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Voyage aux îles de la désolation d’Emmanuel Lepage

Couverture de Voyage aux îles de la désolation d'Emmanuel LepageLorsque j’ai lu La lune est blanche, écrit avec son frère, il était beaucoup question au début de ce titre, lu par les différents membres de l’expédition. Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Le livre : Voyage aux îles de la désolation d’Emmanuel Lepage, éditions Futuropolis, 2011, 160 pages, ISBN 9782754804240.

L’histoire : Saint-Denis de La Réunion, mars 2010. Emmanuel Lepage embarque sur le Marion Dufresne, direction les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Pour ravitailler les anciennes îles de la Désolation, Crozet, Amsterdam, Saint-Paul et Kerguelen. A bord du bateau, l’équipage, les militaires et contractuels chargés de la logistique des bases, les scientifiques et quelques « touristes » (le dessinateur, un élu…). Emmanuel Lepage présente la vie à bord du bateau, les ravitaillements (en nourriture et en pétrole pour les groupes électrogènes), les îles abordées lors de son voyage mais aussi par les illustres pionniers…

Mon avis : un album qui, pour ce que j’en ai entendu (un de mes anciens chefs de service avait fait une rotation avec ce bateau pour « inspecter » des fouilles archéologiques sur un ancien site baleinier), reflète bien la vie à bord du Marion-Dufresne. Et d’abord l’instabilité du bateau et le mal de mer, la vie à bord, le confinement par mauvais temps, la promiscuité, le fameux tamponnement des enveloppes postées depuis les TAAF, etc. La grande priorité, pour les militaires à bord, c’est le ravitaillement des bases. Puis permettre le travail des scientifiques, quel que soit le sujet, étude sur le climat ou sur les espèces introduites volontairement et devenues une menace pour les espèces endémiques (comme les BLO, bêtes aux longues oreilles pour ne pas dire lapins, mot interdit comme tous ceux qui désignent des rongeurs à bord des bateaux). Les « touristes » (au premier rang desquels le dessinateur) peuvent-ils influencer sur les tâches premières de la mission ? Les dessins mêlent de nombreuses planches en noir et blanc et quelques planches en couleur. Nous sommes loin des dessinateurs accompagnant les missions scientifiques de Napoléon à nos jours (le muséum d’histoire naturel emploie toujours des dessinateurs), même s’il y a de belles vues de la faune rencontrée, et plus proches du reportage journalistique en bande dessinée tel qu’on peut le voir dans La Revue dessinée ou dans les reportages de guerre de Joe Sacco (Gaza 1956, Goražde, Šoba, Palestine, une nation occupée). Envie d’évasion, d’une ambiance fraîche après un été chaud ? N’hésitez pas, cet album est fait pour vous.

Voir aussi :
La lune est blanche de François et Emmanuel Lepage et sur un autre sujet Un printemps à Tchernobyl d’Emmanuel Lepage
Les naufragés de l’île Tromelin d’Irène Frain

La lune est blanche, de François et Emmanuel Lepage

Couverture de La lune est blanche, d'Emmanuel et François Lepagepioche-en-bib.jpgLogo rentrée littéraire 2014J’avais beaucoup aimé Un printemps à Tchernobyl d’Emmanuel Lepage, je n’ai pas encore lu Voyage aux îles de la Désolation (réservé comme cet album à la médiathèque), mais j’ai sorti ce livre dont on parle pour la rentrée littéraire 2014 (et dans le défi organisé par Hérisson). Yaneck en a déjà parlé ici.

Le livre : La lune est blanche, de François Lepage (lettres et photographies) et Emmanuel Lepage (récit, dessins et couleurs), éditions Futuropolis, 256 pages, 2014, ISBN 9782754810289.

