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Appelez-moi Lorca Horowitz, d’Anne Plantagenet

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCouverture de Appelez-moi Lorca Horowitz, d'Anne PlantagenetJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Stock.

Le livre : Appelez-moi Lorca Horowitz, d’Anne Plantagenet, éditions Stock, 210 pages, 2016, ISBN 9782234076211.

L’histoire : à Paris de nos jours, une jeune femme, fan d’Emmanuel Carrère, enseigne la technique de la biographie à ses étudiants. Un jour, elle tombe sur un bref article rapportant le cas de Lorca Horowitz, une « criminelle » qui a sévit des années plus tôt à Séville en Andalousie. Elle se met au défit de comprendre comment cette fausse secrétaire a pu tisser sa toile pendant dix ans autour de ses patrons, Eduardo et Rocío Perales, dirigeants d’une grande entreprise d’architecture, détruisant leur vie peu à peu (comment, ça, je vous laisse le découvrir en allant jusqu’au bout du livre).

Mon avis : j’ai d’abord été déroutée par la forme du roman. L’ensemble est rédigé à la première personne du singulier, au féminin, mais le « je » est tantôt la biographe, tantôt Lorca Horowitz. J’ai beau travailler deux fois par semaine en rééducation ma « flexibilité verbale », mon cerveau a toujours des problèmes d’interprétation pour ces changements de points de vue s’ils ne sont pas nettement marqués (et aussi pour d’autres choses). Pourtant, ici, il n’y a en général aucune ambiguïté possible, dès la première ou la deuxième phrase de chaque nouveau « chapitre », il y a un indice clair pour savoir qui parle, et il y a une stricte alternance du « je » à chaque saut de page.

Une fois passé ce problème de double narration à la première personne du singulier, le lecteur se retrouve avec d’un côté la biographe, de l’autre la fausse secrétaire qui met dix ans pour ressembler de plus en plus à sa patronne, perdant 20kg, changeant de coiffure, de look, mettant de plus en plus ses pas dans les siens, à un détail près… son homme! Le mari reste fidèle envers et contre tout, alors que l’amoureux de Lorca semble être un vrai fantôme. En miroir, la biographe s’interroge sur ses propres amours… et un amour de jeunesse qui eut pour cadre la même ville de Séville, ce qui sans doute n’a pas amélioré la faculté pour mon cerveau de séparer les deux histoires! Le style évolue aussi au fil des pages. Au début, Lorca s’interroge beaucoup sur le vocabulaire (avec des longues phrases sur le choix du bon mot), puis, au fur et à mesure qu’elle détourne l’argent de ses patrons, ses préoccupations deviennent plus futiles, vêtements, grosses voitures, vacances dans des lieux à la mode, son entraîneur particulier… autant de sujets qui me laissent totalement indifférente. Je pense que je ne suis pas rentrée totalement dans cette histoire.

Courir après les ombres de Sigolène Vinson

Couverture de Courir après les ombres de Sigolène Vinsonpioche-en-bib.jpgCela fait un moment que j’avais envie de lire un livre de cette collaboratrice régulière de Charlie hebdo et Causette. Le 7 janvier 2015, elle devait discuter des aspects économiques de son roman avec Bernard Maris qui avait lu le manuscrit, elle lui dédie le livre avec ce sobre  » à Bernard Maris, à son étoile « .

J’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Courir après les ombres, de Sigolène Vinson, éditions Plon, 2015, 200 pages, ISBN 978-2-259-22957-9.

L’histoire : à Djibouti, de nos jours. Désabusé, Paul , fils d’un économiste devenu fou, est trader de matières premières au service de la Chine, ou plutôt de la multinationale qui l’emploie et qui cherche notamment à installer un comptoir (une base navale) permanent(e) dans la Corne de l’Afrique. Pour lui, tout s’achète, si possible à bas prix, comme ce lac qu’il lorgne en fait pour ses terres rares… Entre deux embarquements, il fouille avec Harg, un nomade éthiopien l’épave du Pingouin, où il espère retrouver un manuscrit inédit qu’Arthur Rimbaud, lui-même devenu marchand d’armes, aurait pu écrire avant d’être rapatrié en France. A l’étape suivante (à Mascate), il retrouve Mariam, une jeune pêcheuse de Djibouti, avant de rencontrer Louise, une française qui rentre au pays en cargo… Quand sa compagnie tente de faire transporter illégalement des déchets radioactifs sur son bateau, pour lui, une ligne rouge est franchie…

