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Le metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton

Couverture de Le metteur en scène polonais, d'Antoine Moutonpioche-en-bib.jpgUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Le metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton, éditions Christian Bourgeois, 117 pages, 2015, ISBN 978-2-267-02884-3.

L’histoire : à une époque indéterminée, en France, en Pologne, ailleurs… Un directeur de théâtre (français) a commandé l’adaptation d’un roman (ou est-ce une pièce de théâtre?) d’un auteur (autrichien) mort depuis quinze ans à  un metteur en scène (polonais). Une pièce qu’un traducteur (tchèque) avait tenté de traduire pendant deux ans avant de disparaître: travail impossible, le texte n’arrête pas de changer. Le metteur en scène devient fou, insulte son équipe, en est à 8h de spectacle et à des dépassements de frais faramineux… Parviendra-t-il au bout du projet?

Mon avis : Court roman (classement de la médiathèque) ou longue nouvelle (classement de l’éditeur)? Un texte court en tout cas, avec des phrases interminables et de nombreuses répétitions qui doivent être censées rendre compte de la montée de la folie du metteur en scène. Les personnages ne sont jamais nommés (avec un nom propre ou un prénom) mais désignés par leur fonction et leur nationalité (« le metteur en scène polonais », « le directeur de théâtre français », etc.), ce qui alourdit considérablement le texte et la lecture au fil des pages. Une réflexion sur la folie, l’amour, la mort plus que sur le théâtre, qui ne m’a pas passionnée, mais le dénouement inattendu vaut la peine d’aller jusqu’à la dernière page…

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Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, d’Élise Boghossian

Couverture de Au royaume de l'espoir il n'y a pas d'hiver, d’Élise BoghossianUne amie m’a prêté ce livre de témoignage. J’avais vu l’auteure il y a quelques semaines dans l’émission 28 minutes sur Arte.

Le livre : Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, d’Élise Boghossian, éditions Robert Laffont, 229 pages, 2015, ISBN 978-2221190272.

L’histoire : ces quinze dernières années à Paris et dans le monde. A l’occasion d’un pépin de santé personnel alors qu’elle poursuit des études de neurosciences, Élise Boghossian découvre la médecine chinoise, à Paris, en Chine, au Vietnam. Elle y découvre la puissance de l’acupuncture dans le traitement de la douleur, notamment dans les douleurs neuropathiques des amputés du Vietnam ou même comme alternative à l’anesthésie générale. Entre son activité dans son cabinet parisien, sa vie de famille -elle est mère de trois enfants- elle se rend auprès de ceux qui sont les plus démunis et qui souffrent le plus sans pouvoir avoir accès aux médicaments traditionnels : hier les réfugiés en Irak (lors de la « première guerre »), aujourd’hui avec les deux bus-dispensaires mobiles qu’elle a créé en Jordanie pour aller à la rencontre des blessés de guerre, des grands brûlés, des femmes victimes de viols par Daech, là où ils sont le plus nombreux, disséminés hors des camps.

Mon avis : j’ai découvert, par son témoignage, la puissance de l’acupuncture, et les difficultés à faire accepter cette pratique peu coûteuse auprès des grandes ONG… C’est donc par l’intermédiaire de son association Shennong & Avicenne, créée en 2002 pour promouvoir la médecine chinoise en France, qu’elle intervient à son échelle, formant à la technique des médecins réfugiés qui viennent en aide à tous ceux qui en ont besoin en périphérie des zones de guerre du Proche-Orient. Un témoignage poignant!

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Pourquoi j’ai construit une maison carrée, de Jean Guilaine

pioche-en-bib.jpgCouverture de Pourquoi j'ai construit une maison carrée, de Jean GuilaineUn certain nombre de préhistoriens se sont lancés dans l’aventure du roman historique… Il y a un peu plus de deux ans, Actes sud a réédité dans la collection Babel un livre publié par Jean Guilaine en 2006 (en lien avec les éditions Errance, plus spécialisées en archéologie). Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Le livre : Pourquoi j’ai construit une maison carrée, de Jean Guilaine, collection Babel (n° 1186), éditions Actes Sud, 332 p., 2013, ISBN 978-2-330-01965-5 (1ère édition en 2006 sous l’ISBN 978-2-7427-6142-5).

