Un album qui a reçu le prix des libraires en 2013, recommandé par Frank, le patron de la librairie BD de Poitiers, Bulles d’encre, à Maryse, qui l’a lu et me l’a prêté… Vous aurez donc nos deux avis!
Le livre : Le singe de Hartlepool de Wilfrid Lupano (scénario) et Jérémie Moreau (dessins et couleurs), collection Mirages, éditions Delcourt, 2012, 95 pages, ISBN 978-2-7560-2812-5.
L’histoire : en 1814, en pleines guerres napoléoniennes, au large de l’Angleterre. Alors que le jeune mousse d’un bateau français vient d’être jeté à la mer pour avoir chanté une chanson dans la langue de l’ennemi, le bateau est frappé par la foudre et fait naufrage. Les habitants de Hartlepool, sur la côte, récupèrent un rescapé, habillé d’un uniforme français et portant un tricorne. Est-ce bien un Français? Le père du maire, rescapé gravement blessé des guerres napoléoniennes, vient le confirmer sur la plage. Un médecin de passage, victime d’une avarie de diligence, a beaucoup plus de doutes en soignant les personnes mordues par le prisonnier, mais il ne l’a pas encore vu. Pendant ce temps, le jeune mousse a aussi survécu et joue avec les enfants du village et le jeune Charles, le fils du médecin. Le chimpanzé, mascotte du bord, est jugé et condamné à mort comme espion français…
Mon avis: inspiré d’une légende qui a probablement sa part de réalité, et qui s’ancre dans la vieille histoire du meurtre du bouc émissaire (comme l’affaire de Hautefaye, dont je vous ai parlé l’autre jour). Un village reculé, isolé au bord de la mer, avec des habitants ignorants, dont la haine du Français est entretenue par un vétéran qui a survécu aux guerres napoléoniennes mais est revenu amputé des deux jambes… A part le singe, ce sera la seule victime de cette affaire, victime de lui même, puisqu’il se blesse mortellement en tirant un coup de canon. Avec le port de l’uniforme français par le singe, cet accident est le fait déclencheur de l’acte de vengeance. Le médecin humaniste présent par hasard (le père de Charles Darwin) ne peut rien pour éviter la pendaison du prisonnier, mais il ne fait pas non plus un grand effort pour essayer de lui rendre visite avant son exécution. Côté bande dessinée, les visages sont simplifiés mais rendent bien les expressions des protagonistes. L’ambiance est souvent sombre, la tempête, la pluie, l’intérieur de l’auberge. Un album à découvrir!
L’avis de Maryse: Cette BD raconte une histoire basée sur un fait réel, c’est en fait une tragédie qui met en scène la noirceur, la méchanceté, la bêtise (et c’est un euphémisme) de l’âme humaine. Un malheureux singe habillé en costume de marin français va être pendu après avoir été capturé par les gens du village tout près duquel a échoué le bateau où il se trouvait. Il devient un bouc émissaire et un tribunal se réunit sur la place du village pour le juger en tant que français. Rasé pour être plus présentable, il subit alors « une parodie de justice ». Les personnages, les français du bateau et les anglais du village, sont caricaturés comme des êtres stupides et ignorants et le dessin souligne ces traits de caractère. Les visages sont hideux et les couleurs où dominent les bruns, les noirs et les gris alourdissent l’atmosphère. C’est pesant! Les enfants aussi ne sont pas ménagés, ils ressemblent à leurs parents. Et à la fin de la BD… mais, on ne raconte pas la fin, subsiste un espoir…
Personnellement l’histoire m’a laissé une impression de malaise et pourtant j’ai aimé la manière dont elle était écrite et dessinée. Le réalisme avec lequel elle est racontée m’a glacée et c’est en même temps ce qui en fait l’intérêt.
Pour aller plus loin: voir les blogs de Wilfrid Lupano et de Jérémie Moreau.
Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.