Mon avis : de 1981 à 1988, Sigolène Vinson a vécu une bonne partie de son enfance à Djibouti, et cela se ressent dans sa manière de décrire le désert, les gens, avec parfois des accents qui font penser à Marguerite Duras. Tous les personnages vivent l’Afrique et l’Asie, sur fond de mondialisation, il y a les spoliés, les acheteurs, et en bout de chaîne, nous, qui achetons les objets sans nous préoccuper de ce qu’ils impliquent, et en renvoyant nos poubelles nucléaires. Dans ce « monde de brutes », il reste l’espoir de la poésie, ou plutôt la folle utopie de vouloir retrouver la trace d’Arthur Rimbaud. En 200 pages, il y a quelques morts violentes (sans que l’on puisse qualifier ce roman de polar, il n’est nullement question d’enquête pour retrouver les coupables), on croise des migrants qui bravent l’hostilité de la mer avec ses requins (animaux ou passeurs), des pirates, des voyous, alors que tout semble partir à vau-l’eau, il reste les rêves, retrouver les derniers poèmes de Rimbaud ou la moto de Romain Garry, des trésors qui n’ont peut-être jamais existé mais qui donnent au trader sa force de continuer à vivre. Je vous laisse découvrir ce roman assez inclassable et qui m’a bien plu, sans doute parce qu’il sort du « formatage » actuel de bons nombres de romans.

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

Les bannis de Laurent Carpentier

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Les bannis de Laurent Carpentier, éditions Stock, 276 pages, 2015, ISBN 9782234079212.

L’histoire : 2008 (sans doute, pour le premier chapitre). Insomniaque, fâché depuis des années avec sa femme, malade, le vieux Maurice se lève tôt pour partir dans sa vieille Renault 10 pour rendre visite au cimetière à sa fille Jacqueline, morte trop tôt d’un cancer du sein, et aller voir le médecin. Il n’y arrivera jamais… mais par son histoire qui se ferme, il ouvre l’histoire d’une large famille, qui vous mènera à Saint-Jean-Kermaniel, en Bretagne, sur le plateau de Lannemezan, du Jura aux Pyrénées, à Picpus, à Bucarest, à Istanbul…

Mon avis : pour son premier roman, Laurent Carpentier, grand reporter au journal Le Monde, a choisi de raconter l’histoire de sa famille au sens large, grands-parents, parents, oncles, tantes, cousins, chacun de ces personnages étant le centre d’un chapitre de quelques pages (de 3 ou 4 jusqu’à une vingtaine de pages). C’est donc petit à petit que l’on reconstitue l’histoire globale, passant de l’un à l’autre, croisant l’un, l’autre, suivant le point de vue choisi pour le chapitre en cours. Vous y croiserez des médecins (beaucoup), des juifs, des athées, et… des communistes (canal historique ou canal trotskyste)! Il y a aussi beaucoup d’exils… des bannis pour leur religion (la branche juive), par leur religion (la bretonne qui a osé vivre « dans le péché »), par leur parti politique (purge communiste). Comme dans toutes familles, il y a le vrai, le non-dit, la vérité qui peut tourner au mythe, les secrets, parfois lourds à porter. La forme choisie par Laurent Carpentier retrace sans doute les méandres qui l’ont lui-même amené à reconstituer cette histoire familiale pour arriver à l’intégrer et littéralement « vivre avec », mais n’est pas pesante pour le lecteur, bien au contraire. J’ai beaucoup aimé ce roman que je vous recommande…

Juste un petit bémol, à nouveau pour l’éditeur, s’il vous plaît, messieurs les éditeurs, choisissez des papiers et des encres qui ne laissent pas voir le texte sur la page au dos! C’est très pénible à lire avec des problèmes visuels, et j’ai été obligée de sortir ma caméra en utilisant un traitement des images pour enlever les lettres parasites qui ressortaient et venir à bout du livre.