L’histoire : il y a 10.000 ans… Cando raconte à ses enfants l’histoire de sa jeunesse. Direction le Proche-Orient. Cando appartient à un groupe de chasseurs-cueilleurs passés du nomadisme sous tente à des maisons rondes rapides à reconstruire ailleurs, mais autour d’eux, beaucoup de groupes sont passés à l’élevage (des chèvres) voire à l’agriculture, y compris chez des cousins. La lutte sera féroce avec les anciens, attachés à leurs traditions, pourquoi abandonner les maisons rondes en torchis pour bâtir des maisons carrées? C’était bien la peine de transporter autant de blocs, voici le village installé en bord de mer englouti par la montée des eaux… La promiscuité des animaux entraîne une épidémie mortelle, les dieux ne rejettent-ils pas ces innovations? A quoi bon ces pots en céramique, lourds, même s’ils mettent les céréales à l’abri? Et c’est quoi, cette mode des tissus, la peau tannée ne convient donc plus aux jeunes? Au sein du groupe, rien ne va plus, la scission est inévitable…

Mon avis : pour les besoins du récit, Jean Guilaine a condensé en une génération les évolutions qui se sont produites sur une période un peu plus longue, sédentarisation, transformation du mode de vie, domestication du chat (le loup avait été domestiqué depuis plusieurs dizaines de millénaires), apparition de la guerre (enfin, développement, plutôt…). La montée des eaux aussi a été impressionnante, rappelez-vous le déluge de la Bible ou l’Atlantide, des récits ancrés dans les mémoires collectives et pour cause, si aujourd’hui on s’inquiète pour une montée des eaux de quelques mètres, on oublie que la mer a monté de presque 55 mètres entre le dernier maximum glaciaire et l’Holocène (et aussi que le trait de la côte atlantique était 5 mètres plus haut qu’aujourd’hui au 5e siècle avant Jésus-Christ, avec des sites de production de sel à Muron, presque à Surgères, à une cinquantaine de kilomètres à l’intérieur des terres pour ceux qui connaissent la Charente-Martime). Revenons au Proche-Orient… Ce roman est agréable à lire, avec de nombreuses touches d’humour, ce qui change d’autres romans (pré)historiques: soit ils sont agréables à lire mais plein d’erreurs pour les préhistoriens, soit ils sont écrits par des préhistoriens et parfois pas très agréables à lire. Jean Guilaine a réussi à éviter cet écueil!

 

Les infâmes de Jax Miller

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les infâmes de Jax MillerJe poursuis ma découverte de la  rentrée littéraire 2015 à travers les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Les infâmes de Jax Miller, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire-Marie Clévy, éditions Ombres noires, 351 pages, 2015, ISBN 978-2-08-134790-8.

L’histoire : de nos jours aux États-Unis. Freedom Oliver vit dans l’Oregon, protégée par le FBI. Il y a dix-huit ans, elle avait passé deux ans en prison après l’assassinat de son mari, policier violent, puis libérée, un de ses beaux-frères ayant été reconnu coupable. Mais elle a été contrainte à abandonner ses enfants, Ethan (devenu Mason) et surtout Layla (Rebekah), dont elle était enceinte et qu’elle n’a vu que deux minutes à sa naissance, et de vivre avec changer d’identité pour échapper à la vengeance de sa belle famille. Tourmentée par son passé, elle a sombré par l’alcool et attiré la compassion des flics locaux. Un jour, elle apprend la libération de son beau-frère et la disparition de Rebekah, elle quitte son anonymat et décide de se lancer à sa recherche, en fonçant vers Goshen, dans le Kentucky, et l’église évangéliste radicale devenue sectaire des parents adoptifs de ses enfants, Virgil le pasteur et sa femme Carol Paul…

Mon avis : ce polar noir est rythmé par cette ritournelle, « je m’appelle Freedom et… », qui revient très régulièrement après la première phrase, « Je m’appelle Freedom Oliver et j’ai tué ma fille », un peu comme en ouverture d’une séance des alcooliques anonymes. Au fil du récit, on apprend peu à peu l’histoire de la narratrice, la vérité sur le meurtre de son mari arrive assez tard, mais dès le début, elle apparaît alcoolique, impulsive, capable de tendresse (pour sa vieille voisine de palier qui perd la tête, pour Mattley, l’un des flics qui la raccompagne souvent bourrée) comme de réactions vives et violentes. Elle se débat pour ne pas couler complètement, pour ses enfants, pour oublier le viol dont elle a été victime. Tous les personnages ont des traits de caractères forts: Mark le mari violent et flic pourri, Matthew le beau-frère violeur, Peter le beau-frère gentil en fauteuil roulant, les amérindiens Shoshones qui la soigne de deux piqûres de serpent à sonnettes dans l’Idaho, les skinheads qui trafiquent des armes et de la drogue, le pasteur et sa femme… Et le récit est parfois suspendu par un « intermède », un bout de récit à la troisième personne, où l’on quitte la narratrice principale et sa litanie (« je m’appelle Freedom et… »), des parenthèses qui interrompent l’histoire principale tout en l’éclairant. J’ai bien aimé ce polar d’abord, je pense, pour ce rythme particulier, cette course-poursuite de 350 pages à la recherche (à la poursuite) de la liberté (Freedom…) ou au moins de la libération des démons qui la hantent depuis près de vingts ans. Un premier roman réussi pour Jax Miller, pseudonyme d’Anne O’Donnel, née à New York, et vivant en Irlande.