L’histoire: janvier 2013. L’astrolabe (la gastrolabe pour ceux qui l’ont fréquentée) vogue vers l’Antarctique et la base Dumont d’Urville, en Terre-Adélie. A son bord, en plus de l’équipe technique et scientifique, deux hommes qui n’ont pas les compétences pour ce voyage, un dessinateur et un photographe. Novembre 2011, à Paris, Yves Frenot, directeur de l’Institut polaire français, a invité les deux hommes sur la base pour témoigner du travail des chercheurs et leur a aussi proposé de participer au « Raid », le convoi de ravitallement de la station Concordia, à 1200 km à l’intérieur des terres glacées, en tant que chauffeurs : pas de touristes sur le raid, tout le monde conduit les monstres qui apportent les conteneurs et les dameuses qui entretiennent la piste de circulation et les pistes d’atterrissage de secours. Ils devaient partir avant Noël, le voyage a pris du retard car le bateau a été pris dans les glaces à la rotation précédente, retard qui va se répercuter sur toute la suite de la mission…

Mon avis: un gros album, pas pratique à lire au lit même avec une tablette et un lutrin (oui, je suis fainéante, je lis au lit!). Les circonstances du voyage ont fait que finalement, on ne fait qu’apercevoir la base Dumont-d’Urville, mais c’est peut-être remis à un prochain album? Si les deux frères sont tout de suite partis sur le raid, le retour ne s’est pas fait comme prévu non plus et ils sont repassés par la base, l’album se terminant à Concordia, il y aura peut-être une suite. Le récit montre quand même les chercheurs et techniciens notamment sur le bateau, en alternance avec les récits des voyages des grands explorateurs polaires historiques, et les relations entre les deux frères, surtout dans le bref moment où l’un a failli faire le raid et l’autre rester sur la base. Embarquer deux novices en matière de conduite de ces engins alors que ce dernier ravitaillement de la saison (après, c’est l’hivernage, 8 mois hors du monde et des contacts) est vital pour la base Concordia, c’est un risque osé de la part du chef de la logistique. Des doubles pages et des pleines pages s’insèrent dans le récit, comme dans Un printemps à Tchernobyl, des dessins d’Emmanuel et quelques photographies de François, ainsi qu’un dossier avec ses photographies et un texte sur Concordia à la fin. Un très bel album pour découvrir le grand sud et ces hommes qui y vivent, et parfois y meurent, pas seulement les pionniers, aujourd’hui aussi, comme l’équipage d’un avion canadien pendant leur voyage. Je vous laisse le découvrir…

Logo top BD des bloggueurs Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Les naufragés de l’île Tromelin d’Irène Frain

Couverture des naufragés de l'île Tomelin, d'Irène Frain J’ai reçu ce livre par le site Chez les filles.com, qui m’a déjà envoyé d’autres ouvrages (voir en fin d’article).

Le livre : Les naufragés de l’île Tromelin, d’Irène Frain, éditions Michel Lafon, 2009, 373 pages, 9782749909905.

L’histoire : 1761, dans l’océan Indien, à une semaine de navigation en vents contraires de Madagascar. La flûte (navire trois-mâts à vocation marchande, armé) L’utile est un bateau de la compagnie des Indes. Mais son commandant, Lafargue, a embarqué, à titre privé et donc clandestinement, pour son propre profit, 160 esclaves (enfin, la plupart à lui, quelques-uns sont des  » investissements  » de ses officiers). Il décide de prendre une route dangereuse, où une carte mentionne une île qui n’est alors peut-être qu’une légende, peut-être réelle, alors qu’elle est localisée plus loin sur une seconde carte. En dépit des vols d’oiseaux, qui annoncent l’approche d’une terre, il s’obstine dans cette direction. Le bateau s’échoue dans la tempête. L’île ou plutôt l’îlot existe bien, soumis à de violents courants marins à ses abords et aux ouragans. Si seulement une vingtaine de membres d’équipage périt en mer, la moitié des esclaves n’arrive pas sur l’île. La survie s’organise sous la conduite du second du bateau… pour l’équipage dans une premier temps. La suite ? Une partie est racontée en 4e de couverture, mais je préfère vous laisser la découvrir…