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Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

Fox-trot de Michel Quint

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque… Je ne pouvais pas raté le dernier titre de Michel Quint, qui va finir par devenir un familier de mes fidèles lecteurs (revoir Effroyables jardins et Aimer à peine, Avec des mains cruelles, La folie Verdier, Close-up, L’espoir d’aimer en chemin, Et mon mal est délicieux)!

Le livre : Fox-trot de Michel Quint, éditions Héloïse d’Ormesson, 329 pages, 2015, ISBN 978-2-35087-335-0.

L’histoire : Paris, 6 février 1934. Une émeute éclate suite à l’affaire Stavisky, deux médecins lillois qui « passaient par là » organise un poste de secours avancé où ils reçoivent un blessé mourant auprès duquel se retrouvent une vedette de music hall et la jeune trapéziste Lisa Kaiser, qui recueille une enveloppe qu’il portait sur lui avant de fuir dans sa ville natale… Lille! Dans cette ville, les troubles se multiplient également, Charles, un jeune instituteur proche de la SFIO, s’accroche avec l’un de ses collègues, qu’il accuse d’être ligueur, et est suspendu. Il se réfugie auprès de sa nouvelle amie, une jeune modiste très courue. Par l’intermédiaire de son beau-frère, officier de police, il est vite chargé par le maire de Lille, Roger Salengro, d’infiltrer l’un de ces ligues. De son côté, Lisa Kaiser s’engage au « Sphinx », un cabaret où elle est rapidement retrouvée assassinée…

Mon avis : j’ai beaucoup aimé cette histoire qui nous entraîne dans la sombre histoire des années 1930 et des ligues d’extrême droite à Paris puis dans le Nord de la France. Oups, il faut maintenant dire les Hauts de France… et l’histoire déborde aussi « en bas au centre » de la Belgique (pas tout en bas, il reste encore les Ardennes belges).

Poitiers, Jeanne-d-Arc de Real del Sarte, 05, signature sur la statue Vous y retrouverez d’ailleurs un sculpteur dont j’aime bien l’œuvre, mais qui fut sur le plan politique une belle ordure, non pas « proche » (page 174) mais bien membre fondateur des Camelots du roi. Ce roman n’est pas un cours d’histoire caché dans un roman historique, mais bien un polar qui s’ancre dans l’histoire, cette histoire qui hante Michel Quint au fil de ses romans, la Seconde Guerre mondiale, ses prémices ou ses conséquences au fil des titres… A part la fin (juste les 3 ou quatre dernières pages), qui ne semble pas « raccord » avec le reste, je vous recommande chaudement cette plongée à la fois historique (l’affaire Stavinsky et le scandale du Crédit municipal de Bayonne), politique (la montée des ligues d’extrême droite et la SFIO), sociale (les milieux bourgeois et populaires de Lille), dansante (Fox-trot et autres numéros de cabarets) et … sanglante (3 ou 4 cadavres?) 😉

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Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

La ballade du calame de Atiq Rahimi

pioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque. Je vous ai déjà parlé de Syngué Sabour, pierre de patience, du même auteur.

Le livre : La ballade du calame de Atiq Rahimi, éditions de l’iconoclaste, 195 pages, 2015, ISBN 9782913366763.

La présentation de l’éditeur:

« L’exil ne s’écrit pas. Il se vit.
Alors j’ai pris le calame, ce fin roseau taillé en pointe dont je me servais enfant, et je me suis mis à tracer des lettres calligraphiées, implorant les mots de ma langue maternelle.
Pour les sublimer, les vénérer.
Pour qu’ils reviennent en moi.
Pour qu’ils décrivent mon exil. »

Ainsi a pris forme cette ballade intime, métissage de mots, de signes, puis de corps.

Celui qui se dit « né en Inde, incarné en Afghanistan et réincarné en France » invente une langue puissante, singulière et libre.

Une méditation sur ce qui reste de nos vies quand on perd sa terre d’enfance.