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Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal

Couverture de Réparer les vivants, de Maylis de KerangalC’est une amie (voir son témoignage sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers) qui m’a passé ce livre en version « poche », il en a été beaucoup question en 2014 (nombreux prix littéraires) et le magazine Causette publie une série de reportage sur son adaptation en cours au cinéma par Katell Quillévéré. De la même auteure, (re)voir mon avis sur Tangente vers l’est et À ce stade de la nuit.

Le livre : Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal, collection Verticale, éditions Gallimard, 288 pages, 2014, ISBN 9782070144136 (lu en Folio n° 5942, 2015, 299 pages).

L’histoire : de nos jours près du Havre. Trois jeunes gens partent au petit matin faire une sortie en surf. Au retour, le chauffeur s’endort au volant. Simon, 19 ans, qui n’avait pas mis la ceinture de sécurité, est gravement blessé à la tête. Dès son arrivée au service de réanimation, il s’avère qu’il est dans un état désespéré et rapidement en état de mort cérébrale. Il pourrait être donneur de ses organes…

Mon avis : beaucoup de lecteurs ou de critiques parlent du réalisme de ce livre, qui a fait pleurer Audrey Azoulay, la nouvelle ministre de la culture (Le Journal du Dimanche du 14/02/2016, repris pas Le Canard enchaîné du 17 février). Réalisme peut-être, surtout de longues descriptions que j’ai trouvées parfois ennuyeuses (les états d’âme de l’un ou de l’autre des personnages, avec de longues digressions qui ont pour fonction surtout de faire reprendre leur souffle au lecteur). Je trouve dommage que pour un livre qui semble documenté sur le thème des greffes, il y ait une grosse imprécision page 185 (en édition Folio): dans la « vraie vie » (« vraie mort » plutôt), le foie et les reins ont chacun deux receveurs, pas un seul, car il y a deux reins et deux lobes au foie, le grand -lobe droit- en général pour un adulte et le petit -lobe gauche- pour un enfant. Mises à part ces réserves, le livre a le mérite de populariser tout ce qui entoure les greffes, et notamment la greffe cardiaque : constat de la mort cérébrale, annonce aux parents, recueil du consentement (du mort, via les parents, s’il n’a pas dit son opposition de son vivant), organisation de la répartition des organes par l’agence de biomédecine, prélèvements et réimplantation (que pour le cœur dans le livre). Presque 300 pages pour juste 24h très denses (5h30 lorsque le réveil de Simon sonne pour partir à la plage, 5h30 quand son cœur bat dans la poitrine de Claire, la receveuse) dans la vie de tous les personnages, mais qui ne m’ont pas émue, contrairement à certains témoignages que je suis en train de relire et qui seront prochainement édités en livrets par l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques. Au passage, rappelons qu’il est préférable de faire part de votre position par rapport aux dons d’organe de votre vivant (je suis résolument POUR) comme il vaut mieux aussi préparer ses directives anticipées (pas réservées aux mourants, un accident peut arriver cf. le cas Vincent Lambert). Il est possible dans certaines conditions de faire des dons d’organe entre vivants: reins, mais aussi foie (un gros fragment d’un lobe gauche d’adulte, greffé sur un nourrisson, il régénérera en quelques mois chez le donneur, un lobe droit d’un adulte à un autre adulte).

Il faut tenter de vivre, d’Éric Faye

pioche-en-bib.jpgCouverture de Il faut tenter de vivre, d'Éric FayeUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Il faut tenter de vivre, d’Éric Faye, éditions Stock, 176 pages, 2015, ISBN 9782234078017.

