nation occupée). Envie d’évasion, d’une ambiance fraîche après un été chaud ? N’hésitez pas, cet album est fait pour vous.

Voir aussi :
La lune est blanche de François et Emmanuel Lepage et sur un autre sujet Un printemps à Tchernobyl d’Emmanuel Lepage
Les naufragés de l’île Tromelin d’Irène Frain

Amnesia de Barbet Schroeder

Affiche de Amnesia de Barbet SchroederAprès quinze jours de fermeture, la salle d’art et essai de TAP a rouvert… Je suis allée voir avec une amie Amnesia de Barbet Schroeder.

L’histoire : 1990, un an après la chute du mur de Berlin, à Ibiza aux Baléares. Fils d’une médecin [Corinna Kirchhoff], Jo [Max Riemelt], vingt ans, rêve de devenir DJ et de se faire embaucher dans la boîte de nuit à la mode, l’Amnesia. Il vient d’arriver de Berlin et de s’installer dans une petite maison au-dessus de chez Martha [Marthe Keller], qui vit là depuis quarante ans, sans électricité mais dans un lieu idyllique, face à une petite crique. Alors qu’elle vient de mettre à la porte un Allemand d’un certain âge en refusant d’aller régler des affaires familiales en Allemagne, Jo se présente chez elle, brûlé à la main. Elle lui demande de parler en anglais. Peu à peu, ils vont apprendre à se connaître, Martha refuse de rouler en Volkswagen (programme lancé par Hitler), de boire du vin allemand, possède un violoncelle dont elle ne veut pas jouer… Ils apprennent à se connaître, Jo gagne un point en montrant qu’il sait pêcher, grâce à son grand-père [Bruno Ganz]. Un jour, elle pose une question à Jo sur une conversation qu’il vient d’avoir en allemand avec un ami, elle va devoir expliquer pourquoi elle refuse tout ce qui est allemand… Les blessures de la guerre ne sont pas refermées, comme Jo va aussi le constater quand sa mère et son grand-père viennent lui rendre visite.

Mon avis : ce film pose la question de la mémoire, au sens du vilain mot « devoir de mémoire ». Martha a fui l’Allemagne sans avoir été directement victime, après avoir vu un bus d’enfants évacués des camps par la croix rouge suisse, fuir, est-ce un refus de complicité ou de la lâcheté? Depuis toujours, le grand-père a donné plusieurs versions de son rôle de gardien dans un camps, ou plutôt dans un Kommando, une usine d’armement qui employait des déportés. Est-il pour autant un nazi? Qu’a-t-il fait lors de la grande marche de l’évacuation des camps? Rien n’est noir ou blanc, ce fut aussi l’objet d’un livre de Primo Levi, déporté à Monowitz, un camp annexe d’Auschwitz, Les naufragés et les rescapés. Cependant, dans le film, j’ai trouvé que le parallèle réconciliation allemande (un an après la chute du mur) et réconciliation / oubli après la Shoah n’est pas très réussi. Lorsque Martha va voir Jo à l’Amnesia, l’enregistrement de son violoncelle qu’elle lance au milieu de la musique techno provoque une peu crédible scène de liesse parmi les danseurs, juste quelques minutes après que le réalisateur a mis en fond dans la maison de Jo un reportage sur le premier anniversaire de la chute du mur de Berlin avec Mstislav Rostropovitch jouant au pied du mur. Un rapprochement un peu lourd… La « confession » larmoyante de Bruno Ganz manque de crédibilité, Jo en dit trop ou pas sur les programmes d’histoire en Allemagne.

Au-delà de la question mémorielle, ce film montre, dans un beau paysage (la maison de Martha est la propre maison du réalisateur, Barbet Schroeder, où il avait déjà tourné son premier film, More, en 1969), l’apprivoisement de deux personnes que tout devrait éloigner, la dame déjà âgée, qui vit loin du monde et élevée dans la musique classique, le jeune allemand qui enregistre et mixe les sons les plus diverses sur un fond de basse.

Sinon, les sous-titres sont, encore une fois, très médiocres, heureusement que le film, à part quelques rares répliques en espagnol, est en anglais et en allemand… S’il y a une VF, j’espère pour les spectateurs que la traduction est meilleure.

Bref, de beaux paysages, une photographie très soignée, mais je ne suis pas entièrement conquise par ce film. J’attends de lire d’autres avis en commentaires ou d’en discuter avec des amis cinéphiles à leur retour de vacances…

Pour aller plus loin sur la question de la mémoire de la seconde guerre mondiale, outre Si c’est un homme et Les naufragés et les rescapés de Primo Levi, voir les témoignages et récits de , également déportée à Auschwitz, notamment Aucun de nous ne reviendra, Le convoi du 24 janvier, La mémoire et les jours, ou Sauve-toi, la vie t’appelle de Boris Cyrulnik qui rapporte son propre sauvetage, enfant, alors que sa mère vient d’être victime d’une rafle.