Mon avis : je n’avais d’abord pas fait attention aux deux l de ballade… J’ai donc fait une plongée poétique et non une promenade, quoique. Il m’était donc impossible de faire un résumé personnel, j’ai préféré mettre la présentation de l’éditeur. Atiq Rahimi nous emmène à travers le monde, son monde intime, le monde depuis la création (voir le chapitre sur Adam et Eve), le monde de l’exil de sa famille (école à Kaboul, arrestation de son père, exil  en Inde, puis en Europe), le monde de la calligraphie, qui commence par l’apprentissage de l’Alef, le A, cette grande ligne verticale (mais souple…), première lettre de l’alphabet arabe, et de nombreux alphabets en général. Petit à petit, la calligraphie dérive vers la callimorphie, cette représentation de corps à partir des lettres… J’ai beaucoup aimé cette promenade poétique interrompue par ces « dessins », mon préféré se trouve page 144, où Atiq Rahimi souligne des simples mots « sans glose » la callimorphie qu’il a formé avec les lettres de  ÂKHAR-É DJAHÂN, la fin du monde ÂKHAR-É DJAHÂN, la fin du monde, un dessin inspiré de l’Origine du monde de Gustave Courbet. Mais surtout, ne soyez pas rebuté par l’érudition de ce livre, des références à de nombreux auteurs de tous les domaines, si vous ne les connaissez pas, cela n’empêchera pas de vous promener dans l’imaginaire de Atiq Rahimi en écho au vôtre, et vous invitera peut-être à poursuivre la promenade avec d’autres auteurs (Michel Foucault, Pierre Gourou, Paul Eluard, Henri Gougaud et plein d’autres) ou artistes (au premier rang desquels Man Ray…). Bonne lecture et bonne « ballade / balade » !

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé par Hérisson.

Une femme blessée de Marina Carrère d’Encausse

pioche-en-bib.jpgCouverture de Une femme blessée de Marina Carrère d'EncausseUn livre recommandé dans la sélection d’été du magazine Causette et trouvé à la médiathèque.

Le livre : Une femme blessée de Marina Carrère d’Encausse, éditions Anne Carrière, 2014, 195 pages (plus deux sur la fondation Surgir), ISBN 9782843377020.

L’histoire : de nos jours dans le Kurdistan irakien. Une jeune femme vient d’être admise à l’hôpital de Souleymanieh, conduite par un cousin, grièvement brûlée par l’explosion d’un réchaud qui a enflammé son voile. Au village, dans la montagne, sa fille aînée ne sait rien, sa grand-mère lui interdit de parler de sa mère, elle s’occupe de ses deux petites sœurs, en essayant de saisir ici ou là des informations. Son mari vient voir les médecins, sans demander à voir sa femme. Celle-ci survit, au prix de grandes douleurs, de greffes et d’une longue rééducation, elle tente de cacher sa grossesse, dont bizarrement son mari ne parle pas non plus. Un jour, elle rencontre dans la cour une jeune femme dont le petit garçon, brûlé, agonise, il lui rappelle son propre garçon, mort attaqué par un chien à l’âge de trois ans… le début d’une relation amicale qui lui permettra de révéler son lourd secret.

Mon avis : Marina Carrère d’Encausse, rendue célèbre pour son émission du Journal de la santé qu’elle anime avec Michel Cymès (voir Hippocrate aux enfers), aborde la question des crimes d’honneur, viols, (tentatives de) meurtres, dont sont victimes les femmes de cette région du monde (mais ce n’est pas la seule). Le médecin du service des grands brûlés n’est pas dupe, beaucoup d’accidents domestiques sont en fait des crimes d’honneur, il soigne ces femmes du mieux qu’il peut, formé en France et continuant à se former aux diverses techniques de greffes de la peau, même si le taux de mortalité reste élevé dans son service. Le roman, alternant scènes à l’hôpital et incompréhension de la fille aînée, dévoile peu à peu une histoire qui est celle de beaucoup de ces accidents, tout le poids de la belle-famille qui pèse sur les épaules de ces femmes qui quittent leur famille pour un mari dont elles ignorent souvent tout (sur le mariage arrangé, voir aussi , côté turc, avec le suicide). Le poids du silence, le poids de l’amour secret (qui n’est pas allé au-delà de quelques discussions et s’est terminé par deux crimes), sont personnalisés dans les femmes de cette histoire, les trois générations soufrent, et l’auteure raconte avec beaucoup de réalisme une histoire singulière qui est celle de 5000 femmes dans le monde chaque année. Un roman très émouvant… et très bien construit jusqu’au dénouement final.