L’histoire : de nos jours, le narrateur se souvient de Sandrine Broussard, la trentaine. Il y a 23 ans, il a recueilli le récit de sa vie en vue d’écrire un livre qu’il n’a jamais rédigé. Jeune adulte mariée à 17 ans, déjà divorcée quelques mois plus tard, avec son compagnon, Sandrine a monté dans le Nord une entreprise d’escroqueries : elle passe des petites annonces roses pour appâter des hommes du Midi, puis se fait envoyer l’argent pour un voyage qu’elle ne réalisera jamais. Recherchés, lui se rend, elle continue sa vie chaotique, fuit en Belgique le temps d’attendre la prescription de ses délits (5 ans), s’engage comme serveuse dans un bar à hôtesses près de la frontière…

Mon avis : l’auteur a choisi de décaler le temps de la narration et le temps du recueil de la « confession » de Sandrine d’une vingtaine d’années. Léger décalage temporel – quelques années – aussi entre la confession (« J’avais quelque chose comme vingt-six ou vingt-sept ans et Sandrine à peine plus« ) et l’histoire elle-même, mais l’auteur ne « joue pas » de ces décalages.

la route de Douai à Tournai, passage de l'ancien poste frontière de Mouchin, cliché Lucien DujardinL’essentiel du livre se passe dans les années 1980, alors qu’il y a encore des douaniers (plutôt rares, peu à peu remplacés par « la volante »…) à la frontière entre la France et la Belgique : voir dans la circulation, extrait de Halte à la douane à (avec des bois gravés des enfants de l’école en 1935 et des photographies actuelles de mon père), un petit poste qui ressemble à celui décrit dans le livre…

Le passage de la frontière au Bas-Préau à Mouchin, cliché Lucien Dujardin… à moins que ce ne soit carrément un passage réservé aux seuls riverains, comme celui-ci, pour les extraits où elle cherche un passage discret. Ce second poste de Mouchin ne semble aujourd’hui plus connu de la police ni des douaniers français, le premier n’a pas non plus été bloqué lors des attentats de 2015 (alors que des herses avaient été déployées lors des attentats de 1985-1986), il est surtout contrôlé le samedi soir et le dimanche matin pour les retours alcoolisés de boîte de nuit en Belgique.

Revenons au livre… Sandrine peut donc passer tranquillement la frontière entre la France et la Belgique dans les années 1980, avec juste ce qu’il faut de frissons lors de rares contrôles, mais à l’heure de la libre circulation dans l’espace Schengen (espérons que ça dure!), ils ne peuvent aujourd’hui être vraiment compris que par des frontaliers.

Le portrait de Sandrine aurait aussi mérité plus de profondeur: petite délinquante qui boit et vit sous amphétamine, elle a eu une enfance compliquée, a fait six mois de prison et ne veut pas y retourner, mais on ne comprend pas vraiment pourquoi elle fuit tant la vie et veut ainsi se détruire, avec des hommes fantasmés (les photographies des hommes du Midi qu’elle ne verra jamais) ou réels (son ami de délinquance, les clients du bar « à putes » à qui elle refuse son corps, le riche commerçant marié qui finit par l’entretenir). Finalement, j’ai lu ce livre d’une traite (sur un aller-retour Poitiers-Paris en train, entrecoupé de sieste, je l’avais choisi pour sa « lisibilité » sans mon visioagrandisseur maison), mais il ne me laissera probablement aucun souvenir à moyen ou long terme.

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Il s’appelait Géronimo, d’Étienne Davodeau et Joub

pioche-en-bib.jpgCouverture de Il s'appelait Géronimo, d'Étienne Davodeau et JoubLa série de Géronimo, d’Étienne Davodeau et Joub, s’achève avec ce tome trouvé à la médiathèque, avec un changement d’éditeur et ne porte donc pas le nom de « tome 4 » de la série. Vous pouvez (re)lire mes avis sur les tomes précédents en suivant les liens : voir le tome 1, le tome 2 et le tome 3.

Le livre : Il s’appelait Géronimo, d’Étienne Davodeau et Joub, éditions Vents d’ouest, 128 pages (dont un dossier genre « making-off » d’une vingtaine de pages) 2014, ISBN : 9782749306667.

