Bien que l’auteur se soit suicidé en 1989, ce titre faisait partie de la rentrée littéraire 2014. Je l’ai trouvé à la médiathèque et l’ai lu pendant mes vacances. Du même auteur, voir aussi mon avis sur L’héritage d’Esther.
Le livre : Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai, traduit du Hongrois par Catherine Fay, éditions Albin Michel, 2014, 208 pages, ISBN 9782226312389.
L’histoire : 12 mars 1938. L’Allemagne nazie annexe l’Autriche. 31 août 1948, alors que le pays est devenu un satellite de l’URSS, Sándor Márai et sa famille quittent la Hongrie. Ces mémoires se concentrent surtout sur la montée de l’extrême droite, notamment dans la classe « moyenne supérieure », dans les années 1930 et sur le souvenir de l’écrivain sur cette journée qui allait marquer l’histoire, l’Anschluss », mais qu’il a vécue comme une journée banale, avec son article de 35 lignes à rendre au quotidien où il écrivait alors. Des considérations sur la place des juifs dans la société hongroise – 10% de la population -, la corruption qui leur permit de se maintenir pendant quatre ans grâce à des prête-noms, le découpage des Balkans après la première Guerre mondiale. La période communiste est en revanche à peine abordée.
Mon avis : ce livre est un recueil des mémoires de Sándor Márai, dernier volet inédit des Confessions d’un bourgeois, présumé perdu, retrouvé au début des années 2000 (bien après le suicide de son auteur) et publié en 2013 en Hongrie. L’édition garde d’ailleurs les passages raturés par l’auteur, il ne s’agit pas d’une version définitive et selon la traductrice, il manque probablement des pages, ce qui ne serait pas étonnant car il y a très peu de choses sur la période 1945-1948. Dans le contexte de l’actualité brûlante avec les migrants en Hongrie, ou de ces dernières années avec la déferlante d’extrême-droite sur ce pays, il est très utile d’avoir des clefs de compréhension supplémentaires de cet intellectuel né en 1900 et à la mode à la fin des années 1930. Il replace dans leur contexte les conséquences du traité de Versailles et des différents accords internationaux qui ont abouti au découpage des pays des Balkans, qui font que la minorité germanophone de Transylvanie se retrouve en Roumanie (minorité à laquelle appartient Herta Müller, prix Nobel de littérature, qui en a parlé dans ses livres et notamment dans La bascule du souffle), des locuteurs hongrois en Tchécoslovaquie (sa ville natale était de l’autre côté de la frontière), etc., à l’origine de tensions dans cette région jusqu’à la guerre de Bosnie (voir Šoba et Goražde de Joe Sacco) ou qui pourrait à nouveau exploser avec la Macédoine et la Grèce. Sándor Márai montre aussi comment la Hongrie, qui comptait 10% de population juive, a basculé vers l’extrême droite avant même l’Anschluss, notamment la classe moyenne, comment celle-ci bascule dans l’anti-sémitisme mais aussi comment, paradoxalement, les juifs d’Europe y ont trouvé un relatif refuge jusqu’en 1944. Même s’il apparaît assez clairement que ce texte n’est pas toujours abouti et aurait probablement été remanié par son auteur avant publication, il devrait être lu par chacun et surtout par nos soit-disant grosses têtes politiques pour éclairer la situation actuelle des migrants notamment en Hongrie avec l’affrètement de trains pour se « débarrasser du problème » ou l’érection de la clôture de la honte (« de protection » comme ils disent???) en Bulgarie…
Merci pour ce conseil de lecture. C’est un auteur que je ne connais pas, et un contexte dont il est bien difficile d’appréhender sereinement…
Bises, belle journée.
il y a déjà qq mois j’ai acheté à Emmaüs « les confessions d’un bourgeois » mais je n’ai pas encore lu; je garde ton article sous le coude à relire; je te signale une coquille dans ta présentation du titre, un « f » a pris la place d’un « t ». ça change le sens. je ne suis pas les infos de trop trop près, et je me rends compte que ça ne change pas grand chose à mon appréciation : les glissements sémantiques sont toujours à la mode!
je note Véronique, merci….Bonne semaine à toi