Pour aller plus loin : le livre se termine par deux pages sur la fondation Surgir, spécialisée dans la lutte contre les violences coutumières dont sont victimes les femmes à travers le monde et en particulier les crimes d’honneur.

 

Première personne du singulier de Patrice Franceschi

pioche-en-bib.jpgCouverture de Première personne du singulier de Patrice FranceschiJ’ai trouvé ce recueil, qui a reçu le prix Goncourt des nouvelles en 2015, parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Première personne du singulier de Patrice Franceschi, éditions du Seuil, collection Points, 2015, 197 pages, ISBN 9782757849736.

Les histoires : Noël 1884. Le capitaine Flaherty a disparu dans une tempête… retour sur sa carrière dans Un fanal arrière qui s’éteint. En mai 1940, en pleine débâcle et alors que les soldats fuient les uns après les autres, le sous-lieutenant Pierre Vernaud reçoit l’ordre de tenir pendant 24h le Carrefour 54 pour ralentir l’avancée allemande. Au début 2013, un journal de Syndney reçoit une information qui pourrait relancer l’enquête sur le Naufrage du lieutenant Wells dix ans plus tôt au large de l’Italie. Le 22 novembre 1943, deux résistants, Madeleine et Pierre-Joseph, chacun avec un enfant, se rencontrent sur le quai de la gare devant ce qui sera Le Train de six heures quinze.

Mon avis : j’ai beaucoup aimé ces quatre nouvelles, où l’auteur a glissé de petits renvois de l’une à l’autre : à la fin du Naufrage du lieutenant Wells le rédacteur en chef a entendu parlé de la mort tragique d’un capitaine il y a longtemps (Un fanal arrière qui s’éteint) ; au début du Train de six heures quinze, Madeleine est la cousine d’un héroïque sous-lieutenant du 101e régiment d’infanterie (Carrefour 54). Les descriptions des deux naufrages sont particulièrement réussies, impossible de fermer le livre au milieu de la tempête qui s’achèvera par la mort du capitaine Flaherty. Dans chaque nouvelle, le personnage principal doit prendre une décision importante qui décidera de son destin, au sacrifice de sa vie, jusqu’à se suicider ou s’exiler sur un îlot isolé. Le Naufrage du lieutenant Wells est le plus ancré dans l’actualité, avec un lieutenant qui ne supporte pas que le capitaine du cargo sur lequel il est refuse de ralentir et de se porter au secours d’une embarcation pleine de migrants, pour éviter les complications (et le temps perdu), l’équipage cosmopolite approuve le capitaine. Une situation qui hélas s’est déjà produite en Méditerranée ou dans l’océan Indien. A découvrir… et de mon côté, je lirai probablement d’autres ouvrages de Patrice Franceschi.

Tourner la page, de Audur Jónsdóttir

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCouverture de Tourner la page, de Audur JónsdóttirJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux Presses de la cité.

Logo rentrée littéraire 2015C’est le premier dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Le livre : Tourner la page, de Audur Jónsdóttir, traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün, Presses de la cité, 2015, 458 pages, ISBN 9782258113350.

L’histoire : à Reykjavik, aujourd’hui, hier, il y a vingt ans, plus, moins? Originaire d’un petit village de l’ouest de l’Islande, petite-fille d’un poète, Eyja, jeune femme fauchée, s’est retrouvée mariée à Coup de Vent, un ivrogne de vingt ans son aîné. Après quelque temps de vie commune, elle n’arrive pas à s’en séparer. La grand-mère prend les choses en main: elle lui offre ses économies à condition qu’elle quitte son appartement et parte se mettre au vert avec sa cousine, Rúna, championne de ski qui gère en Suède un village de vacances.