Mon avis : un beau récit d’aventure, qui, au fond, m’a peut-être rappelé les romans de Jules Verne, de Frison-Roche ou autre que je lisais quand j’étais petite. Je l’ai lu d’une traite dimanche matin. La narration alterne entre le point de vue des historiens, à la recherche des témoignages et de leur authentification, celui de l’équipage et surtout des officiers, et celui des esclaves. Un livre agréable à lire, basé sur une histoire vraie en partie confortée par des recherches archéologiques sur cette île administrée par le préfet des préfet des TAAF (terres australes et antarctiques françaises), avec les Kerguelen ou la Terre Adélie, une station météo permanente est en place sur l’île Tromelin depuis les années 1950.

Pour aller plus loin : le site officiel d’Irène Frain et le site officiel des éditions Lafon/les Naufragés de l’île Tromelin, avec les premières pages du livre, une interview d’Irène Frain, et d’impressionnantes photos et vidéos de l’île (et de moins utiles de l’auteure…).

Et pour bien saisir tous les tenants et aboutissants de ce récit, un peu d’histoire est nécessaire. Le livre reprend, dans le texte et à la fin, le contexte des recherches historiques et archéologiques sur ce naufrage et cette épave, mais manque un peu de contexte historique. Si L’utile a pris cette route dangereuse, c’est parce qu’il transportait une cargaison clandestine, mais aussi en raison de la guerre de sept ans, qui a opposé d’un côté la France et l’Angleterre, de l’autre, l’Autriche et la Prusse, en Europe, en Amérique (prise de Montréal par les Anglais en 1760, Souviens-toi !, comme disent les Québecois) et en Inde. Dans ce contexte, la guerre était aussi économique et marchande, avec un blocus des îles de l’océan indien, et un affrontement des deux compagnies qui avaient des monopoles d’État, la Compagnie des Indes orientales pour la France et la British East India Company pour l’Angleterre. Parallèlement, ces deux pays ont délivré des lettres de course (ou lettres de marque), qui permettaient à des bateaux civils armés de s’attaquer à un bateau ennemi pour en prendre la cargaison. Les corsaires de ces bateaux étaient soumis à un règlement assez précis sur le butin, les prisonniers, etc. Quant au commerce négrier, il était lui aussi régi par des règles, si ignobles soient-elles, et relevait, comme la course des corsaires, de ce que l’on appellerait aujourd’hui des partenariats publics/privés. J’entends hurler d’ici les historiens et les politiciens, mais ça y ressemble fort. Une compagnie privée accomplissait les basses œuvres au nom d’un État avec qui elle était liée par contrat souvent très lucratif pour le privé (ça ne vous rappelle rien? Les compagnies privées pour la logistique des soldats américains en Irak, la construction des nouvelles prisons et hôpitaux en France, etc. Et messieurs des ex-RG, n’oubliez pas d’ajouter une petite ligne de plus dans mon dossier ex-Edvige, mais je digresse encore…).

Je vous propose quelques liens qui peuvent vous aider à cerner le contexte :
– le musée de la compagnie des Indes à Lorient (que j’aimerais bien visiter un jour)
– les compagnies des Indes
– les salles sur la traite négrière au château des ducs de Bretagne à Nantes, avec un dossier pédagogique en ligne (si vous voulez atteindre cette salle et en profiter, zappez le début de l’exposition du château, l’histoire de la Bretagne, etc., sinon, vous serez épuisé par la visite avant d’y arriver)
l’espace pédagogique de l’académie de Nantes sur la traite négrière, avec de nombreux liens vers des ressources en ligne
– la guerre de sept ans au Canada, ressources sur le site de l’université de Marianopolis.

Logo de Chez les filles Le site Chez les filles.com (merci à eux et notamment à Suzanne) m’ont déjà envoyé ces autres livres, que j’ai parfois aimés, parfois pas du tout. Retrouvez-les sur la page des livres reçus pour critique.