L’histoire : de nos jours (ou même dans quelques années?), Benji retrouve son ami Geronimo dans un bel appartement parisien sous le nom d’Emmanuel Croupy. Qu’est-il devenu depuis son adolescence un peu rebelle? Il reprend son histoire là où on l’avait laissé. Embarqué clandestinement sur un cargo qu’il pensait à destination des États-Unis, au « pays des Indiens » qu’il a tant rêvé chez son oncle, il débarque à Cayenne. Alors qu’il fait la manche, un homme est poursuivi et blessé près de lui. Il le cache à sa demande, part chercher ses affaires à l’hôtel et de l’argent avec sa carte bleue (un objet inconnu de Geronimo…), mais à son retour retour, l’homme est mort. Ni une ni deux, il prend son identité et rentre à Paris en avion…

Mon avis: je dis « dans quelques années », peut-être, car on voit page 41 un passeport délivré en 2012 et l’histoire est censée se passer une dizaine d’années plus tard. C’est un détail, l’histoire est intemporelle. Geronimo passe en quelques pages de l’adolescent dégingandé et tenu à l’écart de la « vie moderne » par son oncle à un homme qui a du bien, fonde une famille, et peut enfin découvrir la vérité sur sa mère. Un bel album sur la quête d’identité, la place du secret de famille dans la construction d’une vie.

Le dossier à la fin de l’album montre le travail à quatre mains des auteurs, mêlant photographies et dessins qui en ont été tirés.

Pour découvrir l’auteur : voir le site d’Étienne Davodeau, que je trouve très riche… et le récapitulatif dans l’article écrit pour l’une des venues à Poitiers de l’auteur. Il faudra que je lise son dernier album, qui a reçu le prix du public au dernier festival d’Angoulême, Cher pays de notre enfance, enquête sur les années de plomb de la Ve République (avec Benoît Collombat).

Pour rappel, je vous ai parlé de nombreux albums d’Étienne Davodeau

de Kris et Davodeau

et de Davodeau et Joub

Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor

pioche-en-bib.jpgCouverture de Un mauvais garçon, de Deepti KapoorUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor, traduit de l’anglais (Inde) par Michèle Albaret-Maatsch, éditions du Seuil, 2015,  201 pages, ISBN 9782021165678.

L’histoire : au début des années 2000, à New Delhi. « Elle » a vingt ans, est étudiante, vit chez sa tante, sa mère est décédée, son père vit loin, à Singapour. Il serait temps qu’elle se marie, mais les mariages arrangés par sa famille, ça ne la tente pas. Un jour, dans un café, elle le croise, « lui », pas vraiment beau, mais qui va lui ouvrir les portes d’un autre monde centré sur les plaisirs du corps, le sexe, l’alcool, la drogue… jusqu’à ce qu’elle apprenne sa mort, mystérieuse.

Mon avis : un tableau bien noir de la condition de la femme en Inde. Pour échapper au mariage forcé, n’a-t-elle le choix qu’entre ce mauvais garçon (avec sa violence physique et psychologique) ou la mort, comme sa triste voisine d’en face qui s’écrase au sol alors qu’elle tentait de fuir la chambre où elle était enfermée pour rejoindre son amant? Seule note d’espoir, malgré tout, l’étudiante réussit ses examens… Très vite, on sait que l’amant est mort, que la narratrice ne l’a appris qu’avec retard, une mort mystérieuse, cachée par la famille, avec une fiancée « officielle », le roman est donc une quête de quelques mois de folie (sexe, alcool, drogue, découverte de la ville) qui ne restent que comme des souvenirs nostalgiques… Je n’ai pas vraiment aimé ce roman, histoire trop sombre et style qui ne m’ont pas séduite.

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Les étrangères d’Irina Teodorescu

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les étrangères d'Irina TeodorescuUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Les étrangères d’Irina Teodorescu, éditions Gaia, 2015, 218 pages, ISBN 978-2-84720-648-7.

L’histoire : en Roumanie, avant la chute du régime communiste. Joséphine a sept ans environ, un père roumain, une mère française. Après des vacances à Paris, de retour à Bucarest, sa professeure de violon, dont elle était secrètement amoureuse, est partie dans une autre ville. Elle se sent rejetée à l’école, seule dans la cour, seule au conservatoire. Elle finira son lycée à Paris, avec sa mère, alors que son père reste à Bucarest, où il se reconvertit comme luthier. Mais au lieu de passer les épreuves du bac, elle montre aux professeurs… son travail photographique, des portraits principalement. Alors qu’elle est de retour à Bucarest, où elle doit doubler sa terminale, toute la presse française parle de son geste de rejet du bac, elle est démarchée par un galeriste pour une exposition à Paris, tombe amoureuse de Nadia, 16 ans, danseuse qui rêve de devenir chorégraphe. Une folle passion débute…