Mon avis : je ne sais pas si c’est mon cerveau qui continue à jouer des siennes, mais j’ai été gênée par l’emploi pour un même personnage de son nom et d’un surnom (le « Coup de Vent », la « Reine du Ski » alias Rúna etc.) sans que le lien entre les deux soit clairement explicité, ce qui a engendré beaucoup de confusion pour moi, peut-être à cause de ma prosopagnosie (incapacité à reconnaître les visages) partielle (je vous en parlerai un de ces jours). Ainsi, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre qui était le « Météorologue » et s’il faisait ou non un seul personnage avec le « Futur Mari ».  D’un point de vue plus littéraire -même si l’emploi de surnoms est aussi un procédé littéraire-, je n’ai pas bien compris l’intérêt d’intercaler quelques pages au futur ou au passé au milieu de longs passages au présent, alors qu’il n’est pas facile, au fil de ce récit, de comprendre ce qui se passe de nos jours, il y a longtemps, avant ou après le séjour en Suède, avant ou après une grande avalanche qui a fait plusieurs victimes dans son village natal (ou le village ou elle a habité?). Je suppose que le traducteur a respecté les choix de l’auteur ; cependant, en français, le passé simple peut être juste mais très laid : « Ses dents jaunies […] luisirent » (page 26)… Après une cinquantaine de pages, complètement perdue, je me suis décidée à recommencer en faisant un tableau de correspondance des surnoms et des prénoms et en notant quelques repères temporels. J’ai fini par entrer dans ce gros pavé (450 pages) et en apprécier la deuxième partie, beaucoup plus linéaire car située, lors du séjour en Suède, et recentrée au début de certains chapitres par le titre qui évoque la progression vers une nouvelle vie loin du premier mari (page 332 : « Sixième étape de la rééducation : coucher avec un autre »), si l’on excepte les digressions annoncée par d’autres en-tête (page 322 : « Régime de l’au-delà »). Si vous souhaitez découvrir une écriture un peu déroutante qui sort de la production littéraire « formatée » (facile, tout au présent, avec un récit chronologique), alors ce livre est pour vous!

Comme son héroïne est petite-fille de poète, dans la « vraie vie » (ce qui laisse un doute, roman, auto-fiction?), Audur Jónsdóttir est la petite-fille de Halldór Kiljan Laxness, prix Nobel de littérature en 1955, il est toujours dans ma liste de prix Nobel… à lire et découvrir.

Chasse à l’ange d’Ingelin Røssland

Couverture de Chasse à l'ange d'Ingelin RøsslandUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Chasse à l’ange d’Ingelin Røssland, traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Éditions du Rouergue, collection DoAdo Noir, 2014, 218 pages, ISBN 9782812607196.

L’histoire : de nos jours en Norvège, sur l’île de Tysnes. Engel Winge, 17 ans, a été embauchée par le journal local du même nom. Elle est chargée d’interviewée une célèbre medium et l’embarque pour l’île voisine de Marøya, réputée hantée et récemment abandonnée par un groupe évangéliste qui y tenait un centre de cure de désintoxication. Devant Engel sceptique, elle dit voir une femme, un bébé, un vieil homme, un chien… tous morts! Engel décide d’approfondir le sujet, se voir recevoir de la voyante une pierre (une météorite?) pour la protéger, elle décide d’enquêter sur ce qui a pu se passer sur cette île, une enquête qui la mènera jusqu’à Berlin, où son père diplomate, veuf depuis longtemps, vient d’être muté.

Mon avis : cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de roman jeunesse… et j’ai emprunté celui-ci un peu par hasard, disons, sans avoir vu l’étiquette RPj (roman policier jeunesse) ni la collection, mais en ayant fait le choix sur la « lisibilité » pour moi sans caméra, c’est-à-dire avec des caractères noirs et pas gris (le gris foncé m’apparaît en gris assez clair), un interligne suffisant. Ici, la transparence des pages est limite (le texte du verso  en fond au recto et perturbe ma lecture) mais les autres critères étant réunis, j’ai pris le livre. Ce n’est qu’en le commençant que j’ai vu son classement jeunesse, qui explique la narration à la première personne par une journaliste particulièrement jeune, 17 ans, peu crédibles mais c’est censé permettre une meilleure identification des jeunes lecteurs (lectrices), je suppose… Que dire de plus? Je l’ai lu de manière fragmentée, dans les salles d’attente, et je l’ai quand même terminé… ça m’a reposé les méninges juste après Ce que j’ai voulu faire de Sándor Márai ! Sauf si vous êtes « dans la cible » (fille, ado, de 12 à 15 ans), vous pouvez passer votre tour!

 

Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai

pioche-en-bib.jpgCouverture de Ce que j'ai voulu taire de Sándor MáraiBien que l’auteur se soit suicidé en 1989, ce titre faisait partie de la rentrée littéraire 2014.  Je l’ai trouvé à la médiathèque et l’ai lu pendant mes vacances. Du même auteur, voir aussi mon avis sur L’héritage d’Esther.

Le livre : Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai, traduit du Hongrois par Catherine Fay, éditions Albin Michel, 2014, 208 pages, ISBN 9782226312389.

L’histoire : 12 mars 1938. L’Allemagne nazie annexe l’Autriche. 31 août 1948, alors que le pays est devenu un satellite de l’URSS, Sándor Márai et sa famille quittent la Hongrie. Ces mémoires se concentrent surtout sur la montée de l’extrême droite, notamment dans la classe « moyenne supérieure », dans les années 1930 et sur le souvenir de l’écrivain sur cette journée qui allait marquer l’histoire, l’Anschluss », mais qu’il a vécue comme une journée banale, avec son article de 35 lignes à rendre au quotidien où il écrivait alors. Des considérations sur la place des juifs dans la société hongroise – 10% de la population -, la corruption qui leur permit de se maintenir pendant quatre ans grâce à des prête-noms, le découpage des Balkans après la première Guerre mondiale. La période communiste est en revanche à peine abordée.

Mon avis : ce livre est un recueil des mémoires de Sándor Márai, dernier volet inédit des Confessions d’un bourgeois, présumé perdu, retrouvé au début des années 2000 (bien après le suicide de son auteur) et publié en 2013 en Hongrie. L’édition garde d’ailleurs les passages raturés par l’auteur, il ne s’agit pas d’une version définitive et selon la traductrice, il manque probablement des pages, ce qui ne serait pas étonnant car il y a très peu de choses sur la période 1945-1948. Dans le contexte de l’actualité brûlante avec les migrants en Hongrie, ou de ces dernières années avec la déferlante d’extrême-droite sur ce pays, il est très utile d’avoir des clefs de compréhension supplémentaires de cet intellectuel né en 1900 et à la mode à la fin des années 1930. Il replace dans leur contexte les conséquences du traité de Versailles et des différents accords internationaux qui ont abouti au découpage des pays des Balkans, qui font que la minorité germanophone de Transylvanie se retrouve en Roumanie (minorité à laquelle appartient Herta Müller, prix Nobel de littérature, qui en a parlé dans ses livres et notamment dans La bascule du souffle), des locuteurs hongrois en Tchécoslovaquie (sa ville natale était de l’autre côté de la frontière), etc., à l’origine de tensions dans cette région jusqu’à la guerre de Bosnie (voir Šoba et Goražde de ) ou qui pourrait à nouveau exploser avec la Macédoine et la Grèce. Sándor Márai montre aussi comment la Hongrie, qui comptait 10% de population juive, a basculé vers l’extrême droite avant même l’Anschluss, notamment la classe moyenne, comment celle-ci bascule dans l’anti-sémitisme mais aussi comment, paradoxalement, les juifs d’Europe y ont trouvé un relatif refuge jusqu’en 1944. Même s’il apparaît assez clairement que ce texte n’est pas toujours abouti et aurait probablement été remanié par son auteur avant publication, il devrait être lu par chacun et surtout par nos soit-disant grosses têtes politiques pour éclairer la situation actuelle des migrants notamment en Hongrie avec l’affrètement de trains pour se « débarrasser du problème » ou l’érection de la clôture de la honte (« de protection » comme ils disent???) en Bulgarie…