Mon avis : peu à peu, le livre glisse de la narration à la troisième personne centrée sur Joséphine à la narration à la première personne, du point de vue de Nadia. Les deux parties, à la coupure pas si nette, sont très différentes. Au début, le roman explore l’altérité, Joséphine ne se sent chez elle ni à Paris, ni à Bucarest, elle est différente, étrangère partout. Au centre, une folle passion, celle pour Nadia, celle pour la photographie surtout, où elle cherche à montrer ce que l’on ne voit pas, l’âme humaine, quatre ans de passion et de fusion, de recherche sur le corps – en amour, par la photographie, la danse, et l’argent qui arrive à flots, permet des cadeaux nombreux et coûteux sans vraiment renouer les liens avec les siens… Et enfin la rupture, la nouvelle vie de Nadia, un univers avec une écriture totalement différente, la disparition de Joséphine du roman (elle n’est plus citée qu’ici ou là), remplacée par Kahj, à Kalior, avec pour témoin la statue du dieu doré du temple qui fait face à sa chambre. Je n’ai pas totalement adhéré à cette dernière partie… mais je vous laisse découvrir ce roman par vous-même!

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Le grand A, de Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer

Couverture de Le grand A, de Xavier Bétaucourt et Jean-Luc LoyerA part L’Arabe du Futur (tomes 1 et 2) de Riad Sattouf (il faut que je rédige mes avis), un autre album m’a beaucoup plu parmi mes lectures de ces dernières semaines, Le grand A, acheté chez mon libraire BD préférée, Bulles d’encre à Poitiers.

Le livre : Le grand A, de Xavier Bétaucourt (scénario) et Jean-Luc Loyer (dessins), éditions Futuropolis, 2016, 136 pages, ISBN 9782754810388.

L’histoire : 1970. Le maire d’Hénin-Liétard (pas encore fusionné avec Beaumont) refuse, au nom de la défense du commerce du centre-ville, l’installation d’un supermarché sur sa commune. 1972. Le Grand A, le plus grand en France, ouvre sur la commune voisine de Noyelles-Godault. 40 ans plus tard, le commerce se meurt, même le marché hebdomadaire, les zones de vie se sont déplacées, le Grand A est toujours là, avec ses animations, sa politique agressive envers les fournisseurs. Dans cette région à faible pouvoir d’achat (à fort taux de chômage et fort taux de vote FN), il met tout en œuvre pour capter l’acheteur…

Mon avis : l’introduction avec l’histoire du commerce depuis l’Antiquité est un peu déroutante. Les auteurs ont mené leur enquête en centre-ville (marché qui souffre, marché de noël déserté), auprès de la direction, des fournisseurs, des caissières. Autour de Lens, il y a trois pôles d’attraction aujourd’hui, « Racing-club de Lens, le Louvre Lens [je vous en parle un de ces jours aussi] et la galerie marchande d’Auchan« . Les auteurs montrent comment l’hypermarché s’adapte à son public, avec un grand rayon de spécialités polonaises (c’est aussi le premier magasin qui a testé le hard discount au sein de ses rayons), comment il réussit à faire dépenser plus à des gens qui ont un faible pouvoir d’achat, organisant la pénurie d’un jouet à Noël (mais en mettant une palette de côté), une ouverture le 23 décembre de 5h à 23h… Si le sous-titre (Il mange 195 jours de notre vie) semble présenter tout un programme, les auteurs ont voulu garder une approche plutôt neutre, le directeur n’est pas mis face à son cynisme, en contrepoint sont interrogés des fournisseurs (avec quelques pages sur la filière de la volaille industrielle) ou les caissières. Ils auraient peut-être pu s’engager un peu plus sur l’aspect politique, même s’ils soulignent la contradiction du Front national : leur discours national est contre la grande distribution et la désertification des centres-villes, mais localement, ils ne vont pas critiquer le Grand A où se rendent tous leurs électeurs… C’est peut-être dans le dossier qui clôt la bande dessinée (comme souvent dans cette collection) que se trouvent les propos les plus engagés.

Sur le plan du dessin, les couleurs sont plutôt sombres, avec beaucoup de gris et d’ocre.

Pour ma part, le supermarché, je n’y vais plus depuis des années… Le marché (pas forcément plus cher, voir mon « étude locale et subjective » sur le prix du poulet en 2012) pour la quasi totalité des courses alimentaires, un M. de centre-ville pour le reste.